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Cerisy-la-Salle - Notes historiques et archéologiques


Cerisy-la-Salle, Cerisiacum, Ceriseium.

L’église n’offre pas un grand intérêt. Deux chapelles forment bas-côté pour une partie du chœur ; elles sont mises en communication avec lui par deux grandes arcades surbaissées qui existent de chaque côté, et que divise un pilier quadrilatère.

Les fenêtres qui éclairent cette église sont en général insignifiantes. Deux cependant, dans le mur septentrional, peuvent dater du XIIIe siècle ; elles sont étroites et à ogive.

On remarque dans les murs, à l’intérieur, deux crédences du XVIe siècle.

Le mur absidal est droit et percé d’une grande fenêtre ronde.

L’église est précédée d’un joli porche du XVe siècle. Son arcade à ogive porte sur des colonnes dont les chapiteaux sont ornés de feuillages. Les arceaux de la voûte en pierres retombent sur de simples consoles : à leur point d’intersection on distingue un écusson chargé de trois étoiles 1 et 2. L’arc triomphal entre le chœur et la nef est du XIVe siècle. Les chapiteaux des colonnes sont garnis de volutes mousseux ou un peu épanouis.

On remarque le long d’une partie du chœur dans l’intérieur un reste de sablière qui repose sur des consoles en bois dont une offre encore une figure grimaçante. Je pense que l’ancienne voûte était soutenue par des poteaux ou piliers verticaux qui reposaient sur des entraits ou poutres transversales.

Le maître-autel, par une disposition particulière à cette église, est placé au milieu du chœur, usage antique suivant lequel on est convenu d’appeler autel à la romaine celui qui est ainsi établi : il est surmonté d’un baldaquin avec rideaux rouges. Peut-on, dans la décoration d’un autel, faire preuve d’un aussi mauvais goût ? M. le curé me promit de faire enlever ces prétendus ornements. Comment se rencontre-t-il de pieux fidèles qui ne craignent pas de décorer un autel comme un salon ou une chambre à coucher ? [1] Ils ignorent donc que, pendant les huit premiers siècles de l’église, on pensa qu’aucun ornement ne devait être mis à côté et en présence de la sainte Eucharistie, et qu’on ne déposait sur l’autel que le livre des évangiles, renfermant la parole de Dieu même ?

Lorsqu’on visite, comme sujet d’études archéologiques, un grand nombre d’églises rurales, on est surpris de voir aussi souvent des dépenses mal entendues, des décorations qui enlèvent aux églises les idées chrétiennes, les pensées religieuses qu’elles devraient inspirer. Ici ce sont des figures de saints, de martyrs, qu’on prendrait pour des athlètes païens ou des boxeurs anglais : là des images de saintes qui ne réveillent que des idées mondaines. Dans l’une, les décorations de l’autel ressemblent à celles d’un théâtre : dans l’autre, ce sont de prétendus enjolivements qui peuvent convenir à un salon, mais jamais à un temple chrétien. J’ai quelquefois trouvé dans le clocher ou dans un coin de l’église, reléguées et couvertes de poussière, des statues d’un travail grossier, d’une pose raide, mais dont la vue me saisissait plutôt d’une impression religieuse que l’aspect de celles qui décoraient l’église et excitaient l’admiration du curé et des marguilliers.

La tour de l’église de Cerisy est établie à l’extérieur, vers le nord. Elle est quadrilatère et se termine par une flèche couverte en ardoise.

Sur une plaque en cuivre, placée dans le chœur, j’ai relevé l’inscription suivante :

D. O. M. 
EGO DORMIO ET COR MEUM VIGILAT.
ICI REPOSE LE COEUR DE HAUT ET PUISSANT SEIGNEUR
JACQUES RICHIER, SEIGNEUR ET PATRON DE CÉRISY,
ANNOVILLE, SAUSSEY ET AUTRES LIEUX, ABBÉ DE CHANGE,
ET ÉVÊQUE ET SEIGNEUR DE LOMBEZ.
ILLUSTRE PAR SA NAISSANCE,
IL FUT ENCORE PLUS RECOMMANDABLE PAR SES TALENTS,
ET SES VERTUS. IL CONVERTIT LES HERETIQUES PAR
SON ZÈLE VRAIMENT APOSTOLIQUE, RAMENA LES
PÊCHEURS PAR SES EXHORTATIONS ET SES EXEMPLES,
FIT LE BONHEUR DE TOUT CE QUI L’ENVIRONNA.
IL FUT LE PÈRE DE L’ORPHELIN ET LE PROTECTEUR DE LA VEUVE,
L’ASILE ASSURÉ DES MALHEUREUX, L’OBJET ET L’AMOUR
DE SON TROUPEAU ET LE BIENFAITEUR DE SA VILLE
QU’IL RENDIT COMMERÇANTE ET PRATICABLE EN ARRÊTANT
LES INONDATIONS QUI LA DÉSOLAIENT.
PLEIN DE MÉRITES ET DE BONNES OEUVRES IL MOURUT A MONTPELLIER
D’OÙ SON CORPS FUT TRANSPORTÉ A LOMBEZ LE 15 JUILLET 1771.
TRÈS HAUTES ET TRÈS PUISSANTES DAMES
MADAME DE CÉRISY, SA BELLE SOEUR
ET MADEMOISELLE DE CÉRISY, SA NIÈCE
AVANT RECOUVRÉ SON COEUR, ARROSANT DE LEURS LARMES
CES PRÉCIEUX RESTES
L’ONT DÉPOSÉ DANS CE LIEU SACRÉ AUPRÈS DE CET AUTEL,
ÉRIGÉ PAR SES SOINS, ET ONT ÉLEVÉ
CE MONUMENT
DE LEUR PIÉTÉ ET DE LEUR RECONNAISSANCE
A LA MÉMOIRE DE CET ILLUSTRE PRÉLAT.

Au-dessus de cette inscription, on voit les armes du défunt qui portait de sinople à la bande d’argent, côtoyée de deux filets de même, au lion passant d’or en chef. L’écu qui est timbré d’une couronne de comte, est accompagné des insignes épiscopaux, la crosse, la mitre et le chapeau à double pendant garni de dix houppes.

Dans le cimetière, sur une prière tumulaire on lit :

HIC JACET
JOSEPHUS FRANCISCUS
PLANCHON ADVOCATUS
EX TABULARIUS
JUDEXQUE PACIS
DEFUNCTUS 25 8bris 1836
ANNO VITAE 78
ORA PRO EO.

L’église de Cerisy est sous le vocable de saint Pierre. Elle dépendait de l’archidiaconé de la chrétienté et du doyenné de Cenilly, et payait une décime de 60 livres.

Le patronage était laïque, et le seigneur du lieu présentait à la cure. Dans le XIIIe siècle, le curé n’avait que la troisième gerbe et l’autelage, ce qui lui valait 70 livres. Les deux autres gerbes appartenaient à Guillaume de Cerisy, écuyer et patron du lieu.,

Il y avait au château de Cerisy une chapelle que Jacques Richier de Cerisy, évêque de Lombez, y avait érigée.

Faits historiques

Guillaume de Tyr cite un Cherisy parmi les nombreux chevaliers qui, en 1096, prirent la croix avec Godefroy de Bouillon. J’indique ce nom sans savoir s’il appartient à la paroisse de Cerisy-la-Salle.

On lit, à la date de 1327 : «  Robert de Pierrepont escuyer tient par hommage de M. Eustache de Pirou chevalier un fié de haubert en la paroisse de Cerisy franchement a gage plège et en rent audit chevalier les trois aydes de Normandie et vaut de revenu audit escuyer 25 livres. »

Il y avait à Cerisy, dans le cours du XVIIe siècle, deux fiefs nobles : le fief du Breuil et le fief de Cerisy. L’un et l’autre appartenaient à Gédéon Richier, seigneur de Cerisy. En 1666, François et Jean Richier de Cerisy prouvèrent qu’ils étaient d’ancienne noblesse.

La paroisse ne fut d’abord connue que sous le nom de Cerisy ; mais, plus tard, le marquis de la Salle y ajouta le nom de sa terre, érigée en marquisat, et alors elle s’appela Cerisy-la-Salle.

Des lettres patentes du roi, obtenues en l’année 1776, unirent le marquisat de la Salle et celui de la Haye-du-Puits sous le nom de Caillebot-la-Salle ; et, depuis cette époque, la paroisse prit le nom de Cerisy-Caillebot ou même de Cerisy-Caillebot-la-Salle. Enfin, en 1790, cette paroisse reprit son ancienne dénomination de Cerisy-la-Salle et laissa celle de Caillebot-la-Salle.

On trouve comme seigneur et patron de Cerisy, dans le XVIe siècle, Louis Caillebot, marquis de la Salle. Il épousa la fille d’Olivier Martel, frère d’Etienne Martel de Bacqueville qui devint évêque de Coutances. [2]

Dans le XVIIe siècle, Gédéon Richier de Cerisy.

Dans le siècle suivant, messire Françoise-Anne Richier de Cerisy, marié à Suzanne-Anne-Henriette Jollan.

Jacques Richier de Cerisy ; il occupa le siège épiscopal de Lombez depuis le 22 août 1751 jusqu’au 14 juillet 1771.

Messire Joseph Richier de Cerisy succéda à l’évêque de Lombez dans la seigneurie et le patronage de Cerisy, Saussey, Annoville et autres lieux : il avait épousé noble demoiselle Marie-Françoise de Lisle, fille de messire Pierre-François de Lisle, écuyer, sieur de la Halle, et de Françoise-Elisabeth de Lithaire.

Leur fille, noble demoiselle Jacqueline-Françoise-Elisabeth Richier de Cerisy, épousa Georges-François-Félix, marquis de Cheverue, qui devint chevalier des ordres de Saint-Louis, de Hohenlowe et du Phénix, colonel de cavalerie et maréchal des camps et armées du roi. Il était fils de Julien-Charles-Georges de Cheverue, marquis du Mesnil-Tôve, et de Marie-Antoinette-Geneviève de La Roque : le marquisat du Mesnil-Tôve avait été érigé, en faveur de son père, en 1773. Ses armes sont ainsi citées : de gueules à trois têtes de chèvres d’argent, arrachées et posées 2 et 1.

Le dernier seigneur et patron de Cerisy fut Jean-François-Gédéon Richier, chef-d’escadron de dragons, seigneur aussi des fiefs de Bray et de Grandpré. Il fit partie, en 1789, de la grande assemblée des trois ordres du bailliage du Cotentin.

Château de Cerisy-la-salle

Le château, qui n’est pas antérieur au XVIIe siècle, se compose d’un bâtiment central flanqué de deux pavillons formant corps avancé. Il est entouré de larges et profonds fossés qu’on pouvait remplir d’eau, et qui, aujourd’hui, quoique à sec, impriment encore à ce château un certain caractère.

On remarque dans l’intérieur de vastes cheminées dont les chambranles et les trumeaux sont richement ornés.

A la naissance des toits il existe de petites fenêtres carrées ou arrondies dont le sommet est couronné d’un fronton triangulaire. Dans ce château, plusieurs ouvertures sont cintrées ; on y rencontre aussi la grande et la petite porte cintrée.

On voit sur la porte d’entrée, ainsi que dans l’intérieur du château, des écussons qui portent les armes de ceux qui sans doute ont possédé cette habitation. On y distingue surtout celles de Jacques Richier, évêque de Lombez.

Ce château appartient aujourd’hui à M. Savary, procureur impérial à Rouen. M. Savary père, décédé en 1854, Membre de la Légion-d’Honneur et Maire de Cerisy-la-Salle, m’a fourni des renseignements sur Cerisy et les paroisses voisines, et m’a offert une hospitalité toujours bienveillante lors de mes excursions dans le canton.

Cerisy-la-Salle, chef-lieu de canton, est le siège d’une justice-de-paix et la résidence d’une brigade de gendarmerie ; il s’y tient un marché le samedi de chaque semaine, et une foire le 10 du mois de novembre.

Il existe dans la commune de Cerisy-la-Salle un lieu nommé la Chaire au Diable, et un autre appelé le Cimetière ès Huguenots. Ils sont tous les deux situés dans la partie nord de la commune ; le premier, près du village de la Roulandière, indiqué sur la carte de Cassini sous le nom de la Roulandrie ; le second près d’un endroit dit la Croix Pagnon. Il y a encore un vieux chemin impraticable qui conduit de la Chaire au Diable au Cimetière ès Huguenots. D’après la tradition, il y aurait eu dans cette partie de la commune un prêche où les huguenots se réunissaient pour entendre les prédications de leurs ministres, et ils enterraient leurs coreligionnaires dans le lieu qui a conservé le nom de Cimetière ès Huguenots. On ajoute qu’à cette époque la seigneurie de Cerisy appartenait à un gentilhomme de la religion prétendue réformée. Lorsqu’Antoine Montchrestien se mit au service du parti protestant, il eut commission de soulever ses coréligionaires en Normandie. On sait que Cerisy-la-Salle et quelques châteaux voisins lui étaient dévoués, et qu’il avait dans le pays de nombreux partisans. [3]

Source :

Notes

[1] Ne voit-on pas dans une église, à Coutances, deux reliquaires placés à droite et à gauche de l’autel, et qui sont ornés de rideaux rouges que des patères soutiennent à l’aide de petits cordons avec glands.. ?

[2] Voir supra, page 278.

[3] Mercure de France, passim.