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Pierre-Michel DUDOUYT - bio ancienne


DUDOUY.

Nous empruntons au Journal de Coutances du dimanche 9 mars 1859, l’article suivant, consacré à un avocat de mérite, qui fut député du département de la Manche en 1848 :

 » Mercredi dernier, un concours immense de citoyens de tous rangs et de toutes conditions se réunissaient pour conduire à sa dernière demeure M. Dudouy, bâtonnier de l’ordre des avocats du barreau de Coutances, qu’une mort presque subite vient d’enlever à sa famille et à ses nombreux amis. Il y a quelques jours, il était encore plein de force et de santé ; c’est au Palais qu’il a été frappé de la maladie qui l’a conduit en si peu de temps au tombeau ; en sorte que l’on peut dire que, comme le soldat, il est mort à son poste. A voir ce cortège nombreux et recueilli, il était facile de constater combien l’homme auquel on rendait un pareil hommage, était aimé et respecté de tous. Celle foule qui se presse à la suite de ce cercueil est bien autrement significative que tout ce que nous pourrions dire pour honorer la mémoire de cet homme de bien. Aussi, ne ferons-nous que de retracer, en quelques mots, les principaux faits de sa vie. Ils parlent assez haut, du reste, pour qu’il ne soit pas besoin de les commenter.

• Comme avocat, son talent n’avait pas lardé à le placer au premier rang. L’hostilité qu’il avait rencontrée à ses débuts, à cause de ses opinions libérales (c’était en 1818), dut céder devant son mérite personnel, et en 1830, son nom était déjà connu et populaire dans tout le département, et même ailleurs. Il ne voulut accepter de la révolution de Juillet que le titre de juge suppléant qu’il a conservé jusqu’en 1851 et auquel il n’a renoncé qu’à regret et parce qu’il ne crut pas pouvoir le concilier avec ses opinions ; car c’était, avant tout, un homme de robe. Nul avocat n’a jamais mieux compris que lui la noble profession qu’il avait embrassée. S’il fut bien souvent l’avocat du riche, le pauvre seul peut-être eut toutes ses sympathies et son dévouement-, mais c’est surtout envers ses jeunes confrères qu’il se montra constamment dévoué. C’était pour eux plus qu’un confrère, plus qu’un ami, c’était un père qui se réjouissait ou s’affligeait de leurs débuts, selon qu’ils étaient heureux ou malheureux. Il leur prodiguait les conseils qu’une longue expérience et une grande habitude des affaires lui avaient appris. Il relevait leur courage abattu, s’effaçait autant que possible pour leur faire une place honorable. Il leur donnait enfin ce qui manque surtout aux débutants, les moyens de se produire souvent. Aucune pensée égoïste ne l’arrêta dans cette voie, où il est donné à bien peu de l’atteindre et à personne de le dépasser. Pendant une carrière de plus de 40 ans, comme avocat, il s’est montré toujours homme de conciliation et de bon conseil. Désintéressé au-delà de tout ce que l’on pourrait croire, il était l’espoir des malheureux auxquels il prêta toujours l’appui de sa puissante parole et qu’il aida même bien souvent de sa bourse. Enfin c’est a lui surtout qu’il est permis d’appliquer ces paroles : Vir probus, dicendi perilus. Voilà l’avocat ; voyons l’homme politique.

« Libéral sous la Restauration et tracassé pour ses opinions, il accueillit, comme tant d’autres, la révolution de Juillet avec enthousiasme. Il ne voulut toutefois accepter aucune fonction salariée, préférant à tous les honneurs, à tous les traitements possibles, son indépendance. Quelques années plus tard et jusqu’en 1848, nous le voyons constamment à la tête de l’opposition dans le pays, mêlé comme défenseur à tous les délits de presse. La République le trouva commandant de la garde nationale. Nommé successivement sous-commissaire du Gouvernement provisoire et Maire de la ville de Coutances, il ne profita de son influence, qui était puissante alors, que pour calmer les esprits et faire taire les rancunes politiques. C’est là qu’il montra qu’il n’était pas seulement grand par le talent, mais qu’il l’était bien davantage par le cœur ; aussi 117,000 voix l’envoyèrent-elles à l’Assemblée Constituante. Comme beaucoup d’autres, il disparut avec cette Assemblée. Revenu dans sa ville natale, il rencontra au barreau des sympathies qui ne l’avaient pas abandonné un seul instant. Nommé bâtonnier de l’ordre, il reprit sa profession d’avocat qu’il n’avait quittée qu’à regret et où de nouveaux succès ne tardèrent pas à faire disparaître l’amertume qui avait un instant rempli son cœur.

« C’est une grande perte que la mort d’un tel homme, non seulement pour sa famille, mais encore pour le barreau, Puisse son fils, qui occupe déjà une position honorable comme avocat, suivre le noble exemple que lui laisse son père ! "

A, M.