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Le Mesnil-Garnier - Notes historiques et archéologiques


Le Mesnil-Garnier, Mesnilum Garini, Mesnillum-Garnerii.

L’église appartenait primitivement à la période romane ; mais, aujourd’hui, elle a en partie perdu son premier caractère. Ses deux chapelles, l’une au sud et l’autre au nord, lui donnent la forme d’une croix. Ce qui prouve qu’il y a eu une église plus ancienne que celle actuelle, c’est que le long des murs intérieurs de la nef on a conservé des consoles qui sans doute soutenaient les arceaux de l’ancienne voûte. Ces consoles sont ornées de têtes à figures humaines et de moulures ressemblant à des pommes de pin. Les colonnes soutenant les arcades qui mettent le chœur et les chapelles en communication avec la nef ont aussi leurs chapiteaux ornés.

Dans le mur méridional du chœur, on remarque une porte romane cintrée, aujourd’hui bouchée, dont l’archivolte est ornée d’un cordon de zigzags, et repose sur des chapiteaux qui offrent pour ornements des figures grimaçantes, des fleurs et des espèces de pommes.

Le chœur et la chapelle méridionale ont été voûtés en pierre dans le XVIIe siècle, comme l’indiquent les dates de 1626 et 1665 qu’on y lit. La voûte de l’autre chapelle est plus ancienne. La forme des tores et des canelures parait appartenir au XIVe siècle.

Les murs du chœur et ceux des chapelles sont à pans coupés. Sur ceux du chœur, les contreforts sont appliqués sur les angles, ce qui donne à penser que ces murs ont été refaits dans le XVe ou XVIe siècle. Les contreforts qui tapissent les murs sont peu saillants ; peut-être les a-t-on replacés sur les murs reconstruits tels qu’on les avait trouvés sur les anciens murs.

La nef est voûtée en bois. Toutes les fenêtres qui éclairent l’église n’ont aucun caractère.

La tour est carrée, surmontée d’une petite flèche octogone, dont une partie a été détruite par la foudre. Aux quatre angles sont quatre petits clochetons ou tourillons, sans fenêtres ni ouvertures.

La sacristie est placée derrière l’autel. On y entre par deux portes donnant sur le sanctuaire, à droite et à gauche de l’autel.

Les colonnes de l’autel sont ornées de petites figures, de grappes de raisin dont des oiseaux becquètent les grains.

On voit dans cette église plusieurs pierres tumulaires portant les dates de 1660 et de 1676. Les inscriptions sont ou effacées ou en partie cachées.

Dans le chœur, on lit :

CY GIST LE CORPS
DE DISCRÈTE P.
IVLAN LE JOLIVET
P. CVRÉ DE CE LIEV QVI
DÉCÉDA LE SIX DE NOVEMBRE
1704.

CY GIST M.
FRANÇOIS HINET VIC.
DE CE LIEV M. ES-ARTS
ET GRADVÉ DÉCÉDÉ
LE 26 JANVIER 1726
ÂGÉ DE 27 ANS.

Dans la chapelle méridionale, au pied des marches de l’autel, on lit :

ICY GIST LE CORPS DE M.
JEAN DESFONTAINES pbre
CVRÉ DE BAVOLET DÉCÉDÉ
LE 20 NOVEMBRE 1680.

Sur l’un des murs de cette chapelle, dans un petit encadrement, on remarque une inscription relative à une fondation. Je l’ai ainsi relevée :

PIERRE DANIN FILS
JACQUES A DONNÉ 6 LIVRES
DE RENTE FONSIÈRE
A L’EGLISE DE CÉANS
PAR CONTRA PASSÉ
POUR DIRE 4 MESSES AVX
2 LUNDI DE LA PASSION
ET 4 LIBERA QUI SE
DISENT AUX 4 FESTES
SOLENNELLES DE LAN
DONT Y EN A 16 SOVBZ
POUR LES CLERCS ET 20
SOVBZ POUR LES PAVRES
PRIEZ DIEV PONR LVY.
1629.

Dans le cimetière, près le mur méridional de la nef, on remarque un tombeau en pierre de granit d’un bon goût et d’une grande simplicité, sur lequel on lit :

ICI REPOSE
PIERRE VICOMTE DE BONNEMAINS,
GÉNÉRAL DE DIVISION, PAIR DE FRANCE,
ANCIEN DÉPUTÉ DE LA MANCHE,
GRAND OFFICIER DE LA LÉGION D’HONNEUR,
COMMANDEUR DE L’ORDRE DE St. LOUIS,
CHEVALIER DE LA COURONNE DE FER,
GRAND-CROIX DE St. FERDINAND D’ESPAGNE
ET DE L’ÉPÉE DE SUÈDE,
NÉ A REAUVILLE LE 13 7bre 1773,
DÉCÉDÉ MAIRE DU MESNIL-GARNIER
Le 9 9bre 1850.
DE PROFUNDIS.
 [1]

L’église est sous l’invocation de sainte Anne. Elle dépendait de l’archidiaconé du Val-de-Vire et du doyenné de Gavray, et payait 56 livres pour décime. Dans le XIIIe siècle, le patronage appartenait à Maître Radulphe de Thieuville. Le curé percevait tout sur la terre aumônée. Dans le cours du siècle suivant, Guillaume de Thieuville, évêque de Coutances, était seigneur et patron du Mesnil-Garnier.

Faits historiques

Hospice et Prieuré. — En l’année 1619, Thomas Morant, seigneur et baron du Mesnil-Garnier, fonda dans la paroisse un couvent de dominicains et un hospice pour les aliénés. L’hospice existe encore aujourd’hui. Les bâtiments n’offrent rien d’intéressant.

Quelques années après leur établissement, le prieur et les religieux du Mesnil-Garnier élevèrent la prétention de bâtir un moulin. Le seigneur s’y opposa, soutenant que les religieux, qui possédaient le moulin banal, ne pouvaient en bâtir un autre sous le même toit. Cette prétention des religieux donna lieu à un procès que le parlement de Normandie termina en faisant défense aux religieux de bâtir leur moulin.

On les voit, en 1657, obtenir une concession de bois pour leur chauffage jusqu’à concurrence d’une somme de soixante livres. [2]

Dans les XIIe, XIIIe et XIVe siècles, les Thieuville ou Thiéville, seigneurs du Mesnil-Garnier et du Mesuil-Hue, faisaient le service au château de Gavray, et devaient, au cas de guerre, en garder la principale porte : Radulfus de Theville tenet feodum unius militis apud Mesnillum Garnier ad quod pertinet le Mesnil-Hue et debet servicium ad majorem portam de Gavreio tempove guerre. [3]

Cette famille des Thieuville a donné deux évêques : l’un, Raoul de Thieuville, au diocèse d’Avranches ; l’autre, Guillaume de Thieuville, à celui de Coutances ; un abbé à l’abbaye de Lessay, et deux abbesses à l’abbaye royale de Sainte-Trinité à Caen. Guillaume était fils du seigneur du Mesnil-Garnier, et neveu de Raoul.

L’évêque de Coutances devint lui-même seigneur du Mesnil-Garnier, et un aveu qu’il donna en 1327 fournit quelques détails curieux sur le fief du Mesnil-Garnier :

« Guillaume de Thieuville, dit cet aveu, par la permission divine évêque de Coutances tient à cause de son patronage et patrimoinerie le fieu du Mesnil-Garnier et les appartenances nuement du roy pour un fieu de chevalier entier des quelles appartenances la paroisse de Thieville est qui sort en la vicomté de Falaise et tout le surplus en la vicomte de Coutances et à cause du dit fieu il a certains usages en la forêt de Gavray cest a savoir un quesne par chacun an tel comme il lui plait a choisir à son ordre et son amenagier es mettes du bois qui est appelé Berences pour son manoir du Mesnil Garnier par la tenue du seigneur de la Vallée verdier de la dite forêt et le pasturage a ses bestes et aux bestes de ses hommes es dit bois de Berences et tous ses porcs quittes en la dite forêt quand le panage soffre et les porcs de ses hommes chacun pour my-droit sont les dits hommes quittes de coutume es foires du roy pour leur usage et es marchés de Gavray. Item les ancessours (prédécesseurs) du dit seigneur du Mesnil-Garnier prirent du roy nostre sire une ferme perpétuelle qui est appelée le fieu au Mancel dedans les mettes du dit fieu pour la quelle prise il rent chacun an 20 liv. à deux échéances et pour tout le dit fieu il doit servir 10 jours à la mestre porte du chatel de Gavray en tems de guerre et vaut ou peut valloir au dit seigneur demolument dudit fieu de tout comme il en sied en la vicomté de Coutances 400 liv. de rente bon an mal an ou environ et appartient au dit fieu le patronage de l’église du Mesnil-Garnier qui vaut au dixième 90 liv. Item le patronage du Mesnil Hue qui vaut 40 liv. au dixième. »

Dans le commencement du XVe siècle, le domaine et la seigneurie du Mesnil-Garnier passèrent dans une autre famille par le mariage de Catherine de Thieuville, dame du Mesnil-Garnier, avec Olivier de Mauny, baron de Thorigny.

Marguerite, leur fille, épousa Jean Goyon de Matignon, qui devint ainsi seigneur du Mesnil-Garnier.

Leur fils, Allain Goyon, fut, en 1470, seigneur du Mesnil-Garnier, sire de Villers, d’Anisy et de Thiéville. Il fut aussi chambellan du roi, son grand bailli à Caen, et conservateur général de l’Université de cette ville.

La seigneurie du Mesnil-Garnier appartint long-temps à la famille de Matignon ; mais, dans les premières années du XVIIe siècle, elle fut vendue à Thomas Morant, conseiller du roi en ses conseils et maître des requêtes ordinaires en son hôtel. Ce nouveau seigneur, en l’année 1607, la fit ériger en baronnie avec incorporation des terres de Champrépus, du Mancel et de la Bellonnière. [4]

Cette baronnie fut elle-même, en 1659, érigée en marquisat en faveur des descendants de Thomas Morant, et les fiefs d’Eterville et des Brulards y furent réunis. Le roi confirma cette érection en 1715. [5]

Le marquisat du Mesnil-Garnier passa des Morant aux Poilvillain, comtes de Cresnay, qui, ensuite, transmirent leur seigneurie à la famille génoise de Cambiaso.

La terre du Mesnil-Garnier est devenue la propriété du général Bonnemains, et appartient aujourd’hui à sa famille.

Lorsque des troubles eurent lieu en Basse-Normandie à l’occasion de l’établissement de la gabelle, les redoutables Va-nu-pieds inquiétèrent vivement le seigneur du Mesnil-Garnier, qu’ils traitaient de monopolier et de gabeleur. Ainsi, dans le Journal du chancelier Séguier, qui fut envoyé en Normandie pour faire punir les coupables, on lit : « Jobmettois à dire que le sieur Du Mesnil-Garnier a passé dans les calomnies, aussy bien que les autres, pour un des principaux arcs-boutants de la Gabelle. On dict que cette charité luy a esté prestée par quelques uns d’Avranches, pour un mescontentement qu’ilz disent avoir reçeu de luy. Quoi qu’il en soit, il est vray qu’il fut contrainct de munir sa maison d’hommes et d’armes, y ayant tenu garnison de plus de quatre vingt hommes, durant tous ces desordres, qui luy eussent esté funestes s’il n’avoit aussy généreusement résisté à ses ennemis qu’ilz le vouloient attaquer injustement. » [6]

Château du Mesnil-garnier

Le château des Thieuville a disparu. Celui que les Morant firent construire dans le XVIIe siècle a lui-même été remplacé par l’habitation actuelle, qu’élevèrent les comtes de Cresnay. Le château était défendu par des fossés profonds et par quatre tours pareilles à celle qui existe encore.

Les armes des Thieuville sont d’argent à deux bandes d’azur, accompagnées de sept coquilles de même, deux, trois, deux.

Celles des Morant étaient d’azur à trois cormorans d’argent.

Celles des Poilvillain, parti d’or et d’azur. Je donnerai celles de la famille de Bonnemains à l’article Montaigu-les-Bois.

Source :

Notes

[1] On lit dans le procès-verbal de la séance d’ouverture du Conseil-Général de la Manche, du 25 août 1851, ce qui suit : Depuis notre dernière session, dit M. des Ferris, la mort a frappé un de nos anciens collègues, un de nos plus illustres concitoyens, le général Bonnemains. Le département a perdu en lui, vous le savez, un de ses enfants qui l’ont le plus honoré et le mieux servi ; c’est à nous, ses représentants, qu’il appartient de le rappeler.
Comme membre du Conseil-Général, avant nous et avec nous, le général Bonnemains avait su se concilier la haute estime et l’affection de tous ses collègues ; aussi chacun d’eux n’a-t-il pas attendu jusqu’à ce jour pour payer à sa mémoire un juste tribut de regrets. Mais cet hommage, pour être plus digne de lui, doit être solennel, et j’ai l’honneur de proposer au Conseil d’inaugurer sa session en exprimant les regrets qu’il éprouve de la mort du général Bonnemains.
Cette proposition de M. des Ferris, dont l’initiative a devancé celle d’un grand nombre de membres, est accueillie arec la plus vive et la plus profonde sympathie par le Conseil, qui s’associe au témoignage de justice et de regrets douloureux donné à la mémoire du général Bonnemains, dont le souvenir ne périra jamais dans le pays. (Voir une notice biographique sur le général Bonnemains dans l’Annuaire de l’Association normande, année 1852, page 592, et dans l’Annuaire du département de la Manche, année 1851, page 629.

[2] Registres mémoriaux de la Chambre des comptes de Normandie.

[3] Ex libro feodorum domini regis Philippi.

[4] Registres mémoriaux de la Chambre des comptes de Normandie.

[5] Registres mémoriaux de la Chambre des comptes de Normandie.

[6] Diaire ou Journal du chancelier Séguier en Normandie, 1639, 1640, page 414.