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Blainville - Notes historiques et archéologiques


Le déterminant "-sur-Mer" a été ajouté à ce toponyme en 1936, à des fins à la fois différenciatives et touristiques.


Blainville, Bledvilla, Blevilla, Blaigvilla, Blaindevilla, Blainvilla.

L’église de Blainville a la forme d’une croix. Quoiqu’elle ait subi des changements, et que les murs de la nef aient été repris en sous-œuvre ou refaits dans plusieurs parties, cependant, on reconnaît encore dans le mur septentrional de la nef des caractères du style roman ; ainsi, des pierres y sont disposées en arête de poisson, et des corbeaux ou modillons règnent au-dessous de la corniche.

Les fenêtres au nord sont modernes. L’une est de 1741 ; l’autre est encore d’une date plus récente. Celles, au midi sont à simples ogives.

Les chapelles n’offrent aucun intérêt.

Le chœur appartient au XVe siècle. Quelques-unes des fenêtres qui l’éclairent sont à ogives, à deux ou trois baies, divisées par des meneaux ; le mur à l’est est à pans coupés, et les contreforts sont appliqués sur les angles. La voûte du chœur est en, bois, et date de 1726.

La tour repose sur des piliers dont les chapiteaux sont godronnés ; sa voûte est en pierres, et soutenue par des arceaux.

Cette tour, placée entre chœur et nef, est de deux époques. L’étage inférieur appartient au XIIe siècle et à l’ère de transition. On remarque dans le mur, au nord, une porte et une fenêtre qui ont été bouchées. L’arcade ogivale de l’une est très-obtuse ; celle de l’autre est légèrement lancéolée. Elle est éclairée par des lucarnes, correspondant aux quatre façades, et ornées d’un petit fronton subtrilobé que soutiennent deux colonnettes. Cette partie de la tour est du XVe siècle ou de la fin du XIVe. Elle se termine par une flèche octogone dont la partie supérieure, détruite par la foudre, a été refaite assez récemment. Aujourd’hui, un paratonnerre la garantit.

L’église est précédée d’un porche couvert en pierres. Le cintre de la porte occidentale, qu’il abrite, repose sur des colonnettes, ornées de volutes entre deux tores. Ce porche peut être du XVe siècle. L’église parait avoir été refaite eu grande partie à cette époque. J’ai lu sur la cloche l’inscription qui suit :

L’AN 1733, J’AI ÉTÉ DONNÉE AINSI QVE LE CONTRE RÉTABLE
DE L’AVTEL PAR MESSIRE JACQVES DE LA BELLIÈRE DE VAINS,
CHANTRE DE LA CATHÉDRALE DE COVTANCES, SEIGNEVR ET PATRON DE CETTE
PAROISSE, EN ACTIONS DE GRACES A DIEV DV GAIN DV PROCES DES
DROITS HONORIFIQVES QV’ON AVAIT VSVRPÉS AVX CHANTRES, ET J’AY
ÉTÉ AVSSI NOMMÉE JACQVELINE PAR MON DIT SIEVR DE LA BELLIÈRE.

Dans le cimetière, on lit sur une pierre tombale :

ICI REPOSE
GUILLAUME-FRANÇOIS BANSET,
LIEUTENANT DE VAISSEAU,
CHEVALIER DE SAINT-LOUIS,
DÉCÉDÉ LE 16 MARS 1849,
DANS SA 75e ANNÉE.

L’église, sous le vocable de saint Pierre, dépendait de l’archidiaconé et du doyenné de la chrétienté. Elle payait 15 livres de décime. Le curé était à la nomination du chapitre de Coutances. Le grand chantre de la cathédrale percevait les dîmes et payait une pension au curé.

Blainville et son église, Blainvilla cum ecclesia, avec des terres et des salines qui en dépendaient, terra scilicet culta et inculta et salinis, formaient, en faveur de l’église cathédrale de Coutances, une prébende d’ancienne possession. Vivien, évêque de Coutances, réunit la prébende de Blainville à l’office de grand chantre, cantoriae univit prebendam de Bleinvilla, et une bulle du Pape Innocent III, de l’an 1207, confirma cet acte, quod ratum habuit Innocentius III.

Le chanoine prébendé de Blainville avait une officialité dans le lieu de sa juridiction. La chanterie, avant la révolution, conférait encore de droit des revenus dans la paroisse de Blainville, ainsi que le patronage, et un fief dans la même paroisse.

Faits historiques

Le domaine de Blainville appartenait à l’évêque de Coutances. Geoffroy de Montbray l’ayant trouvé engagé pour dettes, le racheta, et y ajouta un moulin situé au Homméel, que lui vendit son frère Mauger. Blainvillam de vadimonio acquietavit, et a Maugero fratre suo molendinum quoque quod est apud Holmetellum in dominio ecclesiae comparavit. Ce moulin, placé sur la rivière de la Vallée, est encore connu aujourd’hui sous le nom de Moulin l’Evêque.

Blainville a vu naître, dans le XVe siècle, Jean Cleret, qui devint prédicateur et confesseur du roi Louis XII. En l’année 1507, il fut élevé à la dignité du généralat de l’ordre de Saint-Dominique.

Ce fut à Blainville que s’embarquèrent Charles II, roi d’Angleterre, et son frère, le duc d’York, lorsqu’au mois de septembre 1649 ils retournèrent en Angleterre, après leur voyage en France. Claude Auvry, évêque de Coutances, les reçut dans son palais épiscopal, et les conduisit le lendemain à Blainville, d’où ils firent voile pour Jersey, montés sur des vaisseaux hollandais.

Lorsqu’en 1781, le baron de Rullecourt, major-général des volontaires de Nassau, tenta, au mois de janvier, de s’emparer, avec 1,200 hommes de la légion du chevalier de Luxembourg, de l’île de Jersey, ce fut un capitaine de vaisseau marchand de Blainville, nommé Régnier, qui commanda les navires de débarquement.

On comptait à Blainville cinq fiefs nobles.

Le fief de Blainville, appartenant a l’évêque.

Celui de Neauville, au prieur et religieux de l’abbaye de la Luzerne. Robert Bresa, civis pariensis, habitant de Paris, donna, à la suite d’une transaction, à l’abbaye de la Luzerne, un fief qu’il possédait à Blainville. Cet acte, qui est de 1215, fait connaître que le fief contenait 50 acres. Les religieux de la Luzerne nommaient ce fief le Manoir d’Isneauville, aujourd’hui Neauville. On le trouve dans les chartes sous le nom de Isnelvilla, Isnauvilla, Manerium de Isnelvilla, Feodum de Isnelvilla. Il est aussi appelé Feodum heredum, qu’on traduisait au XIIIe siècle par le Fief des leirs ou lairs, par abréviation de les heirs, ou heir, heres, héritier.

Le fief appelé la Chanterie appartenait au grand chantre de la Cathédrale ;

Le fief de la Heaulle ou de la Halle ;

Et celui de Gonneville, qui, dans le XVII siècle, appartenait à Jean de Pierrepont, seigneur du lieu. Guonnovilla, Gonnovilla est cité dans plusieurs chartes du XIIIe siècle. Ainsi, on trouve, dans un acte de 1248, via per quam itur de Guonnovilla ad ecclesiam de Blainvilla ; et dans une autre, de 1296, cheminum per quod itur de Guonnovilla versus monasterium de Blainvilla.

Sur le fief de Gonneville, il existe une chapelle dédiée à la Vierge. Dans les anciennes chartes, elle est désignée sous le nom de Philbert ou de Fillebecq. Elle a pour second patron saint Philbert. Elle est en très-grande vénération chez tous les marins des communes du littoral.

Cette chapelle fut fondée dans le XIe siècle. On voit dans « un acte du lundi après la Toussaint de l’an 1302, passé devant Robert Forion, garde du scel des obligations de la vicomté de Valognes, que messires Colin et Robin dits de Gonneville, frères, chevaliers, seigneurs temporels de Blainville, prétendoient au nom de leurs prédécesseurs, fondateurs en l’an 1050 de la chapelle de Fillebecq ou Philbert, au manoir de Gonneville, que Jehan, grand chantre de Coutances, devoit des services et messes dans la dicte chapelle pour raison des dans et aumônes et des dîmes à la chanterie par les ditcts prédécesseurs ; que par amour, paix et trêves, la chanterie continueroit comme jadis services et messes à l’avenir au nombre de trois chaque semaine. »

Cette transaction fut confirmée le 6 novembre 1492 par un acte qui fut collationné le 6 juin 1527 par les tabellions Richard Forcel et André Godefroy. Il fut en outre convenu qu’aux quatre fêtes de Notre-Dame, il serait dit dans la chapelle trois messes, et une messe chaque premier samedi du mois.

La chapelle actuelle est sans intérêt. Elle date de la fin du XIVe siècle ou du commencement du XVe. Le mur, au nord, est percé de petites fenêtres ogivales trilobées, et on remarque dans l’intérieur une crédence dont l’arcade est en accolade. Le mur occidental est en pierres de choix, et ses contreforts ont peu de saillie. Cette partie pourrait bien avoir appartenu à la chapelle primitive.

Près de la chapelle, on trouve le manoir de Gonneville ; il est entouré de fossés pleins d’eau.

Les bâtiments sont en grande partie du XVIe siècle, peut être même de la fin du XVe. Plusieurs portes ou fenêtres sont en accolades.

On y remarque deux grandes cheminées dont les trumeaux offraient des personnages en relief, ainsi que des animaux fantastiques. Ce travail est aujourd’hui complètement mutilé. L’encadrement des trumeaux annonce aussi le XVIe siècle.

Plusieurs appartements sont pavés avec de petites briques de sept centimètres carrés.

Dans le XVIIe siècle, le fief de Gonneville appartenait à la famille de Pierrepont. Un seigneur de ce nom, et sa femme, Louise-Suzanne-Gervaise, avaient embrassé la religion réformée ; mais, dans le mois de janvier 1686, ils abjurèrent entre les mains du curé de Blainville, autorisé par l’évêque de Coutances à recevoir cette abjuration. En souvenir de leur retour à la religion catholique, le seigneur de Pierrepont et sa femme donnèrent à l’église de Blainville la vitre du chœur derrière l’autel. On y voit la sainte Vierge et saint Pierre, qui a des poissons devant lui. Au-dessous de la Vierge, on lit ces mots : Rosa mystica.

Le manoir de Gonneville appartient aujourd’hui à M. de Bellefonds, qui a épousé Mademoiselle Michel de Vesly. M. de Vesly père avait épousé une demoiselle de Foligny, dont le père était seigneur de Gonneville, de Saint-Malo-de-la-Lande, d’une partie de Blainville et de Linverville.

Le long du mur septentrional de la chapelle de Gonneville, on remarque des restes de mur, formant des espèces de loges ou d’échoppes dont se servaient les marchands qui fréquentaient l’important marché qui, jadis, se tenait près de la chapelle. Ce marché, qui a beaucoup diminué et a perdu son importance, a lieu encore pendant les premiers mois de l’année. [1]

Source :

Notes

[1] M. Quesnel, médecin, justement estimé dans le pays, et maire de Blainville, m’a fourni avec une extrême obligeance des renseignements sur Blainville et les communes voisines. Je le prie d’en recevoir mes sincères remerciments.