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Picauville - Notes historiques et archéologiques


NDLR : texte de 1873, Voir source en bas de page.


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icauville, Piquadivilla, Picquauvilla, Picauvilla.

L’église paroissiale de Picauville est en forme de croix et se compose du chœur, d’une nef avec bas côtés, d’un transept et d’une tour centrale. Elle est en grande partie du XIIIe siècle ; mais le chœur fut construit dans le XIVe siècle par les chanoines de la Sainte-Chapelle ; six arcades mettent la nef principale en communication avec les bas côtés ou nefs latérales. Le mur à l’occident est percé d’une porte, et un porche existe au sud de la nef, à l’extrémité du mur.

Cette église est sous le vocable de saint Candide : elle dépendait de l’archidiaconé du Cotentin et du doyenné du Plain, et payait 66 livres pour les décimes. La cure était divisée en deux portions. Le patronage, en 1250, appartenait à Bouchard de Marly, chevalier. Lors de la rédaction du Livre blanc, le patronage était encore dans la même famille. Les deux curés se partageaient les produits de la dîme, sur lesquels deux prieurs, celui du Fresne (de Fraxino) et celui de Bohon avaient des droits. En 1665, le patronage des deux portions appartenait à la Sainte-Chapelle.

La chapelle, sous le vocable de saint Christophe, qui existe du côté méridional de la nef, fut construite à la fin du XIVe siècle, par les soins de Jean Pelerin, le curé de l’une des portions, et qui, pendant plusieurs années, remplit les fonctions de garde du scel des obligations de la vicomté de Valognes. Les chanoines de la Sainte-Chapelle, le curé de l’autre portion de l’église, Jean Bonté, et les trésoriers et paroissiens de Picauville approuvèrent cette fondation. Guillaume de Crèvecœur, évêque de Coutances, la confirma le 28 octobre de l’an 1404. Le fondateur se réserva, sa vie durant, le droit de présenter le chapelain, et il dota cette chapelle de 16 livres tournois. Ce revenu était assis sur plusieurs paroisses. Après la mort du fondateur, le droit de présentation devait être alternatif entre l’évêque de Coutances et le trésorier de la Sainte-Chapelle. D’après le pouillé du diocèse rédigé en 1665, le patronage était encore alternatif entre les mêmes dignitaires. [1]

Il y avait eu dans la paroisse de Picauville une maison de Templiers dont les biens furent attribués à la Sainte-Chapelle.

Faits Historiques

Saint Louis, qui possédait la terre de Picauville, par suite sans doute d’une forfaiture, la donna à Mathieu de Mailly, [2] dont la famille la possédait encore dans le XIVe siècle ; car, en 1330, le patron de la paroisse était Louis de Mailly, chevalier. Ce fut lui qui vendit la terre de Picauville, 1354, à Jean de Bloville, moyennant 6,000 livres tournois, plus une rente de 150 livres. A la mort de Jean de Bloville, écuyer, la seigneurie de Picauville passa à son fils, Guillaume de Bloville, aussi écuyer, lequel, le 28 avril 1368, se reconnut débiteur de la rente de 150 livres. Guillaume laissa une fille mariée à Jean de Semilly, écuyer, qui, en 1376, jouissait de la terre de Picauville ; mais la rente ne se payant pas, la terre fut saisie et vendue. Les exécuteurs testamentaires de Charles VI s’en rendirent adjudicataires, et la destinèrent à la fondation des heures canoniales dans la Sainte-Chapelle.

La prise de possession, par les chanoines de la Sainte-Chapelle, se fit en présence « de Guillaume Hamon, substitut du procureur du roy nostre sire, en la dicte vicomté, Thomas Pierre, vicomte de Carentan, messire Jehan Pelerin, messire Jehan Bonté, curés de la dicte église de Piquiauville, messire Guillaume Hebert, curé de Saint Cosme du Mont, Jehan Yon, escuier, etc. » La terre de Picauville fut alors estimée valoir un revenu de 228 livres 14 sous un denier. Ce domaine se composait, entre autres choses, « d’une maison en laquelle les plez et la juridiccion de la terre estoit tenue, près et devant le moustier de Piqueauville... item deux isles, environnées d’eaux, dont l’une est appelée la Grant Isle, et l’autre la Petite Isle, et contient la grant environ 111 acres, et l’autre la petite isle, une acre ou environ... item, le patronage de l’église qui est en deux porcions.. etc. »

Cette terre avait été vendue 5,800 francs d’or. [3]

En l’année 1416, un tenement de cinq acres en herbages était loué pour un an, à Picauville, moyennant 20 sols tournois. [4]

Henri II, duc de Normandie, à la demande des religieux de Blanchelande, établit à leur profit, à Picauville, une foire à la décollation de saint Jean, et un marché le vendredi. En 1394, une estimation de la terre de Picauville porte à cent sous tournois la valeur de la coutume de la foire saint André. [5]

Le Pont-l’Abbé, dont l’agglomération avait le titre de bourg, était dans la paroisse de Picauville et formait le chef-lieu d’une sergenterie qui comptait 18 paroisses. Le pont qui se trouve sur l’Ouve, entre Picauville et les Les Moitiers-en-Bauptois, a été construit depuis 1720 ; car, Masseville, curé de Joganville, près de Montebourg, dit « Pont-l’Abbé, bourg et marché de l’élection de Valognes, et de la paroisse de Picauville, sur la rivière d’Ouves, qu’on y passe en bateau depuis la destruction du pont qui y était autrefois. » C’est sans doute ce pont détruit dont on a attribué la construction à un abbé des Moitiers, de Monasteriis, d’où lui est venu le nom de Pont-l’Abbé.

L’amiral de Vienne, en 1375, s’empara de Pont-l’Abbé et le fit fortifier. Les protestants, en 1574, s’en emparèrent aussi.

On trouve à Picauville un établissement important, nommé le Bon-Sauveur, et dont la fondation est due à la généreuse piété de Madame veuve de Riou, née d’Agneaux, qui en fut la première supérieure. Il contient un pensionnat de jeunes personnes, une école pour les sourds-muets, et une maison pour les aliénés.

Montfaut, en 1463, imposa à Picauville Michel Jean, qui fut rétabli plus tard ; il y renvoya les Yon que, 200 ans après, Chamillard déclare nobles, vu leurs titres ; les Yon avaient été anoblis en 1487.

En 1598, Roissy y trouva les du Rosey, nobles en vertu d’une charte de 1541, les Fournier qui furent barons de Tournebut, de 1520 à 1580, les Jouan, Etienne de Ricarville, sieur du Revie ; et renvoya à trois mois Eustache de Pierrepont, à fin de justification.

Chamillard, en 1666, y maintint les Lecourtois, dont la noblesse datait de 1580, les Le Fournier, anoblis en 1471, et dont la famille portait d’argent au sautoir de ..... cantonné de quatre roses de gueules, les Yon, ceux que Montfaut avait renvoyés, et les Jouan.

La petite paroisse du Houlme, du Home, ou de l’Ile-Marie, est depuis longtemps réunie à celle de Picauville.

Holm, Hulmus, Holmus, signifient un lieu entre deux rivières ; on nommait autrefois cette paroisse Notre-Dame-du-Holm, ce qui veut dire la même chose qu’Ile-Marie, et aussi parce qu’elle est dédiée à la Vierge Marie. Dans le dotolicium de la princesse Adèle, Holmus indique le Home ou l’Ile-Marie. [6]

L’église de cette ancienne petite paroisse date du XVIIe siècle. Ce fut le maréchal de Bellefonds, qui, exilé à l’Ile-Marie, par suite d’une intrigue, la fit construire. Elle dépendait de l’archidiaconé du Cotentin et du doyenné du Plain.

Le tableau placé au-dessus de l’autel représente une Vierge à la chaise, peinte par Jules Romain, dans l’atelier même de Raphaël, qui l’a retouchée ; il fut donné au maréchal de Bellefonds par le grand Dauphin, fils de Louis XIV, et élève de Bossuet. On conserve encore à l’Ile-Marie la lettre de ce prince, qui est l’authentique de ce tableau. [7]

L’abbé Lecanu, [8], dans son tableau des paroisses de l’évêché de Coutances, place le Home dans le doyenné d’Orglandes, et en attribue le patronage au seigneur du lieu ; mais le Livre noir et le Livre blanc placent l’église du Home dans le doyenné du Plain, et indiquent comme patron l’abbé de Saint-Sauveur, et comme seul décimateur le curé qui, en 1369, avait en plus un manoir. Une chapelle, qui ne donnait aucun revenu, était attachée à cette église. C’était Henri on Hélie d’Agneaux qui, en 1150 ou 1162, avait donné l’église du Home à l’abbaye de Saint-Sauveur. Son fils et ses neveux ratifièrent cette donation que confirma aussi Vivien, évêque de Coutances. [9]

Le Home que, pendant le XIIe° siècle, possédait la famille d’Agneaux, appartenait à la fin du XVIe siècle à la famille Aux Epaules, (ad Humeros), seigneurs de Sainte-Marie-du-Mont ; Jeanne Aux Epaules, dame de l’Ile-Marie, fille de Robert Aux Epaules, baron de Sainte-Marie-du-Mont, épousa, en 1607, Bernardin Gigault de Bellefonds, gentilhomme de la chambre du roi, gouverneur de Valognes, puis lieutenant du chevalier de Vendôme au gouvernement de la ville et château de Caen, et fit entrer ainsi l’Ile-Marie dans la famille des Gigault. Ils eurent plusieurs enfants, entre autres Henri-Robert Gigault, seigneur de l’Ile-Marie, gouverneur de Valognes, qui fut le père de Bernardin Gigault, marquis de Bellefonds, seigneur de l’Ile-Marie, gouverneur de Valognes, maréchal de France et chevalier des ordres du roi ; une de leurs filles devint la maréchale de Saint-Géran ; une autre, célèbre par les grâces de son esprit, fut la marquise de Villars, la mère du vainqueur de Denain ; une troisième, Judith de Bellefonds, née à Caen, en 1611, eut le plus grand succès à la cour de la reine Marie de Médicis ; jolie et spirituelle, elle possédait tout ce qu’il fallait pour plaire. Entrée aux Carmélites, à Paris, en 1629, à 17 ans, la veille de la Sainte-Agnès, elle prit le nom de sœur Agnès de Jésus-Maria, et fut plusieurs fois élue prieure des Carmélites. [10]

En 1649, Matignon se déclara pour la fronde, et s’empara de l’Ile-Marie, appartenant à Bernardin Gigault, alors enfant mineur.

Jacques II, se rendant en Angleterre à la tête d’une armée que Louis XIV lui fournissait en grande partie, passa deux jours, au mois d’avril 1692 au château de l’Ile-Marie, chez le maréchal de Bellefonds, qui était rentré en faveur, et devait l’accompagner dans son expédition d’Outre-Manche, à titre de commandant en chef des troupes françaises.

Le domaine de l’Ile-Marie, par suite d’acquisition, passa dans les mains de Georges-Adrien Feuillie, marié à une demoiselle d’Agneaux. On trouve, en 1789, comme faisant partie des trois ordres qui s’assemblèrent à Coutances, messire Léon-Georges Feuillie, seigneur du Hom ou Ile-Marie, et des fiefs du Roncer et aux Mortières, et du Riou, à Sainte-Mère-Eglise. Ce domaine appartient aujourd’hui à M. le comte d’Agneaux, neveu de Madame de Riou, membre du Conseil général de la Manche, et Inspecteur de l’association normande.

Le Home avait, dans le XIVe° siècle, le titre de ville ; du moins, dans le mois de février 1336-37, et après enquête faite au Home, à Carentan, Montebourg, La Haye-du-Puits et Varenguebec, le duc de Normandie accorda à Richard Canète, sire du Homme, un marché hebdomadaire en la ville du Home. [11] Ainsi ce n’est pas une formalité nouvelle que celle de consulter les communes voisines de celle où l’on veut établir une foire ou un marché, et d’ouvrir des enquêtes de commodo et d’incommodo ; on en agissait ainsi dans le moyen âge.

Les paroisses du Home et de Picauville dépendaient de l’intendance de Caen, de l’élection de Valognes et de la sergenterie de Pont-l’Abbé. Masseville, en 1722, donne 7 feux imposables à la paroisse du Home, Dumoulin, en 1763, dit qu’elle n’avait pas d’autres habitants que ceux du château. Masseville compte à la paroisse de Picauville 200 feux, et Dumoulin 298. Expilly lui donne 1311 habitants. La population des deux paroisses réunies est, en 1871, de 2307 habitants.

L’Ile-Marie a vu mourir, le 4 juillet 1679, à l’âge de 62 ans, Antoine Garaby, qui naquit le 18 octobre 1617, au château de la Luzerne, dans la paroisse de Montchaton ; [12] il eut pour père et mère Bernard Garaby de la Luzerne et Françoise de Pierrepont ; il épousa Anne de Vassé ; il mourut sans laisser d’enfants. Sa famille, propriétaire du fief de la Luzerne, portait d’azur à trois pals d’or, au chef cousu de gueules chargé d’un lion léopardé d’argent.

Antoine Garaby de la Luzerne, qui prit aussi les noms de Garaby Pierrepont de la Luzerne, sans être au nombre des poètes dont les noms appartiennent à l’histoire générale de la littérature française, n’est cependant pas un écrivain à dédaigner ; il avait des aptitudes variées, un style facile et un esprit observateur. Il se lia d’une manière étroite avec Samuel Bochart, des Yveteaux, Moisant de Brieux, le peintre de la Haie et Daniel Huet, évêque d’Avranches. Ces noms prouvent qu’il aimait les gens de lettres, et qu’il en faisait ses principaux amis. Ses ouvrages ne sont pas nombreux ; ils se réduisent à trois : Recueil de ballades et sonnets, les Miscellanées, et les Sentiments chrestiens, politiques et moraux. [13]

Source :

Notes

[1] Voir le Livre noir et le Livre blanc. Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, tome XVII, pag. 320.

[2] Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie tome XVI, pas. 78. n° 473.

[3] Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie, tome XVII, pag. 297 à 317.

[4] Cartulaire de Montebourg, pag. 585. Cité par M. L. Delisle, dans son ouvrage Des revenus publics en Normandie, au XIIe siècle.

[5] Annuaire de la Manche, année 1850. pag. 544.

[6] Voir dans le Glossaire de Durange : Hulmus

[7] Normandie illustrée, Manche, pag. 63.

[8] Histoire des évêques de Coutances.

[9] Journal de Valognes, année 1863, n° 42.

[10] Voir ce qu’en dit M Cousin dans son Etude sur Madame de Longueville : Madame de Sévigné, dans une lettre à sa fille, 5 janvier 1680, lui dit : « Je fus ravie de l’esprit de la mère Agnès ; elle me parla de vous, vous connaissant par sa sœur (la marquise de Villars) ; dans une autre lettre (22 novembre 1688) : Cette mère, dit-elle, sait bien mener la parole. » Voir aussi, dans M. Cousin, la lettre touchante de Bossuet à la prieure qui succédait à la mère Agnès.

[11] Notes sur les anciennes foires du département de la Manche, par M. L. Delisle. Annuaire de la Manche, année 1850, pag. 539.

[12] Commune de l’arrondissement de Coutances.

[13] Voir sur Antoine Garaby, un excellent article de M. de Robillard de Beaurepaire dans les Mémoires de la société d’archéologie, etc., d’Avranches, tome IV, pag. 439 ; Annuaire de la Manche, année 1829, pag. 301 ; 1853, pag. 47, et 1856, pag. 65.