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Saint-Quentin - Notes historiques et archéologiques


Saint Quentin, nom d’origine de la commune. Le homme (ou le houlme en ancien dialecte normand) signifie l’îlot ou la prairie au bord de l’eau du norrois holmr. Le déterminatif a été ajouté en 1921.


NDLR : texte de 1845, voir source en bas de page.


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es limites naturelles dessinent généralement les contours de cette commune : au nord la rivière du Lait-Bouilli, à l’ouest la route royale, à l’est la rivière d’Oir et un de ses affluens, au sud les méandres de la Sélune, découpant profondément le rivage en cinq ou six presqu’îles ou Holmes, qui expliquent l’affixe du nom communal, Saint-Quentin-sur-le-Homme. D’ailleurs cette idée d’île est gravée partout sur le sol : vous trouvez l’Ile, l’Ile Manière, le Homme. [1] Le sol est très-accidenté et ondulé en trois ou quatre monts qui commandent le bassin de la Sélune et la baie du Mont-Saint-Michel. L’un d’eux est couronné d’un dôme de verdure, ou foutelaie de l’Ile Manière ; l’autre porte le village et l’église ; un troisième se dresse au confluent de l’Oir et de la Sélune, et laisse voir, avec les prairies de Ducey et leurs horizons boisés, le Mont Saint-Michel, dont la base n’émerge pas encore des sables, et qui, par une vue nouvelle, semble faire partie de la terre ferme, à côté de la foutelaie de l’Ile Manière, comme un manoir près de sa forêt. Le ruisseau de Guyot, qui passe entre les deux dernières hauteurs, divise la commune en deux parties à peu près égales, et baigne le Logis de Saint-Quentin. [2] La limite occidentale expire à ce Pont au Bault que la tradition attribue au diable ou à cette bonne Anne de Bretagne, la Brette moult regrettée de Louis XII, qui bâtit beaucoup de ponts et tant d’églises qu’elle fut dans son pays la grande logeuse du bon Dieu.

Saint-Quentin est latinisé en Fanum Sancti Quintini supra Hulmum. Ce nom est d’origine latine. Le saint qui le porta, et qui vivait au IIIe siècle, était romain et de famille sénatoriale.

Un Hugues de Saint-Quentin était à la Conquête : il était Tenant en chef dans les comtés de Dorset et d’Essex ; [3] mais il n’est pas probable que le Hugues de la Conquête appartînt à l’Avranchin. En 1082, les seigneurs Regnault, d’Avranches, étaient, sinon seigneurs de Saint-Quentin, du moins de la terre des Regnauldières, dont le nom a été altéré en celui des Esnaudières. [4] Le logis seigneurial était à peu de distance de l’église, au flanc d’un coteau dont le pied est baigné par le ruisseau de Guyot : il a conservé une tourelle et une chapelle du XVIIe siècle. La tradition conserve le souvenir de quelques droits féodaux attachés à ce castel, que l’on croirait inventés par quelque malin fableor, s’ils n’étaient attestés par l’histoire et si l’on ne savait que la redevance féodale était aussi souvent un signe de suzeraineté qu’une rétribution lucrative. Le seigneur de Saint-Quentin devait conduire au Mont Saint-Michel un œuf garrotté dans une charrette traînée par huit bœufs. [5]
Une autre obligation était beaucoup moins honnête : nous y ferons une simple allusion, en empruntant les expressions d’un grand écrivain, pour un sujet analogue : « Cabrioles accompagnées d’un bruit ignoble et impur. » [6] La principale famille seigneuriale de cette paroisse fut celle des du Bois. Les seigneurs de Saint-Quentin sont assez souvent cités dans les documens historiques : voici ceux que nos recherches nous ont fait rencontrer. Un seigneur J. du Bois, de Saint-Quentin, est cité au XIVe siècle, dans les comptes de Jean Flamant, trésorier des guerres. Pour le siècle suivant, nous trouvons les du Bois, mentionnés dans les titres du château de Ducey. Au XVIe siècle, un seigneur de Saint-Quentin était gouverneur de Pontorson et figurait parmi les royaux. [7] A la fin de ce siècle, en 1580, Jean de Vitel dédiait un sonnet au seigneur de Saint-Quentin sur le Homme, qu’il représente comme un homme valeureux. Nous savons par une charte qu’il s’appelait Gabriel. [8] En 1575, il avait eu un différend avec Gabriel de Montgommery « parce qu’il avoit faict faire un estang duquel la chaussée retenoit l’eau tellement que nul ne pouvoit passer par le chemin accoustumé... et faict asseoir barres et porte sur la chaussée d’un aultre estang où estoit le grand chemin ordinaire des charretiers, chemin ancien des paroisses de Saint-Laurent et Ducey à Avranches. » [9] Le sonnet que lui adressa Vitel exprimait une idée noble et hardie, qui s’est même trouvée une prophétie, appliquée à un homme dont la mémoire n’a guère été conservée que par le poète :

Bien que vous esgalliez tous seigneurs valeureux,
Soit à bien essayer un cheval en carrière,
A rompre courageux une lance guerrière
Et à dresser de Mars les scadrons furieux.

Bien que soubz le fardeau du harnois belliqueux,
Soufflant et haletant tout couvert de poussière,
Faisant de votre front couler une rivière,
Vous costoyez de prés un Hector généreux,

Souvenez-vous pourtant que tous ces braves gestes
Qui vous vont enrollant avecques les célestes,
Périront par le tans, orfelins de renon,

S’ils ne sont engravez au marbre de Mémoire
D’une main poétique, ainsi vit or la gloire
Par l’Homeriq’ ciseau, du preux Agamemnon. [10]

Les du Bois continuent à être les seigneurs de Saint-Quentin durant le siècle suivant. En 1691, un d’eux fut l’objet d’une condamnation capitale, prononcée par le Parlement de Rouen. [11]. C’était une vilaine histoire dont l’acte du Parlement n’avait conservé que le fait principal, voilé sous les formes judiciaires et la gravité magistrale. Un Vivien de La Champagne, lieutenant-général du bailliage d’Avranches, charge presque héréditaire dans cette famille, avait une fille qui enflamma les désirs du seigneur de Saint-Quentin. Celui-ci avait un fils : la demoiselle fut demandée en mariage pour lui ; mais sous le voile des négociations, René du Bois, le père, suborna celle dont il semblait vouloir faire sa belle-fille, l’enleva de la maison paternelle pendant la nuit, la conduisit à Fougères, chez une sage-femme où elle mit au monde un fils de ses œuvres, qui mourut mystérieusement. Le sieur du Bois fut arrêté avec un de ses laquais et conduit dans la prison de Coutances. Il gagna le geôlier et passa avec lui dans les îles anglaises. Le Parlement de Rouen condamna par contumace le gentilhomme à avoir la tête tranchée, et le laquais et le geôlier à être pendus sur la place du Vieil-Marché. Telle est l’histoire qu’on peut lire dans un parchemin du château de Ducey. [12] En 1698, nous trouvons comme seigneur de Saint-Quentin F. René du Bois, sans doute son fils, auquel le roi avait rendu les biens paternels qui avaient été confisqués. [13]. Aujourd’hui cette famille est éteinte, le logis est une ferme : il ne reste que ces souvenirs, et nous ajouterons à la pensée de Vitel que si l’histoire seule conserve la gloire, elle aussi conserve la honte.

Saint-Quentin était une terre de noblesse. Nous avons déjà cité le fief des Regnault, les plus anciens gentilshommes de l’Avranchin, à coup sûr, et le Logis du seigneur de la paroisse. Il y avait encore le fief de Verdun, dont le Tenant au XVe siècle était Jean de Verdun, dont Monfaut constata la noblesse en 1483 ; fief qui était en 1644 au sieur de Villers avec la terre de Montidière. Il y avait le fief de la Peschardière, avec sa chapelle de Sainte-Anne, taxée à 40 liv. Il y avait surtout le château de l’Ile Manière, possédé par les de Vicques, dont la terre appartint au Mont Saint-Michel. Quand M. Foucault dressa sa Statistique de la Généralité de Caen, il signala comme seigneurs à Saint-Quentin, F. René du Bois, J, de La Morinière, de La Morinière de Guerout, A. du Quesné, J. et R. du Mesnil-Adelée, et le plus noble de tous, le Mont Saint-Michel. C’était une ligne de châteaux depuis le Quesnoy jusqu’au castel de Ducey ; c’était une ligne de fêtes, d’intrigues, de chasses, et de joyeusetés aux dépens des vilains. Saint-Quentin avait aussi ses demi-gentilshommes, ceux qui prétendaient à une noblesse qu’ils ne pouvaient prouver : ainsi Montfaut déclara non noble F. Giraut, de Saint-Quentin, en même temps qu’il faisait la même déclaration contre J. le Gay, de Poilley, qui ne pouvait prouver quatre générations. Il y avait encore le fief de la Bochonnière, [14] le Château-Vert, le Mès Henri. Mais de ces terres seigneuriales, la première est l’Ile Manière.

L’Ile Manière, ou l’Ile du Manoir, est située sur un holme de la Sélune, au pied du mamelon couvert de cette belle foutelaie qui ressemble à une coupole de verdure ou à un gigantesque tumulus. Bâti sur la Sélune, aux rives blanches de tangue, à l’endroit où elle n’est plus rivière et n’appartient pas encore à la mer, abrité sous sa luxuriante foutelaie, entouré de jardins où s’associent la régularité et les caprices d’un art plus récent, le château de l’Ile Manière est la plus belle villa des environs d’Avranches. Nous ne concevrions pas de plus beau site dans le pays, si la vue de la baie du Mont Saint-Michel n’y était pas l’élément le plus beau et dès-lors nécessaire d’une belle habitation : l’Ile Manière la pressent, mais ne la voit pas. Le château, construction moderne, au caractère italien, empreint dans ses perrons, ses balustrades et ses formes arrondies, ne remonte pas au-delà d’une quarantaine d’années. [15] C’est une chétive antiquité aux yeux de l’archéologue et du poète qui rêvent du château mythologique, aux diamantines tours, que fonda sur ce promontoire le dieu Lyrmano, dont l’habitation, selon la règle d’alors comme d’aujourd’hui, s’appela Lyrmanière ; c’était le théâtre de ses amours :

.......Il contemple et le front et les yeux
D’une nymphe qu’il prend, et d’un jeune courage
La tenant par la main, saute dans un bocage
Où il feist puis après cimenter de son nom
Un fort bien emparé, au superbe dongeon,
Lequel on nomme encore, à l’antique manière,
Malgré la faux du Tans, le Fort de Lyrmanière. [16]

Mais les souvenirs historiques de ces lieux sont plus anciens que l’édifice actuel. Le principal est celui de de Vicques sieur de La Morinière, chanté par Vitel, et illustré par sa reprise du Mont Saint-Michel et par sa mort. Dans un temps où les poètes faisaient remonter la généalogie de leurs héros, qui étaient aussi leurs patrons, jusqu’au-delà des temps historiques, Vitel eut le mérite de ne reculer celle de son héros qu’à l’époque de la Conquête, ou du moins ne franchit pas les limites de l’histoire de France :

La estoient entaillez les gestes héroïques
Que jadis avoient faicts tous les seigneurs de Viques,
Suyvant les estendarts tant des princes François,
Que du duc des Normands sur les sillons Anglois,
Lorsque le bras vaillant du conquéreur Guillaume
Unit à son duché le metaillier royaume
Des superbes Anglois, qu’Edouard, son cousin,
Luy légua justement approchant de sa fin. [17]

C’était une flatterie de poète : Vitel ne connaissait point les Listes de la Conquête, dont aucune ne porte le nom de son héros. [18] Il poétisait sans doute une prétention ordinaire dans la noblesse normande, dont les plus antiques familles datent de la Conquête ; mais de Vicques eut son illustration personnelle, qui en vaut bien une autre.

Louis de La Morinière, sieur de Vicques, enseigne du maréchal de Matignon, était seigneur de l’Ile Manière vers la fin du XVIe siècle. L’an 1577, une troupe de vingt-neuf pélerins pénétrèrent, à huit heures du matin, dans le Mont Saint-Michel, portant sous leurs robes et mantelets des pistolets et des poignards. Ils avaient choisi le jour de la Madelaine, pendant lequel les moines et les habitans du Mont se rendaient en procession à la chapelle de la Madelaine, qui était au village de la Rive, en Ardevon. Après avoir déposé, pour obéir aux réglemens, leurs armes apparentes au corps-de-garde, ils montèrent au château, entrèrent dans l’église, où ils chantèrent des cantiques et offrirent leurs prières. Quand ce fut le moment d’étaler les présens qu’ils destinaient à saint Michel, ils en présentèrent un qui convenait parfaitement comme offrande au prince des chevaliers. [19] Chaque homme tira son épée de dessous sa pèlerine, la fit briller aux yeux des moines éperdus ; ils saisirent de Bastarnay, le gouverneur, tuèrent les moines et le prêtre qui avait dit la messe. [20] Ensuite ils se répandirent dans l’abbaye, et une partie d’entre eux se porta sur le Saut-Gautier, d’où ils firent des signaux qui furent aperçus par leurs partisans, cachés dans un bois peu éloigné. Pendant ce temps-là les habitans qui faisaient la garde à la porte du Mont aperçurent une troupe de douze cavaliers qui galopaient sur la grève, commandés par un gentilhomme protestant appelé du Touchet. La bavolle tomba, [21] et les cavaliers protestans vinrent se ruer avec rage sur la porte, et chercher une entrée. De Vicques, dans son manoir de Saint-Quentin, avait appris tout ce qui s’était passé : il avait couru à Avranches, où il avait rassemblé quelques gentilshommes et quelques compagnies d’infanterie qu’il avait conduits au Mont Saint-Michel. Les pélerins huguenots, égarés dans les dédales du monastère, effrayés de leur premier succès, ayant vu repartir à travers les sables le capitaine qui devait les aider et les diriger, se rendirent à la première sommation de de Vicques. Trois gentilshommes qui étaient parmi eux furent décapités ; les autres furent pendus. On prétend que de Vicques leur avait promis la vie sauve. Pour cette reprise du Mont St-Michel, de Vicques fut fait, le premier, gouverneur de la forteresse par Henri III, et René de Bastarnay, le commandant qui s’était rendu, fut cassé. [22] Tout ceci, dit dom Huynes, fut tenu pour miraculeux.

Cet exploit inspira à Jean de Vitel son poème le plus considérable, dédié au très-valeureux seigneur de Vicques, seigneur de l’Ile Manière, dont les allégories, les personnifications, les épisodes ne pourraient être compris sans une introduction historique. Pour plusieurs raisons il nous semble exiger ici une analyse : Vitel, de Vicques, la reprise de la forteresse peuvent se localiser dans un triangle de quelques lieues de côtés.

Depuis deux ans, Henri III, qui porte sur son front un double diadème, régnait en paix sur la France, et le soldat avait pendu au croc ses cliquetantes armes, lorsque l’Ambition se glisse dans le cœur de Thrason. [23] Elle lui adresse un discours homérique pour l’engager à troubler la France, à se guirlander de lauriers, et à prendre le Mont Saint-Michel. [24] Le guerrier se lève à cette voix : il prend avec lui vingt hommes d’armes, [25] et un jour de Madelaine, il leur fait craquer aux pieds les sablons de Tomb’laine. [26] Cependant des signes merveilleux se montrent dans le ciel : vingt milans vont se percher à la corne élevée de ce dongeon qui touche à la voûte estoillée du palais flamboyant. Ici l’allégorie est transparente. Un vautour se précipite sur eux, mais quatre ou cinq des oiseaux le mettent en fuite, [27] lorsque de l’orient [28] arrive le roi des oiseaux, l’Armeurier de Juppin, [29] qui seulement de son cri espandu par la nue force cette volée d’oiseaux à trembler devant lui. Déjà les soldats de Thrason, se pannonnant de gloire, introduits dans le Mont, arboraient, comme signal à leur chef, un drapeau blanc, lorsque la Renommée, se balançant dans la plaine esclairante, s’abat sur les tours aimantines de Lyrmanière, et raconte à de Vicques l’entreprise de Thrason. Sélune s’émeut, Avranches frémit, le Couesnon, s’empoulant, hâte sa carrière, les Dryades de Lentilles se tapissent de frayeur dans la nuit des buissons. Au plus tôt de Vicques arme ses soldats et il va monter à cheval, lorsque sa dame, que le dieu nopcier tira de la maison du seigneur de Tessier, accourt avec la nourrice qui portait un enfant dans ses bras : Astyanax a peur, Hector dépose son casque, Andromaque pleure : l’Homère de Poilley n’a pas mal réussi. [30]
Cependant Pallas se rend devant le trône de Jupiter, et le prie de favoriser l’entreprise de de Vicques. Après un gracieux accueil, le dieu engage sa fille à s’adresser à Morphée qui prend la figure d’un moucheron, et envoie au héros un songe où Phantase lui montre vingt tigres et un lion menaçant la sainte citadelle, et l’évêque Aubert qui l’appelle à son secours. De Vicques se revêt de son armure : sa cuirasse est décrite : c’est la machine poétique du bouclier. [31] Entre autres merveilles, elle représente les amours du dieu Lyrmano avec une nymphe, sur les bords enchantés de l’Ile Manière, Pomone sauvée par Cratère ou Homme, [32] Poilley fondé par Poilleion, Ducey fondé par son fils Duceion, les exploits des de Vicques. Après la description vient nécessairement la harangue, un lieu commun de cent soixante vers. [33] Enfin il part, et arrive au Fort Michelean où les bourgeois d’en bas changent leurs pleurs en riz et en soulaz. Il escalade les remparts, les ennemis tombent à ses pieds, il pardonne et le poète chante : Io, deux fois Io ! Tel est le premier exploit de de Vicques dans la réalité et dans les vers de son poète.

Le second eut encore pour théâtre le Mont Saint-Michel. Le 5 décembre 1589, pendant les vêpres, cinq mois après la mort de Henri III, les Huguenots de Pontorson et des environs, commandés par Gabriel II, fils du grand Montgommery, surprirent la ville du Mont Saint-Michel, et, durant les quatre jours qu’ils la possédèrent, ils la pillèrent et maltraitèrent les habitans. Aussitôt que de Vicques, qui était absent, eut connaissance de ce qui était arrivé, il accourut en toute hâte, et, entrant par une voie inconnue aux ennemis, surprit tellement les Huguenots qu’ils se retirèrent, sans coup férir, à Pontorson. Quand Avranches, dévouée à la Ligue, fut menacée par le duc de Montpensier, de Vicques défendit vigoureusement ses faubourgs : il fallut se réfugier derrière les murailles, il soutint énergiquement le siége ; et, quand Odoard eut été tué sur la brèche, il reçut le commandement. Une capitulation fut signée, et Avranches ouvrit ses portes aux troupes royales. [34] De Vicques mourut sous les murs de Pontorson. Il avait déterminé le duc de Mercœur, chef de la Ligue en Bretagne, à venir assiéger ce boulevart normand des protestans, où était leur chef, Gabriel de Montgommery. La ville fut investie par les deux chefs catholiques, le 20 septembre 1580. Montgommery avait sous ses ordres un capitaine, nommé La Coudraye, qui avait autrefois servi sous de Vicques. Celui-ci ayant un jour demandé aux assiégés si La Coudraye était avec eux, ce capitaine parut sur les murailles, et de Vicques, voulant lui faire voir un renfort qu’il avait reçu de Saint-Malo, lui proposa de venir le lendemain dîner avec lui. La Coudraye répondit qu’il demanderait la permission au gouverneur. Le lendemain de Vicques étant allé à la tranchée fit demander si La Coudraye était sur les murs ; il répondit lui-même, et exigea que de Vicques parût lui-même, afin qu’il pût sur sa parole aller dîner avec lui. Le chef catholique sortit alors de la tranchée ; le capitaine protestant sortit de son côté de ce qu’on appelait le corridor de la contrescarpe et se précipita sur son adversaire qui était devenu son hôte. Celui-ci surpris mit l’épée à la main, mais il ne fut suivi que de trois de ses gens, et tous les quatre restèrent sur le terrain, après s’être défendus avec un grand courage. L’épée et le chapeau de de Vicques furent portés en triomphe dans la ville par les assiégés. Dès le lendemain les Normands se retirèrent, et le duc de Mercœur fut obligé de lever le siége quelque temps après. [35]

De Vicques, qui était pour les religieux du Mont Saint-Michel un sauveur et un héros, devint à leurs yeux un martyr : à cette époque d’ailleurs toutes les croyances étaient exaltées par la lutte. Dom Huynes parle de la mort de notre bon et pieux gouverneur, et dit qu’il fut regretté de tous les gens de bien qui le connurent. « Son corps fut apporté en ce Mont, et fut enterré solennellement par les moines dans la chapelle Sainte-Anne, où l’on voit encore [36] sa lance et son guidon ; son casque et sa rondache sont aussi conservés en cette abbaye.... Leur fils, [37] J. de La Morinière, grand-doyen de l’église de Bayeux, a baillé l’an 1623 à ce monastère 45 liv. de rente pour estre à perpétuité chanté et célébré une grande messe de angelis au 23e jour de juillet de chacun an.... et à la procession avant icelle chacun des religieux porte un cierge bleu en action de grâces à Dieu, à la Vierge, et à saint Michel de ce que ledit gouverneur avait reprist ce chasteau sur les Huguenots, le 22 juillet de l’an 1577. » [38] Sa veuve reçut, en 1620, les honneurs funèbres dans le même monastère. « L’an 1614, dit dont Huynes, le prieur du Mont acquit de Nic. Guichard, sieur de Villers, le fief de Verdun, la terre de l’Ile Manière et celle de Montidière, et ces biens appartenaient aux enfans mineurs de M. Michel de la Morinière, sieur de Vicques, et avaient été vendus au sieur de Villers par décret. » [39] Il y avait encore un hommage à de Vicques dans cette pieuse et reconnaissante acquisition.

La Ligue fut ardente dans l’Avranchin : de Vicques en fut le chef militaire, et François Péricard le chef religieux. Les passions y fermentèrent long-temps encore après l’abjuration de Henri IV, et au milieu des mystères qui enveloppent sa mort apparaît le mystérieux complot d’un Avranchinais, en rapport avec le duc de Mercœur. Sully a raconté, à l’année 1609, le fait dans ses Mémoires. Nous le laisserons parler :

« Le 19e doctobre vous eustes advis par un gentilhomme d’honneur, de chose qui s’estoit descouverte à la Flèche, que vous estimâtes digne d’approfondir ; et pour ce, le 20e, y envoyastes personne capable pour en reconnoistre toutes les circonstances. Ledit advis estoit tel : A la Flèche, en la rue des Quatre-Vents, proche de l’hostellerie qui a mesme nom, appartenante à une veufve nommée Jeanne Huberson, qui loge des escoliers, là estoit logé, il y a quelques mois et est encore, un nommé M. Médor, natif d’Avranches, qui avoit sous luy quelques enfans de bonne maison. La niepce de ladite Jeanne Huberson, nommée Rachel Renaud, qui demeurait en ce mesme logis avec sa tante, âgée de vingt-six ans ou environs, atteste qu’entrant en l’estude dudit Médor, elle trouva un livre espais d’un pied, doré de tous costez et fort curieusement relié avec des rubans d’incarnat et de bleu lequel elle ouvrit par curiosité, et remarqua que ce livre estoit escrit environ jusques à la moitié, et partie d’ancre, partie de sang ; quil contenoit aussi plusieurs signatures, la pluspart de sang, entre lesquelles elle reconnut, selon le peu de loisir quelle eust, le nom dudit Médor, d’un sieur du Noyer demeurant autour de Paris, non loin de Villeroy, et d’un sieur de Gros, natif d’Auvergne, qui a esté autrefois à M. de Mercœur, personnes de la hantise ordinaire dudit Médor, qu’à cette occasion elle connoissoit ; dit qu’elle fut fort estonnée, surtout de cette escriture de sang, et soudain voulut porter ce livre à sa tante pour le luy faire voir ; mais sortant de la chambre rencontra ledit Médor, qui le luy arracha en colère, et luy demanda ce qu’elle vouloit en faire ; respond qu’elle le vouloit seulement monstrer à sa tante, parce qu’il estoit si bien relié ; et néantmoins luy demande simplement pourquoy il y avoit tant de signatures de sang, et entre autres la sienne ; luy respond quelle nen avoit que faire, et qu’on faisoit seulement serment au Pape pour luy demeurer bon et fidelle serviteur avec dévotion entière.
Aussi-tost fut le livre transporté hors de la maison et de ce n’en dit rien ladite Rachel qu’à sa tante et à un sien cousin dont l’advis est venu ; et en parle ladite Rachel si clairement et si constamment, quil ny a aucune apparence de fraude, mesme dit quelle maintiendra ce que dessus, devant le Roy et tel autre quil ordonnera si besoin est. La niepce et la tante sont catholiques romaines, le cousin nommé Huberson est de la religion. Ils ont opinion que ledit livre est de présent chez le sieur du Cros, auvergnat, cydessus nommé, demeurant chez le sieur Dreuillet, près la porte Saint-Germain, qui sort de la ville à main droite, lequel tient plusieurs enfants de bonne maison, nommément de Bretagne, à cause qu’il a esté autrefois, comme dit est, à feu M. de Mercœur : iceluy est de la congrégation des Jésuites, et y fait bien souvent le sermon, et est celuy qui sollicite ceux qui de là viennent signer en ce livre, et par le moyen duquel ce Médor et du Noyer y ont esté introduits. C’est l’advis simplement tel quil a esté receu de la propre bouche de cette Rachel. Si l’on estime que la chose mérite d’y voir plus avant, j’y donnerai les addresses nécessaires ; moindres choses en matière d’estat ne sont point à négliger, et bien souvent font pénétrer en de plus grandes.
 »
 [40]

La chose la plus intéressante de Saint-Quentin, c’est son église. Elle a été signalée et décrite par plusieurs auteurs, deux Anglais, M. Hairby et miss Costello, et deux Français, M. de Clinchamp et M. Fulgence Girard. Le premier a parlé de sa curieuse vieille église et de son bel if du cimetière, [41] et a dit du paysage qu’on voit d’une des hauteurs de la commune que les clochers et les hameaux s’y montrent ça et là pour prouver que ce paradis a ses habitans. La seconde donne plus de détails : elle abomine la saleté du village, vante ses belles filles, étranges dans ce bourbier, regrette l’absence du curé, zélé antiquaire de 80 ans, et analyse ainsi l’édifice : « L’antique portail est supporté par des arcs-boutans gradués, et il a un parapet qui court sur le sommet du mur ; la porte extérieure, du style ogival primitif, est plus unie que la porte intérieure qui est cintrée et ornée, quoique sans beaucoup de détails ; les piliers et les nervures de la voûte du porche sont très-délicats. Une ligne de modillons, semblables à ceux de Saint-Loup, décore la corniche » Le troisième a fait de cette église une analyse archéologique, [42] dont plusieurs jugemens seront les nôtres. M. Fulgence Girard l’a esquissée en quelques lignes.

L’église de Saint-Quentin offre des spécimen de tous les grands styles : le roman est représenté par le portail, les contreforts de la nef, la porte de la tour ; le gothique pur vit dans le chœur, le porche et la voûte d’un transept ; le gothique flamboyant s’épanouit dans les fenêtres des transepts et du chœur ; le gothique expirant réclame le tronc, et peut-être la balustrade du porche et de la tour ; le rocaille se boursoufle dans tous les autels : l’argent était fait pour couvrir d’un dôme moscovite la tour romane gothique, quand éclata la Révolution de Juillet. Ainsi, comme le dit M. de Clinchamp, elle offre des morceaux du XIe ou XIIe siècle, du XIIIe et du XVe : nous ajoutons quelques traces du XVIe et du XVIIe siècle.

Vue d’un certain point, l’église de Saint-Quentin offre une profondeur plus grande que ses dimensions réelles, et rappelle la sombre vasteté de nos vieilles églises, dont parle Montaigne. L’intérieur, vu de la grande porte du cimetière, offre une longue et sombre avenue, divisée par plusieurs arcades, qui s’enfonce et se perd dans le sanctuaire. Le spectacle est encore plus beau quand on regarde de l’autel le portail : l’œil interroge de vastes lointains où il reconnaît, dans les grèves ou au delà des eaux, les côtes de Bretagne, et un peu de côté le Mont Saint-Michel. [43]

Une ligne de pierres tombales usées conduit de la porte du cimetière au porche occidental. C’est peut-être le plus joli narthex du pays. Son entrée est une bonne ogive reposant sur deux colonnettes ; sous sa voûte se croisent des nervures pures ; son toit est brodé d’une balustre trilobée plus récente ; sa façade, appuyée de deux petits contreforts, est pénétrée de deux fenestrelles. Ce joli anti-portique est du XIIIe siècle. [44]

Les membres romans sont assez considérables : c’est le portail, les contreforts et les modillons de la nef, et la porte méridionale. Le portail, d’un roman avancé, de la fin du XIIe siècle, affecte l’élan qui présage l’ogive : les modillons à face humaine sont un souvenir de la frise de l’entablement antique qui disparut avec le gothique ; les contreforts plats attestent la simplicité primitive. La porte du midi, avec le bas de la tour, est du roman primitif, suffisamment accusé par ses formes cryptiques, et ses sculptures grossières d’images d’animaux. Les ouïes de cette tour sont des ogives naissantes, ou ogives romanes, dessinées au sommet plutôt en losange qu’en tiers-point régulier et imitant assez bien la mitre épiscopale. Elles doivent être du commencement du XIIIe siècle. Une balustrade du XVIe brode le sommet.

La beauté simple du XIIIe siècle respire dans le chœur ; mais il faut que la pensée renverse cet autel rocaille, ce mur de gauche si lourd et si discordant, reconstruise les colonnes abattues, et débouche la fenêtre orientale, pour faire revivre un charmant sanctuaire de cette époque, où l’art était la beauté simple et sévère. Les deux belles colonnes [45] qui restent offrent dans leurs chapiteaux une Flore délicate et simple, dans l’une des ajustemens de feuilles de vigne, dans l’autre des fleurs fantastiques. Les transepts sont inégaux : quelques restes mutilés de celui du midi rappellent le XIIIe ou le XIVe siècle : un tableau y masque une jolie fenêtre du XVe. Celui du nord est du XVIe.

L’ornementation n’est pas sans intérêt. Le vrai bijou est un tronc en bois, ancien tabernacle, qui étincelle de toute l’imagerie du XVIe siècle : il porte la date de 1566. Cette boîte hexagone, d’un mètre d’élévation, est comprimée au milieu et se divise en deux étages : l’étage supérieur est découpé d’arabesques sur ses faces et flanqué de colonnettes fuselées sur les angles ; l’étage inférieur présente des colonnettes cannelées sur les angles, et des statuettes d’apôtres sur ses faces. Dans le transept du midi est un bas-relief représentant, en quatre compartimens, les quatre principales époques de la vie de la Vierge, la Salutation, l’Adoration des Mages, l’Assomption, l’Entrée dans le ciel : cette naïve sculpture représente le Père Éternel avec la tiare papale, et la Vierge avec le cercle ducal. Mais la chose la plus originale que renferme cette église est le tableau du Rosaire. C’est une peinture suave, naïve et essentiellement catholique de l’école de Cimabué et de Fra Angelico, ou de la première époque de Raphaël, école que l’Allemagne, Overbeck à sa tête, voudrait ressusciter aujourd’hui. Le ciel est rempli par le Père Éternel, à la figure douce et vénérable, et par deux anges qui jouent de la viole et de la mandoline.
Quinze médaillons suspendus dans deux rosiers symboliques, chargés de fleurs, qui élancent leurs tiges du même point au bas du tableau pour l’enfermer dans leurs riches développemens, encadrent ce ciel, la Vierge et les dames du Rosaire, et représentent quinze scènes de la vie du Christ. Cette peinture, qui est du XVIIe siècle, offre une bonne imitation de cette école hiératique, que des artistes et des archéologues essaient de faire revivre. [46] On lit sur cette toile : Staccony. invenit et fecit 1636. Joannes Blandin dono dedit divo Quentino. Un autel du centre offre une toile fort mauvaise, mais illustrée par une légende, et, ce qui est remarquable, par une légende qui date de la Révolution. Elle représente la Salutation : l’ange a les jambes nues : un sabre révolutionnaire en a tranché une. Si le tronçon inférieur est si rouge, c’est que le sang a coulé d’en haut, et, quoi qu’on ait fait, on n’a jamais pu lui rendre son ancienne couleur. Le XVIIIe siècle a orné les autels et peint quelques devants de ses brillantes arabesques. Les Fonts sont deux cuves octogones qui n’appartiennent pas à l’époque romane. En 1750, on voyait encore dans l’un des transepts un vitrail aux armes de Robert Cenalis, qui sont de gueules à la croix d’or, chargée d’un lis à trois branches de sinople dont les fleurs de lis sont d’argent, avec quatre lettres héraldiques d’or. [47]

L’église de Saint-Quentin avait pour patron le chapitre d’Avranches alternativement avec l’évêque. Nous ne trouvons dans son Cartulaire qu’une charte relative à cette église. C’est une lettre adressée, en 1260, par l’évêque Richard Langlois, à son chapitre, au sujet de l’église de Saint-Quentin, dont il lui demandait la cession. Elle est intitulée : De pétitione donationis ecclesiarum de Sancto Quintino et de Ingleio :

« Dilectissimis in Christo filiis capitulo Abr. Ricardus misericordia divina ejusdem ecclesie minister salutem in Domino Jesu Christo : scitis jus conferendi ecclesiam Sancti Quintini et ecclesiam de Ingleio ad nos devolutum et perlapsum semestis temporis [48] universitatem vestram tenore presencium attente rogamus quatenus illud nobis concedatis hoc vice. Datum anno Domini 1260 mense maii. » [49]

Les chartes des archives départementales, qui semblent former les originaux du Cartulaire de Montmorel, [50] renferment beaucoup de particularités relatives à Saint-Quentin.

Dans la grande charte de 1210, où sont détaillés tous les biens de Montmorel, se trouve un article pour cette paroisse : « Ex dono W. de Bosco-Ivonis [51] tres quarterios frumenti apud S. Quintinum. » Dans une lettre royale sur l’amortissement de plusieurs revenus du monastère est cité le suivant : « Apud. S. Quintinum ex dono W. de Verdun militis dccem solidos turon » Une charte de 1235 consacre la donation d’un champ de cette paroisse : « Ego W. Bocaut pro sainte anime mee et antecessorum meorum necnon et heredun meorum cum assensu Gaufridi de Capella domini mei dedi abbatie de Monte Morelli unum campum quem habebam in parrochia S. Quintini qui vocatur Campus Raine.........  » Le Mès Henri est cité dans un acte de 1235 dans lequel R. Grimaut confirme au monastère « Tenementum Stephani le Couvreor quod situm est in Mès Henrici in parrochia S. Quintini, quod W. de Verdun miles elemosinavit. » Guyot et la Croute Chaucon sont cités dans la charte de la même année par laquelle « Petrus de Montemorelli tenetur reddere novem sol. cen. de duabus acris terre quas habebat in parrochia S. Quintini sitas apud Guiot in Crota que vocatur Crota Chaucon » Cette rente reposait sur un fonds aumôné par un illustre seigneur : « Ego Freeslinus de Malesmeins et Johanna uxor mea pro salute animarum nostrarum concedimus abbatie de Monte Morelli duas acras terre quas ex dono Ricardi Chaucon apud Guiot possidet.... Testibus Ranulfo tunc priore de Sace, Petro Chaucon decano, Rotholando de Verdunio »

Ces citations paléographiques, empreintes de la foi et de la loi du Moyen-Age, termineront le tableau de Saint-Quentin, tableau relativement riche et étendu. Cette commune possède tous les élémens du passé, l’église et le château, la légende et l’histoire, la charte du moine et les vers du poète.

Source :

Notes

[1] De ce mot viennent les appellations topographiques suivantes qui appartiennent au département de la Manche : le Hommet, le Homméel, Hommaela, l’Ile Marie ou Hulmus (île de l’Ouve) ; dans le Cartulaire du Mont Saint-Michel, Quettehou, qui est une presqu’île, est latinisé en Ketelhulmus et Keteho, l’île ou l’habitation de Kete. Fol. 51. L’Avranchin borne à l’ouest le territoire appelé le Houlme, dont Briouze est le centre véritable. Il y a en France, et spécialement en Normandie, plus de cinquante Holme, Homme, Houme, etc.

[2] Sur les bords de son étang, entre le Logis et le moulin, on trouve le Carex pseudo-cyperus, le Polygonum amphibium, la Lysimachia vulgaris, au Val d’Oir la Valerianella dioica, vers le Moulinet, le Tanacetum.

[3] Domesday Book, 83, 98 et 99.

[4] Voir cet acte de 1082 dans les Mss. de M. Cousin. Le logement des Esnaudières n’a rien d’antique : c’est maintenant une assez jolie habitation.

[5] Chateaubriand cite le même fait. Études Hist.

[6] Études Hist., tome III, p. 390.

[7] Masseville, tom. V, p. 432.

[8] Chartrier de Ducey. Charte de 1584.

[9] Chartrier de Ducey. Les Montgommery étaient d’une humeur bataillarde et processive, comme on peut le voir dans leur histoire et ce chartrier. Aussi sont-ils restés dans les croyances populaires comme des types de gentilshommes tracassiers et oppresseurs. Nous croyons que mainte bonne action a racheté leurs méfaits. Cette idée indulgente de compensation, qui se trouve dans tout le Moyen-Age, dans le sujet roman du Pèsement des Ames et dans la charmante scène du Juron de mon oncle Tobie, de Tristran Shandy, a été appliquée à un Montgommery par un poète de l’Avranchin, homme aimable et poète élégant, M. de Saint-Victor :

Lors dans la foule un bel ange caché
S’avance et dit : par une sainte aumône,
Faite en secret pour le Dieu qui pardonne,
Fut effacé cet horrible péché.

[10] Exercices poétiques, par J. de Vitel, poète avranchois. A propos de ce dernier mot, faisons une remarque : les poètes nous ont appris une double expression pour signifier l’habitant d’Avranches et l’habitant de l’Avranchin : Vitel appelle le premier Avranchois, Wace appelle le second Avranchinois : l’orthographe moderne nous donne la forme d’Avranchais et d’Avranchinais : nous ne savons pourquoi ce dernier mot prévaut en ce moment pour signifier habitant d’Avranches : ce n’est assurément pas pour raison d’harmonie.

[11] Dossier du château de Ducey. Arrêt rendu en la chambre Tournelle. Mars 1691.

[12] L’analyse du jugement est à la marge, d’une main récente.

[13] Mém. sur la Gén. de Caen.

[14] Marqué dans Cassini.

[15] « Élégante habitation, magnifiques jardins, belles futaies, eaux abondantes et d’une disposition heureuse. » M. Fulgence Girard, Annuaire, p. 294. A l’estacade de l’Ile Manière finit la grève et commence la rivière ; c’est là qu’est la dernière tanguière : on trouve dans cette station les plantes intermédiaires et pour ainsi dire amphibies, la Salicornia, la Choropodium maritimum, l’Erigeron Canadense, le Tamarix. Dans les ruisseaux voisins on trouve abondamment la Veronica anagallis. Sous la voûte de la Foutelaie, portée par sa fantastique et gigantesque colonnade, dominent la Molinia et le Geum.

[16] La Prinse du Mont Saint-Michel, par J. de Vitel.

[17] La Prinse du Mont Saint-Michel, par J. de Vitel.

[18] Voir le Domesday et ses supplémens, les Listes de Wace, de Brompton, de Taylor, etc.

[19] Expression de Masseville dont ce récit est particulièrement tiré.

[20] Jean le Marcel, dit dom Huynes, secrétaire du chapitre et maître des novices, qui a écrit cet événement, assure qu’en cette déroute, il eut la moitié du col coupé d’un coup de coutelas.

[21] Nom de la fermeture de la porte extérieure du Mont. Voir notre Mont Saint-Michel.

[22] Notre récit est la combinaison de ceux de dom Huynes, de Thomas Le Boy, et de Masseville. Les prédécesseurs de de Vicques n’avaient que le nom de capitaine.

[23] Audacieux : c’est du Touchet.

[24] Tu sais où est le Mont sur le sourcil duquel, etc.

[25] C’est le chiffre poétique : on a vu qu’ils étaient 29.

[26] Vitel connaissait bien les grèves : les paumelles s’affaissent sous le pied en craquant.

[27] Le vautour est Bastarnay, le capitaine du Mont.

[28] D’Avranches ou de l’Ile Manière.

[29] Nous n’avons pas besoin de nommer de Vicques.

[30] C’est un des bons pastiches de Vitel.

[31] Si cette description n’a pas un grand intérêt d’originalité et de poésie, elle a un grand mérite à nos yeux : elle est la peinture des lieux du pays, la personnification des rivières, l’histoire merveilleuse des origines. Voir passim nos citations.

[32] Pomone donne à Homme six besans d’or, avec l’image d’un lion : et sont les armoiries des du Homme qui sont d’azur, au lion d’argent, à six besans d’or, trois au chef et trois en pointe. Voir le tableau des Chevaliers. Sur la bosse du bouclier se dresse le Mont Saint-Michel, auprès est Sélune, etc. Sur la targe est une haute montagne, Avranches ou Polydendron.

[33] Voici comme notre poète et son époque faisaient l’histoire de France : Rejetons d’Hercule, dit de Vicques, qui vîntes d’Hespérie en Neustrie avec Pomone, vous qui avez pour aïeux les Troyens qui accompagnèrent Francus en Allemagne et de là en Danemarck, dont une branche, celle des Normands, conquit la Neustrie.

[34] L’artillerie royale, postée à Olbiche, foudroya les remparts et abattit la Salle Synodale. Une énorme pièce, appelée le Gros-Robin, fit des ravages épouvantables. M. Fulgence Girard, Annuaire, p. 116.

[35] Hist. des ducs de Bretagne, tome II, p. 386.

[36] Dom Huynes écrivait vers le milieu du XVIIe siècle.

[37] De Vicques laissa quatre enfans.

[38] Dom Huynes. Hist. de la célèbre Abbaye du Mont Saint-Michel. Capitaines du Mont,

[39] Dom Huynes. Des biens de ce monastère. Nous ne connaissons que deux exemplaires des Exercices poétiques de Vitel, celui de la bibliothèque de Caen, et celui de M. Boyssou. Celui-ci, qui lui a été donné par M. Bunel, propriétaire de l’Ile Manière, est probablement celui de de Vicques lui-même.

[40] Economies Royales, tom. VIII, p. 162. Petitot. Il parait que Sully ne crut pas à la vérité de cet avis, puisqu’il ne provoqua pas de poursuites contre les accusés.

[41] Descriptive and Historical Stketches of Avranches.

[42] Discours prononcé dans la séance publique de la Société d’Archéologie d’Avranches du 22 mai 1841.

[43] Ce lieu était d’ailleurs prédestiné pour l’emplacement de l’église : une tradition, qui se trouve en mille lieux, raconte que l’on voulut d’abord bâtir l’église dans le Champ de la Messe, mais que les pierres revinrent toujours d’elles-mêmes dans l’emplacement actuel.

[44] Miss Costello a fait de ce porche une des plus jolies illustrations de son bel ouvrage. V. le 1er vol.

[45] M. de Clinchamp dit : « La beauté grandiose de ces colonnes fait oublier qu’on aurait pu les placer plus régulièrement ».

[46] Overbeck en Allemagne, M. de Montalembert en France. Voir son livre sur le vandalisme en France.

[47] Mss. de M. Cousin. Note sur Saint-Quentin-sur-le-Homme. Le nom de Cenalis est inscrit maintenant dans un édifice, moins périssable que les édifices de pierre, la Notre-Dame-de-Paris de Victor Hugo.

[48] Il y a dans la charte semestis temporis : nous aimerions à y lire temotis temporibus, à moins qu’on ne voie dans la première expression semestum, que Ducange interprète par intervallum. (Gloss.)

[49] Livre Vert, fol. 69.

[50] Au dos sont des chiffres romains qui indiquent probablement le fol. du Cartulaire. Ainsi L. p. se traduirait par fol. L. Carta prima. L’habile archiviste, M. Dubosc, a conçu un projet de Cartulaire départemental, qui est en voie d’exécution. Déjà huit cents pièces du Cartulaire de Saint-Lo ont été transcrites ou analysées. Une pièce de Savigny, sur l’utilité des Recueils de Chartes, forme une digne introduction à cette collection importante, que tous les départemens devraient organiser. L’utilité historique des chartes pourrait avoir besoin d’être démontrée aux hommes de notre époque ; mais ils ne révoqueront pas en doute leur utilité administrative. Ainsi récemment la question des lais et relais de Donville et Bréville était éclairée par des chartes ; celle de la fermeture du havre de Saint-Germain-sur-Ay a été en partie décidée par une charte du XIIe siècle, citée par le préfet de la Manche dans son rapport au conseil général.

[51] Bois-Yvon, commune de l’arrondissement de Mortain dont l’église était à Montmorel.