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La Haye-Pesnel - Notes historiques et archéologiques


NDLR : Texte de 1847 ; voir source en bas de page.


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ette commune a de l’importance : au point de vue monumental, elle offre trois châteaux, une église, deux prieurés, [1] deux chapelles ; au point de vue historique, les faits et les familles qui se rattachent à ces monuments, et l’une de ces familles est celle des Paynel.

Le bourg de la Haye est bâti sur le flanc et le plateau d’un coteau baigné par le Thar ; c’est maintenant une faible bourgade, mais elle possède des restes qui attestent son importance d’autrefois. M. Hairby a ainsi loué le site de la Haye : « A little beyond la Luzerne is the village of Haye-Pesnel.... These two places are sufficiently attractive front the nature of the country around to render that excursion one of great interest and delight. » [2]

L’église est bâtie au milieu du bourg, et elle est sous l’invocation de sainte Madelaine. Elle n’a d’ancien que sa tour, la base des murs d’un transept, parties qui doivent remonter aux temps de la Conquête, et des débris de colonnettes, épars dans le cimetière, venus des anciens fonts baptismaux. La tour est à trois retraits avec des ouïes légèrement ogivées, bordées d’un tore. Une baie cintrée se trouve au-dessous de ces ogives romanes. Les modillons n’ont pas de caractère. Dans la zone inférieure, on remarque des cintres postiches. La nef, le chœur et les transepts sont très-modernes. De l’intérieur, il n’y a rien à dire, si ce n’est la note d’un ancien dictionnaire : « L’église paroissiale de ce bourg est remarquable par sa propreté. » [3] Trois pierres tombales de l’un des transepts ont été piquées et ont perdu leurs inscriptions. Dans la pauvreté artistique de cette église, on remarque les sculptures rocailles des deux confessionnaux. On conserve dans le trésor un calice que la tradition fait remonter à saint Louis. Il est plus bas que les calices actuels ; il est renflé au milieu, et sur ce renflement il y a douze médaillons, qui ont été émaillés et qui représentent en buste les douze apôtres. Sur le pied est un émail du Crucifiement. Sous la patène est la Déposition dans le sépulcre. Ces objets sont d’un dessin qui ne permet pas de faire remonter le calice plus loin que la Renaissance. On y voit la fleur de lis moderne, courte et recourbée, et non la fleur de lis allongée du Moyen-Age. En outre, le pied est brodé d’une arcature de cintres classiques. [4]

Au bas du bourg, de l’autre côté du Thar, et dans la Luzerne, mais tenant à la Haye par l’histoire et la contiguïté, est un endroit que les habitans appellent Saint-Jacques et qui est indiqué sous le nom de Prieuré-Saint-Jacques sur la carte de Cassini. Il n’y a plus maintenant qu’une chapelle sans caractère, qui sert de fagotière à la ferme dont elle est une dépendance. Toutefois elle existait dès le XIe siècle. Hugues d’Avranches, le bienfaiteur ou le second fondateur de l’abbaye de Saint-Sever, donna aux religieux la chapelle Saint-Jacques-de-la-Haye-Pesnel, à la condition que l’abbé assisterait tous les ans, le jour saint André, dans la cathédrale d’Avranches, à l’office, aux côtés de l’évêque : « Ut dum Andree solemnia celebrantur praesulis lateri assistere debeat... habeat fanum apud Sepem seu Hayam Paganelli. » [5] Cette chapelle devint un prieuré de saint Sever, qui posséda, pour ce bénéfice, deux parties de la dîme du Tanu. Selon M. Desroches, qui a puisé ses renseignemens dans les titres de l’église de la Haye, Pierre Le Charpentier était prieur de Saint-Jacques dans le XVe siècle ; dans le XVIe, c’était M. Sanson de Saint-Germain-d’Isigny. Au XVIIe, en 1648, le prieuré de la Haye, qui dépendait de Saint-Sever, rendait 300 liv. [6]
Tout près du bourg de la Haye, sur la route du Repas, dans un vallon arrosé par le ruisseau de l’Eau-Plante, sont les restes d’un édifice appelé populairement le Prieuré, et désigné dans Cassini sous le nom de Prieuré-Saint-Maur. C’était l’Hôtel-Dieu de la Haye, ou plutôt de Hocquiguy ; car il appartient à cette commune, et bien que l’histoire et la proximité le rattachent à la Haye, nous en renverrons l’article à Hocquiguy, d’autant plus que dans les anciens titres il porte quelquefois le nom de cette paroisse.

La chapelle de Saint-Nicolas était située du côté du Tanu, où le bois et la terre de Saint-Nicolas en consacrent encore le souvenir. Quand en sortant de la Haye, on avait traversé les belles avenues qui couvraient le terrain du champ de foire, [7] quand on avait passé au pied du moulin à vent, on trouvait, pour ainsi dire au milieu des bois, une simple chapelle, à laquelle la tradition assigne une haute antiquité, puisque, d’après elle, elle aurait été la première église paroissiale de la Haye. Elle fut détruite au XVIIe siècle ; le revenu fut réuni à la cure de la Haye, à la charge de dire six messes et de placer une croix sur son emplacement. On y a trouvé des ossemens et des fragmens de colonnes. [8]

La Haye offre une particularité très-remarquable : trois châteaux, appartenant à trois périodes différentes, couvrent son sol, l’un de ses cendres, l’autre de ses débris, le dernier de ses constructions, et forment dans l’histoire locale et dans les souvenirs généraux trois grands jalons, comme ils forment trois points importans sur une ligne d’une demi-lieue, sur laquelle ils sont dispersés à des distances presque égales. Ces châteaux sont le Châtel, le Château-Ganne, le Logis.

Sur le flanc du coteau du Thar, en face de la croupe arrondie qui porte le bois de la Luzerne, avec la rivière à ses pieds, se dessine une motte découpée par la nature et par la main de l’homme, position forte qui s’appelle le Châtel. Un nom et une poussière de décombres sont tout ce qui reste de ce qui dut être un établissement militaire considérable. On y a trouvé des débris peu caractérisés, fragmens de ciment, poteries, cendres, ossemens, [9] qui ouvrent le champ à une double hypothèse, celle d’une origine celtique ou celle d’une origine romaine. L’absence de coins ou javelots celtiques, de monnaies gauloises, de débris vitrifiés, [10] de tous ces restes des populations galliques, ne permet guère de s’arrêter à la première supposition. Pour appuyer la seconde hypothèse, il y a quelque chose de plus significatif, un nom. Là fut un castellum, un châtel, et ce nom est jusqu’ici le souvenir le plus caractérisé du séjour des Romains. Toutefois les Gaulois les y avaient peut-être précédés, les peuples superposant généralement leurs établissemens les uns sur les autres, et ce lieu étant signalé par la force de son assiette. Le Châtel était un poste fortifié au bord de la voie de Coriallum à Renate, entre Cosedia et Legedia. [11]

Le Château-Ganne était hors du bourg : il n’en reste qu’un bloc énorme de maçonnerie et un retranchement, deux parties d’un grand intérêt historique et archéologique. L’une rappelle l’illustre famille des Paisnel ; l’autre offre un specimen des premiers châteaux normands.

Dans ce campement semi-circulaire, qui s’appuie aux restes du Château-Ganne, comme un arc s’attache à sa corde, nous trouvons un très-rare exemple d’une de ces Haya ou Haga, que les premiers Normands et même ceux du XIe siècle firent en Normandie et en Angleterre, et dont le souvenir est conservé dans tant de noms locaux. [12] Ce camp, très-bien conservé, avec son rempart, double en quelques parties, et couvert d’arbres, est l’image frappante de la Haya, et aussi de la Barbacane de palissade enfermant une vaste cour, le Bayle on Ballium, demeure des premiers seigneurs normands, forme intermédiaire entre le camp et le château. Cette Haya fut l’habitation des premiers Paynel. Le château dut s’élever dans ce XIe siècle, [13] qui en vit tant naître, et qui fut l’époque héroïque des Normands. Ce puissant pan de muraille, que les hommes de nos jours n’ont pu encore parvenir à démolir, qui semble prendre un élan vigoureux d’ascension, en s’élevant du bord du ruisseau qui le baigne, fait surgir dans notre imagination l’image de la forteresse normande dans sa rudesse hardie, massive et farouche comme les soldats de la Conquête ; ce fragment fait regretter l’ensemble, et le bloc ébréché fait craindre une destruction prochaine : nous continuerons sans doute à exploiter cette carrière pour bâtir nos maisonnettes. Alors il ne restera plus trace du passé sur ce sol historique ; et la tradition elle-même désapprendra ses récits et ses réalités poétisées ; personne ne montrera plus la Haya où est enfouie une tonne d’or, le Champ-des-Batailles où l’on retrouve les fers des chevaux ferrés à rebours de Foulque Painel, les ruines du Château-Ganne ou du Félon, la rue Iscariot, [14] et tous les vestiges de l’histoire des Painaulx.

Le nom primitif de cette famille est Pagen, Paganel et Pagenel, Paganellus. C’est l’orthographe du Domesday Book ou du XIe siècle ; c’est celle des Grands Rôles de l’Echiquier ou du XIIe ; une ville fondée en ce siècle, en Angleterre, par le fils de celui qui accompagna le Conquérant, est appelée Newport-Paganel ; toutefois, vers ce temps une contraction très-naturelle s’opère. Robert Wace écrit Paienals ; [15] la liste de Brompton donne Paynel. [16] La forme moderne est Paynel, Painel, Paisnel et Pesnel. La forme la plus rationnelle est Paynel, c’est celle que nous adopterons.

Les Paynel

Les Paynel sont originaires des contrées scandinaves. Ils vinrent avec Hrolf ou Rollon, et Vincent de Bearnais dit que Herold Avenel, compagnon de Rollon, était consanguin des Paynel, des Tesson, des Giffard. [17] Il paraît que la première habitation des Paynel fut les Moitiers-Hubert dans le Lieuvain. Un d’eux s’établit à Hambie, qui fut le berceau des Paynel de la Haye, et cette dernière localité ajouta à son nom primitif de Haya celui de son suzerain. Pour cette famille, comme pour presque toutes les maisons normandes, il faut arriver à l’époque de la Conquête pour trouver des renseignemens historiques. Dès-lors, les Paynel se trouvent partout en si grand nombre, et avec des noms si identiques, [18] qu’il est très-difficile de ne pas confondre les branches et les noms.

Radulfus Pagenel, qui accompagna le Conquérant, fut un seigneur très-puissant en Angleterre. Il ne tenait qu’en chef ; il fut richement récompensé et posséda 10 seigneuries dans le Devonshire, 15 dans le Lincolnshire, 15 dans le Sommerset, d’autres dans les comtés de Glocester, de Northampton, etc. [19] Il fonda à York la Nonnerie de la Sainte-Trinité. De lui descendent les comtes de Huntley et de Dudley. Robert Wace le cite avec son nom territorial :

Des Biarz i fu A venals
Des Mostiers Hubt Paienals. [20]

Bien que le Domesday ne cite que Radulfus Pagenel, il paraît cependant qu’il y avait à la Conquête un autre Paynel. Orderic Vital parle de Guillaume Paynel qui était à la bataille d’Hastings et qui mourut en 1087, ainsi que le Conquérant. Un ancien registre le mentionne en ces termes : « Fet a saver et remembrer ke William Paynel vint ove li Conquer. d’Engleterre et li Conquer. li dona por son service le cunte d’Ewerwyke... Willielm Paynel prist a fame Alice de Romely. » [21] Plusieurs Paynel prirent part à la croisade du duc Robert : leurs armes diffèrent un peu de celles des Paynel de la Haye.

Il y a dans le Cartulaire du Mont Saint-Michel une convention entre Guillaume Paynel et l’abbé, souscrite par Michel, évêque d’Avranches, vers 1080, qui prouve que ce seigneur était à la Conquête et qu’il reçut des biens de Guillaume, sans doute après la confection du Survey. Voici l’esquisse de cet acte fait à Bayeux, devant la reine Mathilde : « Si Wilmus Paginellus habet guerram de illa terra quam rex Anglorum dedit sibi cum femina sua, conventio est quam Hugo de Bricavilla quadraginta diebus illi faciet de guarda de custodia sese septunum de caballaribus ad suum cibum ; ....abbas de Monte unoquoque anno dat unum provendarium de cera vel viginti solidos et est in cois abbatis dure quale horum maluerit et hoc pro relevationibus de Cantelupo et pro pastura de la Lande. »

Le fils de Radulfus Pagenel, appelé Foulques, fonda dans le comté de Buckingham, l’abbaye de Newport près d’une ville à laquelle il a donné le nom de Newport-Paganel.

Au commencement du XIIe siècle nous trouvons son successeur Guillaume Paynel, dans un jugement rendu à Rouen en 1113 : il s’était emparé de la terre de Raoul Tesson, sicut antenatus, et elle dut être divisée en trois parties. Le lot de Guillaume comprit Percy et ses membra lorice, voisins de l’Honneur de son père Foulques, à Hambie. Guillaume Paynel fonda, en 1145, l’abbaye de Hambie et lui fit des dons à prendre sur son bois et son château des Moitiers-Hubert. Il fit l’acte de fondation en présence de ses quatre fils, Hugues, Foulques, Thomas et Jean : on le trouve dans le Neustria et le Gallia.

Le seigneur le plus souvent cité dans les titres du Moyen-Age, est son successeur Foulques Paynel. Gilbert d’Avranches, frère de Richard, vicomte d’Avranches, avait une fille Dyonisa, dite de Abrincis, qui épousa Hasculphe de Subligny. Celui-ci eut un fils qui porta le nom de son grand-père et s’appela aussi Gilbert d’Avranches. Ce second Gilbert se noya en mer, en 1170, en accompagnant le vaisseau du roi d’Angleterre. Sa sœur aînée, Lesceline, devint l’épouse de Foulques Paynel : « 1170. Transfretavit rex Henricus II in Angliam non tamen sine discrimine, subsmerso in mari Gisleberto de Abrincis. Fulco Paisnel qui habebat primogenitam sororem ejus successit ei. » [22] Par lui-même Foulques possédait les seigneuries de Bricquebec, de Gacé, de Hambie, de Bréhal, des Fontenay-le-Paisnel, de la Haye-Pesnel. Il tenait 10 liv. de feodo, comme suzerain du fief d’Ourville en Montmartin et de Mesnil-Rogues. Du chef de sa femme, il était suzerain de la baronnie d’Avranches. Aussi est-il cité à ce titre en plusieurs endroits des Rôles de l’Echiquier : « 1180. Fulch. Paienel hab. Castaneariam et prata Regis et feriam S. Andree de dominico Regis. » Il était seigneur du Grippon et de Marcey. En 1135, il réunit l’hôpital du Repas à celui de la Haye. En 1158, il jura solennellement, devant l’autel de Saint-Michel, d’observer la charte suivante : «  Cum Fulco Paganellus calumpniaretur presentacionem presbiteri de Sartilleio et inter ipsum et Robertum abbatem Montis longa esset contentio, tandem ad hoc res deducta est : quod Fuleo cum fratribus suis Thoma et Johanne venit ad Montem et omnes concessit elemosinas quas antecessores sui dederunt S. Michaeli, ........ et cartam in sigillo Fulconis propriis signis munierunt. » [23] En 1159, il répara onze arcades de l’aqueduc de Coutances. En 1180, il exhiba un décret royal qui l’exemptait de payer deniers pour ses baronnies de Bréhal et de Hambie. En cette même année, il était gardien des châteaux d’Alençon et de Roche-Mabile avec un salaire de 300 liv. [24] Il mourut en 1182 : Lesceline resta veuve. Elle figure en son nom dans les Rôles postérieurs à cette année. [25] Mention y est faite de ses fils, Foulques Paynel, Hugues Paynel, Thomas de Boillon et Jean Paynel. En 1158, leur père avait donné au Mont St-Michel l’église de Sartilly.

La fille de Foulques, Gundreda, épousa Mathieu de la Ferté. Son fils aîné Foulques fut baron de Hambie, Bréhal, et posséda sans doute les biens propres de son père. Lesceline garda les siens, car elle figure en son nom dans les Rôles de 1184 et 1198. Le successeur de Foulques fut Guillaume Paynel. Le jeune fils de Guillaume prit en 1220 le nom de sa mère, qui était une Tesson, et le nom passa à la branche dont il fut le chef. Foulques avait épousé Cecilia, fille de Letitia de Saint-Sauveur et de Jourdan Tesson. Il épousa en secondes noces Agatha, veuve d’un baron de Fougères. De ce mariage naquirent W. Paynel et Foulques, qui prirent part avec les Bretons à la querelle entre Pierre Mauclerc et la reine Blanche. Ce Foulques est le plus historique de la famille pour la Haye-Paynel. Sous Philippe-Auguste, il tenait Briqueville du Mont Saint-Michel et devait le service d’un chevalier. [26] Louis IX, âgé de quatorze ans, après avoir pris Saint-James sur les Anglais et les Bretons, vint assiéger dans son château Foulques qui s’y était enfermé avec plusieurs autres Paynel. [27] Son armée était commandée par un guerrier de haute taille, couvert d’armes noires, miles strenuissimus, qui s’empara de la Haye-Pesnel « ducens Hayae dictae Paenel eam infra paucos dies subjugavit, » ou, selon le chroniqueur Guiart :

Lors prist la Haie Paienel
Por S. Lois Jean des Vignes.

Du reste Foulques répara sa révolte : il mourut à la Croisade aux côtés de celui contre lequel il s’était insurgé.

Le château de Foulques fut démoli et porta le nom de Ganne, c’est-à-dire du Félon. Il avait pris la fuite ; et, selon la tradition, il avait fait ferrer ses chevaux à rebours pour fourvoyer ceux qui le poursuivraient. Le combat fut probablement livré dans les champs voisins, appelés la Bataille, où le soc de la charrue met souvent à découvert des fers de chevaux. Les Paynel ne rentrèrent que plus tard en grâce ; mais leur château ne fut pas rebâti : ils se retirèrent sans doute dans leur grand donjon de Hambie. Auparavant ils avaient fait une tentative auprès du roi d’Angleterre, en Bretagne, pour lui persuader qu’il pourrait chasser les Français de Normandie. Mais un des conseillers du roi l’empêcha d’accepter, dit un historien, qui ajoute : « Nobiles illi miserabiliter fecerunt. Rex Francorum in continenti exheredavit eos, castella et omnia quae illis erant potenter in sua jura convertens. »

Nous croyons que Guillaume Paynel fut le successeur de Foulques. D’après une charte de 1254, Raoul Tesson, de la Roche, établit un service anniversaire pour son père Guillaume Paynel, dans l’église d’Avranches, en donnant au chapitre la dîme de Montviron. Petronilla de Tesson était l’épouse de Guillaume, et leur fils avait pris le nom de sa mère. Dans un registre de 1242, il est désigné sous le nom de Guilleaume Painel.

Le petit-fils de Foulques, Jean Paynel, fonda vers la fin du XIIIe siècle le couvent des Jacobins à Coutances. [28]

En 1327, Olivier Paynel était seigneur de la Haye : « Olivier Paens tient de Fouques Paisnel par parage la Haie-Paens et en fait le service dun chevalier au chastel de Coutances vingt jours en temps de guerre. » [29] Il tenait Carolles du Mont Saint-Michel. [30]

Vers le milieu du XIVe siècle, Guillaume Paynel, baron de Hambie et seigneur d’Ollonde, épousa Jeanne Bertrand, héritière de la baronnie de Bricquebec. [31]

Vers ce temps, Jean Paynel, seigneur de Marcey, était capitaine de Saint-James, ayant sous lui quatre chevaliers, trente-deux écuyers, trente-neuf arbalétriers à pied, et neuf archers à cheval.

A la fin de ce siècle vivait son successeur Jean Paynel, chambellan de Charles VI, gouverneur de Coutances et frère du célèbre Louis Paynel qui soutint vaillamment le siège de la Haye contre les troupes de Charles-le-Mauvais, roi de Navarre, et qui, forcé de se rendre à discrétion, fut mis à mort par ce prince.

A l’occasion de ce siège de la Haye, nous nous permettrons de citer le récit de Froissart sur un siège d’Avranches, dans les mêmes guerres, siège faussement rapporté à Evreux. [32] C’est la reprise de cette ville sur les Navarrais par les généraux de Charles V :
« Le sire de Coucy et le sire de La Rivière avoient à grand’puissance assiégé la cité dAvranches, et toujours leur venoient gens de tous cotés que le roi de France leur envoyoit. Avranches est une cité belle et forte qui pour ce temps se tenoit au roi de Navarre ; car elle est de la comté d’Evreux. [33] Ceux dAvranches qui se veoient et clos et assiegés de leurs voisins qui leur promettoient que, si de force ils se faisoient prendre, ils seroient sans remède tous perdus, hommes, femmes et enfans, et la ville repeuplée dautres gens, se doutoient grandement, car comfort nul ne leur apparoit de nul coté. Et veoient, si voir vouloient, leur jeune heritier Charles de Navarre... et oyoient par ces deux seigneurs, le sire de Coucy et le sire de La Rivière, qui bien etoieut enlangagés et qui bel leur remontroient les incidences où ils pouvoient encheoir. Et aussi levêque du lieu sinclinoit a la partie du roi de France. Si avisèrent, tout considéré, que mieux leur valoit rendre leur cité en amour, puisque requis de leur seigneur en etoient, que de demeurer en péril. Si prirent ceux dAvranches une trêve à durer trois jours, et en cette trêve ceux dAvranches pouvoient bien paisiblement venir en lost et ceux de lost en Avranches. En ces trois jours furent les traités si bien ordonnés et accordés que le sire de Coucy et le sire de La Rivière entrèrent en la cité et en prirent la possession pour le roi de France... et quand ils en partirent, ils y établirent des bonnes-gens darmes, et puis sen partirent et vinrent mettre le siège devant Karentan.... et puis chevaucherent tout ce que le roi de Navarre avoit tenu en Normandie, excepté Evreux et Chierbouch, et quand tout le pays fut en leur obeissance, ils s’en vinrent mettre le siège devant Evreux. » [34]

Nicolas Paynel fut le dernier de la branche aînée.

Sa fille Jeanne fut célèbre et par elle-même et par son mariage avec Louis d’Estouteville. Quand le roi d’Angleterre, Henri V, eut conquis la Normandie, il donna à messire Jean de La Polie, chevalier, le fief de Moyon et de Maynusseron qui furent à Nicolas Paynel jadis chevalier et qui étaient à messire Louis d’Estouteville à cause de Jeanne Paynel, sa femme. [35] Il donnait en même temps à noble et puissant messire le comte de Huntindon les seigneuries qui furent à Jean Paynel, chevalier rebelle. Les Paynel réparaient la félonie de leurs aïeux. Le sire Paisnel figure sur la liste des chevaliers du Mont, après leur chef d’Estouteville. Toutefois dans les manuscrits de M. Lefranc, [36] on voit qu’en 1418, Henri V donna le château de la Haye à Richard Fitz John. Après l’expulsion des Anglais, Louis d’Estouteville rentra dans ses biens. Jeanne fut enterrée avec son héroïque époux au milieu du chœur de l’abbaye de Hambie qu’elle avait fait reconstruire. Sa tombe s’y voyait encore il y a vingt cinq ans.

Après Louis d’Estouteville [37] les Le Voyer de Tregoumar furent seigneurs de la Haye, [38] et leur habitation fut le Logis. Ce logis passa de Pierre Le Voyer, baron de Tregoumar, à sa fille Louise qui épousa le marquis de Pontkalecq.

La mention de ces familles amène celle du troisième château ou Logis de la Haye.

Les sires de Pontkalecq étaient aussi riches en Bretagne que les d’Estouteville en Normandie. Il y a un Sône breton, la Croix-du-Chemin, dans lequel on trouve une allusion à cette richesse : « Quand j’aurais autant de mille écus qu’en a le sire de Ponkalek ; oui, quand j’aurais une mine d’or, sans la jeune fille je serais pauvre. » [39] Dans son état actuel, le Logis n’a rien qui remonte au-delà du XVIIe siècle : on a détruit une partie plus ancienne, vaste vaisseau de forte construction, qu’on appelait la Salle-des-Chevaliers. Le Logis offre trois parties, un corps, une aile ou pavillon, une chapelle. Le pavillon seul a du style : à son dôme à quatre pans, à ses pierres d’angle, aux arêtes abattues, à ses cariatides en momie égyptienne, on reconnaît une construction du temps de Louis XIII. Le corps de logis est plus récent, et avec la chapelle, à une seule ogive, doit dater du siècle dernier. Dans cette chapelle, qui est un fenil aujourd’hui, on remarque une mauvaise fresque, représentant une Crucifixion, sous laquelle on lit le quatrain suivant :

De ce dernier soupir, Satan, sois effrayé ;
C’est un dernier soupir qui ranime la terre,
Et le dernier coup de tonnerre
Dont ton empire est foudroyé.

« Reparatum jussu de Pontkalecq, necnon curis domini de Tavernier de Victorey, sui generalis agentis. Anno 1789. »

Quatre édifices religieux, une église, un prieuré, un hôpital, une chapelle, trois châteaux, un châtel, une forteresse, un logis, enfin la plus illustre famille de la Basse-Normandie, tels sont les titres historiques de la Haye-Pesnel. Cette localité a donné le jour à un théologien, nomme Hue, qui a fait plusieurs ouvrages contre les Protestans.

Source :

Notes

[1] L’un est en réalité en Hocquigny, et c’est là que nous en mettrons l’histoire et la description, mais il touche au bourg de la Haye, et se mêle à son histoire et à celle de la famille suzeraine. Voir Hocquigny. L’autre est en la Luzerne, mais dans le bourg de la Haye ; c’est pourquoi nous le placerons dans ce chapitre.

[2] Avr. and its Vicinity, p. 168.

[3] Dict. Univers. de la France, par Robert de Hesseln.

[4] Cette église, qui appartenait à l’abbaye de Saint-Sever, rendait, au Moyen-Age, 35 liv. de décimes. En 1648, elle avait le même patronage et un revenu de 400l. Pouillé, p. 9. En 1765, la Haye comptait 156 feux.

[5] Livre Blanc du secrétariat de l’évêché de Coutances. Ap. M. Desroches, tom. 1er, p. 195.

[6] Pouillé de Coutances, p. 3. A la page 20, pour le même prieuré, on trouve 1,200 liv. Il est bien probable que c’est une erreur. Nous présumons que c’est de cette chapelle que parle M. Le Canu quand il dit que la paroisse de la Haye avait une chapelle qui pavait 12 liv. de décimes.

[7] La Haye a quatre foires qui existent de temps immémorial.

[8] M. Desroches, tome I, p. 194.

[9] La caserne de gendarmerie est sur ce terrain. Un gendarme et d’autres habitans nous ont affirmé qu’en faisant leurs jardins ils ont souvent trouvé des cendres. M. Desroches dit qu’on y trouve des débris de poterie et d’autres monumens antiques. (Histoire du Mont Saint-Michel.) Un mur de soutènement du vaste fossé ou douve du côté du nord est remarquable et offre un spécimen de maçonnerie dite cyclopéenne. Il est difficile d’en assigner l’âge.

[10] Nous avons présenté à la Société d’Archéologie d’Avranches, sur les châteaux vitrifiés, des détails dont l’analyse ne sera peut-être pas déplacée ici. Le géologue John Williams est le premier qui ait signalé des châteaux en verre, qu’il trouva dans les Highlands de l’Ecosse, sur des pics à la surface elliptique. Le plus remarquable est celui de Knoch-Ferril, dans le comté de Ross, à 300 mètres au-dessus de la vallée, de 120 pas de longueur sur 40 de largeur. Williams y trouva un mur massif, tellement solide, qu’il fallut le culbuter dans la vallée pour le briser. Près d’Inverness, il en trouva un nommé Craigh-Phadrich, avec une double enceinte, puis deux, Castle Finlay et Dun Evan. Il en cite encore deux autres, un dans le Lochaber, et l’autre près du Fort-Augustin. Dans le comté d’Angus, il trouva le plus vaste de tous, Castle hill of Finaven. Comme ces constructions sont antérieures aux époques historiques, on ne peut les attribuer qu’aux peuples galliques. D’ailleurs, par exemple, le nom de Fingal se rattache souvent à ces constructions. L’on devine aisément le mode de formation de ces murs de verre, dans lesquels on trouve encore du bois, des charbons, et de la matière vitrifiable. Il y a quarante ans, M. de La Pylaie en découvrit un à Sainte-Suzanne, près de Laval. Il nous a adressé récemment un Mémoire sur une nouvelle découverte de ce genre, à Peran, en Pledran, près de Saint-Brieuc. Sir W. Hidbert a publié sur cette matière : Observations sur les Théories relatives aux Forts vitrifiés d’Ecosse, in 4° ; Restes vitrifiés dans l’Ile de Sunday, in 4°.

[11] M. Desroches dit encore ailleurs : « Sur le lieu dit la Motte ou Châtelet, nous avons trouvé de la poterie romaine, des briques, des charbons. » Paroisses de Baie, p. 118.

[12] Dans le département de la Manche seul nous trouvons dans les noms de paroisses : la Ronde-Haye, la Haye du Puits, la Haye d’Ectot, l’Orbe-Haye, la Haye-Comtesse, la Haye-Bellefond.

[13] M. de Caumont assigne le XIe ou le XIIe siècle au Château-Ganne. Bulletin monument, tom. II.

[14] Ces noms sont des souvenirs de la trahison de Foulques au XIIIe siècle. Ces traditions sont assez communes. Il y a beaucoup de Châteaux-Ganne et de Ganneries. La tradition des chevaux ferrés à rebours se rencontre aussi quelquefois. Elle est attachée au Château-Ganne de la Pommeraye, et au Château-Ganne de Périers en-Beauficel.

[15] Roman de Rou. Dénombrement des guerriers.

[16] Ap. Duchesne. Il est vrai que les plus anciennes copies de cette liste ne sont pas antérieures au XVe siècle.

[17] Speculum Historiale, ch. XXIV. Il y a sur la Haye un document semi-historique, semi-romanesque, intitulé : Tableau des armes des seigneurs de la Haye-Paynel, établis de temps immémorial dans la province de Normandie. Extrait du Nobiliaire de Normandie par MM. Chevillard et fils, revu, corrigé et augmenté par M. de Saint-Allan, généalogiste, et auteur des généalogies des maisons souveraines de l’Europe. La partie historique est tout à l’ait fausse. Elle invente des guerres et des sièges formidables ; elle donne 20,000 habitant à la Haye au Moyen-Age, etc. La partie généalogique est plus authentique, mais il y a des assertions comme celle-ci : les Paynel tirent leur origine d’un nommé Haie, un des capitaines de Rollon.

[18] Il y eut un très-grand nombre de Foulques successifs.

[19] Il y a 17 articles pour lui dans le Domesday.

[20] Mss. du British Museum, offrant quelques variantes avec l’édition Pluquet. Il appartenait autrefois à l’abbaye de la Bataille. Cité par sir H. Ellis, au commencement de son Introd. to Domesday.

[21] Ap. M. Desroches, tome I, p, 196.

[22] Mss. de la bibliothèque d’Avranches. N° 186. Transcrit par Rob. du Mont, auteur de cette chronique sous le titre de Accessiones ad Sigebertum.

[23] Cart. du Mont. Fol. III. Voir Ponts.

[24] M. Stapleton, p. 74 des Observations. Voir les articles relatifs à Geoffroy Duredent, bailli de l’Avranchin, et de Ric. Silvain, bailli de Mortain, et constater la différence que les Rôles de l’Échiquier établissent entre l’Avranchin et le comté de Mortain. Cette différence est bien reconnue aussi par M. Stapleton dans ses Observations.

[25] Voir le Grippon à l’article des Chambres.

[26] Ap. M. de Gerville, Châteaux de l’arrondissement de Coutances.

[27] Soixante selon Mathieu Paris, quarante selon Polydore Virgile

[28] Batimens du Grand-Séminaire. La chapelle renferme l’autel de marbre de la cathédrale d’Avranches.

[29] Reg. des fiefs de l’Élection de Coutances en 1327.

[30] Litterae quibus Oliverus Paganellus habuit ex nostra gracia terram nostram de Karoles. Inv. des Chartes.

[31] Hist. des Grands Officiers de la Couronne, tom. VI, p. 691.

[32] MM. Secousse et Sauvage ont vu une faute de copiste dans Evreux pour Avranches. L’annotateur de Froissart, M. Buchon, confirme cette restitution par les raisons suivantes : les généraux de Charles V avaient reçu l’ordre d’attaquer les châteaux les plus voisins des bandes de la mer. Or, Evreux en est fort éloigné. Froissart parle de la prise de la ville dont il s’agit comme de la première expédition. Or, la prise d’Avranches paraît avoir précédé celle d’Evreux, car, dans D. Morice, il est parlé d’une montre, faite à Avranches le 29 avril 1378, ce qui prouve que la ville était déjà rendue au roi de France. On a sept lettres de rémission pour Evreux, qui, étant datées du 11 mai, donnent lieu de croire qu’Evreux n’a été rendu qu’après Avranches. S’il s’agissait d’Evreux, il serait inutile de dire qu’il était du comté d’Evreux. Noua ajouterons que l’ordre du récit et ses noms géographiques corroborent ces preuves et en font une certitude.

[33] Avranches peut être considéré comme une annexe du comté d’Evreux. (Buchon.)

[34] Chron. de Froissard, édit. du Panthéon, tom. II, p. 27.

[35] Registre des Dons, p. 101.

[36] Bibliothèque de Coutances.

[37] Les biens propres de d’Estouteville passèrent dans la maison de Longueville, puis dans celle de Matignon, enfin dans celle de Grimaldi Monaco. Masseville dit aussi dans celle de Bourbon. État Géog. de la Norm. Les armes des Paynel sont de sable à 10 merlettes, 4 2 4 sur trois barres d’or. Celles de La Champagne et d’Esquilly leur ressemblent beaucoup.

[38] Procès verbal de l’assemblée du bailliage du Cotentin en 1789, p. 112. Ap. M. de Gerville.

[39] Rarzas-Breiz, de M. de La Villemarqué. Les Derniers Bretons, de M. Souvestre.