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Jacques Chevreuil - bio ancienne


JACQUES CHEVREUIL.

Aucune biographie n’a consacré une seule ligne à Jacques Chevreuil. Richard Séguin, dans son Histoire du Bocage, page 402, l’appelle Capréole Chevreuil, lui donnant ainsi pour prénom son nom latinisé (Capreolus). M. l’abbé Daniel, dans sa Notice sur le collège de Coutances, page 71, lui accorde ces deux lignes : « Duchevreuil (Jacques), célèbre professeur de philosophie, proviseur du collège d’Harcourt, recteur de l’Université de Paris, né à Coutances au commencement du XVIIe siècle. » Cette courte note manque un peu d’exactitude : il ne se nommait pas Duchevreuil ; il naquit à la fin du XVIe siècle, et était principal et non proviseur du collège d’Harcourt. Le collège d’Harcourt avait à la fois un proviseur et un principal ; ce ne fut qu’en 1703, qu’un nouveau règlement prescrivit que « les qualitez et fonctions de proviseur et de principal demeureront unies et inséparables pour estre exécutées par un seul (Félibien, Histoire de la ville de Paris, tome 1er, liv. IX, pag. 448, 449, 460, 461). » Nous allons essayer de rectifier ces erreurs, et de soulever un coin du voile qui cache la vie de Jacques Chevreuil. Il naquit à Coutances, vers la fin du XVIe siècle. Il fit ses études à Paris, au collège d’Harcourt, où il eut pour professeur de philosophie, et plus tard pour ami, Pierre Padet, licencié en théologie, de la maison et société de Sorbonne, ancien recteur de l’Université de Paris et proviseur du collège d’Harcourt. Jacques Chevreuil devint à son tour professeur de philosophie, dans le collège qui avait vu ses succès. Il composa un traité sur le Libre arbitre. Pierre Padet le nomma principal du collège d’Harcourt, dont il était proviseur ; Jacques Chevreuil remplissait ces fonctions, lorsqu’il mourut dans sa chaire de professeur, comme un soldat sur la brèche, dans l’année 1649. Il fui inhumé aux Chartreux, comme l’atteste l’épitaphe suivante :

Capreolus moriens hæc tecta silentia legit : 
Et sapuit, vitæ tum memor ipse suæ ; 
Nequitias juvenum et clamosas rexerat artes ; 
Carthusios inter jam silet usque senes. 

Pierre Halley, né à Bayeux, le 8 septembre 1611, et mort à Paris, le 27 septembre 1689, était professeur de rhétorique au collège d’ Harcourt, quand y mourut Jacques Chevreuil. Il composa, sur la mort de ce dernier, une élégie, une églogue et six épitaphes, du nombre desquelles est celle que nous avons transcrite. Il les adressa à Pierre Padet, par une lettre qui commence ainsi : « Nemo est, modo non literas nesciat, optime Padeti, qui Jacobi Capreoli mortem non defleat, Viri integritas, eruditio non vulgaris, in excolendis ingeniis singularis industria, et in exornandis literis longus egregiusque labor plurimorum animos merito commoverunt. » Pierre Padet regrette en Jacques Chevreuil, suivant notre auteur : « Parisiensis Academiœ certum prœsidium, philosophiœ clarissimum autorem, Harcuriani hujus collegii tui oculum et alteram animam in eo desideras. »

La première pièce de vers de Pierre Halley est intitulée : Lessus in obitum viri clarissimi Jacobi Capreoli, philosophorum sui temporis celeberrimi, regii professoris et collegii Harcuriani Gymnasiarchœ meritissimi. Cette élégie en vers hexamètres est dictée par l’amitié qui se comptait toujours dans l’exagération. Jacques Chevreuil avait beaucoup appris de Pierre Padet : Aristote ne doit pas plus aux leçons de Platon, ni Platon à celles de Socrate. Il renfermait toute la science des sept sages de la Grèce. Il avait dissipé les ténèbres de l’ignorance ; lui mort, il est à craindre que ne s’éteigne, en France, le flambeau des lumières On voit, par ces quelques lignes, comme les illusions de l’amitié ont jeté notre poète bien loin des limites du vrai.

L’églogue, intitulée : Lycidas, est une mauvaise imitation de quelques églogues de Virgile, et surtout de celle où il pleure la mort de Daphnis. Voici le nom des personnages : Ægon, c’est le poète ; Lycidas, Chevreuil ; Thyrsis, Antoine Halley, de Caen. Ægon erre dans les campagnes, voisines de Paris, et pleure longuement la mort de Lycidas.— Il rencontre Thyrsis, le rossignol de Caen : »

Thyrsis adesi, Thyrsis Cadomæi ruris aedon ,

qui, apprenant la mort de Lycidas, se met aussi à la pleurer. Puis il engage Ægon à faire .trêve à ses larmes, pour élever un tombeau à Lycidas :

At Lycidæ tumulus congesio cespite surgat. Ægon calme sa douleur, et remercie Thyrsis d’être venu des bords de l’Orne, pour pleurer avec lui Lycidas, qui n’est plus :

Te non Olenlcæ tenuerunt otia ripæ.

Pour lui en témoigner sa reconnaissance, il lui souhaite toutes sortes de bonnes choses :

Sic tibi sint plena ora favis et amicus Apollo !

Puis, après avoir gravé une inscription sur le tombeau de Lycidas, ils se retirent ; car la nuit vient,

Et solet esse gravis nox humida fesso.

V.-E. PILLET.

(Voir les poésie » latines de Pierre Halley, Paris, 1655, ln-8’, liv. 4, page 157 et suiv.)