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Ponts - Notes historiques et archéologiques


NDLR : texte de 1845, voir source en bas de page.


Le village de Ponts [1] est entouré d’eaux de tous côtés : son église est bâtie au confluent de la Sée et de la rivière combinée de Plomb et de Chavoy. Les limites naturelles ne manquaient pas ; cependant c’est du côté même de ces eaux que l’on a tracé une ligne de convention qui met l’église et le village en-dehors de la commune. La Sée formait entre Ponts et Avranches une barrière infranchissable, mais la cité a passé par-dessus la rivière, dans son avidité fiscale, et a planté de l’autre côté la borne de l’octroi. Aussi la limite méridionale de cette commune est-elle tracée contre toutes les lois topographiques. Les autres faces, à part le sud-est et l’est, sont aussi irrégulières, et nous ne croyons pas qu’il y ait beaucoup de communes aussi mal dessinées. Assurément la géométrie n’a pas de figure qui puisse être l’expression de ce plan que découpa sans doute quelque arpenteur après boire. La Sée au sud, la Sée à l’est avec le cours d’eau séparatif de Tirepied, la route de la Haye à l’ouest, la rivière de Chavoy et de Plomb au nord, telles étaient peut-être les lignes rationnelles : ce finage aurait eu encore l’avantage de régulariser à la fois cinq communes : Avranches, Saint-Jean-de-la-Haize, Ponts, Plomb et Chavoy.

La Sée, nom celtique qui signifie rivière, est traduite et orthographiée bien diversement dans les Mss. et les auteurs : le Cartulaire du Mont Saint-Michel l’appelle Seva et Segia ; le chapelain et le poète de Philippe-Auguste, G. Le Breton, l’appelle aussi Seva, Robert Cenalis écrit Sae, Samson écrit Sès, Templouse écrit Seuf, les Rôles de l’Echiquier Seia, etc.

Le nom de Ponts, Pontes, dérive des ponts qui se trouvent l’un sur la Sée, le Pont Saint-Philibert, l’autre, le Pont Saint-Etienne, sur la rivière combinée de Plomb et de Chavoy. Il y en a encore un troisième sur la route de Villedieu, [2] entre le village de Ponts et le Bourg-Robert, le Pont Dellette. Plus que jamais ce village mérite son nom, car sur la route récente de La Haye-Pesnel, à quelques pas des dernières maisons, on a jeté trois ou quatre ponts. L’ancien pont de la Sée était en moellon, avec sept arches, déviant de l’axe de la route suivant un usage assez constant : on en voyait encore récemment les piles. [3] Cette quantité de ponts indique assez la nature du sol. Le village est placé sur les bords de deux rivières et sur un sol humide ; en outre le ruisseau du Noyer afflue à la Sée près du pont, ainsi que celui de la Menardière. La commune est sillonnée par le milieu et dans sa longueur par la rivière de Plomb et de Chavoy, vallée aux pentes molles que côtoie la route royale. Réunies à leur entrée sur son territoire, elles se séparent pour couler parallèlement, s’unissent, se séparent, et s’unissent encore.

Le cimetière est baigné par la rivière de Plomb et Chavoy, et par la Sée. L’église affecte la disposition en croix, mais l’extrémité n’est pas proportionnée avec les transepts, comme si le chœur avait été diminué. Sous le chevet même est le pont généralement appelé Pont Saint-Etienne, [4] du patron de la paroisse ; le pont de la Sée est appelé par Adrien de Valois Pons sancti Philiberti, « qui est ad pedem montis Abrincatarum unde et a plerisque fluvius dicitur urbem Abrincatas praeterlabi et attingere . » [5]

L’église porte l’empreinte de plusieurs époques.

Le grand appareil qui forme comme le soubassement du chœur et des transepts, de beaux chapiteaux épars, deux au portail, deux servant de banc au seuil d’une maison d’un village voisin, dit Bourg-Robert, une table d’autel en granit, représentent l’époque romane et l’édifice qui fut élevé là dans la période normande. Un des chapiteaux est ciselé de la dent de loup et du cœur de cette époque.

Au XIVe siècle appartient le joli baptistère, cuvette octogone, brodée tout autour d’une arcature ogivale d’un bon style. [6]

Au XVe siècle se rapportent les deux transepts, dont l’un a conservé quelques fragmens de vitrail peint. A peu près à cette époque a été sculpté un bas-relief en calcaire de Caen qui représente dans ses quatre compartimens quatre scènes de la vie de saint Etienne le patron. C’est bien la sculpture de cette époque avec sa naïveté et ses anachronismes. Ce bas-relief, encastré dans le mur oriental, placé à la hauteur de l’ancien autel, se trouve maintenant caché dans la boiserie de l’autel moderne. Un fait peu commun dans nos petites églises rurales se présente à Ponts : une fenêtre dans la face orientale de chacun des transepts.

La fin du XVIe siècle a vu bâtir le portail : c’est un cintre encadré dans un cordon qui se dessine en une pure accolade encadrée elle-même dans une arcature prismatique. Une inscription en élégans caractères gothiques est gravée au-dessus, près d’une rosace aux cercles de fer concentriques, remplie par des vitraux monochromes modernes. On lit, avec les caractères P. R. E., la date de 1565 : le reste, rongé par les lichens, est d’une lecture très-difficile. Cette même époque a bâti le petit portail du nord, pièce intéressante et rare, formant, avec une porte latérale de l’église abbatiale du Mont-Saint-Michel, toute la richesse de l’arrondissement en architecture de la Renaissance. Son fronton carré, aujourd’hui vide, a dû renfermer quelques morceaux de sculpture.

La date de la tour, 1621, est cachée dans le fond d’un bénitier : cette tour est une masse lourde, carrée, avec des ouïes barrées, [7] découpée au sommet par une balustrade, comme ses voisines de Saint-Jean, de Macey, du Val-Saint-Père, et surmontée d’un toit cunéiforme avec une lanterne. Sa construction fut signalée par la chute et la mort de l’architecte.

La nef a été faite en 1708 et 1710 par P. de Montléon. Elle a des fenêtres en anse de panier, comme toutes les constructions de cette époque. A ce siècle se rapporte l’autel lourd, fastueux, entablement pesant porté sur des colonnes torses, le tout brillanté de dorures. C’est, dit-on, celui de l’abbaye de Montmorel. La boiserie des stalles ne manque pas de mérite : c’est celle de l’église de Notre-Dame-des-Champs. Les accoudoirs se terminent par des têtes de dogues appuyées sur des volutes végétales. Le dossier est travaillé assez délicatement : la frise est taillée à jour ; le montant de chaque stalle est sculpté de mascarons qui tirent la langue.

Les pierres tombales sont assez nombreuses dans cette église : il y en a une de 1590. La croix du cimetière n’est pas ancienne ; sur le mur du cimetière est une table percée de trois trous : c’était une triple croix, qui semble avoir appartenu à l’époque romane. Les statuettes qui sont dans les lancettes du chevet appartiennent à l’époque gothique.

Le bas-relief nous semble mériter une description, et parce qu’il est caché aux regards, et parce qu’il porte le cachet de l’art de son temps.

Derrière la boiserie de l’autel du chœur, encastré dans le mur à la hauteur du tabernacle de l’autel primitif, est un bas-relief en pierre de Caen, pulvérisé par le temps et l’humidité. Plusieurs figures ont été mutilées, et la frise a disparu presque tout entière. Cette sculpture du XVIe siècle a été peinte, et quelques teintes d’or ont survécu. Elle représente, dans un ordre peu rationnel et peu historique, quatre scènes de la vie de saint Etienne : c’est la traduction de sa vie telle qu’elle est dans les Actes des Apôtres. Le saint a une physionomie expressive : c’est une tête jeune et douce, avec la chevelure cléricale ; il porte le manipule du diacre et la robe aux longs plis. Le premier compartiment représente l’imposition des mains des apôtres sur saint Etienne. Le deuxième représente un tombeau, avec un homme étendu sur son couvercle, comme dans les grandes sépultures du Moyen-Age : du corps de cet homme sort, enveloppé dans des langes, un petit homme, [8] image de l’âme, que reçoivent deux anges : c’est l’apothéose du saint. Le troisième montre saint Etienne devant Caïphe, lorsqu’il blasphème contre la loi ancienne : il tient un livre, symbole de sa science et de son éloquence. Le dernier représente la lapidation : Saul tient les vêtemens des lapidateurs. Ce bas-relief, mieux sculpté que celui de Saint-Saturnin, spécimen d’une sculpture naïve dans ses formes et ses costumes, mériterait de voir le jour ; mais son état de vétusté s’y oppose. Sous d’autres autels se voient encore des débris d’ancienne sculpture, entre antres un saint Mammez, soutenant ses entrailles, trop vrai pour être exposé aux regards.

Le cimetière se trouve dans l’angle formé par la jonction de la rivière de Plomb et la Sée. Cette dernière rivière, peu profonde à cet endroit, se couvre des tiges chevelues, peignées et lissées par le courant, de grenouillettes et de potamots, que le poète qui a personnifié nos rivières, Jean de Vitel, eût appelées la verte et ondoyante chevelure de la nymphe de la Sée. [9]

En 1648, l’église de Saint-Etienne-de-Ponts appartenait au scholastique de la cathédrale, et rendait 100 liv. [10] En 1698, la cure de Ponts valait 400 liv. Outre le curé, il y avait huit prêtres. La taille était de 765 liv., et le nombre des taillables de 160. Le seul gentilhomme de la paroisse était Fr. de La Piganière. [11] En 1763, Ponts, chef-lieu de la sergenterie de ce nom, renfermait 120 feux. [12] Cette paroisse faisait partie de l’archidiaconé de la Chrétienté, avec toutes les paroisses qui rayonnent autour d’Avranches. [13] Le pont principal de cette paroisse était sujet à de grandes réparations pour le compte du roi, [14] qui, outre Avranches, avait plusieurs possessions dans le voisinage, les Moulins-le-Roy, les Moulins-de-Ponts, le droit de pêche à Ponts, etc., pour lesquels l’évêque d’Avranches lui devait hommage : « Je possède, disait Robert Cenalis en 1550, [15] les moulins de Ponts et droit de pescherie au dessus et au dessoubz. » Ponts avait deux foires importantes dont la dîme appartenait au Chapitre de la cathédrale. [16] Les évêques et les abbés du Mont Saint-Michel avaient échangé des franchises pour les hommes de leur territoire respectif, en souvenir de saint Aubert, dans trois localités qui leur appartenaient. Un registre de l’Abbaye établit ainsi ces franchises : « Les hommes mons. dAvrench de la ville de Pons du Val S. Pere et dAvrench resseans purement soubz levesq par an et par jour sont frans de vendre et dacheter es villes de Genez du Mont Saint-Michel et dArdevon et aussi sont frans les hommes a labbe du Mont dArdevon et de Genez es foires et es villes a levesque pour ce que mons. saint Aubert donna lesdites villes quent il fonda le Mont. » [17]

En 1305, un évêque d’Avranches, Geoffroy-le-Boucher, rendit une charte insérée dans le Livre Vert [18], qui, après un long préambule, concède au Chapitre « plenariam facultatem molendi blada sua ac faciendum panem pro Capitulo in molendinis nostris de Pontibus. » [19] En cette même année, Pierre de la Perine contracta la dette annuelle d’une geline de regart : « recogneut Pierre de la Perigne de la proisse de Pontz, quil aveit vendu et deu tout en tout deleissé à touz jourz à henorables hommes le deen et le Chapitre d’Avranches une geline de regart. »

L’église et la bourgade de Ponts étaient entre deux maladreries, celle de Saint-Nicolas, au pied du Tertre, sur la paroisse de Saint-Gervais-d’Avranches, et celle de la Madeleine sur le territoire de Ponts, entre cette paroisse et celle de Tirepied. Elles dépendaient toutes deux de l’Hôtel-Dieu d’Avranches. Il ne reste plus une seule pierre de la chapelle de la Madeleine : il n’en reste plus que le nom et le vague souvenir de quelques vieillards. Elle était au bord de la route de Tirepied, dans les champs de la Madeleine, où la charrue déterre des ossemens et des débris de pierres et de ciment. Un puits comblé, qui appartenait à cette maladrerie, renferme, dit-on, la cloche de la chapelle. Des fouilles ont été faites inutilement pour la retrouver ; mais le fermier actuel doit les reprendre. A quelque distance est un vieux puits abandonné, dont la margelle et l’orifice ont complètement disparu sous un réseau de ronces. Quelques pierres de la chapelle se retrouvent peut-être dans les murs d’une grange voisine, qui renferment aussi deux pierres sculptées d’une feuille. La Madeleine de Ponts est citée trois fois dans le Pouillé du Diocèse fait en 1648 : « La chapelle de la Madeleine ou Maladrerie de Ponts a pour patron le grand-aumônier de France et rend 100 liv. — La maladrerie de Ponts, de fondation commune, rend 200 liv., et dépend de l’Evêque. — La maladrerie de la Madeleine d’Avranches, de fondation royale, dont le patron est le grand-aumônier de France, rend 800 liv. » [20] Ces assertions ne s’accordent pas sur la fondation ni sur le patronage : pour le patronage elles se concilient, car du domaine de l’évêque cette maladrerie a pu passer dans le domaine royal, puisque Louis XIV centralisa les établissemens charitables en s’immisçant dans leur administration. Ainsi en 1696, Louis XIV unit à l’Hôtel-Dieu d’Avranches les biens et revenus des maladreries de la Madeleine de Ponts, de Sainte-Catherine de Bacilly, [21] de Saint-Blaise de Champeaux, l’Hôtel-Dieu de Sainte-Anne de Genets. [22] Quand M. Foucault dressa son utile Statistique de la Généralité de Caen, en 1698, la chapelle de la Madeleine payait 100 liv. par an. [23]

Quelques idées générales et locales sur les léproseries trouveront peut-être leur place ici.

Les maladreries ou léproseries étaient très-nombreuses au Moyen-Age, puisque Louis VIII fit des donations à deux mille ladreries de son royaume. Il y en avait encore quatorze au XVIIe siècle dans le diocèse d’Avranches. Elles étaient pour la plupart sous l’invocation de sainte Madeleine : on les mettait généralement en-dehors des villes et dans des lieux écartés et bien aérés : ainsi pour le premier cas, la Madeleine de Ponts et la maladrerie de Saint-Nicolas au bas du Tertre, et pour le second la maladrerie de Saint-Blaise sur la lande de Beuvais. On connaît les lois générales faites contre le lépreux, contre ce malheureux, objet de dégoût, séquestré de la société humaine ; on connait sa crécelle qui avertit les passans de ne pas se mettre sous son vent, son bidon de bois, sa baguette qui désigne sans qu’il touche, son habit fermé qui le signale de loin. Un article d’une de ces lois fera comprendre toute l’horreur qu’inspirait le ladre. « Si tu craches sur la terre, tu couvriras ta salive de poussière ou tu l’effaceras avec ton pied. » Nous avons recherché si notre diocèse n’avait pas de lois ou d’instructions particulières contre les lépreux. Nous avons trouvé, dans un synode de Robert Cenalis de 1550, une section consacrée à ces malheureux, [24] qu’on appelait chez nous Mezeaux. Villedieu a sa rue des Mezeaux, comme il a sa ruelle au Mière (médecin). D’après ces statuts diocésains, « il est défendu de demeurer avec les lépreux — on doit leur donner des habits qui les distinguent — chaque curé doit avertir ses paroissiens de pourvoir à leur nécessaire, — ne quaerendi victus habeant necessitatem. — Ils ne doivent entrer ni dans les églises, ni dans les marchés, ni dans les lieux fréquentés. — On ne doit pas vendre aux personnes saines les porcs nourris dans les léproseries. — Les lépreux doivent comparaître par eux ou leur représentant dans le cimetière, à l’issue de la messe pour recevoir les aumônes qui leur sont dues. »

Nous n’avons pas de données certaines sur l’origine de la maladrerie de Ponts : celle d’Avranches existait en 1180 : « Cornes cestriae red. leprosis de Abrincis XL sol », selon le Grand Rôle de l’Echiquier. [25]

Les chartes du Mont Saint-Michel et celles de l’évêché citent assez souvent Ponts et quelques-unes de ses localités, le Champ-Saint-André, Cavigny, Folmuchon, Aubigny, la Piganière, les Maudons.

Le Livre Vert contient un cyrographum relatif à Maudon et à Folmuchon : « Noverint universi quod ego Rad. filium Laurencii concessi et dedi in perpetuant elemosinam capitula sti Andree décimas quasdam quas habebam apud Maudum et apud Fomucon et apud mansum Moyer ca interposita conditione quod Mathias clericus eas tota vita sua haberet et redderet pro eis singulis annis capitulo predicto XII d. minimos andeg. monete. [26] — Trium vavassorum de Folmuchunz. » [27]

A Ponts on peut rattacher les moulins de Malloué qui furent donnés solennellement au chapitre dans les assises d’Avranches (1237), en présence de prélats et de seigneurs du pays, l’abbé du Mont Saint-Michel, celui de la Luzerne, l’archidiacre de Mortain, Rob. de Ruppella, Henr. de Grudis, Rob. Grimault, Joh. de Muscha, G. de Bellovisu, Henr. de Ceaux : « Dedit et concessit G. de Abrincis canonicis Abrinc., in puram et perpetuant elemosinam duo molendina quae possidebat et adquisiverat in valle de Maloe, quorum alterum dicitur molendinum Lyber, et aliud dicitur molendinum de Plencha... dedit etiam omnes vineas... »

Cavigny et Folmuchon [28] sont désignés dans une charte très-intéressante de 1129, relative à la dîme de Ponts. Nous citerons les passages les plus empreints de la couleur du temps et relatifs à ces localités : elle commence par louer l’utilité des chartes : « Quoniam antiquorum sollers providentia more instituit ut elemosine que eccliis Deo inspirante a quibuslibet fidelibus largiuntur sub testimonio cartarum roborari et confirmari deberent memorie future successionis committere decrevimus donum et elemosinam quam iti decimis suis huic ecclie beati archangli Michaelis Robtus de Abrincis consilio eps. Turgesi, Abrincarum et concessu tocius capituli Sti Andree et licentia ac voluntate sue nobilissime conjugis nomine Hadvise et omnium amicorum suorum pro pio voto et ferventi desiderio fecit. Tradidit itaque in primis omnem decimam suam de Ponz... et decimam trium vavassorum de Folmuchunz... et decimam cujusdam meditarie quam apud Cavignium possidebat... » La charte est signée de Hadvise, Guill. de Ponts, Guill. Grimault, Roger de Cavigny, Philippe de la Mouche.

En 1158, Foulques Paynel donna au Mont « decimam meteerie de Cavinee. » [29] Le moulin de Cavigny — « molendinum de Cavigneio quod est situm supra villam Poncium » — fut donné au chapitre par le même. Au XIIe siècle, Geoffroi de Cavigny souscrivit à la donation du Luot au Mont Saint-Michel par G. d’Avranches. [30]

Auprès de Folmuchon est le Champ-Saint-André, domaine du chapitre d’Avranches : « Apud Fomucon campus Sti Andree. » [31]

Le sieur de la Piganière est cité dans le mémoire de M. Foucault de 1698.

Le chapitre de la cathédrale avait la dîme des saumons pris à Ponts. « Ex dono Ric. episcopi [32] decimam salmonum captorum apud Pontem. » [33] Les poètes disaient alors : « Abrincas... multo salmone feroces. » [34]

Situé aux portes d’Avranches, Ponts s’est ressenti immédiatement de toutes les vicissitudes de la cité épiscopale. Ses quinze siéges ont jeté dans ce village bien des fois le tumulte des armes. Mais l’histoire ne mentionne guère qu’une fois cette humble bourgade dans les guerres de sa métropole.

Le dernier jour d’avril 1450, arriva à Ponts l’armée qui venait de battre les Anglais à Formigny [35] et décider leur retraite complète de la Normandie. Elle était commandée par le vainqueur, le connétable de Richemont, qui allait au-devant du duc François de Bretagne, lequel venait de mettre le siége devant Avranches. Ce fut pendant ce siége qu’arriva la nouvelle de la mort dramatique de Gilles de Bretagne, son frère, « estranglé une nuit, par deux compagnons avec deux louailles torses. » [36] Le connétable venait de recevoir Vire en sa possession : il alla vers Avranches, tandis qu’une partie de ses troupes allait prendre Bayeux. Son secrétaire, G. Gruel, raconte ainsi son arrivée à Avranches : « Et le dernier jour d’apvril l’an que dessus 1450, arriva monseigneur le connestable à Avranches, et là trouva le duc, et les seigneurs de Bretagne et estoit mondict seigneur grandement accompagné. En cette nuict logea à Ponts-soubs-Avranches, pour ce qu’il n’avoit pas encore de logis. Puis le lendemain, premier jour de may, vint au siége, et bientôt lui veinrent les nouvelles que monseigneur Gilles son nepveu estoit mort, dont il fut bien courroucé, puis le duc le luy dist et eurent grandes paroles ensemble : toutesfois la chose se dissimula pour l’heure, de peur de plus grands scandales. Puis fut assise l’artillerie tant bombardes, que engins volans, et autre artillerie, et fut fort batue ladicte ville d’Avranches, tant quelle estoit prenable d’assault et fut faicte composition, et la rendirent les Anglois leur vie saulve, et perdirent tous leurs biens. De là s’en vint le duc au Mont Saint-Michel, et jà estoit malade, et monseigneur le connestable le vint conduire jusque là. » [37]

Une des plus vieilles maisons du pays se voit à Ponts, à quelque distance de l’église, sur le vieux chemin de la Haye-Pesnel. Il y a eu à la Menardière une croix ronde, dont les tronçons sont épars autour du colombier ; elle a été remplacée par une croix de bois. Mais le porte-livre en pierre est resté. [38]

Il semblerait qu’au Moyen-Age les limites de cette paroisse n’étaient pas positivement déterminées, car une charte met l’hôpital « in parochia de Pontibus », et le Gallia Christiana « inter civitatem et villam de Pontibus. » Cette observation pourra justifier en cet article quelques détails sur l’Hôtel-Dieu. Son premier emplacement fut la place Saint-Gervais d’Avranches. Une charte [39] nous apprend qu’en 1268, la maison de l’Hôtel, qui venait d’être abandonnée, avec son jardin, fut fieffée à Robert dictus Baste, de la volonté de l’évêque Richard, par Pierre de la Basse, prieur, « presbytero procuratore domus Dei Abrincensis... nuper edificatae in parochia de Pontibus », et aux frères de la même maison, « et fratribus ejusdem domus. » Si l’on pouvait douter, comme on l’a fait, que la place Saint-Gervais ait été le premier siége de l’hôpital, cette charte lèverait la difficulté : « In qua domo et horto domus eoram habuit fundamentum. » D’un autre côté le Gallia Christiana dit que l’hôpital fut transféré de la place Saint-Gervais à Maloué où il est encore : « Ab arca Sti Gervasii translatum ad suburbium in vicum Maulone [40] inter civitatem et villam de Pontibus. » [41]

Vue des hauteurs d’Avranches, du pied de la porte de Ponts, la bourgade de Ponts offre une ligne de maisons neuves, au bout de laquelle est l’église avec son lourd clocher, et au-delà une campagne biens cultivée. Un touriste anglais a vu dans cette campagne l’image d’un comté d’Angleterre : « Devant le spectateur placé sur le boulevard du Nord, il y a, sur le nord-est, une vue belle et étendue d’un pays riche et parfaitement cultivé, qui ressemble au Herefordshire, bordé par une colline bien plantée qui s’étend dans la direction de Villedieu. » [42] D’après les apparences, le même écrivain a pu dire « que la rivière divise Ponts en deux parties à peu près égales. »

Nous terminerons cette notice par une histoire racontée dans Guillaume de Jumiège, qui se passa du temps de Rollon, au commencement du Xe siècle. Elle se rapporte à Avranches : mais nous réparerons une omission en la mettant dans une localité voisine, qui confond, pour ainsi dire avec la ville, son territoire. La grande tradition du Juif-Errant était très-vivante dans le Moyen-Age, qui voyait dans ce personnage plutôt un individu qu’un mythe et un symbole. L’anecdote racontée par l’historien normand semble se rattacher à cette croyance, que l’on peut appeler un cycle littéraire, à cause des nombreuses légendes, histoires et poésies qu’elle a enfantées.

Un soir, à Rouen, où se trouvait alors le duc Rollon, plusieurs personnes virent apparaître sur la rivière un homme qui marchait sur l’eau « comme il aurait marché sur la terre.  » Il s’approcha d’eux, et questionné par ces hommes, qui le prenaient pour un être surhumain, il répondit : « Vous voyez que je suis un homme. De grand matin, je suis parti de Rennes en Bretagne. A la sixième heure, j’ai mangé à Avranches, et ce soir, comme vous le voyez, je suis venu jusqu’ici. Si vous ne me croyez pas, allez et vous trouverez dans la maison où j’ai dîné mon couteau que j’y ai laissé par oubli. » Le bruit de l’arrivée de cet homme extraordinaire se répandit par la ville et vint jusqu’au duc. Rollon voulut le voir et lui manda de le venir trouver. L’homme répondit qu’il fallait l’attendre le lendemain à la première heure. A l’heure dite, le duc attendit, mais personne ne vint : l’étranger avait quitté son hôte à cette première heure et était parti. Alors tout le monde déclara que c’était un imposteur ; mais de plus sages interprétèrent ses paroles et prétendirent qu’il n’avait donné de rendez-vous qu’à sa première heure, à lui, en sorte que ce qu’il avait dit était vrai. Le soir, en causant chez son hôte, l’étranger avait fait de merveilleuses prédictions que raconte l’historien normand. [43]

Source :

Notes

[1] La commune de Ponts fut érigée à la révolution, comme de nombreuses communes rurales, sur la base de découpages paroissiaux. A cette époque la paroisse se trouve divisée en deux sections, celle de la ville dite Ponts ville et celle de la commune dite Ponts Campagne ; ainsi la paroisse quoique différente en étendue et en population a donné son nom à la commune.
Aujourd’hui, il convient de distinguer trois secteurs géographiques bien précis :
La commune de Ponts, située entre Avranches, St Jean de la Haize, Chavoy, Tirepied et St Senier sous Avranches.
Ponts sous Avranches, quartier de la ville d’Avranches qui s’étend de la rue de la Liberté au-delà de la Sée englobant le croisement des routes de Villedieu les Poëles, La Haye Pesnel et St Jean de la Haize dénommé carrefour St Etienne. (Donc plus de confusion, l’église St Etienne, le Cimetière, le Pont St Philibert enjambant la Sée et le Carrefour St Etienne sont sur le territoire de la ville d’Avranches.)
Enfin, la paroisse de Ponts qui comprend non seulement la commune de Ponts et le quartier de Ponts sous Avranches, St Brice sous Avranches, Plomb, Chavoy, St Jean de la Haize, Marcey les Grèves et Vains qui, depuis le début des années 2000, forment la paroisse Ste Thérèse.
NDLR : Extrait du site de Ponts sous Avranches

[2] Chimmino qui vadit de Pontibus ad Villam Dei de Sallucapro.

[3] Notule de l’ouvrage de Navier : « Ponts-sous-Avranches. Sée à la mer. Moellon. Arc. 7 arches de 2,3 à 3,5 d’ouv. 4,9 de largeur : 20,4 total des ouvertures. 45, surface du débouché. Ancien. » Traité de la Construction des Ponts, t. 1er, p. 116.

[4] Une des arches de ce pont est, dit-on, l’orifice d’un souterrain qui va vers la vieille route de la Haye, dont quelques tronçons existent encore, et paraissent avoir appartenu à la route romaine de Cosedia à Legedia. La tradition fait généralement abus des souterrains. Une tradition, qui est peut-être une raillerie, prétend que le puits de l’Hyvet, celui dans lequel se noya M. Rosnivillain, était l’orifice d’un souterrain, et qu’un canard jeté dans ses profondeurs reparut sain et sauf, criant et battant des ailes, dans la Sée, sous l’église de Ponts.

[5] L’évêché d’Avranches possédait deux baronnies, celle d’Avranches et celle de Saint-Philibert dans le diocèse de Rouen. C’est de celle-ci sans doute que viendrait le nom de ce pont.

[6] Ces fonts ont été dessinés par le neveu de M. de Pirch. Nous possédons ce dessin.

[7] Ces barres, qui se répandirent dans l’architecture civile vers le temps de Henri IV, nous ont donné le nom de croisée. Les archéologues anglais les appellent transoms.

[8] Homunculus, un abrégé de l’homme ; les anciens appelaient quelquefois l’âme ainsi. Les sculpteurs du Moyen-Age l’ont matérialisée sous cette forme. Voir les curieux reliefs de Saint-Léger, dans lesquels l’âme du bon larron est figurée par un joli enfant, et celle du mauvais par un noir petit diable.

[9] Il a dit : Selune qui estoit en son antre assopic. La Prinse du Mont Saint-Michel.

[10] Pouillé, p.2.

[11] Mém. sur la Gén. de Caen.

[12] Expilly, Dict. des Gaules.

[13] Nomenclature des Paroisses, ap. M. Cousin.

[14] Mém. de M. Foucault.

[15] Aveu rendu à François 1er, ap. M. Cousin.

[16] Stepleton, Observat, on the great Rolls, 1ers pages du t. II. M. Desroches cite une bulle du pape Luce, qui mentionne la concession au Chapitre de la dîme des foires de Saint-André et de Ponts.

[17] C’était la reconnaissance du double titre de saint Aubert, évêque d’Avranches, et fondateur de l’abbaye du Mont Saint-Michel : « En ce tens que li rois Childebert regnoit funda li evesques Auber Abricacensis leglise St Michiel que lon dist au perill de mer. » (Chroniques de Saint-Denis, liv. V.)

[18] NDLR : manuscrit de la cathédrale d’Avranches, écrit à la fin du XIVe siècle, par les ordres de Jean de Saint-Avit, évêque d’Avranches.

[19] Livre vert.

[20] Pouillé, p. 9 et p. 12.

[21] Ou plutôt de Genêts.

[22] Cartulaire de l’Hôpital d’Avranches.

[23] Mém. sur la Gén. de Caen.

[24] Dom Bessin, Conciles de Normandie. Syncdi Abrinc.

[25] Slapleton, Magnus de Seaccario, t. 1er, p. 40.

[26] Livre Vert, fol. 36.

[27] Chart. de 1158. Cartul. du Mont.

[28] Faussement marqué Funason sur la carte de M. Bitouzé. Cassini appelle rivière de Funason un affluent de la rivière de Plomb, qui part de ce village.

[29] Cartulaire du Mont Saint-Michel.

[30] Livre Vert, p. 136.

[31] Livre Vert.

[32] Richard de Subligny, XIIe siècle.

[33] Livre Vert, p. 9.

[34] Guil. Britonis, Philippidos, lib. VIII.

[35] NDLR : Voir : La bataille de Formigny boute les anglais hors de normandie (1450)

[36] Hist. de Chartes VII, par Jean Chartier.

[37] G. Gruel, Vie du Connétable. Collect. Petitot, t, VIII, p. 549. D’Argentré, racontant le même siège, dit que les Anglais n’obtinrent d’autre composition que de s’en aller avec un baton blanc au poing. Hist. de Bretagne, liv. XI. Gilles de Bretagne était l’assassin de son frère. Lire ce terrible drame dans le baron Roujoux, Hist. de Bretagne.

[38] Cet objet est assez rare. Nous ne connaissons guère que celui-ci, un à Villedieu, un à Saint-Poix, et celui de Saint Jean, qui n’est pas distinct du piédestal de la croix.

[39] Citée par M. Boudent, Journal d’Avranches, Avril 1840.

[40] C’est la phrase de Hubert Cenalis avec l’altération du mot Mauloue, que Robert Cenalis écrivait, d’après son étymologie, mal-loué, mau-loué.

[41] Gall. Christ., p. 484, t. XI.

[42] M. Hairby, Sketches of Avranches and its vinicity, p. 145 et 146.

[43] G. de Jumiège. Edit. et trad. de M. Guizot. Supplément.