Le50enligneBIS
> Paroisses (Manche) > pqrs > La Ronde-Haye > Histoire > La Ronde-Haye - Notes historiques et archéologiques

La Ronde-Haye - Notes historiques et archéologiques


La Ronde-Haye, Rotunda Haya, ou encore Haia.

L’église a reçu la disposition cruciforme par l’adjonction de deux chapelles nouvellement construites : elle n’offre aucun intérêt monumental. Le mur septentrional de la nef attire seul les regards de l’observateur pendant quelques instants : il date du XIe ou XIIe siècle. On voit qu’il a subi des retouches importantes ; mais, malgré la couche de mortier dont il est en partie couvert, on y reconnaît encore facilement l’opus spicatum. On y remarque aussi trois petites fenêtres, dont une seule pierre forme le cintre, et qui ressemblent un peu à des meurtrières : dans les XIe et XIIe siècles, on faisait beaucoup de ces fenêtres dans les églises de campagne. Ce mur est aussi percé d’une fenêtre du XVIe siècle.

Le mur absidal est droit, et se termine en forme de pignon triangulaire. On y a adossé une sacristie.

La tour est une masse lourde, carrée, et qui se termine par un petit toit à double égout. Elle est placée au bas de la nef, et ne doit pas être antérieure au XVIe siècle.

Le sommet de cette tour n’offre pas pour couronnement l’accessoire indispensable de tout clocher : le coq traditionnel, malgré sa longue possession, et son origine bien antérieure au Xe siècle, ne se montre pas au-dessus de l’église. D’où vient cette exclusion ? Est-ce une innovation ? Elle serait aussi fâcheuse que beaucoup d’autres qu’on fait subir aux églises, et de plus elle serait la violation d’anciennes traditions irrécusables. Serait-ce un oubli ? Mais peut-on oublier que le coq des clochers a pour lui une popularité universelle, des coutumes non écrites, et même des prescriptions formelles ? On lit en effet dans le pastoral de Châlons-sur-Saône : " Il doit y avoir au dessus de chaque clocher une croix de fer avec un coq du même métal. " Qui ne sait aussi que les ouvrages liturgiques nous apprennent que le coq, placé au sommet de nos édifices sacrés, n’est pas un simple appareil, destiné à indiquer la direction du vent ; mais que, dans la pensée de nos pères, il a une signification mystique, un sens symbolique ? Guillaume Durand, évêque de Mende, mort à la fin du XIIIe siècle, nous dit en effet que le coq est l’emblème de la vigilance chrétienne, que par son chant, répété au milieu de la nuit, et pour lequel en se battant les flancs de ses ailes, il figure les ".....?" qui prêchent avec force ; les pasteurs zélés, et "......?" de la parole sainte qui chantent le jour qui va paraître, lorsqu’ils annoncent le jugement de Dieu et la gloire éternelle. [1]

Le font baptismal n’offe pas une forme décente et convenable. Puisse-t-il être remplacé par un autre plus en harmonie avec son saint usage !!

Je remarquai avec peine que le cimetière était en partie dépourvu de clôtures, et que par son état d’entretien, il ne pouvait pas inspirer ces sentiments de respect auxquels ont droit ceux qui y reposent. [2]

Sur une tablette en pierre, encastrée dans le mur méridional du chœur, j’ai relevé l’inscription suivante :

CY DEVANT...............
PERSONNE M. JEAN BARBOV PRESTRE VIVANT
ARCHIDIACRE EN L’EGLISE DE COVSTANCES
POUR LE VAL-DE-VIRE ET CVRE DE LA PREMIERE
PORTION DE CE LIEV QUI A FONDE A PERPETUITE
SIX MESSES PAR SEMAINES QUI SERONT
CELEBREES PAR LE MAISTRE D’ESCOLE
POVRVEV A LA CHARGE ET TOUS LES SECONDS
VENDREDYS DES MOYS SERA CHANTEE
SOLENNELMENT UNE MESS EN L’ HONNEUR
DE LA CROIX ET PASSION DE NOSTRE
SEIGNEUR ET SERA ENTONNE TOUS LES
DIMANCHES ET FESTES DE L’ANNEE
LE REPOND DE ME RECORDERIS ENTRE
L’OFFERTE ET LE PER OMNIA ET VN
LIBERA LE JOUR DE PENTECOTE ET
DE TOUS LES SAINCTS LE TOUT
SUIVANT LES CLAUSES DU CONTRAT DES
FONDATIONS DEVANT FAVVEL ET
TOVLORGE TABELLIONS EN MIL SIX
CENTS SOIXANTE. IL A AUSSI
ANOBLY LA FESTE DV SAINCT ANGE
GARDIEN EN LA CATHEDRALE ET
FONDE EN L’EGLISE DE SAINCT DENIS
LE VESTV LIEV DE SA NAISSANCE
L’OCTAVE DV SAINST SACREMEMENT DE
L’AUTEL. IL VOUS PRIE LECTEUR
PASSANS ET PIEUX DE DIRE REQUIESCAT
IN PACE PATER NOSTER ET AVE MARIA.
IL TREPASSA LE J. J° D’OCTOBRE 1671.

L’église est sous le vocable de Notre-Dame. Elle payait une décime de 38 livres, et dépendait de l’archidiaconé et du doyenné de la chrétienté. Le patronnage appartenait au roi. Lors de la rédaction du Livre noir, l’église était divisée en deux portions qui l’une et l’autre valaient 46 livres 10 sous ; les curés partageaient tout par parts égales : Et percipiunt equaliter omnia.

Dans le XIVe siècle, la paroisse continuait d’être divisée en deux portions, dont Jeanne, reine de Navarre, avait alors le patronage. Les deux curés, qui percevaient une part égale dans les dîmes, avaient aussi l’un et l’autre un presbytère et des terres aumônées ; ils se partageaient les charges, et ne devaient recevoir la visite de l’archidiacre qu’une fois par an ; ils payaient ensemble 20 deniers pour la chape de l’évêque, 49 manteaux pour droit de visite, 20 deniers pour le saint chrême, et 6 sous pour la débite. Les deux portions étaient réunies avant 1789 ; car, il ne se présenta qu’un seul curé pour la paroisse de la Ronde-Haye à l’assemblée des trois ordres du grand bailliage du Cotentin.

Le Livre blanc remarque que, dans le XIVe siècle, il n’y avait dans la paroisse aucune chapelle : Item nulla capella est in dicta parrochia.

Faits Historiques

La paroisse de la Ronde-Haye porte un nom qui nous vient des Normands. Les auteurs ne sont pas d’accord sur la signification du mot haia, que l’on trouve très fréquemment dans nos noms topographiques : ainsi, Haya Podii, la Haye-du-Puits, Haya Paganelli, la Haye-Pesnel, Haya Comitissœ, la Haye-Comtesse, Haya de Esquetot, la Haye-d’Ectot, Orba Haya, l’Orbe-Haye. Des écrivains voient dans le mot haia la signification de bois, et plusieurs bois en effet s’appellent encore hayes. D’autres, comme Robert Cenalis [3] et Daniel Huet [4] pensent que ce mot signifie enceinte de pieux et d’arbres. Ces enceintes, faites pour les plaisirs de la chasse, étaient très-communes chez les Normands. Le nom de la Ronde-Haye, Haya rotunda, nous représenterait donc une enceinte circulaire.

Cette paroisse dépendait du domaine de Saint-Sauveur-Lendelin ; et le vicomte de Saint-Sauveur était le sénéchal des terres qui relevaient de ce domaine. C’était au roi que les possesseurs de fiefs rendaient aveu pour leurs terres et seigneuries, situées dans la paroisse de la Ronde-Haye. Ainsi, on lit dans des registres du domaine de Saint-Sauveur-Lendelin :

" Aveu rendu au Roy par Jean le Breton de la Bretonnière, ecuyer, sieur de Petit Pleune, le 28 juillet 1485, d’une pièce de terre scise en la Ronde Haye, nommée les Bonnes Fiefs contenant environ 2 acres tenue sous la mouvance du domaine de Saint Sauveur Landelin envers lequel il est du 4 boisseaux froment, 1. pain, 1. chapon avec reliefs traiziemes . " [5]

Autre " aveu rendu au roi par Pierre Ynor, conseiller avocat du Roy à Coutances ainé du fief Robert-Paillard et autres ses puinés le 14 mars 1680. Led. fief scitué en la paroisse de la Ronde Haye contenant environ 24 acres tenus sous la mouvance du domaine de Saint Sauveur Landelin. Mais il est du 4. pains, 4 gélines au terme de Pâques et 9 s. 1. d. au terme St Michel avec reliefs et traizièmes. "

Dans le cours du XVIIe siècle, on ne comptait à la Ronde-Haye qu’un seul fief noble, nommé le fief d’Yseran, qui appartenait à Jacques de Pertout, écuyer, sieur d’Ivrande. Le moulin à eau qui en dépendait était d’un revenu de 100 livres. Ce fief relevait du Roi, comme nous l’apprend l’acte qui suit : " Dilligence faite requête du sieur procureur du roy du bailliage et vicomte de Saint Sauveur Landelin le dimanche 10 septembre 1623 à l’issue de la messe parroissiale de la Ronde-haie, par la quelle les parroissiens dudit la Ronde-haie sont sommés de déclarer s’il n’y a aucuns francs-fiefs ni communs en ladite parroisse, les quels parroissiens ont déclaré que le Roy est le seigneur et patron de ladite parroisse à cause de la comté de Saint Sauveur Landelin, et qu’il y a un fief noble nommé le fief d’Yseran, lequel releve du Roy à cause du dit domaine. " Ce fief d’Yseran fut plus tard réuni au domaine ; car on lit dans un acte des archives du domaine de Saint-Sauveur-Lendelin : " Diligence faite le dimanche 15 janvier 1668, à l’issue de la messe parroissiale de la Ronde-haie requête de Bonaventure de Mauconvenant, écuyer, sieur de Ste Suzanne, Conseiller du Roy, vicomte de St Sauveur Landelin, commis à faire la recette des charges locales du domaine dudit lieu et chargé du recouvrement des revenus rentes et droits dus au fief du Mesnil Yserant situé en la paroisse de la Ronde-haie rèuny au corps du domaine par arrêt de la chambre des comptes de Normandie, le 19 avril 1667, par la quelle diligence il est déclaré et fait deffenses aux redevables du dit fief du Mesnil Yseran tant en bled argent qu’autres droits seigneuriaux de payer leurs redevances à d’autres personnes qu’audit sieur vicomte... "

En l’année 1636, Pierre de Rihouey, écuyer, conseiller du roi, vicomte de Coutances, se disait sieur d’Iseran. Sa nièce Marie-Françoise de Rihouey épousa Louis Ferrand, écuyer, sieur de la Conté.

On trouve mentionné à la date de 1476, qu’anciennement Jean de Saint-Denis et Jean de Millières avaient possédé des terres à la Ronde-Haye.

Il existe à la Ronde Haye un lieu nommé le Temple, et que Cassini a marqué sur sa carte. Je n’ai pu découvrir pourquoi ce lieu est ainsi nommé. On sait que beaucoup de temples protestants ou prêches furent détruits en l’année 1685.

Source :

Notes

[1] Recherches sur les coqs des églises, par M. l’abbé Barraud, Bulletin monumental, tome XVI, page 277.

[2] Depuis ma visite, l’église de la Ronde-Haye a dû subir des changements et être agrandie. Il est à désirer qu’on profite de ces travaux pour mettre cette église dans un état décent, et lui imprimer ce caractère religieux qu’alors elle ne possédait pas suffisamment.

[3] Evêque d’Avranches dans le XVIe siècle.

[4] Evêque d’Avranches à la fin du XVIIe siècle.

[5] Le relief était un droit que le seigneur dominant exigeait du vassal dans des cas prévus. Les fiefs furent d’abord amovibles, et ce ne fut que plus tard qu’ils devinrent héréditaires. Le fief, malgré ce droit d’hérédité. ne passait pas directement du vassal à son héritier ; il revenait fictivement au seigneur, et l’héritier n’en devenait propriétaire qu’après l’investiture que le seigneur ne refusait pas ; mais il y mettait un prix, et c’était ce prix qu’on appelait relief. Ce droit était ainsi nommé parce qu’il relevait le fief, tombé en caducité par la réversion qui s’en était faite au profit du seigneur. Le droit de treizième consistait aussi en une redevance que le vassal payait au seigneur, lorsqu’il vendait son fief.