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Jean-François Faullain - bio ancienne


Jean-François FAULLAIN.

La vie que je retrace ici est celle d’un des vaillants hommes qui ont coopéré à toutes ces actions immortelles dont l’ensemble compose le chef-d’œuvre de l’art de la guerre. Il y prit part de son bras et de son intelligence avec cette ambition qui ne sollicite pas, mais qui attend paisiblement la justice qu’on lui doit ; qui ne cherche pas les voies les plus douces et souvent les plus sures, mais bien les plus périlleuses et les plus honorables. Doué de toutes les qualités qui humanisent et civilisent la guerre, il comprit le rôle d’officier supérieur dans son plus noble sens et dans sa beauté morale, en adoucissant toutes les douleurs qui étaient à sa portée.

Jean-François Faullain naquit à Carentan le 12 janvier 1772. Grenadier le 7 octobre 1791 au 2e bataillon des Volontaires de la Manche, devenu plus tard 27e demi-brigade de ligne (armée du Nord), il fut dirigé par ordre, le 6 novembre 1793, sur la compagnie de canonniers dite des Tuileries où il devint, à l’ancienneté de services, lieutenant le 27 du même mois, et capitaine le 4 décembre 1794. Ennemi de l’exaltation révolutionnaire de ce corps, le jeune Faullain obtint, le 22 octobre 1796, de passer dans son grade au 1er bataillon d’artillerie de l’armée de l’Ouest. Ce fut dans cette position que, le 9 mai 1798, à la tête d’un petit détachement de canonniers embarqués à la hâte sur un chasse-marée armé d’une seule pièce de canon, il donna, pendant une nuit orageuse, la chasse à un corsaire anglais de 12, et s’empara, à sept lieues au large, d’une des prises de ce corsaire qu’il amena à Audierne.

Placé en réforme avec traitement, par suite de licenciement de corps, le 7 octobre 1800, il fut rappelé à l’activité comme capitaine de grenadiers à la 79e demi-brigade d’infanterie de ligne à Bayonne, le 28 octobre 1801, et fit avec ce corps, devenu 79e de ligne, la campagne de l’armée d’observation du Portugal en 1803. Il fut admis dans la Légion-d’Honneur le 5 novembre 1804, et passa en 1805 à l’armée d’Italie sous Masséna. Le 2 décembre 1808, il fut appelé comme aide-de-camp près du général Lauriston. Nommé chef du 1er bataillon du 79e régiment de ligne le 12 août 1809, sous les ordres du vice-roi d’Italie, il reçut de l’Empereur le 15 du même mois une dotation de 2,000 francs sur Bayreuth, pour la campagne de Wagram, et le titre de chevalier de l’Empire.

Passé en Illyrie avec son régiment en 1810, il fut dirigé sur l’armée de Catalogne, aux ordres du duc de Tarente, au commencement de 1811.

A cette date se place, dans cette difficile guerre d’Espagne, une série rapide d’actions d’éclat du chef-de-bataillon Faullain. Le 2 août 1811, il emporte à la baïonnette avec son seul bataillon le village de Valencia, puis la ville d’Esterri d’où il chasse 2,500 Espagnols ; le 26 du même mois, avec le même bataillon, il met en déroute 3,000 Suisses dans la vallée d’Anen, les force dans la haute position de la Torrasa, les poursuit l’épée dans les reins au-delà d’Escaton, leur tue beaucoup de monde et fait 64 prisonniers. Le 22 septembre, à la tête de son bataillon, il attaque au pas de charge le régiment de Palma, le défait et le poursuit jusque sur le sommet des hautes montagnes de Montserrat. Le 29 du même mois, il soutient pendant une heure avec son bataillon le choc de l’aile droite de l’armée de Campo Verdo, repousse deux charges de 400 cavaliers espagnols et a un cheval tué sous lui. Le 16 août 1811, 4,000 Espagnols sortis de nuit du fort de Figuières, viennent attaquer les lignes gardées par le 1er bataillon du 79e ; le commandant Faullain les foudroie par une fusillade tellement vive, que les Espagnols ne peuvent s’emparer de la ligne et laissent, dans les abattis mêmes, leurs blessés et leurs morts.

Ce fut à la suite de celte série d’actions d’éclat que M. Faullain reçut à une revue à Palamos, en février 1812, les plus grands éloges du roi d’Espagne et la décoration de l’ordre royal de Joseph.

Le 25 mars 1813 appelé en Saxe par le général Lauriston comme major du 154e régiment de ligne, il fut blessé de deux coups de feu à Veissy près Bautzen, le 19 mai de la même année, et passa colonel à la suite audit régiment le 4 juin suivant. Nommé colonel titulaire du 147e de ligne le 23 août 1813, il eut le malheur de tomber au pouvoir de l’ennemi le 26 du même mois. Il ne put rentrer en France que le 16 juillet 1814.

Nommé par les Bourbons chevalier de Saint-Louis le 19 juillet 1814, officier de la Légion-d’Honneur le 14 août suivant , colonel à la suite au régiment de la Reine (infanterie) le 17 septembre de la même année, et enfin colonel titulaire du régiment de Monsieur, à Gand, le 19 avril 1815, il rentra dans ses foyers, par suite de licenciement de corps, le 16 mai 1816.

Le colonel Faullain se retira à Carentan à cette époque, y reçut en juillet 1830 le commandement de la garde nationale et mourut dans cette ville le 27 avril 1831, emportant les regrets de tous ceux qui le connurent et qui apprécièrent la générosité de son cœur et l’urbanité de son caractère.

L. De PONTAUMONT.