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Jules-Nicolas-François Lalmand (L’abbé Lalmand) - bio ancienne


L'ABBÉ LALMAND.

Une mort prématurée vient, d’enlever à la presse départementale un de ses plus zélés et de ses plus dévoués écrivains. L’abbé Lalmand (Jules-Nicolas-François), né à Valognes, le 12 septembre 1811, est mort à Lisieux, le 22 février 1852, dans sa 41me année.

Il avait fait ses études dans sa ville natale, et donné de grandes espérances à ses professeurs. Dès le collège, il tournait élégamment les vers français, montrait pour la lecture une avidité qui presque toujours annonce des goûts littéraires, et s’éprenait, pour les œuvres des grands prosateurs et des grands poètes, d’un amour qui ne devait finir qu’avec sa rapide existence. En vain sa brillante imagination et son exquise sensibilité furent-elles tempérées par les études théologiques et les froides et sérieuses années passées au séminaire. L’oiseau quelque temps captif rouvrit ses ailes, il chanta de nouveau, et le monde reconnut avec plaisir que la mue n’avait opéré que sur le plumage.

L’abbé Lalmand en effet parut dès-lors un abbé fort aimable ; son érudition légère et vagabonde effleurait tout, et ne se prenait fortement à rien ; il ouvrait saint Thomas, et relisait Lamartine ; il étudiait les antiquités normandes un jour, et lendemain il était tout à Walter-Scott ; un matin il dévorait les in-folio de Dom Bouquet, le soir il s’endormait avec des feuilletons.

Comme tant d’autres, il se laissa décevoir par les frivole » productions de la littérature facile, et cette maigre pâture nourrit peu son talent qui est loin d’avoir tenu ce qu’il avait promis.

Entré dans l’enseignement secondaire, l’abbé Lalmand débuta par les classes inférieures, où rien n’excita son émulation, et ne le força à étudier, pour les expliquer, les chefs-d’œuvres des littératures anciennes. Il les lut superficiellement, et chercha des distractions aux ennuis de l’enseignement élémentaire dans la rédaction rapide d’articles d’une médiocre étendue pour un journal qui eût besoin d’un collaborateur actif et désintéressé.

Ce journal fut le Journal de l’arrondissement de Valognes, dont le propriétaire est M. Carette-Bondessein. L’abbé Lalmand obtint pendant les treize dernières années de sa vie la direction de cette feuille, qui lui dut un juste renom.

La politique lui était interdite : comment intéresser sans la politique, alors que la licence de la presse peignait Louis-Philippe comme un tyran, et poussait à la démagogie en criant : Réforme ! Le journaliste-professeur résolut le problème, et fit la fortune de la feuille locale en s’occupant des intérêts locaux, en éclairant ses concitoyens, en les entretenant hebdomadairement des institutions qui prospéraient ailleurs. Les institutions de bienfaisance étaient celles sur lesquelles il s’étendait avec le plus de complaisance. Sa belle âme se révélait dans l’insistance avec laquelle il rappelait en toute occasion leurs avantages, les sacrifices des villes pour se les procurer et surtout les fruits moraux qu’elles en recueillaient. S’il n’apporta sur ces graves matières aucune idée neuve, il eut du moins l’honneur de propager une foule d’idées saines et de vues utiles.

Professeur et journaliste dans une petite ville ! Il faut avoir passé par ces fonctions de dépendance universitaire et d’aspirations à là liberté, en présence d’hommes jaloux ou timorés, pour savoir quelles susceptibilités sont à ménager, entre combien d’écueils on est tenu de diriger une barque frêle ! De hardis pilotes ont craint cette navigation dangereuse, et sont restés au rivage. L’abbé Lalmand n’eut pas cette prudence, et nous l’en avons félicité de son vivant, et nous l’en louons après sa mort. L’ombre d’une classe ne fut point le seul théâtre de ses services ; le journal reçut et répandit de plus sérieux enseignements, et sa voix retentit au-delà des limites de son arrondissement. Des avis officieux lui furent donnés : il n’en tint compte et resta journaliste. Envoyé professeur d’une classe élémentaire, puis de la classe d’histoire au collège de Saint-Lo, il continua de rédiger le Journal de l’arrondissement de Valognes ; envoyé enfin comme professeur de cinquième au collège de Lisieux, il ne cessa d’écrire dans son cher et excellent journal.

Ce qui prouve la bonté d’âme de l’abbé Lalmand, c’est que le nombre de ses ennemis, en grossissant, avait accru son indulgence. Sa plume de critique allait s’émoussant pour attaquer le mal, et courait avec une extrême fécondité pour dire le bien. Dans ces derniers temps, il s’était mis à passer en revue tous les écrivains normands contemporains, prosateurs et poètes, et semblait avoir pris à tâche d’appliquer le baume de ses éloges sur l’amour propre blessé par l’indifférence du public. Nous lui reprochions parfois cet excès de bienveillance, surtout quand nous-même en étions l’objet. C’était pour nous l’occasion de faire observer à l’aimable abbé que, dans nos œuvres les moins imparfaites, il y a du bon, du mauvais, et de ce qui n’est ni mauvais ni bon ; que louer tout sans discernement, c’est louer pour le vulgaire, non pour les connaisseurs ; que ces derniers, les seuls dont on doive tenir compte, ne croient aux éloges qu’en voyant une justice impartiale présider à l’examen ; que la vraie critique enfin est une juste appréciation des beautés et des défauts de l’écrivain. Notre panégyriste à tous, prosateurs ou rimeurs de Normandie, admettait les principes, se proposait de les suivre et retombait dans son indulgence. Il nous pordonnerait d’en faire la remarque, consignée ici comme un hommage à son cœur. Nul plus que nous n’avait pour l’abbé Lalmand une sincère estime ; nul n’en conserve un meilleur souvenir.

Il était membre associé de plusieurs compagnies savantes, entre autres de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Caen.

L’Editeur.