Le50enligneBIS
> Paroisses (Manche) > tuv > Valognes > Histoire > Valognes - Ancien château

Valognes - Ancien château


NDLR : Texte de 1824 : Voir source en fin d’article


JPEG - 1.9 ko

n parlant d’un siège du château de Valognes, un des continuateurs de l’abbé Velly [1] dit qu’il avait été bâti par Clovis. Malheureusement pour moi il n’a pas cité son garant, et puis il ne dit pas non plus auquel des Clovis il veut en rapporter l’origine. Cependant, comme il indique ordinairement avec exactitude, j’ai cru devoir rapporter ici son assertion sans chercher à la blâmer ou à lui donner du crédit.

Je ne connais rien de positif sur ce château jusqu’au règne du duc Guillaume ; ce prince y résidait souvent : vingt ans avant la conquête, il y était lorsque les seigneurs du Cotentin et du Bessin, conjurés contre lui avec le comte de Brionne, voulurent le surprendre et l’assassiner [2] : on sait par quel hasard il échappa, en fuyant à la hâte ; comment il regagna le château de Falaise, et comment il remporta sur ses ennemis une victoire décisive au val des Dunes.

A cette époque et durant les trois siècles suivants, rien ne prouve l’importance ou la force du château de Valognes. Les fils du roi Guillaume se disputèrent long-temps la Normandie ; à la mort de Henry Ier, le plus jeune de ses fils, la province devint le théâtre d’une guerre longue et acharnée, entre Etienne de Blois et Geoffroy Plantagenet ; soixante ans après, elle repassa sous la domination de Philippe-Auguste, et jamais il n’est fait mention du château de Valognes, comme d’une place forte. En 1340, il ne fit aucune résistance à l’armée d’Édouard III ; ce prince y vint tranquillement coucher ; le lendemain, il en partit pour continuer sa route vers Caen ; la ville fut pillée et brûlée. [3]

Dix ans après cet évènement, Valognes et le Cotentin furent cédés au roi de Navarre, par un traité conclu dans cette ville même. [4] L’alliance de ce prince avec les Anglais et avec Geoffroy d’Harcourt, garantit quelque temps Valognes des suites de la guerre ; mais après sa victoire à Cocherel, du Guesclin, maître de la campagne, vint en faire le siège ; il est probable que le roi de Navarre l’avait mis en état de défense, car la garnison brava d’abord tous les efforts des assiégeants. Enfin pourtant, elle capitula quand elle eût pu tenir encore long-temps, car une poignée d’Anglais, rentrés dans la forteresse, s’y défendit encore plusieurs jours, et n’y fut forcée que par surprise. Un historien de du Guesclin, qui peut avoir été témoin oculaire de ce siège, nous en donne beaucoup de détails, qu’on ne peut lire sans être convaincu que ce château de Valognes était alors très-fort. [5]

Il ne resta pas long-temps au pouvoir de la France : Bertrand du Guesclin, appelé en Bretagne, y emmena ses meilleurs troupes. L’armée française fut défaite à Auray, du Guesclin y fut pris ; par le traité de Guerrande, Valognes et le Cotentin furent rendus au roi de Navarre. [6]

Ce prince en perdit de nouveau la majeure partie, en 1398 ; son complot contre le roi de France fut découvert, et ses complices condamnés à mort : toutes ses forteresses du Cotentin furent reprises à l’exception de Cherbourg. Valognes, à ce qu’il paraît, ne soutint pas de siège ; la France n’en conserva pas long-temps la possession ; après des attaques longues et inutiles, du Guesclin fut obligé de se retirer de devant Cherbourg. [7] Appelé ailleurs, il laissa quelques troupes dans le Cotentin ; celles-ci ne purent tenir long-temps la campagne contre la garnison de Cherbourg ; elles furent battues le 4 juillet 1379, [8] entre Valognes et Cherbourg, par Jean Harleston. Guillaume Bordes, qui les commandait, fut fait prisonnier ; d’autres troupes furent envoyées par le roi de France, pour réparer cet échec, mais Valognes n’est pas compté parmi les places fortes qu’elles occupèrent : Montebourg était le poste le plus avancé du sir de Bremailles, leur chef ; bientôt même il fut forcé d’évacuer le Cotentin. [9] En 1386, à la mort du roi de Navarre, toutes les villes de la presqu’île, excepté Cherbourg, repassèrent sous la domination française ; elles y restèrent jusqu’en 1418, que les Anglais s’emparèrent de toute la province, et s’y maintinrent durant plus de trente ans. [10]

Valognes leur avait été repris avant les autres forteresses du Cotentin. Sir Thomas Kiriel, général anglais, vint l’attaquer, et ne le prit qu’après trois semaines de siège. [11] Il fut défendu par Abel Rouault, un des plus braves capitaines de son temps, et frère de Joachim Rouault, connu sous le nom de maréchal de Gamaches.

Peu de jours après, l’armée anglaise fut complettement battue à Formigny. Valognes et le reste de la province rentrèrent en peu de temps sous la domination française. Cent vingt hommes composaient la garnison anglaise, qui rendit le château de Valognes.

Durant plus d’un siècle après la victoire de Formigny, toute la province jouit d’une paix profonde ; elle ne fut troublée qu’en 1562, par les protestants. Ils vinrent assiéger le château de Valognes. Par une enquête faite, en 1578, pour constater les pertes qu’ils firent éprouver à M. d’Ursus, alors seigneur de l’Estre, je vois que leur chef était M. de Sainte-Marie-d’Aigneaux ; que, pour battre le château de Valognes, ils envoyèrent chercher du canon à la tour de l’île de Tatihou ; qu’ils vinrent avec cette artillerie devant Valognes, mais que M. de Matignon arriva, et leur en fit lever le siège.

Par d’autres mémoires, je vois que les protestants finirent par prendre le château de Valognes en 1562, et qu’ils le rendirent, en 1563, en conséquence d’un traité de pacification, qui rendit à la basse Normandie quelques années d’une tranquillité très-précaire.

Dans l’histoire du maréchal de Matignon, je trouve l’extrait d’un mémoire qu’il envoya à la Cour, sur l’état du Cotentin et les moyens de le défendre : il y dit que le château de Valognes est un de ceux où il convenait mettre une garnison de trente hommes. [12]

Le château de Valognes fut assiégé, en 1573, par le comte de Montgommery, chef du parti protestant en basse Normandie ; mais il fut obligé d’en lever le siège le 2 mars 1573 (1574), après vingt-quatre jours d’attaques inutiles. La place fut défendue par Guillaume d’Anneville, seigneur de Chiffrevast, son frère Henri, seigneur de l’Hommée, M. Le Fêvre, seigneur de Sortosville, et ses deux frères avec quinze autres gentilshommes, [13] les arquebusiers et quelques soldats. L’ennemi y perdit beaucoup de monde et son canon, dont Guillaume d’Anneville munit la place, avant d’aller joindre l’armée du comte de Matignon.

Environ vingt ans après ce siège, le maréchal de Matignon reçut du Roi l’ordre de démolir les fortifications de Carentan, les ponts d’Ouve, Barfleur et Valognes [14] : cet ordre ne fut exécuté que pour Barfleur et les ponts d’Ouve. Des raisons particulières firent conserver le château de Valognes, qui, durant les guerres de la Fronde, en 1649, soutint encore un siège pour le parti du Roi.

La place fut attaquée parle comte de Matignon, descendant de celui qui l’avait autrefois conservée dans les guerres des protestants : le marquis de Bellefont, qui en était gouverneur pour le Roi, la défendit depuis le 20 mars jusqu’au 5 avril, avec une garnison de cent hommes, et obtint une capitulation honorable. [15] Par les registres de l’état civil de Valognes, il paraît que les habitants de la ville souffrirent beaucoup durant ce siège qui eut lieu justement deux siècles après la prise de Valognes sur les Anglais.

Quarante ans après le dernier siège du château de Valognes, ses fortifications furent démolies par l’ordre de Louis XIV : il en resta des débris jusqu’en 1788 ; on en a fait disparaître les derniers restes et aplanir le terrain. Son emplacement forme justement ce qu’on appelle aujourd’hui la place du château.

Je possède un plan de cette forteresse, levé par ordre du maréchal de Vauban, à la veille de sa démolition ; mais je n’ai pu m’en procurer aucune perspective, ni élévations, ni coupes des tours.

En parlant d’un château qui appartient souvent à l’histoire, j’aurais pu donner des détails plus étendus, mais c’est justement parce qu’il en est beaucoup parlé dans l’histoire de Normandie et même dans celle de France, que j’ai cru ne pas devoir répéter ce qu’on voit dans beaucoup de livres. Mon principal but est de rechercher ce qui se trouve dans les livres étrangers ou dans des manuscrits peu connus.

Une famille qui portait le nom de Valoignes ou de Valoines, passa en Angleterre avec le duc Guillaume, et s’établit particulièrement dans les comtés d’Essex et de Middlesex, où elle fat très-puissante ; je ne fais que l’indiquer. Je présume que son nom indique son origine : ce qui me le fait croire, c’est que d’autres villes du département, telles que Coutances, Avranches et Saint-Lô, ont donné leur nom à des familles qui en partirent au temps de la conquête, sans avoir de grands biens dans ces villes.

Source :

Notes

[1] Villaret, Hist. de France, tome 9, édition in-12.

[2] Chronique imprim. par le Mégissier, p. 71. Roman de Rou. Masseville, 1, p. 173. Guill. Putav. ap. Duchêne, p. 179. Guill. Gemet, ibid, p. 275.

[3] Et le mardy (18 juillet) le roy alla à Vallongnes, et genst illecques tout la nuyct... et lendemain remua un graunt journey. V. Michel de Northbury, ap. Frossart de Buchon, tom. 1, p. 300 et 301.

[4] Martenne Miscellanea epistol., où l’on trouve tout au long le traité de Valorgnes, du 3 septembre 1355, pages 132 et seqq.

[5] V. L’histoire de du Guesclin, écrite en 1087, mise en lumière par Claude Ménard, 1 vol. in-4°. Paris cramoisy, 1618 ; Mémoires de Secousse, tome 1, page 62. Villaret, ubi sup. p. 43. Masseville, tome 3, p. 327.

[6] Masseville, tom. 3, page 333 et seqq.

[7] V. sup. à l’article de Cherbourg.

[8] A la St Martin d’été, Froissart.

[9] Froissart, ad ann. 1179. Villaret. Masseville, ub. sup.

[10] V, mon répertoire in-8°, p. 85.

[11] Vie du connétable de Richemont, p. 132, 139. — Grands Offic. de la couron., t. 7, p. 99. Monstrelet. Chartier... Répertoire in-8°, > p. 90 à 92. idem, in-folio, p. 111 et 112.

[12] Vie du Maréchal de Matignon, page 54.

[13] Certificat du duc d’Anjou, des Officiers du Roi, nobles et principaux habitants du pays, dans la généal. d’Anneville.

[14] Hist. du maréchal de Matignon, pag. 359.

[15] Masseville, tom. 6, pag. 166 à 170. V. Les registres de l’état civil de Valognes, pour l’année 1649.