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Anneville-en-Saire - Notes historiques et archéologiques


NDLR : texte de 1872, voir source en bas de page.


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nneville-en-Saire, Asnevilla sarnes, Ansnevilla, Anslevilla, Annevilla.

L’église paroissiale d’Anneville-en-Saire est sous le vocable de saint Léger. Elle était taxée pour les décimes à 45 livres et dépendait de l’archidiaconé du Cotentin et du doyenné de Saire. L’abbaye de Lessay en avait le patronage qu’elle tenait de Guillaume d’Anneville. En retour de sa donation, Guillaume d’Anneville reçut de l’abbé de Lessay dix marcs d’argent, afin de racheter son fils Geoffroy, fait prisonnier dans son voyage en Terre-Sainte : ad redimendum filium meum de ea captivitate qua captus erat.

Cette donation fut faite, l’an 1106, en présence et du consentement d’Hadewire, femme du donateur ; elle comprenait l’église et toute la maison d’Anquetil qui demeurait près du cimetière, et dans laquelle devait toujours habiter un serviteur de l’église affranchi de tout service : partem quam habebat in ecclesia sancti Leodegarii de Sarnis totam et domum Anschitilli qui manebat juxta cimeterium in qua domo debet semper manere servitor ejusdem ecclesie quietus ab omni servicio. Le donateur déposa sa charte de donation sur l’autel de l’église de l’abbaye : indeque deposuit donationem super altare Sancte Trinitatis. L’abbé et son couvent, outre les dix marcs d’argent, accordèrent encore à Guillaume, à sa femme et à leurs fils la société de leur maison : societatem loci. [1]

Guillaume d’Ansleville, fils du précédent, confirma, en 1118, la donation de son père, et il reçut de Robert, abbé de Lessay, cent sous de Rouen et un palefroi en retour de son acte confirmatif. [2] L’homme riche qui faisait une donation aux moines obtenait souvent de leur reconnaissance des chevaux pour lui-même, ou pour sa femme, quelquefois même pour ses fils. [3]

Geoffroy d’Ansleville, sans doute un descendant de Guillaume, confirma, en l’année 1139, les donations faites par ses ancêtres à l’abbaye de Lessay ; il y ajouta même le don d’une chapelle qu’il avait près de la rivière de Saire : quae est juxta fluvium Sarae. [4]

Henri Ier, par une charte de 1126, et Henri II, par une autre charte de 1186, confirmèrent la donation de l’église Saint-Léger d’Anneville faite au monastère de Lessay. On lit dans la charte de Henri II : ex dono Willelmi de Ansnevilla ecclesiam de Ansnevilla apud Sarnes et totum mariscum e cimiterio usque ad aquam Sares. [5]

Algare, évêque de Coutances, [6] à la demande et à la prière de Robert de la Haye, sénéchal de Henri, roi d’Angleterre et duc de Normandie, et de ses deux fils, Richard et Radulphe, confirma et ratifia à l’abbaye de Lessay, sauf ses droits et ceux de son église cathédrale, salvo jure ecclesie nostre Constanciensis et nostro, plusieurs églises au nombre desquelles figure celle de Saint-Léger d’Anneville : ecclesiam s. Leodegarii Ansnevilla. [7]

Ce patronage de l’église d’Anneville, quoique paraissant bien appartenir à l’abbaye de Lessay, lui était contesté dans le XIVe siècle. Ainsi, on voit que le 13 février 1326, sur le rapport de quatre chevaliers, Godefroy Leblond, bailli du Cotentin, tenant l’assise de Valognes, adjugea aux religieux de Lessay l’église d’Anneville-en-Saire, dont Renaud de la Haye, écuyer, réclamait le patronage. [8]

Faits historiques

Richard III, duc de Normandie, affecta à la dot de sa fiancée un grand nombre de lieux situés dans le Cotentin, au nombre desquels il y en a quatre qu’il désigne expressément par le nom de pagi : pagum qui dicitur Sarnes cum aquis et portu maris. [9] La première localité est le fertile canton connu sous le nom de Val-de-Saire, emprunté à la rivière qui y coule.

En l’année 1050, des pirates, après avoir souvent ravagé l’île de Guernesey qui, alors, faisait partie de la Normandie, finirent par s’établir dans l’île. Les habitants ne pouvant les repousser, vinrent demander des secours au duc Guillaume, qui habitait en ce moment le château de Valognes. Guillaume leur envoya des troupes commandées par Sanson d’Anneville, qui chassa les pirates de l’île dans laquelle depuis ils n’osèrent plus faire invasion.

Le duc Guillaume, en 1061, donna à Samson d’Anneville, son écuyer, et à l’abbé du Mont Saint-Michel la moitié de l’île de Guernesey, par égales portions, à charge par Samson d’Anneville et ses hoirs de faire le service d’écuyer près de sa personne et de ses successeurs, lorsqu’ils viendraient dans l’île ; à charge en outre de dix livres de relief, du serment de foi et hommage, et de tous les autres services dus au duc et au duché de Normandie.

Guillaume et Honfroi d’Ansleville accompagnèrent le duc Guillaume à la conquête , et leurs noms, sont inscrits sur les murs de l’église de Dives ; [10] ils appartenaient à la noble et puissante famille normande qui dut son nom ou qui le donna à la paroisse d’Anneville-en-Saire dont elle avait la seigneurie.

Michel d’Anneville suivit Robert Courte-heuse à la croisade et fut fait prisonnier en Palestine.

Cette famille figure aussi bien en Angleterre qu’en Normandie. [11]

Le registre des fiefs de Philippe-Auguste nous apprend que Jean d’Anneville tenait un fief qui dépendait de l’honneur de Lithaire : Johannes de Ansneville tenet feodum unius mililis apud Brolium (le Breuil) et Ansneville.

Lorsque la flotte anglaise aborda dans les premiers jours de juillet 1346, au port de Saint-Vaast-la-Hougue, les Anglais, sous la conduite de leur roi Edouard III, incendièrent, dans le port de la Hougue, onze navires dont huit avaient château devant et château derrière ; ils pillèrent, brûlèrent et dévastèrent plusieurs riches paroisses au nombre desquelles figure Anneville. Côtoyant le val de Saire, sans trouver aucun obstacle, l’armée anglaise arriva devant Cherbourg qu’elle brûla ainsi que les navires qui étaient dans le port. Mais, dit Froissart, dedans le chastel ne purent-ils entrer, car ils le trouvèrent trop fort et trop bien garni de gens d’armes.

Les terre et seigneurie d’Anneville-en-Saire durent passer par mariage ou autrement dans la famille Sauvage de Villers ; car on trouve que le 4 août 1399, Jean de Villers, chevalier, dit Sauvage, rend aveu au roi de son fief d’Anneville. Cette terre, lors de l’occupation anglaise, dans le XVe siècle, fut confisquée par Henri V, roi d’Angleterre, qui la donna à un anglais nommé Jean Cherwin. Le 25 mars "1423-4", Henri VI ordonna à ses officiers de faire payer par Jean Cherwin 100 écus d’or que la Sainte Chapelle prenait sur cette terre et autres. Le 21 février 1427, Pierre de la Roque, lieutenant-général de Jean de Harpeley, chevalier, bailli du Cotentin, manda aux sergents de faire payer les 100 écus d’or, conformément aux ordres du roi. [12]

Geffroy Herbert, évêque de Coutances, acheta, en 1498, de Jeanne de France, veuve de l’amiral de Bourbon, le fief d’Anneville. Ce fief donnait droit au patronage de la chapelle de tous les saints, à Anneville ; droit de percevoir la veille de la fête saint Léger les deniers des passants sur les ponts de la paroisse assis sur la Saire, ainsi que les droits de coutume de la foire saint Léger. L’évêque, en l’année 1500, donna une grande partie de ce fief à la commune [13] capitulaire de sa cathédrale, à charge de nourrir le maître de musique et six enfants de chœur ; de célébrer par an six obits, et de payer aussi par an sept livres six deniers au roi et 48 livres aux religieux de Montebourg.

Le Chapitre, en 1510, rendit aveu au roi pour ce fief. [14]

D’après un aveu de 1399, Jean de Villers avait, à Anneville-en-Saire, la moitié d’une foire le jour saint Léger. Dans la même paroisse, au Tourp, près de la chapelle Saint-Gilles, se tenait, le jour de la fête de ce saint, une foire dont les produits appartenaient à l’abbaye de Lessay. [15]

Le château d’Anneville fut pillé, brûlé et dévasté par les Anglais, lors des guerres avec la France, pendant le XIVe siècle ; il était situé près de la rivière de Saire ; il fut pris, en 1591, par les troupes de Henri IV. Depuis il a complètement disparu.

Un arrêt du parlement de Rouen, du 21 juillet 1657, termina une contestation de préséance dans l’église d’Anneville, entre Nicolas de Saint-Germain, sieur du Breuil, qui possédait le fief dominant, situé dans la paroisse d’Anneville, Bon-Christophle de la Cour, sieur du Tourps, qui possédait le fief du Tourps, dans la même paroisse, et les sieurs chantres, chanoines et chapitre de l’église cathédrale de Coutances. Le parlement maintint le sieur de Saint-Germain en sa qualité de patron honoraire dans ses droits honorifiques de l’église, au droit de son fief du Breuil, à Anneville, et dit qu’il aurait son banc et séance du coté de l’évangile, et que les sieurs du chapitre auraient le côté parallèle et vis-à-vis dudit de Saint-Germain. Quant au sieur du Tourps, il fut condamné à faire enlever son banc et ses armes. [16]

Dans la répartition qui fut faite à la fin du XVIIe siècle, par le parlement, des aumônes dues par l’abbaye de Lessay, les pauvres de la paroisse d’Anneville-en-Saire obtinrent une rente de 18 boisseaux d’orge, le boisseau devant peser soixante-deux livres ; lesquels devaient être portés à jour fixe, par les soins de l’abbaye, au domicile du curé, qui devait cuire le pain de ceux de ses paroissiens se trouvant dans l’impossibilité de le faire eux-mêmes, soit pour cause de maladie, soit pour cause d’extrême pauvreté. [17]

Montfaut, en 1463, trouva nobles à Anneville-en-Saire Jean de la Cour et Guillaume d’Anneville ; il y imposa Charles Durand.

Roissy y inscrivit comme nobles, en 1598, les familles d’Anneville et Mangon. Michel Mangon avait été anobli en 1576.

Chamillard, en 1666, y trouva les Vaultier anoblis en 1497 et les de la Cour, anoblis en 1470.

On découvrit, en 1821, à Anneville-en-Saire une petite fonderie d’objets celtiques, et entre autres une cuiller de fer contenant un culot de bronze du poids de deux livres ; ce métal avait été mis en fusion et avait pris la forme de la cuiller ; le tout était entouré de cendre et de charbons. [18]

La paroisse d’Anneville-en-Saire relevait de l’intendance de Caen, de l’élection de Valognes et de la sergenterie du Val-de-Saire. Masseville et Dumoulin lui comptaient, l’un 77 feux imposables et l’autre 97. Expilly, en 1762, lui donne 180 habitants ; elle en a 686 en 1871.

Le maire d’Anneville-en-Saire est M. du Mesnildot, membre de l’Association normande.

Source :

Notes

[1] La charte m’a été obligeamment communiquée par M. Dubosc, archiviste. Gall. christ., tom. XI, col. 918. Léchaudey d’Anisy, Recherches sur le Domesday, tome I, pag. 189.

[2] Gall. christ., tome XI, col. 919. Léchaudey d’Anisy, Recherches sur le Domesday. tome I, pag. 189.

[3] L’abbé Delarue, Essais historiques sur la ville de Caen, tome II, pag. 303.

[4] Recherches sur le Domesday. tom. I, pag. 189.

[5] Gall. christ., tome, XI ; Instrum., col. 237. Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, tom. XI, pag. 45.

[6] Evêque de 1132 à 1150 ou 1151.

[7] Charte aux archives de la Manche.

[8] Mémoires de la Soc. des Antiq. de Normandie, tome XIX, pag. 94.

[9] Recueil des historiens de France, tome X, pag. 270, note A.

[10] Ce fut du port de Dives (Calvados) que partit la flotte de Guillaume.
Les noms de ses compagnons sont inscrits sur les murs de l’église de Dives. Bulletin monumental, publié par M. de Caumont, tome XXVII, pag. 641 ; tome XXVIII, pag. 474 et 748.

[11] Voir, pour de plus amples détails, les Recherches sur les anciens châteaux du département de la Manche, par M. de Gerville. tome I, pag. 349.

[12] Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, tom. XVII, pag. 317 et tom. XIX, pag. 111.

[13] On appelait commune capitulaire un revenu commun qui se partageait par égales portions entre les chanoines ; il était formé de fiefs, dîmes et rentes.

[14] Journal de Valognes des 10 et 17 mars 1864, n° 10 et 11. Lecanu, Histoires des évêques de Coutances. pag. 271 et 381.

[15] Annuaire du département de la Manche, année 1850, page 532.

[16] Basnage, Coutume de Normandie, tom. I, pag. 239.

[17] Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, tom. XIII, pag. 297.

[18] Cours d’antiquités monumentales, par M. de Caumont, tom. I, pag. 286 et 511.