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Bricqueville-sur-Mer - Notes historiques et archéologiques


Bricqueville, Bricvilla, Brechevilla, Bricquevilla.

On sait que le nom de cette commune se compose du mot Bric ou Brec, nom de famille, augmenté du mot villa, qui signifie demeure, habitation.

L’église de Bricqueville ne présente point d’intérêt. Sa nef a été allongée. Une partie de l’ancienne nef est garnie à l’extérieur d’une corniche qui, sans doute, était soutenue par des modillons ou corbeaux qu’on aura fait disparaître.

On remarque dans le mur septentrional de la nef une porte cintrée qu’on a bouchée.

Les fenêtres de la nef et celles de la chapelle, méridionale sont modernes et de forme carrée ; celles du chœur, au sud, sont à ogives, mais sans ornements. Peut-être sont-elles de la fin du XVe siècle.

Le mur absidal est droit, et percé d’une fenêtre à ogives.

Le chœur et la nef sont voûtés en bois.

La tour, entre chœur et nef, est carrée et massive. Elle est placée en dehors, vers le nord. Son étage inférieur forme une chapelle, et elle est couronnée par un petit dôme à calotte hémisphérique. Cette tour est dépourvue de tout caractère architectonique.

A l’entrée du chœur, sur une pierre tumulaire, on lit :

CY GIST LE CORPS DE M. ANDRÉ DESMAREST
CAPITAINE. D. C. DÉCÉDÉ LE 10 SEPTEMBRE 1701. P. DIEV.

L’église est sous le vocable de saint Vigor et de saint Jean. Elle dépendait de l’archidiaconé de la chrétienté et du doyenné de Saint-Pair. La paroisse avait deux portions curiales. L’une et l’autre étaient à la présentation du seigneur, et leur patronage était laïque. La grande portion était taxée à 40 livres, et la petite à 30 livres de décime. Cette division existait encore en l’année 1789. Gallien de Préval était alors curé de la première portion, et Guillaume Lerond de la seconde.

Dans le XIIIe siècle, l’archidiacre Paynel avait le patronage de la grande portion. L’Hôtel-Dieu de Coutances avait sur le fief du roi, in feodo régis, deux gerbes, et le curé la troisième avec l’autelage.

La dame de Saint-Price, domina de Sancto Pricio, avait le patronage de l’autre portion. Sur le fief du Comte, in feodo Comitis, le curé avait toutes les dîmes et le casuel.

Dans le siècle suivant, Jean Paynel avait le patronage de la grande portion. Sauf le fief du roi, sur lequel il n’avait qu’une gerbe, le curé dîmait le surplus de la paroisse. Il payait quatre sous pour la chape de l’évêque, trois sous et deux deniers pour droit de visite, dix deniers pour le saint chrême. Le prieur et les religieux de l’Hôtel-Dieu de Coutances lui devaient 70 sous à cause des novales [1] qui survenaient. L’abbé de Hambye avait la moitié des gerbes que produisait la dîme d’un certain lieu, nommé les Mareschaux, et le curé l’autre moitié ; et même, sur la part de l’abbé, il avait droit à un quartier de froment, un quartier d’orge et un quartier d’avoine. Les oblations de la chapelle du manoir de Jean Paynel lui appartenaient trois fois par an, aux fêtes de Noël, de Pâques et de l’Ascension, à l’exception de celles que faisaient les personnes qui visitaient la chapelle par dévotion pour saint Eloi, ob devotionem sancti Eligii. Le presbytère avait quinze vergées de terre, et les paroissiens payaient douze sous tournois pour droit de visite.

M. Robert Servain, à cause de Michelle de Chanteloup, sa femme, avait le patronage de la petite portion. Le curé percevait toutes les dîmes, et avait un presbytère avec trois vergées de terre. Il payait quatre sous pour la chape de l’évêque et dix deniers pour le saint chrême.

Faits historiques

A l’extrémité de la commune, sur les bords de la mer, on voit encore quelques ruines du château de Bricqueville-sur-Mer, appelé le Château de Grimaldi, forteresse qui, disait-on, remontait au IXe siècle.

L’enceinte, de forme carrée, était flanquée de quatre tours circulaires aux quatre angles. Ces tours, dépourvues de créneaux, avaient environ trente pieds de hauteur.

Ce château fut démoli il y a soixante ans environ.

Après la mort de Henri Ier, duc de Normandie, Etienne, comte de Boulogne, neveu de Henri, et petit-fils du Conquérant par Adèle, sa mère, homme entreprenant, s’empara du trône d’Angleterre, et se fit déclarer duc de Normandie. Mathilde, de son côté, fit valoir les volontés de son père, qui l’avait fait reconnaître son héritière par tous les barons normands. Tandis qu’elle se montrait en Angleterre, Geoffroi, comte d’Anjou, son mari, se jeta sur la Normandie. Presque tous les barons se soumirent et lui firent hommage. Raoul de La Haye et son frère Richard tinrent pour la cause d’Etienne. Maîtres de plusieurs châteaux-forts, ils voulurent arrêter Geoffroi dans le cours de ses conquêtes. Ils levèrent des troupes, garnirent leurs forteresses d’hommes et de vivres, et se mirent en campagne ; mais Raoul fut battu, et obligé de rendre les châteaux-forts de Muneville, de Chanteloup et de Bricqueville-sur-Mer. [2]

Le domaine de Bricqueville a appartenu à la puissante famille des Paynel. Ainsi, on voit qu’au commencement du XIIIe siècle, Fouques Paynel tenait le fief de Bricqueville-sur-Mer de l’abbaye du Mont-Saint-Michel et devait le service d’un chevalier. Fulco Paganellus tenet de illo (de abbate Montis) Briquevillam per servicium unius mililis. [3]

L’état des fiefs de l’élection de Coutances, que le grand bailli de Cotentin rédigea en l’année 1327, nous apprend qu’alors la seigneurie de Bricqueville appartenait à Gilbert de Malesmain. Ainsi, on lit dans un aveu de la même époque que « M. Raol de Saucey, clerc, tient un tenement à Bricqueville-sur-la-Mer, de Guillebert Malemain, escuyer, par hommage, et vaut soixante sous de revenus ou viron, bon an mal an. »

Après Gilbert Malesmain, la seigneurie de Bricqueville, du moins en partie, appartint à Guillaume de Tournebu, car un acte du roi Charles V, dans le cours du XIVe siècle, nous apprend que « en la baronnie de S. Paer il a pluseurs porz de mer ou il arrive ou peut ariver de jour en jour pluseurs vesseaulx denrées marchandises desqueles les coustumes et autres devoirs appartiennent aux religieulx du Mont Saint-Michel et nientmains Guillaume de Touruebu chevalier sire de Briqueville sur la Mer pour partie et par cause de sa fame laquele terre est tenue par hommage des diz religieux pour cause de leur dite baronnie et assise es metes d’icelle..., en icelle terre de Briqueville avoit un port de mer appelé Lessay de Briqueville enquel maintes denrées et marchandises venanz en neefs et autres vesseaulx de mer arivent ou peuvent ariver et descendre et aussi de la terre charger es diz vessaulx pour entrer en mer. »

Cet acte, intéressant par les détails qu’il nous fournit sur le port de Bricqueville-sur-Mer, nous apprend encore que Guillaume de Tournebu avait obtenu, à l’insu des religieux, un marchié au jour du vendredi en la dite ville de Bricqueville et une foire.... Mais le roi, sur la réclamation sans doute des religieux du Mont-Saint-Michel, révoqua le privilège, et supprima la foire et le marché.

Il paraît que le domaine de Bricqueville redevint la propriété de la famille Paynel ; car Nicolas Paynel, seigneur de Bricqueville, et qui était fils de Fouques Paynel et d’Agnès de Chanteloup, demanda au roi Charles VI la permission de relever son château et d’en rebâtir les tours. [4]

Ce Nicolas Paynel épousa Jacqueline de Varenne, veuve de Raoul Tesson, seigneur du Grippon. Leur fils Jean fut aussi seigneur de Bricqueville. Plus tard, un de leurs descendants se maria à Jeanne du Mesnildot.

Nicolas Paynel, qui était encore seigneur de Bricqueville lors de l’occupation anglaise, resta fidèle à la cause de la France. Henri V, roi d’Angleterre, confisqua son château et ses terres, et les donna au comte de Huntingdon. Le 28 septembre 1421, le roi chargea Guillaume, comte de Suffolk, et Jean d’Arsheton, son bailli dans le Cotentin, de raser les forteresses de Bricqueville et de Chanteloup.

Après l’expulsion des Anglais, la seigneurie de Bricqueville rentra dans la famille Paynel, qui, plus tard, la porta par un mariage dans celle des de Piennes.

Vers la fin du XVe siècle, un des membres de cette famille vendit le domaine de Bricqueville à Elisabeth de Montboucher, veuve de Jean de Montgommery.

Ce domaine resta la propriété des Montgommery pendant plusieurs siècles ; mais, en l’année 1769, la marquise de Thiboutot, qui en était devenue propriétaire, le vendit à Pierre Duprey, conseiller du roi, lieutenant ancien civil et criminel au bailliage de Coutances. Une de ses filles, Françoise-Louise-Victoire Duprey, le porta en mariage à Philippe-François-Henri Abaquesney, écuyer, seigneur et patron de Parfouru.

La religion réformée eut ses partisans dans le pays, Ainsi, on vit, en l’année 1567, un curé de Bricqueville-sur-Mer, nommé Pierre Cirou, abjurer la religion catholique et embrasser les nouvelles doctrines. Il ne voulait ni dire la messe, ni administrer les sacrements à ses paroissiens, et cependant il prétendait percevoir les dîmes qu’on refusait de lui payer. L’official de Coutances le fit appeler, et se contentant de le réprimander, il le renvoya gouverner sa paroisse. Cette indifférence de l’autorité religieuse supérieure engagea plusieurs prêtres à adopter la nouvelle religion, qui leur offrait une doctrine plus conforme à leurs penchants.

Dans le cours du XVIIe siècle, il y avait à Bricqueville neuf fiefs nobles.

  • Les fiefs de la grande Sieurie de Bricqueville, Saint Eloy et les Maizieres appartenaient au seigneur de Montgommery.
  • Les fiefs de la Saucée et à Annoville étaient au seigneur de Cerisy.
  • Celui de la Vallée au seigneur de la Bazoche.
  • Celui de Beaumanoir appartenait au seigneur d’Auxais.
  • Et celui de la Motte, qui n’était qu’un démembrement de la grande Sieurie, appartenait à Jean-Baptiste Pillon.

On trouve comme seigneurs et patrons de Bricqueville-sur-Mer dans les XVIIe et XVIIIe siècles :

Jean-Charles Michel, chevalier, seigneur aussi de Camprond, Cambernon et gouverneur de Coutances.

Sa veuve, Elisabeth de la Vieuville, prenait le titre de châtelaine et patronne de Bricqueville, Sainte-Marguerite et Saint-Martin-le-Vieux.

François-Louis Michel ; il épousa Marie-Madeleine de Cauvet.

Pierre Duprey ; il prenait les titres de seigneur, châtelain et patron de Bricqueville, Chanteloup, Cérences, Saint-Martin-le-Vieux et Verge de Sainte-Marguerite.

Bricqueville-sur-Mer est aussi nommé Bricqueville-les-Salines, à cause du sel qu’on y fabrique. Cette industrie, autrefois fort étendue, a perdu toute son importance. On comptait à Bricqueville plus de soixante salines qui aujourd’hui sont réduites à trois. Cette décadence des salines remonte à la fin du XVIIIe siècle, époque lors de laquelle on supprima les droits et les règlements. Le sel qu’on fabrique à Bricqueville est fin et blanc, et s’obtient par ébullition.

Source :

Notes

[1] On appelait novales les terres nouvellement défrichées, et qui de temps immémorial n’avaient pas été cultivées. On nommait dîme novale celle qui ce percevait sur les fruits des terres nouvellement mises en labour.

[2] Mss. de M. Lefranc.

[3] Voir le registre de fiefs du roi Philippe-Auguste.

[4] Mss. de Lefranc. Histoire militaire des Bocains, par Richard Seguin.