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Marcilly - Notes historiques et archéologiques


NDLR : texte de 1845, voir source en bas de page.


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a commune de Marcilly, au milieu de laquelle celle de Saint-Osvin pousse une pointe, est divisée en deux parties par ce coin aigu et un vallon, de manière à présenter l’image de deux folioles insérées sur le même pétiole, ou d’une feuille échancrée. Le pétiole est formé par le Loir, Liger, [1] qui dessine encore le contour inférieur de la foliole orientale, bordée des deux autres côtés par le ruisseau du Moulin-du-Bois et celui du Manoir. Le ruisseau des Crettes, une ligne idéale, et la route d’Avranches à Saint-Hilaire bordent la foliole occidentale : le ruisseau du Moulin-l’Évêque ou de Digny se précipite dans le sinus formé par l’invasion de Saint-Osvin, et se jette dans Loir. Ses localités les plus intéressantes pour l’antiquaire et le philologue sont le Vaudoir, le Mès, le Mès-Robert, la Cour, Curtis, [2] le Chêne-ès-Fourmis, la Saudraie, l’Ormet, le Pont-Grimaut d’où une longue avenue [3] se dirigeait vers la Planche-Jumelle.

Marcilly est latinisé dans les chartes en Marsilleium et en Marcilliacum dans la Nomenclature de 1735. La terminaison "illy", comme la terminaison "gny" et "ey" est paragogique et renferme l’idée d’habitation. Le radical de ce mot Marc ou Marci, qui est dans le Domesday, est peut-être le nom propre qui a formé le plus grand nombre d’expressions topographiques. [4]

Un Radulphus de Marci était à la la Conquête : c’était un sous-tenant qui avait des possessions dans les comtés de Suffolk et d’Essex. [5] Comme il peut être revendiqué par Marcey, nous n’affirmerons pas qu’il soit parti de Marcilly. La première mention que nous connaissions d’un seigneur de Marcilly date de la fin du XIe siècle, et se trouve dans une charte de Savigny. Roger de Marcilly, chevalier, donna à cette abbaye le patronage de l’église et la dîme de la paroisse, qu’il tenait de ses ancêtres.

« Rogerius de Marcilleio miles eternam in Domino salutem. Noverit universitas vestra quo ego divine pietatis intuitu pro sainte anime mee et uxoris mee et antecessorum meorum et successorum assensu et voluntate Gervasii filii mei dedi Deo et abbatie Savignei cisterciensis ordinis et monachis ibidem Deo servientibus in puram et perpetuam elemosinam liberam et quietam jus patronatus ecclesie quod mihi et antecessoribus meis jure hereditario nosciiur pertinere, videlicet jus presentationis eidem ecclesie et omnes garbas decimi tocius parochie nichil juris omnino in eodem patronatu mihi aut heredibus meis retinens. Quod si quis... » [6]

Dans le siècle suivant, l’abbaye de Savigny fit l’abandon en faveur de Guillaume, évêque d’Avranches, de tout ce qu’elle avait ou pouvait avoir sur l’église de Marcilly. La charte de concession fut rendue par Richard, évêque de Coutances, principalement en ces termes : « Noverit aniversitas vestra abbatem Savignei cisterciensis ordinis nobis presentibus dimisisse in disposicione domini W. Abr. episcopi totum jus quod ipse et donna Savignei habebant aut habere poterant in ecclesia de Marcilleio. » [7] Roger de Marcilly consentit à l’abandon, à peu près dans les termes de sa charte de donation. [8]

Guillaume, évêque d’Avranches, concéda à son tour une partie de ses droits à son Chapitre, par la charte suivante :

« Noverit universitas vestra nos dedisse Capitulo Abrincensi et in usus perpetuos in augmentum commune sue misericorditer concessisse duas partes decimarum ecclesie de Marcilleio easque eidem Capitulo in perpetuum sicut pernotatum est in usus proprios auctoritate episcopali confirmasse........Haec autem habebunt juxta consuetudinem ecclesie Abrincensis per manum ejus qui communam Abrinc. servabit atque predicta anniversaria erunt in capitulo Abrincensi celebrata, totumque residuum predictarum decimarum in usus communes applicabitur... » [9]

Le fils de Roger de Marcilly, Gervais, cité dans la charte paternelle, vécut dans la seconde moitié du XIIe siècle, et concéda aux moniales de l’Abbaye-Blanche de Mortain des droits sur ses moulins. [10] Il paraît qu’il mourut sans enfans, car sa seigneurie de Marcilly passa à la fin de ce siècle à Rolland Avenel, qui vécut encore dans le premier quart du siècle suivant, et mourut en 1228. Il confirma au chapitre d’Avranches la donation de ses prédécesseurs par cette charte :

« Universis Rollandus Avenellus miles salutem in Domino. Noverit universitas vestra me ratam et gratam habere donationem et elemosinationem quam Rogerius de Marcilleio miles fecit in feodo meo abbati et monachis de Savigneio super jure patronatus ecclesie de Marcilleio quod jure hereditario possidebat. Quam donationem et elemosinationem dicti patronatus memorati abbas et monachi postmodo ecclesie Abr. contulerunt. Ergo nos Rollandus Avenellus pro salute anime mee et antecessorum meorum utrique donationi et elemosinationi benevolum prebuimus assensum. » [11]

Rolland Avenel eut pour fils aîné et successeur Guillaume Avenel, qui fut aussi seigneur de Marcilly : il mourut en 1258, ne laissant que des filles, Guillemette et Guillemine : ses biens furent divisés entre les Sotherel et les La Champagne. Au siècle suivant, nous trouvons un Nicolas de Marcilly sur le Nécrologe du Mont Saint-Michel auquel il avait donné 20 sous de rente. Dans le XVe siècle, Guillaume de Sotherel, qui avait réuni toute la baronnie des Biards ou des Avenel, fut dépossédé par le roi Henri V, qui la donna à Thomas Bonnet, et à la mort de celui-ci à Wilson. Pendant ce temps-là, un seigneur de Marcilly, appelé François, [12] était dans le Mont Saint-Michel qu’il défendait contre l’étranger. Il rentra dans ses biens après l’expulsion des Anglais. Au XVIIe siècle, nous trouvons le sieur de La Varinière, seigneur de Marcilly, auquel succéda sa veuve. [13] Au commencement du siècle suivant, le seigneur était Hippolyte de Rosnivillain qui se noya à Avranches dans le puits de l’Hivet. [14] Ensuite Marcilly entra dans l’illustre famille des Camprond. [15]. Le dernier Camprond de Marcilly ne laissa que des filles, et le manoir seigneurial passa aux Grimbaut. Les Marcilly portent au champ de sable, à trois barres d’or horizontales. [16]

Le château de ces seigneurs s’élève dans une charmante vallée, au bord d’un étang qui afflue dans le Loir. On reconnaît aisément deux époques dans ses constructions : du côté de la douve est une ancienne tour ronde, qui pourrait remonter au XIIIe ou XIVe siècle, et le reste appartient à la fin du gothique. C’est un charmant châtelet de cette époque d’architecture éprise du charme des détails, des festons, des feuilles et des fleurs : c’est, dans l’arrondissement, avec Brion, [17] l’unique type d’architecture civile de cette transition qui conduit du gothique à la Renaissance, et dont l’année 1500 est la véritable date. Ce manoir du XVIe siècle n’est plus complet ; mais ce qui en reste est fort joli et fort gracieux. La base est en talus ; le milieu est festonné d’une guirlande formée de deux câbles arrondis qui encadrent une fleur dans l’ellipse de leurs entrelacs ; le sommet est découpé par les accolades, les guirlandes et les pinacles de deux fenêtres. Sur cette façade se détache une tour hexagone appliquée, qui, est la partie la plus élégante et la plus ornée. Outre la grâce de sa pose, on remarque les sculptures de ses fenêtres. L’élégance de ce manoir se combine avec les souvenirs des chevaliers et des seigneurs dont nous venons de présenter la série, et à sa vue on ressent cette douce et forte impression que produit l’union de la poésie et de l’histoire. [18]

L’église de Marcilly cache son humble et frêle clocher de bois au milieu des arbres, sur le flanc d’un coteau que baigne la petite rivière qui descend du village de Digny. [19] Un if antique, dont le tronc ressemble à un faisceau d’arbres, couvre une des extrémités du cimetière et abrite une croix polygonale élégante, semée de ces bosses par lesquelles on a voulu imiter les nœuds d’un tronc. [20] Les tronçons ronds d’une croix antérieure sont épars dans le cimetière, souvenir de cette église du XIe siècle, que Roger de Marcilly donna à l’abbaye de Savigny. L’église actuelle offre la disposition en croix ; le chœur et les transepts sont récens : l’un d’eux date de 1823, l’autre renferme une porte en accolade qui a été encastrée. La façade occidentale est assez ancienne : cette église n’avait que des porches latéraux, on vient d’y ouvrir un portail. La partie antique est la face septentrionale de la nef dont le porche ogival offre des caractères assez voisins du roman, surtout son coin intérieur. Un devant d’autel du XVIIIe siècle, dans lequel des anges parent de fleurs l’Agneau, une statue de saint Denis, un joli bénitier, [21] et un bas-relief représentant l’Embaumement et la Résurrection, assez grossier sous le rapport des formes, mais avec de jolis ornemens flamboyans, [22] tels sont les principaux objets qu’offre l’intérieur. Nous devons ajouter les nombreuses pierres tombales, ou mutilées par le pic révolutionnaire ou usées par le frottement, quelques-unes avec l’antique forme du cercueil.

L’église Saint-Martin-de-Marcilly était à la présentation de l’évêque d’Avranches ; il paraît cependant qu’il la partagea avec le chapitre, à une certaine époque, car nous trouvons dans la Statistique de M. Foucault : « Marcilly, paroisse où il y a 166 familles et 1500 personnes. La veuve du sieur de La Varinière en est dame, et l’évêque présente alternativement au bénéfice avec son chapitre, 1598. » [23] En 1648, elle rendait 400 liv. [24] En 1764, elle renfermait 203 feux. [25] Dans l’Impôt royal de 1522, Marcilly fut taxé à 12 liv. [26]

Source :

Notes

[1] Ce nom de Loir, Lerre, Liger, si commun en France, est un mot celtique qui signifie rivière. L’arrondissement d’Avranches à lui seul renferme trois rivières de ce nom : Lerre, ou la rivière de Genêts, Lair, celle de la Chapelle-Hamelin, et Loir qui se jette à Ducey dans la Sélune. Fidèle à sa latinité fondée sur la vague ressemblance des sons, Robert Cenalis a appelé celle-ci du néologisme Orius. Les anciens titres portent Liger.

[2] Voir l’art. de Courtils.

[3] Marquée dans Cassini.

[4] Il y a en France plus de cent Marcilly, Marcillé ou Marcillac. Les Marci, Marcey, Marciae sont très nombreux.

[5] Domesday Book.

[6] Insérée au Cartulaire de la cathédrale.

[7] Cartulaire de la cathédrale.

[8] Cartulaire de la cathédrale. Ce même Cartulaire offre encore, au fol. 47, la charte de Roger et de l’abbé de Savigny, pour la cession à l’église de Saint-André.

[9] Livre Vert, fol. 27. Cette charte présente un mot remarquable, communa, la commune. On sait que ce fut dans ce XIIe siècle que commencèrent dans le nord de la France les concessions de commune faites par Louis-le-Gros aux villes. Le germe de la commune préexistait dans les cloîtres et les chapitres : ainsi, comme on le voit, le chapitre d’Avranches est appelé à cette époque une commune.

[10] M. Desroches, Histoire du Mont Saint-Michel, chap. XII.

[11] Livre Vert. Cette charte renferme un mot peu commun elemosinatio. V. Ducange.

[12] Liste des 119.

[13] Mém. sur la Généralité de Caen.

[14] En 1720 il tomba dans ce puits en revenant d’une soirée avec la maréchale d’Estrées. Mss. de M. Cousin. Voir l’art. d’Avranches.

[15] Un Guillaume de Camprond est imposé à un droit de châtellenie dans les Rôles de l’Echiquier pour 1180, envers Geoffroy Duredent, prévot d’Avranches : De Will. de Campo rotundo xx. li. de catall.

[16] Liste d’armes des chevaliers défenseurs du Mont Saint-Michel.

[17] Voir l’art. de Genêts.

[18] Le château est éloigné de l’église de plus de deux kilomètres. On pourrait s’étonner de cet éloignement. On raconte que l’église fut bâtie dans l’origine sur le même lieu que l’habitation seigneuriale ; mais le seigneur, gêné par le bruit des cloches et des chants religieux, la fit transporter de la vallée sur la montagne, dans le lieu qu’elle occupe aujourd’hui. Le manoir de Marcilly a été dessiné par un de nos élèves, M. V. R.

[19] Marcilly est cité dans le Guide pittoresque de Didot avec cette notule : Teinturerie, mégisserie. Département de la Manche, p. 18.

[20] Ces vieux ifs, plus durables que les pierres, datent généralement de la période romane, et sont, avec la croix ronde, pour l’antiquaire qui aborde une église, la présomption de l’érection d’un édifice au XIe ou XIIe siècle.

[21] Il a été dessiné.

[22] Venu, dit-on, de l’abbaye de Montmorel.

[23] Mém sur la Gén. de Caen.

[24] Pouillé, p. 7. L’évêque présente au bénéfice.

[25] Expilly, Dict. des Gaules. Un curé de Marcilly, M. Daligault, publia en 1800, avec M. l’Hermitte, curé d’Avranches, une lettre ou mémoire pour la défense des prêtres assermentés.

[26] Assiette pour le Roy.