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Bacilly - Notes historiques et archéologiques


NDLR : Texte de 1847 ; voir source en bas de page.


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acilly est une grande commune triangulaire dont la base n’offre pas de ligne naturelle, dont le côté dirigé du nord au sud-ouest est tracé par le Loir, dont le côté dirigé du nord au sud-est est tracé par des voies et le Souliet. La plupart de ses villages seront cités avec des notions historiques : ceux qui n’ont d’intéressant que le nom sont la Croix-Etêtée, Granville, les Portes, le Tertre, le Vivier, les Landelles, les Frèches, Croupeton, la Croix-Saint-Gratien, le Boulay, le Hamel, la Venerie, les Fourneaux, la Croix-Bedoin, le Motet, Turigny, les Saulx, la Croix-Massé. Un des ruisseaux porte le nom de Chanteraine, qui s’applique à son moulin : « Decimam molendini de Cantarana, » dit le Livre Vert.

Où est l’église de Bacilly bâtie au Xe siècle, sur un fief du duc Richard ? En 1816, pendant la nuit, la tour de 130 pieds qui dominait un vaisseau généralement roman, s’écroula, écrasant la nef et le chœur, et projeta le coq du village jusque sur le toit de l’école de la bonne-sœur. Il n’en resta pas pierre sur pierre : on fit le vide, et sur ce lieu s’éleva cette construction bâtarde, mosquée turque au-dehors, temple protestant au-dedans, qu’on a justement appelée une église athée. Cette bâtisse sans passé ne doit pas avoir d’avenir : sa tour caduque ne se soutient que comprimée par des cercles de fer. Ce chef-d’œuvre a coûté 60,000 fr.

Il ne paraît pas qu’en donnant au Mont le terrain où fut fondée l’église, le duc Richard ait donné l’église elle-même, puisque dom Huynes dit qu’elle fut donnée au Mont en 1286, par Marie, fille aînée de Jean de Bacilly. En 1308, le fief de Bacilly, appartenant à la fondation primitive, était à W. Guinebaut, selon la continuation du texte de notre épigraphe : « Ad dictam fundationem pertinebat directum dominium feodi de Bacilleyo quod nunc tenet (1308), G. Guinebaut armiger et quod habuerunt ejus antecessores... a dictis religiosis... cum homagio per mediam vel saltem terciam partem unius feodi loricalis. » Précédemment le comte de Chester devait hommage à l’abbé du Mont pour la moitié du fief de Bacilly et lui devait un chevalier. [1] Le patronage de l’église alterna entre le Mont et l’évêque. En 1648, cette église rendait 1200 liv. ; en 1698, 1500 : il y avait six prêtres ; 2,266 liv. étaient payées par 428 taillables. Les nobles étaient alors la veuve du sieur de Cantilly et un de La Polinière.

Le manoir de Bacilly a disparu : il n’en reste plus qu’une ferme appelée le Vivier. La seule habitation seigneuriale est la Rousselière. Une plume élégante a décrit ce château, son horizon et dépendances.

« A six milles environ d’Avranches s’élève un château d’une architecture régulière, mais simple et sans ornemens. Sa construction ne remonte pas au-delà de soixante années. Une large avenue, plantée naguère de quatre rangs de peupliers au blanc et mobile feuillage, conduit à la cour d’honneur. Du balcon qui s’avance au premier étage, la vue se perd dans un immense horizon. Un tableau magnifique et varié se déroule sous vos regards. A droite, ce sont les campagnes vertes et boisées de la Basse-Normandie ; à gauche, l’océan breton, la baie de Cancale et les côtes de l’Armorique ; et, presque en face du spectateur, se dresse le Mont Saint-Michel, immense rocher pyramidal assis, comme par un prodige, au milieu d’une plaine sablonneuse. Autour du château se déploient de rians vergers, de fertiles champs, de frais pâturages. A quelque distance un petit bois vous invite à goûter le repos et la fraîcheur... Cette campagne riante et paisible où l’on trouve de doux ombrages, d’épais gazons, de vertes collines, des eaux retentissantes, où l’on respire la santé, le calme et la paix, m’a souvent rappelé la délicieuse villa que préférait Horace aux plus somptueuses demeures. » [2]

Ce château fut bâti en 1780 par un de Chantore, dont la famille a laissé son nom à deux fiefs de cette commune. Le dessin, les plantations du parc, très-riche en arbres exotiques, sont dus à M. Angot, député, qui y passa une partie de sa vie dans le charme de relations élégantes et intellectuelles. Ce fief de la Roussellière avait appartenu aux Guiton jusqu’au XVIe siècle. On a prétendu que cette Roussellière, ou terre de Roussel, avait été le berceau d’un Roussel, guerrier de la Conquête, tige des ducs de Bedford, et ancêtre de lord John Russel. Toutefois ce nom ne figure pas dans le Domesday, mais il est dans la Liste de Duchesne sous la forme de Roussel. L’ancienne chapelle de la Rousselière, dont la nouvelle a conservé une statue de sainte Eutrope, est citée dans la Statistique de 1698 où elle est taxée à 14 liv. L’ancien château était dans les prés, au bord du Lerre, où quelques débris en rappellent encore le souvenir. Auprès, dans la cour de la Champagne, fut trouvé un trésor, il y a quelques années. Par un contraste assez ordinaire alors, un Roussel était parmi les défenseurs du Mont contre les Anglais. Il était sans doute de ces Roussel qui donnèrent leur nom à une sergenterie d’Avranches, où Montfaut les trouva nobles ; leurs armes étaient d’argent à deux anilles d’or sur un chef de gueules. [3]

Il y a une autre chapelle, dans un grand village appelé le Fougeray. Elle n’a rien de bien ancien que son autel de pierre porté sur deux piliers. Elle appartient au commencement du XVIIe siècle : sur sa porte cintrée, on lit : Laus Deo. 1611 ; sur sa porte carrée est un joli écusson ouvert, insculpté sur une face d’un sanglier lancé et hérissé, sur l’autre d’une crosse, avec trois coquilles et trois fleurs de lis ; dans l’intervalle il y a Fr. Nic. de La Motte, et au-dessous une coquille. Cette union des armes du seigneur et du Mont Saint-Michel rappelle le don qui fut fait à l’église Tombelaine de cet oratoire par un La Motte, qui devint prieur de cette église. [4] Les La Motte envoyèrent deux des leurs au siège du Mont Saint-Michel contre les Anglais, B. et C. de La Motte, selon la Liste de Dumoulin ; car notre Liste manuscrite n’en cite qu’un et l’appelle L. de La Motte. Le Registre des Dons semble jeter encore plus de confusion dans ces noms : « Le 2 janvier 1420, expédition du don fait à Jean de La Motte, escuyer, de ses héritages et de ceux qui furent à Robert de La Motte, escuyer rebelle, son oncle. » A la fin de ce XVe siècle, Montfaut trouva nobles les La Motte, élection d’Avranches, sergenterie de Pigache et de Ponts, portant d’argent, au sanglier de sable. A l’occupation anglaise se rattache encore un souvenir local : Rob. de Bacilly, chanoine de la Luzerne, se soumit à l’étranger et devint abbé de Mondée. [5] La chapelle du Fougeray est citée dans le Mémoire de 1698, mais sans taxe. Mais la plus ancienne et la plus illustre mention du Fougeray est la charte suivante, du milieu du XIe siècle, accompagnée de deux plus récentes :

« Ego Rotbertus de Duxeio pro remedio anime mee veni in capitulum S. Michaelis ibique terram de Fulgereio que alodum patris mei et antecessorum fuerat dedi... hoc factum est in comitis Ranulfi et baronum suorum Abrincatensium presentia, excepto Rad. de Veim... Hoc donum concedo ego W. filius Rotberti post mortem patris mei... hujus rei sunt testes R. de Duxeio, R. de Veim, R. de Brei, Alveredus de Maci, Gradalonus de Taneia, Turgisus de Taneia, Stephanus de Eschailli, Ran. et Rad. de Grandevilla, etc... De eodem... W. dedit terram de Fulgere... datio facta est per brachium S. Autberti super altare. »

Le Moulin-le-Comte, situé dans Bacilly, joue un grand rôle dans les chartes du Mont Saint-Michel, et remonte à une haute antiquité. Son histoire est racontée dans quatre chartes successives insérées au Cartulaire. (Cartae Molendini Comitis). La première raconte qualiter devenerit in dominio monachorum Sancti Michaelis Molendinum Comitis : le duc Robert « prœdictum Molendinum solempni largitione condonavit. » Mais après que le duc fut mort, dans son voyage en Terre-Sainte, à Nicée :
Postquam in reditu Hierosolimatano, apud Niceam, hominem exiens eterne vite ut credimus sublimatus est solio.

Suppon, abbé du Mont Saint-Michel, donna, contra jus fasque, le Moulin-le-Comte à Ranulfe-le-Monétaire, Rannulfo monetario. Ensuite Galerand, Gualerannus, fils de Ranulfe, hérita du moulin, mais il le céda, non minimo pretio, à l’abbé d’alors, Dominus Rannulphus, et le marché fut fait en présence de nombreux témoins, mais surtout en présence de Seniore nostro Guillelmo tunc quidem Normannorum principe.

Devenu roi d’Angleterre, Guillaume confirma la charte, coram suis fidelibus : « Ego Wuillmus.... rogatus multis modis ab abbate Rannulfo monasterii beati Archangeli Michaelis quod est in monte qui tumba antiquitus nuncupatur, concessi eidem loco molendinum in villa que Veim vocatur perpetue possidendum. » Cependant environ quinze ans après, un appelé Jean, peut-être Jean, évêque d’Avranches, réclama le moulin sui consimilium animatus insania.

Ranulfe réclama auprès de Guillaume, et tandem in reguli curia locus datus est disceptandi utrinque numerositate optimatum patrie assidente. Un d’eux, l’illustre Geoffroi, évêque de Coutances, fut chargé d’arranger le différend avec quelques autres juges. Ceux-ci, diligenter et ad unguem disquirentes, déclarèrent que le moulin appartenait à Saint-Michel et à ses moines. Le roi Guillaume confirma la sentence par une charte solennelle signée de sa croix, et de celle de la reine Mathilde : Signum victoriosissimi regis Guillmi † S nobilissime Mathildis regine †. Long-temps après, en 1197, un accord eut encore lieu pour ce moulin entre le Mont et Rob. de Vains. [6]

Si cette charte met en Vains le Moulin-le-Comte, qui est maintenant en Bacilly, une autre semble mettre en Genêts un fief qui est aujourd’hui dans le territoire de Bacilly : Cantilly, dont Rob. de Vains donna la dîme au Mont, en 1197 : « Dominicum bladum de domo sua de Cantilleio, » [7] parait appartenir à Genêts dans un acte de 1224 : « Carta donationis vavassorum Renaldi de Camille apud Genez. » Il y avait un Cantilly parmi les défenseurs du Mont Saint-Michel.

Bacilly avait une léproserie dite de Sainte-Catherine, que D. Huynes met en Genêts sous le nom de chapelle du Mont Conin ou Couvin.

L’Aveu de Cenalis mentionne un fief de Bacilly ; il est signé par G. de Bois-Yvon, seigneur de la Haye, en Bacilly, et de noble homme Gilles Guiton, seigneur de la Grande-Roussellière.

Bacilly a donné le jour à M. Hervé, jurisconsulte distingué.

Au XVIe siècle, Cenalis écrivait Bassiley pour Bacilly, et dérivait ce nom de depressus ager. Cette latinité d’invention n’est fondée ni sur les chartes ni sur la topographie, bien que nous ne trouvions pas de nom propre qui se rapproche de celui-ci, nous inclinons à l’expliquer par un nom d’homme, comme la plupart des noms en illy et en igny . Les Bassignac et les Bassigny sont assez communs.

Source :

Notes

[1] Archives du curé d’Avranches.

[2] M. Olivier, Notice nécrolog. sur M. Angot.

[3] Dumoulin, et Mém. de M. La Roque sur le siège du Mont.

[4] Voir Tombelaine.

[5] Cartulaire, fol. 82. Un W. de Filgeriis signa, en 1162, la grande charte de la Luzerne, avec beaucoup de seigneurs presque tous de ce littoral : ce qui autorise à croire que c’est un seigneur du Fougeray. Voir tome II, p. 79.

[6] Ces chartes, précieuses comme couleur et comme histoire, nous indiquent encore un fait. On voit qu’il est question de Ranulphe le Monétaire. Il est à présumer que ce monétaire frappait sa monnaie à Avranches. Nous ne savons si on a des monétaires carlovingiens d’Avranches, mais Lelewel a publié les monétaires mérovingiens d’Avranches. Il y en a entre autres une de Sepagiens, une autre de Radulfus, marquée d’une croix.

[7] Cartulaire, fol. 116.