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Charles de GERVILLE - bio ancienne


Charles DUHÉRISSIER de GERVILLE

La biographie que l’on va lire était destinée à l’Annuaire de 1854. La place ayant fait défaut dans ce volume, nous avons dû remettre cette notice à 1855 ; mais nous n’avons pu la refuser à M. de Caumont pour l’Annuaire de l’Association Normande. Or, une fois imprimée dans ce Recueil, elle a été le signal de plaintes dont quelques-unes se sont traduites en démissions. Des hommes de parti ont trouvé mauvais que nous ayons pris la liberté grande de dire, avec réserve, un peu de ce que nous pensions, de ce qu’ils pensaient eux-mêmes sur le caractère de M. de Gerville. Ils ont pesé nos pages improvisées, et nous ont déclaré coupable d’irrévérence envers l’émigration. Nous répondrons dans une note à ce prétendu grief : ici nous voulons consigner nos principes comme biographe, et nous élever à des considérations générales.

De nos jours prend une plume qui veut ; pas une constitution n’a prescrit à celui qui se fait imprimer l’obligation d’avoir étudié les lois du bon sens et du bon goût, même les principes de la grammaire et de l’orthographe. De là cette facilité avec laquelle tant de gens se sont mêlés d’un métier qu’ils ont excercé sans l’avoir appris ; de là, tant de livres incohérents, tant de brochures flasques et vides, tant de collaborations barbares à des feuilles locales qui savent toujours gré de ce remplissage d’à-propos, nommé copie. Quels que soient les abus de cette espèce, la littérature a ses lois que ne peuvent altérer tant d’écarts : l’histoire et la biographie ont des règles dont l’oubli exclut du rang de biographe et d’historien.

La première de ces règles est le respect de la vérité. Il s’agit de la dire, non de chercher à plaire, et la première vertu de l’écrivain qui juge les hommes et les choses, c’est le courage. Une Biographie célèbre (la Biographie Universelle de Michaud) a pris cette épigraphe : « On doit des égards aux vivants ; on ne doit aux morts que la vérité. »

Conçoit-on des milliers de notices où la monotonie de l’éloge immérité donnerait à cette galerie menteuse la valeur de ces épitaphes de nos cimetières, rédigées par les familles, et qui n’offrent que de bons époux, de bonnes mères, de bons fils, collection de vertus éteintes, dont le certificat lapidaire, inutile aux morts, fait ironiquement sourire les vivants ?

Où serait d’ailleurs la moralité dans un tel système 1 Quoi ! tous les actes seront louables ! quoi ! on se résoudra lâchement à taire tout ce qui est blâmable ! le vice et la vertu seront égaux ! on confondra dans une même estime l’homme aimable el le bourru ; l’érudit complaisant, comme nous en connaissons beaucoup en Normandie, et le hargneux antiquaire qui voit des ennemis dans tous ceux qui n’adoptent pas ses opinions sur de prétendues voies romaines, ou sur des blocs informes trop facilement érigés en monuments druidiques !

L’impartialité dont on a fait grand bruit a été fort mal entendue. Confondue avec l’indifférence, elle a dicté des histoires où l’auteur s’est vanté de n’avoir pas laissé entrevoir son opinion sur des actes que son devoir était de flétrir. Un écrivain renommé a raconté le supplice de Jeanne d’Arc de manière à n’exercer aucune influence sur ses lecteurs, qui peuvent plaindre l’héroïne ou s’associer à ses bourreaux. Je le répète : où est la moralité dans un tel système ?

L’impartialité sans doute est indispensable à l’historien ; mais dans quel moment ? et dans quelles limites ? Dans le moment où il se livre à ses investigations, où il étudie les textes, où il les contrôle, où il se recueille comme un juge qui va prononcer sur le sort d’un citoyen ; et les limites sont atteintes quand sa conviction est établie et qu’il n’a plus qu’à la formuler. C’est alors qu’il doit, s’il est homme de bien, si, d’ailleurs, il comprend l’importance de l’histoire et ce qu’elle a d’impérieux en morale, qu’il doit, dis-je, ami de la justice et de ta vérité, adversaire implacable de l’injustice et du mensonge, honorer ou flétrir, punir ou récompenser. Autrement Tacite et Bossuet seraient satiriques et partiaux, et l’on proposerait comme types de l’historien ces froids chroniqueurs des siècles barbares.

Si nous en disions davantage aujourd’hui sur cette matière, peut-être nous accuserait-on de pédantisme. Qu’il nous suffise d’avoir rappelé les principes qui nous guident et d’après lesquels nous voulons qu’on nous juge.

Quant à satisfaire tout le monde, il faut y renoncer, et renvoyer ceux qui le tenteraient à l’un des chefs-d’œuvre de La Fontaine : Le meunier, ton fils et l’âne.

Un élève de M. de Gerville, déjà plus grand que son maître, M. Léopold Delisle , a consacré au célèbre antiquaire que le département de la Manche a récemment perdu, une notice biographique fort étendue, dans trois numéros du Journal de Valognes. Le disciple reconnaissant a donné des détails sur les premières années de ce vieillard érudit, dont les connaissances profondes et variées étonnaient tous ceux qui conversaient avec lui. M. Delisle a minutieusement rappelé tous les travaux, tous les opuscules de M. de Gerville ; il les a appréciés avec une entière indulgence, et cette indulgence s’est étendue jusque sur le caractère bilieux, irascible, implacable d’un homme qui avait, d’ailleurs, des qualités éminentes. Nous abrégerons la notice de M. Delisle ; et nous qui n’avons ni beaucoup à nous louer, ni beaucoup à nous plaindre de « l’ami qui a prodigué, jusqu’au suprême moment, les marques de l’affection la plus dévouée » à son jeune et savant biographe, nous tâcherons d’être aussi juste qu’impartial.

Charles- Alexis-Adrien Duhérissier, né à Gerville (arrondissement de Coutances), le 19 septembre 1769, était fils du seigneur de la paroisse, et il prit le nom de la seigneurie. Au mois d’octobre 1776, il entra au collège de Coutances, où, pendant neuf années, il étudia avec fruit l’antiquité classique. Deux ans de droit à Caen suffisaient à un gentilhomme. Après ces deux années, M. Duhérissier revint à la maison paternelle, et partagea son temps entre la chasse, le jardinage et les langues vivantes.

La Révolution fit peur (1) à M. de Gerville, et il s’empressa d’émigrer. Il voyagea, voyagea beaucoup pendant dix ans, notamment dans la Grande-Bretagne, fit partie d’un régiment enrôlé contre la France, vécut dans quelques familles anglaises, et rentra dans sa patrie au mois d’octobre 1801. « A son retour d’Angleterre, dit M. L. Delisle, il vint habiter Gerville. Les neuf ou dix ans qu’il y passa furent consacrés à des études littéraires , à l’administration communale et à l’exploitation des terres de sa famille. Dès qu’il eut rassemblé les débris de sa fortune et se fut assuré une modeste aisance, il ne se proposa plus qu’un but : connaître et faire connaître, sous toutes les faces, le département qui lui avait donné le jour. Pour faciliter l’accomplissement de cette tâche, il se fixa à Valognes en 1811. Dès-lors rien ne put le distraire des intéressants travaux auxquels il voua sa vie entière • »

M. de Gerville avait beaucoup de force physique et d’énergie morale, et son intelligence était parfaitement préparée par ses travaux et par ses voyages. Il se proposa d’étudier à la fois l’histoire naturelle et les antiquités de la Manche, et chaque commune fut explorée avec soin dans ce double but. » Dans les longues tournées qu’il entreprenait chaque année, dit encore son biographe, il se rendait compte de la configuration du sol, des différences de terreins, des plantes, des animaux vivants ou fossiles, des traditions, des patois, des usages agricoles et industriels, de la généalogie des familles, et principalement des monuments civils, religieux et militaires de tous les âges. Il interrogeait l’habitant du château, le prêtre et le paysan. Il questionnait surtout les anciens des paroisses. Au retour, il révisait et contrôlait les notes qu’il avait prises pendant le voyage. Pour les compléter, il compulsait et dépouillait les livres imprimés et les collections de titres manuscrits. Tout ce qu’il avait recueilli se classait régulièrement dans sa mémoire, pour n’en plus jamais sortir. Aussi parlait-il avec une imperturbable assurance de tout ce qui concernait son département de la Manche. Il en connaissait également bien les hommes et les choses, le présent et le passé. »

La botanique et la géologie durent de bons travaux à M. de Gerville, et il fit de riches collections. Il en réunit également de précieuses en médailles et en objets d’art de toutes les époques, de quelque point du sol de la Manche qu’ils eussent été exhumés.

Il ne rechercha pas avec moins d’empressement les monuments écrits du moyen-âge , qui pouvaient éclairer notre histoire locale : les chartes, les pouillés, les cartulaires, les registres historiques de toute espèce. On le vit enfin recueillir les vieux livres sur la Normandie, et donner le goût des collections d’historiens , de poètes, de légendaires, etc., dédaignés par nos deux grands siècles littéraires et presque anéantis par notre première révolution.

Quand la Société Linnéenne et la Société des Antiquaires de Normandie se formèrent, M. de Gerville était pour elles un membre précieux, et elles se l’attachèrent avec un empressement judicieux.

Correspondant de ces Sociétés , devenues à bon droit célèbres , il leur envoya des Mémoires , qu’elles imprimèrent et qui appelèrent l’attention des savants sur les premiers volumes de leurs publications.

Dès-lors, une foule de Compagnies, françaises et étrangères, lui conférèrent le titre de correspondant ; il l’obtint enfin de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, qui lui avait décerné , en 1832, une des médailles du concours entre les auteurs d’ouvrages sur les antiquités nationales.

Il était membre du Conseil-Général de la Manche en 1830 ; il protesta par sa démission contre la révolution nouvelle, et ne voulut pas rentrer dans des fonctions publiques assujetties à la formule du serment. Quelques années après, un ministre du roi Louis-Philippe lui offrit la croix de la Légion-d’Honneur. Il la refusa , non par dédain des distinctions (il y était singulièrement sensible), mais par une vaniteuse opiniâtreté de caractère : la politique était le prétexte.

C’est ici que nous devons dire ce que nous ne pouvons taire, sans blesser la vérité par notre silence. Le caractère de M. de Gerville était un mélange de bons sentiments et de ridicules susceptibilités, d’empressement à rendre service et de préventions absurdes qui le rendaient impitoyable à l’égard de celui qui en était l’objet. Amoureux de ses opinions de savant, comme un poète de ses plus beaux vers, il voyait un ennemi dans celui qui ne les adoptait pas sans examen, surtout dans celui qui, après examen, les rejetait ou se permettait de les combattre. Cette divergence d’opinion sur des choses fort indifférentes dans le commerce de la vie, sur le parcours d’une voie romaine, l’existence problématique d’une villa gauloise ou l’âge d’un monument gothique, suffisait pour briser les liens d’une vieille amitié, renoncer aux relations purement civiles, et engendrer une haine qui se trahissait dans les conversations et dans les lettres aux érudits avec lesquels l’antiquaire de Valognes entretenait une active correspondance. Cette haine semblait s’accroitre avec l’âge, et c’est ce qui l’a rendue presque célèbre, au détriment de la mémoire de ce vieillard que rendaient recommandable des vertus réelles et une érudition aussi variée que profonde. Il est mort dans sa ville d’adoption, le 26 juillet 1853.

Avant de donner la liste des principaux opuscules de M. de Gerville, nous rendrons justice au mérite qui les distingue. Ce mérite est celui de recherches difficiles, faites laborieusement pendant plus d’un demi-siècle. L’auteur, fortement attaché à l’ancien régime, y vécut par la pensée au moyen de ses études, et il sut inspirer ses goûts à une foule de jeunes hommes qui ont cultivé l’archéologie et se sont livrés aux recherches historiques, sans partager ses prédilections pour un temps qui eut ses gloires sans doute, mais aussi ses abaissements, ses hontes et ses misères.

Du reste, M. de Gerville, absorbé par l’immensité des détails, n’eut jamais la moindre vue d’ensemble. Infatigable â la lecture des chartes et des cartulaires, il s’est plu à exhumer des vieux parchemins une foule de noms propres qu’avait ensevelis un juste oubli, à constater l’emplacement de castels sans importance, dont l’existence même n’était pas toujours attestée. Quelques héros ont, il est vrai, été rappelés au souvenir des hommes, quelques restes de monuments ont excité un intérêt qu’ils avaient injustement perdu. Malheureusement la plume sèche de l’érudit n’a jeté aucun charme sur ses récits, et c’est a grand’peine qu’elle est arrivée froidement à un semblant de correction. En un mot, le célèbre antiquaire a fourni des matériaux, a indiqué des sources, a donné des ébauches ; il n’a jamais été au-delà. Sa vraie valeur, c’est d’avoir fait de l’érudition de première main, érudition que devront toutefois scrupuleusement contrôler ceux qui voudront y recourir ; car M. de Gerville, homme de peu d’imagination, n’était pas à l’abri de tout esprit de système.

Voici la liste de ses principales publications :

Lettres à M. Defrance sur les fossiles du département de la Manche ; 1814-1817.

Recherches sur le pays des Unelli et sur les villes qui y ont existé sous la domination romaine ; 1823.

Recherches sur les anciens noms de lieu en Normandie ; 1824.

Lettre sur l’Architecture des églises du département de la Manche ; 1824.

Détails sur l’église de Mortain et la cathédrale de Coutances ; 1824.

Recherches sur les châteaux du département de la Manche : 1824-1830.

Catalogue des coquilles trouvées sur les côtes du département de la Manche ; 1825.

Mémoire sur les monuments druidiques du [département de la Manche ; 1825.

Recherches sur les abbayes du département de la Manche ; 1825.

Notice sur les camps romains, dont on remarque encore les traces dans le département de la Manche ; 1826.

Mémoire de l’état des ports de, Cherbourg et de Barfleur pendant le moyen-âge ; 1826.

Liste des plantes du département de la Manche ; 1826.

Recherches sur le Mont-Saint-Michel ; 1828.

Mémoire sur des antiquités d’origine incertaine du département de la Manche ; 1828.

Résumé de t histoire du département de la Manche jusqu’au milieu du XVe siècle ; 4829.

Mémoire sur les villes et voies romaines du Cotentin ; 1850.

Recherches sur le Hague-Dike et les premiers établissements militaires des Normands sur nos côtes ; 1833.

Notice sur quelques antiquités mérovingiennes, découvertes près de Valognes ; 1834.

Essai sur les sarcophages, leur origine et la durée de leur usage ; 1836.

Des villes et des voies romaines en Basse-Normandie, et de leur communication avec le Mans et Rennes ; 1838.

Supplément au Mémoire sur les villes et voies romaines en Basse-Normandie ; 1840.

Catalogue des monétaires mérovingiens ; 1841.

Lettres à M. le Secrétaire de la Société des antiquaires de Normandie (sur les noms de lieu et les noms d’hommes en Normandie) ; 1844.

Monuments romains d’Alleaume ; 1844.

Réponse à M. l’abbé Desroches, adressée à M. le vicomte Guiton de la Villeberge ; 1845.

Recherches sur les îles du Cotentin , en général, et sur la mission de saint Magloire, en particulier ; 1846.

Documents inédits du moyen-âge, relatifs aux iles du Cotentin ; 1848.

Lettres sur la communication entre les deux Bretagnes, adressées à M. Roach-Smith, secrétaire de la Société archéologique de Londres ; 1848.

Outre ces ouvrages, insérés pour la plupart dans des recueils de Sociétés savantes, M. de Gerville a fait imprimer, dans le Journal de l’arrondissement de Valognes, de 1838 à 1842, beaucoup d’articles sur la topographie, l’agriculture, les antiquités et l’histoire du Cotentin. Sous le titre d’Etudes sur le département de la Manche, il a publié dans le Journal de Valognes, pendant les deux dernières années de sa vie, des notes anciennement recueillies par lui sur la topographie, les produits naturels, l’agriculture, l’industrie, le commerce, l’histoire, les antiquités et la biographie du département de la Manche. Mme veuve Gomont, éditeur du journal, avait ouvert une souscription, et était prête à faire un volume in-8° de ces notes curieuses, quoique souvent informes, incomplètes ou surannées. Tout-à-coup, l’irascible vieillard signifia son veto, et la propriété de cette œuvre semi-posthume fut transférée à un libraire distingué de Cherbourg, à M. Feuardent, qui la fait imprimer et doit y joindre d’autres Mémoires : le tout formera, nous a-t-on assuré, deux volumes in-8°.

Parmi les manuscrits de M. de Gerville, manuscrits que possède M. Dolbec, son neveu, se trouvaient :

Répertoire général des chartes du département de la Manche.

Recueil de pièces et de notes pour servir à l’histoire des îles du Cotentin.

Pouillés du diocèse de Coutances.

Carnets de notes sur le département de la Manche.

Registre des communes du département de la Manche.

Enfin, une foule de Pièces originales, dispersées par la Révolution et recueillies par le célèbre antiquaire avec un soin, une diligence portés jusqu’à la passion. Il est à regretter que tant de matériaux précieux pour l’histoire n’aient pas été tous légués à quelques établissements publics, comme la Bibliothèque publique de Valognes ou le dépôt des Archives départementales.

Janvier 1854.

L’EDITEUR.

(1) On a prétendu qu’en indiquant la peur comme motif de départ, nous avions insulté l’émigration. Telle n’a pas été notre intention, et nous reconnaissons qu’il serait possible d’ajouter à cette peur l’épithète de légitime. Oui, beaucoup d’émigrés ont dû fuir la hache qui les menaçait. Il n’y a point de bravoure à tendre la gorge aux bourreaux , et de bons citoyens ont accompli un devoir en cherchant un refuge a l’étranger.

Est-ce a dire que tous les émigrés soient exempts de reproche ? Les premiers qui, dés la fin de 1789, suivirent les princes et abandonnèrent l’infortuné Louis XVI, dont ils devaient être les protecteurs dévoués, commirent une faute politique qu’ont reconnue les plus graves historiens. Il en est même qui ne peuvent absoudre les gentilshommes qui partirent trois ans plus tard. « L’émigration de 92, dit l’un d’eux, fut incontestablement favorable à la révolution. La plus puissante opposition se trouva dissoute par cette croisade criminelle. » Dans les confidences à M. L. Delisle, imprimées par celui-ci dans sa Notice sur la vie et les ouvrages de M. de Gerville, nous lisons : « Je n’ai jamais aimé la Révolution. Quand elle arriva, il fallut combattre pour ou contre ; je ne balançai pas, je suivis les émigrés. » Il n’est pas vrai qu’il ait fallu combattre pour ou contre. Des nobles, de meilleure maison que M. de Gerville, sont restés sur le territoire français et n’ont pas été inquiétés. Nous en avons connu qui, sans aucune sympathie pour les idées de 1789, ont laissé faire ce qu’ils ne pouvaient empêcher, et conquis par des services l’estime de leurs compatriotes.

Quoi qu’il en soit, nous le répétons, la peur des fanatiques de 1793 était fort légitime. Toutefois nous ne donnons point notre assentiment à l’émigration agressive qui marcha contre la patrie. « Cette émigration, dit notre compatriote et ami, M. Boulatignier, Conseillcr-d’Etat (Encyclopédie des gens du monde, 1. 9, p. 428), qui ne se borne pas à refuser de s’associer a la fortune du pays, mais qui agit contre lui, qui sert ses ennemis de son intrigue, de sa plume ou de son épée, c’est un attentat que ne peuvent justifier a nos yeux, ni les discordes politiques, ni son caractère collectif. »