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Beauchamps - Notes historiques et archéologiques


NDLR : Texte de 1847 ; voir source en bas de page.


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eauchamps forme une enclave dans l’arrondissement de Coutances qui l’embrasse de tous les côtés, excepté à l’est où un étranglement le rattache à son arrondissement, isthme idéal que sillonne le cours capricieux du bassin abrupte de l’Airou. C’est en général un plateau élevé, digne de son nom, qui s’abaisse vers cette rivière, et que coupe presque également de l’est à l’ouest la route de Caen à Granville. Les maisonnettes qui bordent cette route dans la traversée de Beauchamps ont une physionomie remarquable. Outre leur propreté, supérieure à celle de la plupart des maisons normandes, elles s’égaient au soleil avec leur façade brodée de dessins faits de coquillages ou tracés dans le badigeon. Cette route franchit à Beauchamps, sur un beau pont d’une arche, l’Airou, qui reçoit au-dessous la Hebarde. Parmi les noms significatifs de cette commune on remarque la Forge-aux-Balais, la Croix-Chatel, le Hameau-aux-Biches, les Hauts-Vents, la Porte-du-Rez.

L’église ne répond pas à la beauté du site ni à la grâce du village. Elle est cachée à mi-côte dans le pli d’un vallon, et n’offre qu’un seul objet d’art et d’antiquité. Elle a deux transepts. Sa tour, à faîte triangulaire, s’élève lourde et timide à la face occidentale, mais sans y former portail. L’entrée principale est le porche du midi. Le morceau intéressant est le baptistère et spécialement sa base. Elle est d’un travail grossier, mais d’une physionomie romane, et probablement l’unique reste de l’église qui existait en ce lieu vers l’époque de la Conquête. C’est un dé en calcaire de Caen, avec des colonnettes engagées aux angles, sans base ni chapiteau. Sur les faces sont insculptées des figures grossières, surmontées de fleurs et de pommes de pin. La cuvette, évidemment ultérieure, est en granit, et porte des entailles, imitation maladroite des reliefs du piédestal. Le reste de l’église est moderne et sans caractère.

Au XIIe siècle, cette église était ainsi notée dans le Livre noir : « Ecclesia de Bello Campo. Patronus heres de Murdraqueria. Rector percipit omnia cum vj acris terre elemosine et valet xxx lib. » Au XIIe siècle, elle était ainsi notée sur le Livre blanc : « Taxus tricesime : xxiij. s. iiij. d. Taxus decime xxxv lb. Bellus Campus. » En 1648, elle avait pour patron le seigneur du lieu, et rendait 600 liv. [1] Elle est sous l’invocation de saint Crespin et saint Crespinien. [2]

Mais la gloire de Beauchamps, c’est l’illustre, famille de ce nom, que rappellent les vestiges de son château.

Une magnifique position naturelle, un cap qui se projette vers l’Airou en ondulations étagées, baigné d’un côté par la nature et des deux autres par la main de l’homme, en face des croupes que couronnent l’église et le château de Dragueville, fut l’emplacement de la forteresse et le berceau d’une famille de la Conquête, celle qui a été la souche des comtes de Warwick et de Worcester. Il ne reste rien de la forteresse des premiers Beauchamp. Les vestiges actuels présentent une maçonnerie schisteuse sans beaucoup d’épaisseur ni de cohérence. Le plan général est celui du promontoire. C’est un arc dont la corde, ou l’isthme, représente la partie accessible. La courbe de l’arc est un musoir très-escarpé, baigné par des eaux naturelles ou artificiellement amenées. Mais ce plan, assez ordinaire, offre ici une particularité remarquable : le sol de cet arc s’échelonne en trois étages de redoutes, qui ne pouvaient être emportées que par quatre assauts. La forme et la force du terrain autorisent à penser que le donjon était à l’extrémité du musoir. Entre cette enceinte extrême et celle qui la précède, il y a un ouvrage à angles, espèce de bastion, dont la forme et la maçonnerie annoncent le XVIIe siècle, date qu’on lit dans les constructions fermières qui existent sur l’isthme et forment la quatrième ligne de défense. La chapelle, qui existait dans l’intérieur, fut transportée en-dehors de l’enceinte, du côté du sud, quand on fit ces constructions. Elle n’existe plus. [3]

Outre le château, il y a le Manoir à l’ouest de l’église.

Le premier nom historique des seigneurs de cette paroisse est Hugues de Beauchamp, qui commandait à la Conquête les troupes du Val de Sienne. Toutes les listes citent son nom ; [4] il figure dans le Domesday, sous la forme de Hugo de Belcamp, comme Tenant en chef dans trois comtés et comme Soustenant dans huit endroits du Hertfordshire. [5]

Le fils et le successeur de Hugues épousa Rohais, fille d’Aubrey, de Ver, commune voisine de Beauchamps. [6] La famille des Beauchamp se partagea en deux grandes branches, la branche anglaise, divisée en une dizaine de baronnages, parmi lesquels ceux de Warwick, de Worcester et de Bedford, [7] et la branche normande, moins illustre, mais très-distinguée.

Raoul de Beauchamp était à la croisade du duc Robert.

Sous le règne de Henri Ier, Robert de Beauchamp était vicomte d’Arques. [8]

Sous le règne de Henri II, 1172, Hugues de Beauchamp devait au roi le service d’un chevalier pour le comté de Mortain : « Hugo de Bello Campo 1. mil. regi de comitatu Moretonii. » [9] En 1173, ce même Hugues était châtelain de Verneuil. Il figure pour la fin de ce siècle dans les Rôles de l’Echiquier : « Homines Hug. de Bello Campo XII l. de feodo I mil. »

Son héritier devait 7 livres du fief d’un chevalier.

En 1203, Richard de Beauchamp était connétable de la Tour de Rouen.

Le roi Jean, vers 1215, fit marché pour la terre de Watkin (Walter) de Beauchamp.

En 1287, Jean Marie de Beauchamp vendit : « Nobili domino Radulfo de Bello Campo militi unam quart. frumenti ad mensuram de Haya Paganelli... ad feodum de la Favrerie. »

En 1300 : « Radulfus de Bello Campo dedit abbatie de Lucerna ad opus capelle S. J. Baptiste quam fecit juxta sacristariam, in qua elegit suam sepulturam, sex bossellos frumenti. »

Dans le XIVe siècle, Clémence du Guesclin, la plus jeune des sœurs du connétable, épousa en premières noces Raoul, seigneur de Beauchamp, avec qui elle vivait encore en 1364 ; en 1371, elle était remariée à Fraslin de Husson, seigneur de Ducey, de Champcervon, etc. Raoul portait d’azur à quatre jumelles d’or, au lion passant de même en chef. [10]

En 1419, le roi Henri V donna le château de Raoul de Beauchamp à un seigneur anglais qui portait ce nom : « Le 13 dudit, respit dun mois à Jean de Beauchamp de Poywiller du chastel de Beauchamp qui fut à Raoul de Beauchamp chevalier. » [11] Vers ce temps un Beauchamp, comte de Warwick, était lieutenant du duc de Bedford, dit régent de France, comme on le voit dans le Registre de Thorigny : « Ricardus de Beauchamp comes Warvicensis locum tenens dicti regentis tempore Henrici VI pro campo. » [12] Les Anglais ne furent pas paisibles possesseurs de ces conquêtes. Vers 1437, Beauchamp, fut le théâtre de plusieurs engagemens. Il y eut au village de la Provotière et dans le Champ-des-dix-huit-Vergées un combat où les Français furent mis en déroute. [13] Il ne paraît pas que le château fût alors très-important : il est à peine nommé parmi ceux que les Français reprirent, sans coup férir, en 1439 et 50. [14]

Ambroise de Bereauville, seigneur de Beauchamp, à la fin du XVe et au commencement du XVIe siècle, possédait les seigneuries de Beauchamp et de Mesnil Rogues, qui depuis ce temps furent réunies. Une branche des Pierrepont les posséda ensuite, puis elles passèrent par des mariages dans les familles de There, d’Osmond et de Briges. M. de Briges vendit vers 1820 les restes de la terre et du château de Beauchamp. [15]

En 1765, Beauchamp, de l’élection de Coutances, de la sergenterie du Sabot, comptait 115 feux. [16]

Source :

Notes

[1] Pouillé du Diocèse de Coutances, p. 8.

[2] Une église de l’arrondissement de Mortain, placée sous la même invocation, possède un curieux bas-relief en pierre de Caen, représentant l’atelier de ces deux patrons des cordonniers. Elle est contiguë à Saint-Maur-des-Bois.

[3] M. le curé d’Equilly, vieillard plus qu’octogénaire, nous a dit y avoir célébré secrètement la messe pendant la Révolution.

[4] Il est dans la charte de l’abbaye de la Bataille ; dans la Liste rimée de Brompton d’où nous avons tiré notre épigraphe ; dans Masseville, etc.

[5] Introd. to Domesday by sir H. Ellis, tom. I, 379, tom. II, 293.

[6] M. de Gerville, Châteaux, arrondissement d’Avranches.

[7] Voir Dugdale. La baronnie de Bedford fut donnée à Pain de Beauchamp par G. Le Roux. Selon Banks, les Beauchamp s’élevèrent à une grandeur voisine de celle du souverain.

[8] Orderic Vital, p. 837, édit. Duchesne.

[9] Rôles de l’Échiquier, édit. de M. Stapleton, tome II, page 238 et 239. Catalogue Nobilium. Ap. Duchesne.

[10] M. de Gerville. Loco cit.

[11] Registre des Dons, par Ch. Vautier, page 78.

[12] La Déclaration de la Chevalerye de Jehan, régent de France, publiée par M. Dubosc dans le premier numéro du Journal des Savans de Normandie. Ce Mss. intéressant pour l’histoire ne l’est pas moins pour la philologie, et représente la langue hibride, latine, anglaise et française, du temps de l’occupation anglaise. En voici deux spécimen : « Vel la garnison Montis S. Michaelis. » « Here John capitaneus. »

[13] Richard Seguin, Histoire mil. des Bocains, p. 314.

[14] M. de Gerville. Loco cit.

[15] M. de Gerville, Châteaux, ut supra.

[16] Expilly, Dictionnaire des Gaules. Près de Beauchamps, à Mesnil-Rogues, on a trouvé plus du 300 kilo. de coins celtiques, enfilés par des lanières de cuir. Ils ont été vendus à Villedieu à H. Pichard, fondeur. Nous possédons un de ces coins.