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Gavray - Ancien château


NDLR : Texte de 1825 : Voir source en fin d’article


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u temps des ducs de Normandie qui ont régné en Angleterre, Gavray avait dans la hiérarchie châtelaine à peu-près le même rang qu’il occupe aujourd’hui dans celle de l’administration. Son château était du domaine de la couronne, et voilà pourquoi ce nom ne se trouve sur aucune liste des seigneurs qui furent à la conquête.

Peu après la mort de Guillaume le Conquérant, Henri, le plus jeune de ses fils, devenu comte du Cotentin, y fortifia les principaux châteaux de son domaine, [1] et entr’autres celui de Gavray. Ces précautions furent inutiles ; Henri ne tarda pas à perdre toutes ses forteresses et tout le Cotentin.

Dans le siècle suivant, sous le règne de Henri II, le château de Gavray avait conservé son importance. Roger de Montaigu, Raoul de Thieuville, seigneur du Mesnil-Garnier, Hélie d’Amondeville, Raoul de Ver, Richard de Rollos et d’autres seigneurs, y devaient le service militaire. [2]

Quand Philippe-Auguste eut recouvré la Normandie, Raoul de Thieuville, seigneur du Mesnil-Garnier, Monceaux à Contrières, le Mesnil-hue, etc., devait en temps de guerre faire le service à la principale porte du même château. [3]

Guillaume de Ver, et Agnès de Valencé y devaient aussi chacun le service d’un chevalier ; Guillaume de Montaigu, celui d’un quart de chevalier seulement. [4]

En 1327, les possesseurs des mêmes fiefs étaient encore assujettis à la garde du même château. L’état des fiefs de l’élection de Coutances, dressé alors par Godefroy-le-Blond, grand bailly du Cotentin, donne sur ce service des détails plus circonstanciés que ceux du temps de Henri II et de Philippe-Auguste ; ils seraient trop longs ici. [5]

Quelques années auparavant (en 1322), Philippe-le-Bel avait fait enfermer au château de Gavray, Blanche, femme du prince Charles, son fils, convaincue du crime d’adultère. [6]

En 1328, Gavray fut cédé à Jeanne, Reine de Navarre, et mère de Charles-le-Mauvais, à titre d’indemnité.

Vers le milieu du XIVe siècle, le Roi de Navarre en fit augmenter les fortifications, et cette place devint entre ses mains, une des plus fortes de la Normandie.

En 1354, le Roi Jean rendit une ordonnance pour saisir toutes les places fortes et les possessions du Roi de Navarre dans le Cotentin ; mais Mortain, Avranches, Cherbourg et Gavray refusèrent d’ouvrir leurs portes, et ne purent y être forcées. Le Roi de France pouvait bien alors rendre de pareilles ordonnances ; mais il était trop faible pour les faire exécuter. Bientôt un traité honteux conclu à Valognes, le 10 septembre 1355, [7] en assura de nouveau la possession à Charles-le-Mauvais, et lui rendit tout ce qu’on avait confisqué un an auparavant.

L’année suivante le Roi Jean fut fait prisonnier à la bataille de Poitiers, et le Roi de Navarre put impunément nuire à la France.

Au commencement du règne de Charles V, la victoire de Cocherel rendit les Français maîtres de la campagne en Normandie. Du Guesclin vint assiéger et prit quelques places dans le Cotentin ; mais une nouvelle guerre en Bretagne interrompit bientôt le cours de ses succès : l’armée Française y perdit la bataille d’Auray ; Du Guesclin y fut pris. La paix de Saint-Denis rendit au roi de Navarre toutes les places qu’il avait perdues dans le Cotentin. Gavray ne fut pas de ce nombre, il n’avait pas été pris, ni même assiégé.

En 1378, un complot de Charles-le-Mauvais, contre la vie du Roi de France, fut découvert : Du Guesclin envoyé pour réduire ses forteresses, s’empara de la plupart sans beaucoup de peine ; Gavray fit une longue résistance : c’était alors, dit Froissart, le plus beau châtel de toute la Normandie ; le commandant d’Évreux s’y était enfermé, bien résolu de s’y défendre jusqu’à la dernière extrémité. Le siége traînait en longueur, lorsque le gouverneur étant allé imprudemment avec une chandelle allumée dans une tour où étaient les poudres, le feu y prit et le tua avec tous ceux qui l’accompagnaient. Cet accident jeta la consternation dans la place, et en accéléra la reddition. Les trésors du Roi de Navarre y étaient déposés ; ils se montaient à soixante mille francs d’or. Il y avait en outre trois couronnes fort riches, et quantité de pierreries qui avaient appartenu aux Rois de France. On remit ce trésor au sire Bureau-de-la-Rivière, qui le désirait fort, et le château fut démantelé. [8]

Peu de temps après la mort du Roi de Navarre (arrivée en 1386), les troupes du Roi de France commandées par Thomas de Grafart, avec l’aide des Grands baillis de Caen et du Cotentin, rasèrent les fortifications de Gavray. [9]

Cette double démolition explique la facilité avec laquelle ce château jadis si fort, fut pris par les Anglais en 1418. Quoiqu’ils en eussent rétabli les fortifications durant leur longue occupation de la Normandie, cette forteresse ne tint pas non plus bien long-temps en 1449, contre les troupes du duc de Bretagne, commandées par le comte de Richemont, qui reprirent alors, sans beaucoup de peine, presque toutes les places occupées par les Anglais dans le Cotentin. [10]

Pour récompenser les services éminens que le comte de Richemont, connétable de France, lui avait rendus dans ses guerres contre les Anglais, le roi Charles VII, par lettres datées de Tours en 1450, lui donna la ville, terre, seigneurie et vicomté de Gavray, pour en jouir durant sa vie seulement. [11]

Depuis ce temps, je ne vois dans l’histoire rien qui me porte à croire que le château de Gavray ait été dans le cas de résister à de nouvelles attaques. Il a été si complètement démoli qu’il en reste à peine quelques traces.

Il était sur une hauteur escarpée, tout près du bourg de Gavray, vers le levant ; son enceinte était considérable. Au lieu de fossé, un vallon étroit et profond l’entourait. Il était impossible de le combler ; de sorte que cette position à peu près inaccessible, réunissait les plus grands avantages avant l’invention du canon. Aujourd’hui elle serait commandée presqu’à bout portant.

On n’y trouve plus de murs ; mais on peut en suivre la trace à fleur de terre. On voit dans l’enceinte, les restes d’une citerne avec quelques-uns des trous ou conduits par où les eaux pluviales y arrivaient.

Du sommet de la hauteur où il était situé, la vue s’étend sur un pays couvert de bois et de coteaux, le long des vallées où coulent les rivières de Sienne et d’Airou.

Source :

Notes

[1] Orderic Vital, apud Duchesne, Norm. script., page 665 et 689 - Dumoulin, Hist. de Normandie, page 255

[2] Lib. rub. Scaccar. traduct. de Ducarel, page 232.

[3] Lib. feod. reg. Philippi, penes nos, page 1 et 7.

[4] Ibid.

[5] Penes nos.

[6] Villaret, hist. de France, tome VII.

[7] Apud. Martenne miscell. epist., p. 132.

[8] Villaret, hist. de France. Secousse mem. du R. de Nav. Froissart.

[9] Mss. de M. le Franc.

[10] Vie du connétable de Richemont, par Gruel, p. 139. — Monstrelet, tome 3, p. 115, verso.

[11] Hist. des grands officiers de la couronne, tome 9, p. 379.