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abbé Legoupils - bio ancienne


L'ABBÉ LEGOUPILS

 [1]

Messieurs, vous m’avez chargé de faire, pour notre prochaine séance annuelle, la notice biographique d’un de nos regrettables confrères sur lequel la tombe vient de se fermer. La tâche que vous m’avez donnée en cette circonstance m’embarrasse ; apprécier M. Legoupils n’est pas pour moi une étude sans difficulté. Je voudrais diviser la carrière de cet homme de bien ; d’une part, placer ses vertus, ses connaissances variées, et, d’autre part, mettre en relief, à sa date, un talent oratoire dont nous n’avons vu ici que le déclin. Je désirerais apprécier en toute sincérité cette existence laborieuse ; mais je voudrais m’exprimer avec cette déférence respectueuse que commandent son caractère et son talent. On peut parler avec quelque rigidité de l’homme qui est ici pour se défendre ; mais il me semble que le littérateur modeste dont les compositions ne furent confiées qu’à des confrères bienveillants, se présente toujours à l’appréciation avec ce prestige protecteur qui repousse la critique.

L’abbé Legoupils naquit à Mesnil-Gilbert (Manche) au commencement de ce siècle. Sa naissance fut modeste et telle que ses poésies nous l’ont dépeinte. Une maisonnette, cachée dans un bouquet de coudriers arrosé de l’eau fine et claire d’un ruisseau, abrita ses premières années. Il quitta le doux repos de cette demeure à l’âge de 14 ans, pour commencer ses études au collège de Mortain, où son jeune esprit, d’une rare précocité, ne tarda pas à tourner ses vœux vers le sacerdoce. Il compléta des études solides au collège de Coutances, et entra peu après au séminaire de cette ville. Il y demeura jusqu’en 1822, époque à laquelle on le destina, en qualité de professeur, pour l’école ecclésiastique de Sottevast.

Ce fut pendant la période de sa carrière, qui commença à Sottevast et finit, dix ans plus tard, à la cure de Notre-Dame-du-Touchet, que son talent se produisit dans le diocèse. Ses pensées sont claires et leur expression est facile ; elles s’offrent d’elles-mêmes dans l’à-propos du discours et n’ont pas l’empreinte vulgaire des cahiers scolastiques mis en réserve dès le séminaire. Son langage ; aux tendances poétiques, se forme à la discussion ; son raisonnement prend sa trempe aux sources pures des écrivains éloquents de l’antiquité chrétienne. Les loisirs que laissent à cet excellent esprit , le professorat et la cure villageoise sont consacrés aux muses. M. Legoupils devient poète ; ses vers ont de la fraîcheur et de la vie, ses images sont touchées en quelques traits heureux.

Il quitta sa cure en 1832. et fut nommé chef des missions du diocèse de Coutances. Il resta pendant douze ans revêtu de cette direction, qui épuisa la veine de son talent et mina sa robuste organisation. Une maladie grave le contraignit à résigner ses fonctions et à aller, dans le repos d’un canonicat refaire sa santé délabrée par les fatigues de la prédication. Il était depuis dix-huit mois dans cette paisible retraite, lorsqu’il fut nommé à la cure de Cherbourg, devenue vacante. On ne peut douter qu’il n’ait accepté cet emploi avec plaisir ; ce poste, si on le compare à son canonicat de Coutances était une position des plus favorables pour donner de nouveau un libre essor à son goût prononcé pour la prédication.

Je ne dirai rien de ses travaux oratoires dans notre ville, ou ils furent accueillis avec tant de déférence et de respect. Vous connaissez autant que moi ces louables efforts. Vous connaissez également ces douces et fraîches poésies qu’il lut à son entrée parmi nous, le 7 avril 1851, et qui figurent, à titre d’éloge sans restriction, dans le 6e volume de nos mémoires.

’M. Legoupils s’éteignit à Montbray, en juin 1851, chez un de ses frères, où il était allé passer un congé, de convalescence. Il se détacha de la vie sans secousse et sans effort, comme un fruit mur d’automne ; bien que jeune encore, il avait prématurément vieilli sous les fatigues d’une prédication incessante.

Dans le cours de sa carrière courte mais laborieuse, il avait reçu le titre do vicaire-général du diocèse de Coutances, et ceux de chanoine honoraire à Bayeux et à Rennes. Il y ajoutait la qualité non moins précieuse d’homme de bien, qui fera vivre son souvenir dans notre Société et parmi ceux qui, comme nous, ont pu apprécier ses solides vertus.

Lechanteur De Pontaumont,

Trésorier-Archiviste de la Société académique de Cherbourg.

Notes

[1] Cette notice a été lue à la Société nationale académique de Cherbourg le 24 novembre 1851