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Angoville-sur-Ay - Notes historiques et archéologiques


NDLR : texte de 1860, voir source en bas de page.


Angoville-sur-Ay ou sur E, Ansgovilla, Angosvilla, Angovilla.

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orsqu’on lit les anciennes chartes relatives aux églises, aux abbayes, on voit presque toujours les mots terminés en ville, villa, précédés d’un nom propre, qui souvent fut celui d’un capitaine normand, un de ces chefs auxquels Rollon donna une partie des terres conquises. [1] Souvent aussi, sous les ducs de Normandie, le nom de villa fut appliqué à plusieurs fiefs établis dans la même paroisse.

Le nom d’Angoville nous parait révéler que l’homme a nommé la terre ; car Angoville signifie demeure d’Angot. Il a existé, à la fin du Xe siècle, un personnage nommé Ansgot, noble Normand, qui eut pour fils Hellouin, le fondateur de la célèbre abbaye du Bec. [2] Ansgot doit avoir joué un rôle important dans le pays, à en juger par les traces que son souvenir semble y avoir laissées ; car plusieurs paroisses lui doivent leur nom. Il est possible aussi qu’alors ou depuis il se soit trouvé d’autres personnages ainsi nommés, plus ou moins célèbres, qui aient donné leur nom à quelques localités. [3]

L’église d’Angoville-sur-Ay, retouchée à plusieurs époques, se compose du chœur, d’une nef et de deux chapelles.

Dans les murs sud et nord de la nef, et dans leur partie la plus voisine du chœur, on remarque quelques assises de pierres inclinées, ce qui donne à penser que, primitivement, toute la nef datait du XIe ou du XIIe siècle. Aujourd’hui, la nef a subi des retouches importantes, et même, il y a quelques années, elle fut prolongée de 24 pieds. Ses fenêtres n’offrent aucun intérêt.

Le chœur est éclairé par des fenêtres qui sont, les unes étroites et à ogives, et les autres insignifiantes et sans caractère. Dans l’une, on a maladroitement remplacé par un cintre une arcade à ogive.

Les voûtes du chœur et de la nef sont en bois. Les deux chapelles ne datent que de quelques années.

Un mur absidal à pans coupés, avec contreforts appliqués sur les angles, termine l’église à l’orient.

La tour s’élève entre chœur et nef, soutenue à l’intérieur par des arcades cintrées dont la retombée se fait sur des piliers carrés, et qui pourraient bien appartenir au XIe ou XIIe siècle. Elle se termine par une pyramide octogone, et la façade de chacun des points cardinaux est percée d’un quatre-feuilles : elle est aussi éclairée par des fenêtres étroites, dont quelques-unes ont leur arcade subtrilobée : sa voûte est en pierre.

Dans le cimetière, on lit, sur des pierres tumulaires, les inscriptions suivantes :

ICI REPOSE LE CORPS DE M. JOSEPH VARIN,
LE BIENFAITEUR DES PAUVES, CURÉ ZÉLÉ DE CE LIEU
PENDANT 52 ANS, DONT DIX EN EXIL
DANS L’ANGLETERRE POUR LA FOY.
DÉCÉDÉ EN 1820.
PRIEZ DIEU POUR POUR SON AME - REQUIESCAT IN PACE.
*****
CI GIT LE CORPS DE A. J. SORIN DE-LA-MARE
NÉ LE 7 8bre 1781, MORT LE 5 JUIN 1848.
REQUIESCAT IN PACE.

L’église d’Angoville-sur-Ay est sous l’invocation de la sainte Vierge. [4] Elle payait une décime de 35 livres, et dépendait de l’archidiaconé du Bauptois et du doyenné de La Haye-du-Puits. L’abbaye de Lessay en avait le patronage : Robert de la Haye lui avait donné cette église avec ses dîmes et ses aumônes. Dans une charte confirmative, octroyée par Henri 1er à l’abbaye de Lessay, on lit : Et ecclesiam sanctae Mariae de Ansgovilla cum decimis et "eleemosynis" eidem ecclesiae pertinentibus. [5] Antérieurement, un chevalier, Gilbert de Broc, voulant se rendre agréable à Dieu et mériter une part de l’héritage céleste, en renonçant aux biens de la terre, se fit religieux dans l’abbaye de Lessay, et lui donna tout ce qui lui appartenait dans l’église d’Angoville, avec deux vavasseurs. [6] Il fit cette donation en présence d’Eudes-au-Capel, de Murielle, sa femme ; de Geoffroi de Fierville, de Richard de Cérences, de Robert de Lucelles et de Robert, chapelain de Millières, capellanus de Milleriis.. [7] Aussi bien l’histoire ne nous apprend-elle pas que les moines d’alors n’étaient souvent que de preux chevaliers, qui, las de courir le monde, venaient finir leur vie dans un monastère, et y arrivaient avec chevaux, armes et bagages ? [8]

Lorsque le Livre noir fut rédigé, l’abbé de Lessay percevait deux gerbes et le curé la troisième, excepté sur le fief de Hamelin d’Ancteville, dont ils partageaient la troisième gerbe avec le curé de Sainte-Opportune. Le curé avait un manoir presbytéral, à cause duquel l’abbé de Lessay exigeait une redevance en froment, que l’évêque avait défendu de payer, à moins qu’il ne l’ordonnât : Nisi de mandate nostro. Alors l’église valait au curé 41 livres et à l’abbaye 70 livres. Le curé payait pour la chape de l’évêque deux sous, pour droit de visite quatre sous, pour le saint chrême vingt deniers, et pour la débite huit sous quatre deniers.

En l’année 1213, l’abbé et les religieux de Blanchelande donnèrent à l’Hôtel-Dieu de Coutances une terre dans la paroisse d’Angoville, de la valeur de dix boisseaux de froment de rente, que Guillaume du Soulaire, de Solario, leur avait aumônée. [9]

Il y avait, dans la paroisse, une chapelle nommée Sainte-Anne de Grattechef. [10] Elle était encore desservie en 1789, et l’abbé Ferrey, qui en était titulaire, fit partie des trois ordres du grand bailliage de Cotentin, chargés de la rédaction des cahiers pour les Etats généraux. Il y a encore à Angoville-sur-Ay une ferme nommée la Ferme de Grattechef : on la trouve sur le bord de la route qui conduit d’Angoville-sur-Ay au hâvre de Saint-Germain-sur-Ay. On cite comme dame de Grattechef, avant 1789, noble dame Sophie-Caroline de Clamorgan, veuve de Messire Adrien du Mesnildot, écuyer, sieur du Ham.

La baronnie de la Haye-du-Puits recevait, dans le cours du XVe siècle, pendant l’occupation anglaise, de Guillaume de Clamorgan escuier, pour le fieu de Grattechef 60 sols de rente, et de Thomas Appulton pour le fieu de la Broche 22 sols. Elle percevait encore à Angoville une rente de 38 sols 2 derniers. [11]

On comptait autrefois parmi les notables habitants d’Angoville-sur-Ay, sergenterie de la Haye-du-Puits, élection de Carentan, Robert Sorin de la Mare, dont la famille, anoblie en 1484, portait d’argent à trois perroquets de sinople, et fut maintenue dans sa noblesse, en 1666. C’est un de ses membres qui repose dans le cimetière de l’église. On trouve encore cité, en 1789, François-Louis Sorin, écuyer, sieur de la Mare.

Jean Le François, sieur de la Motte, et Guillaume, son fils, obtinrent, en 1613, contre les habitants d’Angoville-sur-Ay, un arrêt du parlement, portant qu’ils jouiraient des privilèges attachés à leur noblesse.

Richard de Saint-Germain et Robert, son frère, furent reconnus nobles en 1634, et comme tels déclarés exempts de la taille ; un membre de cette famille, Pierre-Alexandre de Saint-Germain, figurait encore en l’année 1789.

François Bauquet, dont la famille avait été anoblie en 1543, [12] fut reconnu et maintenu noble en 1666.

Pierre-François de Beaudrap de Sotteville, était, en 1789, seigneur et patron du fief le Buisson, à Angoville-sur-Ay ; il fut un des députés de la noblesse aux Etats généraux. Jacques de Beaudrap, écuyer, sieur de Saint-Martin, du Mesnil, et de la Prunerie, fut maintenu noble, en 1666. Sa famille, dont la noblesse datait de 1595, portait d’azur au chevron d’argent, accompagné en chef de deux étoiles d’or et en pointe d’un croissant de même.

Source :

Notes

[1] Voir Acta Sanctorum omnium, tom. I. Maii, pag. 259.

[2] Le Bec, canton de Brionne, arrondissement de Bernay (Eure). Cette abbaye fut fondée dans les premières années du XIe siècle, par Hellouin, vassal du comte de Brionne. Grâce aux leçons de Lanfranc et de son successeur saint Anselme, elle devint bientôt un foyer de lumières et un centre d’études, qui, pendant les XIe et XIIe siècles, éclaira de ses rayons et peupla de ses élèves la Normandie, la France et l’Angleterre. Elle avait été si richement dotée, et ses propriétés étaient si étendues et si nombreuses que cela avait donné lieu à ce dicton populaire :
De quelque côté que le vent vente,
L’abbaye du Bec a rente
.
Elle possédait quatre baronnies, un grand nombre de prieurés, de dîmes, et le patronage de 160 paroisses.

[3] Dans le bocage, on appelle jeudi-Angot le jeudi connu ailleurs sous la dénomination populaire de jeudi-gras.

[4] Il y a, en Normandie, tant d’églises dédiées, soit à la sainte Vierge, soit à saint Martin, qu’on a dit :
Saint Martin et Sainte Marie
Se partagent la Normandie
.
Il n’y a pas, dans certaines parties de la France, parmi les saints, de nom plus vénéré et plus populaire que celui de saint Martin, le célèbre évêque métropolitain de Tours.

[5] Gall. christ., tom. XI, Instr., col. 235.

[6] Le mot vavasseur, suivant M. Léopold Delisle, Etudes sur la condition de la classe agricole en Normandie, au moyen âge, pag. 1 à 7, désigne les hommes de la classe moyenne, nommés ailleurs hommes libres.

[7] Gall. christ., tom. XI, Instr., col. 228.

[8] Essais historiques sur la ville de Caen, par l’abbé De La Rue, tom. II, pag. 303.

[9] MMss. de MM. Toustain de Billy et de l’abbé Lefranc.

[10] Cassini l’a indiquée sur sa carte, près du ruisseau de Grattechef.

[11] Annuaire de la Manche, année 1846, pag. 453 et suiv.

[12] Annuaire de la Manche, année 1859, pag. 113.