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Folligny - Notes historiques et archéologiques


NDLR : Texte de 1847 ; voir source en bas de page.


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ette commune est, dans notre cercle, une de celles dont le sol est le moins accidenté : sa forme générale est un rectangle allongé du nord au sud. Au nord, à l’est et au sud elle a des limites naturelles ; à l’ouest elle est bornée par la route d’Avranches à Coutances, cette route antique qui était, sous la domination romaine, la voie de Cosedia à Legedia, et dans le Moyen-Age, la route du Repas.

L’église de Notre-Dame-de-Folligny porte des traces de l’époque romane dans les contreforts du chœur, dans une fenestrelle et dans sa croix ronde dont les modules sont dispersés. La base de la tour vient ensuite dans l’ordre du temps, avec les quatre colonnettes basées et chapitées des fonts et un vitrail, à teintes foncées, représentant deux femmes, peut-être sainte Elisabeth et la Vierge. Sous la corniche court une frise composée de fleurons trilobés, qui rappellent ces imbrications ogivales des flèches de Coutances, [1] dans lesquelles on peut voir cette préoccupation de l’unité que les artistes du Moyen-Age apportaient dans les moindres détails. Comme ceux de la cathédrale, ces fleurons, avec les parties précédentes, doivent remonter au XIIIe siècle. La nef et le chœur sont en général du XVIIIe siècle : sur les degrés du maître-autel on lit la date de 1725. Le retable contient une vieille toile écaillée, représentant l’Assomption, qui nous paraît avoir le caractère d’onction et de suavité de cette peinture des madones du XVe ou du commencement du XVIe siècle, fille des enluminures et des images des vélins gothiques. Toutefois, comme le Rosaire de saint Quentin, elle est plus récente et représente comme lui la continuation d’un de ces élémens de la tradition qui protestent en faveur du passé contre les élémens dominateurs. Ainsi l’art païen se perpétua au milieu de l’art du Moyen-Age : ainsi l’art du Moyen-Age projeta des lueurs dans le mouvement païen de la Renaissance. La base intérieure de la tour a été refaite avec ses arcs, ignoblement badigeonnés et quadrillés comme les murs d’une cuisine. Il y a dans le cimetière une croix fastueuse et composite assez remarquable : son dé est insculpté d’une légende et de divers ornemens, entre autres d’un écusson étoilé, portant trois étoiles, armes qu’on retrouve sur une dalle tumulaire et qui sont des La Bellière. Le premier module du fût est orné de clochetons appliqués et les autres sont semés de nœuds.

Dans le presbytère de Folligny on voit un portait de guerrier en costume du temps de Louis XIV : c’est le maréchal de Villars, sous lequel avait, dit-on, servi un des curés de cette paroisse. Dans ce presbytère ont été composés, par M. Desroches, alors curé du lieu, différens ouvrages historiques sur le diocèse d’Avranches, entre autres l’Histoire du Mont Saint-Michel.

Cette paroisse n’a au Livre noir que cette note : « Foligneium vij. » Voici celle du Livre blanc :

« Prior de Bloueteria est patronus ecclesie de Foligneio de dono Guillelmi Murdac militis. Rector percipit terciam partem decime et habet in elemosina quindecim acras terre et percipit quinque quarteria frumenti in dicta parrochia ratione Capelle de Repasto et centum solidos ratione qua supra. In dicta parrochia prior domus Dei de Haya Paganelli percipit duas garbas decime. Rector solvit pro decima sexaginta et decem solidos et pro capa episcopi octo solidos. »

Toutes ces redevances composaient pour l’église un revenu de 39 liv. En 1648, elle avait pour patron l’évêque de Coutances et rendait 400 liv.

Le manoir de Folligny, qui se cachait naguères derrière ses belles chênaies, autour duquel se tient, de temps immémorial, la célèbre foire de Folligny, est une habitation d’un aspect féodal, qui permet d’évoquer l’existence d’un seigneur campagnard du XVIe siècle. Les lignes, sinon les caprices de cette époque, sont empreintes sur sa façade. De belles fenêtres à barres ou croisées, à meneaux striés à vif, à arêtes bien profilées, des linteaux à double et triple accolade, quelques broderies de feuilles de vigne ou de chêne, d’élégantes et vastes cheminées, grandes comme nos appartemens, un toit élancé, une tourelle-escalier, un colombier flanqué de contreforts, les eaux du ruisseau de la Coquerie, baignant l’habitation, une chapelle, telles sont les parties, tel est l’aspect du Manoir de Folligny.

Un terrain contigu, bosselé de monticules de débris, entouré sur ses quatre faces de dépressions profondes où les eaux pouvaient arriver, ressemble à l’emplacement d’une construction antérieure, d’une nature plus féodale et d’une assiette plus forte : nous croyons que c’est l’emplacement du château de Folligny. Le terrain s’appelle le Viveron, sans doute des viviers qui remplissent le vallon, et s’épanchent dans les Douces-Eaux.

Il y avait une forêt de Folligny qui, avec le fief de ce nom, appartenait au comte de Mortain. [2]

La famille de Folligny fut distinguée par elle-même et par ses alliances. Elle portait de sable à six carrés, trois d’argent, trois de gueules.

Elle donna deux défenseurs au Mont dans le siège de 1432, et eut l’honneur d’être dépouillée de ses biens par le roi d’Angleterre. Le 23 avril 1418, les terres, manoir et héritages, qui étaient à Olivier et Jacques de Folligny, furent donnés à G. Rothelaire. [3] En effet, deux Folligny étaient parmi les défenseurs de la Normandie et figurent dans la liste d’armes des 119 chevaliers du Mont Saint-Michel.

Vers 1450, Jean de Folligny fut réintégré dans sa seigneurie et dans celle du Quesnoy [4] comme ayant toujours, dit Toustain de Billy, tenu le parti du roy. [5]

Le nom de Folligny signifie habitation de Follin ; [6] cette terminaison est très-commune et s’ajoute en général à des noms propres faciles à discerner : ainsi dans le diocèse d’Avranches : Juvigny (Jouvin ou Juin), Martigny (Martin), Subligny, Soligny (Solin), Rouffigny (Ruffin), comme Reffuveille (Rufini villa), Romagny (Romain), Parigny (Parin), et ailleurs, dans le département de la Manche, Marigny, Morigny, Servigny.

Dans Folligny est le village du Repas. C’était au XIIe siècle le centre d’une paroisse, mentionnée dans le Livre Noir : « Ecclesia de Repasto, patronus doumus Dei de Haya Paganelli percipit duas garbas. Terciam garbam et altalagium percipiunt duo redores qui ibi sunt portionibus equalibus. » Cette paroisse, qui était considérable, puisqu’elle avait deux curés, [7] n’existait plus au XIVe siècle, car le Livre Blanc n’en fait pas mention. Elle fut divisée entre La Meurdraquière, Folligny, Saint-Sauveur-la-Pommeraye. Une charte de 1234 nous apprend qu’elle n’existait même plus dans le XIIIe siècle, car elle ne parle que de la Capella de Repasto. Cette chapelle, dédiée à saint Denis, existait encore il y a une soixantaine d’années et des vieillards nous l’ont décrite. C’était un simple oratoire, avec un campanier à deux cloches sur le portail, sans fenêtre orientale. Il possédait beaucoup de statues qui ont été enterrées dans son emplacement, qui s’appelle toujours le Champ-Saint-Denis, [8] ou dans le cimetière de Folligny. A cette église était attaché un hôpital dédié à saint Jacques, qui était un besoin sur une route aussi fréquentée. Il avait été fondé en 1193, et donné à La Bloutière par un Meurdrac, qui annexa, à cet hôpital l’église de Folligny, avec le consentement de l’évêque de Coutances. Le premier administrateur fut le chanoine Simon. Le comte de Boulogne et son épouse Yda donnèrent à l’hôpital la coutume des foires du Repas, les jours de saint Jacques et de saint Denis. [9] Le chanoine Vimond fut le successeur de Simon dans l’administration de Saint-Jacques-du-Repas : S. Jacobi de Repasto, l’an 1200. Beaucoup de dons furent faits de son temps à cette maison hospitalière ; [10] mais elle était trop éloignée de l’eau, et, en 1234, G. Meurdrac consentit à unir cet hôpital à celui de la Haye. Ce fut sans doute alors que l’église du Repas cessa d’être paroissiale. Voici la charte d’union :

« Hugo Dei gratia Constanc.... episcopus eternam in Domino salutem. Noveritis quod cum apud Hayam Paganelli et apud Repastum due domus hospitales essent constructe quorum neutra per se ad sustentationem pauperum convenienter sufficere videbatur.......... Ita tamen quod canonicos in dictis locis a nobis constitutos ei sine auctoritate nostra non liceat amovere.... Actum anno Domini M° CC° XXX° quarto. » [11]

Après cette réunion, cet Hôtel-Dieu dut recevoir les pauvres de Hocquigny, la Haye, le Tanu, Folligny. Son histoire sera continuée à l’article de l’Hôtel-Dieu de la Haye ou de Hocquigny. [12]

La voie romaine de Coutances à Avranches

Le Repas était au milieu de la route de Coutances à Avranches : c’est ici le lieu d’étudier la direction et les stations de cette antique voie, qui est celle de Cosedia à Legedia. D’ailleurs c’était une route très-fréquentée au Moyen-Age : c’était la route des pèlerins vers Saint-Pair et le Mont-Saint-Michel ; c’était le siège de foires très-célèbres, dont une s’est continuée et s’appelle la Foire-de-Folligny.

Nous avons reconnu une voie romaine littorale qui allait de Coutances à Rennes, et qui est marquée sur l’Itinéraire d’Antonin [13]. Il y en avait une seconde entre les deux villes, celle de la Carte de Peutinger, qui se dirigeait par l’intérieur. Ces deux voies sont parfaitement tracées sur la carte de Cassini. Partant de Coriallum, [14] celle-ci passait par Cosedia, de là elle gagnait Legedia [15] en faisant un coude, et sur une longueur de 19 lieues gauloises, distance exacte qui sépare Coutances d’Avranches, et arrivait à Condate [16] dans un parcours de 49 lieues gauloises, distance réelle d’Avranches à Rennes. Ainsi les distances actuelles concordent parfaitement avec celles de la carte. Les stations n’ont pas soulevé de doutes, excepté Legedia ; mais entre Cosedia et Condate on ne peut placer de localité importante autre qu’Avranches, et l’opinion des savans est générale sur la localisation de Legedia à Avranches. [17] Il ne reste qu’à suivre les traces de la direction de cette ligne dans les documens du Moyen-Age.

De Coutances cette voie s’avançait vers Cérences et passait à l’Epinay « où il y avoit autrefois un pont en pierre, dont il ne reste d’autres vestiges que les grands chemins pavés qui y aboutissent et servent de chemin principal pour aller du Costentin et Coutances à Avranches, Pontorson et la Bretagne. » [18] Cette route, dans une charte de 1299, est appelée le Chemin-Chaussé : « In parrochia de Cerences in feodo des Haietes ultra malepalu et jungitur ex uno latere Chemino Chaucie. » [19] De là, par la Chaussée et la Haute-Rue, elle se rendait au village du Repas, dont le nom indique le passage d’une voie antique. [20] Ce nom, les débris qu’on y a trouvés, son importance au Moyen-Age, ses foires, [21] d’autres voies qui y aboutissaient, comme celle de Saint-Pair via Dorepast ad mare, [22] en font un lieu remarquable. La voie traversait La Haye-Pesnel où il y a un châtel et près de laquelle est la Miltière, suivait la ligne de l’ancienne route de ce bourg à Avranches, passait au Grippon, côtoyait Chavoy, Cava Via, et le Châtellier, franchissait la Sée à Ponts, près duquel on voit encore ses tronçons bien reconnaissables, et arrivait à Avranches.
Là s’ouvrait le chemin de Rennes, que l’on suit encore aisément dans l’arrondissement d’Avranches. Son point de départ dans Avranches était le quartier Saint-Gervais, si riche en vestiges romains, médailles, aires d’huîtres et de ciment, tuiles et poteries ; la rue Saint-Gervais commençait son tracé, et c’est dans cette rue et sa prolongation qu’on a trouvé des mosaïques et des monnaies romaines ; [23] elle franchissait l’ancien gué de Pontaubault dont le sol est un véritable médailler. [24] En cet endroit, la route portait au Moyen-Age le nom de Cheminum domini Regis. [25] La voie de Rennes passait par Précey, à la Chaussée, par Vaugris où l’on a trouvé des monnaies françaises, du côté du Laurier, des Batailles, des Tombettes, un vieux titre l’appelle pour cette paroisse Chemyn de Règnes, [26] puis par Crollon, dont la lande portait naguère des vestiges d’anciens campemens, par la Croix, laissant sur son flanc le Châtellier. En cette localité elle est mentionnée dans une charte : « Un clos qui fut Andreu Paris assis entre le chemin le Rey... lan de grace mil ccc et treze. » [27] De là elle passait sur Montanel où elle portait au XIIe siècle le nom de Cheminum Calciatum sous le cimetière. [28] Là on a trouvé un grand nombre de médailles gauloises, dont trois en or, décrites par M. Lambert. [29] Un vieux titre cité par M. Desroches désigne cette route : « Une pièce de terre nommée la Rue-Chaussée.... joignant au grand chemin Chaussé.... le clos Lembert butte au grand chemin Chaussé. » [30] A Frilouse, dépôt de poteries, urnes, tuiles, elle sortait du pagus de l’Avranchin et se continuait sur Rennes.

Bien que le nom du Repas soit orthographié Repast et Repastum dans les titres du Moyen-Age, et semble indiquer un lieu de halte et d’hôtelleries, nous croyons cependant que sa signification originale, comme celle de ses analogues, dérive de sa position sur une voie romaine, et présente l’idée de passage.

Source :

Notes

[1] Comme nous avons visité quelques églises de la lisière de l’arrondissement de Coutances, de ce côté, nous consignerons ici quelques notes rapides : Dragueville, église à toit de chaume ; portail Renaissance. Belle épine du cimetière. La Meurdraquière, paroisse des Meurdrac. Voûte sous la tour ; fenêtre mi-romane, mi gothique au chœur. Tour pyramidale ; flèche obtuse. Equilly, tour originale, flèche sortant d’un toit triangulaire. Groupe de saint Hubert.

[2] M. R. Seguin, Ind. du Bocage, Introd. p. 67.

[3] Registre des Dons et Confirmations, p. 19. Toustain de Billy dit que la terre de Folligny fut donnée à un Vautier Semillon.

[4] Richard Seguin, Histoire Militaire des Bocains, p. 329.

[5] Mss. de la bibliothèque de Coutances.

[6] On dirait que les gens du pays comprennent ce radical, car ils prononcent Follin-gny

[7] A moins, peut-être, que l’un des deux ne fût curé de Folligny, ce que semble prouver la charte ci dessous.

[8] « Nous avons trouvé des monnaies et des poteries romaines, des tuiles à rebords très-rouges, un fragment de marbre blanc, etc. » M. Desroches, Paroisses du Mont Saint-Michel, p. 114

[9] M. Desroches, Hist., tom. I, page 114.

[10] Cart. de la Bloutière.

[11] Archives de Saint Lo.

[12] Voir Hocquigny.

[13] NDLR : L’Itinéraire d’Antonin (en latin Itinerarium Antonini Augusti) est un guide de voyage de la Rome antique, qui recense les villes-étapes de l’Empire romain, et les distances les séparant. Il nous est connu par vingt manuscrits, qui vont du VIIe au XVe siècle. (Wikipedia)

[14] NDLR : Cherbourg.

[15] Nom identique à Ingena dont il est l’altération.

[16] NDLR : Rennes.

[17] L’abbé Belley, XLIe vol. des Inscript. M. de Gerville, Essai sur les Villes et Voies romaines. M. de Caumont, Cours d’Antiq. monument., tom. II. M. Stapleton dit : « The via publica followed nearly a straight line from Cerences to la Haye-Pesnel, and had doubtless been a Roman road. » Il est vrai qu’il parle ainsi de la voie qui passait à Saint-Pair, mais il n’en reconnaît pas moins l’existence d’une voie romaine de Cérences à la Haye.

[18] Recherches de M. Foucault, Ap. M. Desroches.

[19] Cart. de la Luzerne. Voir l’abbaye de la Luzerne.

[20] De même les Pas, Maupas, Maurepas.

[21] Les hommes de la baronnie de Saint-Pair étaient exempts de droits de coutume aux foires du Repas : « Littera quod homines baronie S. Paterni non debent solvere coustumiam in nundinis du Repast. » N° 54.

[22] Cart.de la Luzerne.

[23] Voir Avranches.

[24] Voir Pontaubault.

[25] Charte du Livre Vert.

[26] M. Desroches, Paroisses de la Baie, p. 116.

[27] Charte de Saint-Lo, Ap. M. Desroches, ibid.

[28] M. de Gerville, Essai sur les Voies, p. II.

[29] Voir le Mémoire de M. Lambert, tome XIII des Antiq. de Norm.

[30] M. Desroches, loco cit., p. 116.