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Lettre de Grâce accordée par Charles VII à Roger de BRICQUEVILLE


Contexte historique : Gilles de Montmorency-Laval, plus connu sous le nom de Gilles de Rais, né en septembre ou octobre 1404 au château de Machecoul ou au château de Champtocé-sur-Loire mort le 26 octobre 1440 à Nantes, est un seigneur de Bretagne, connu pour avoir été maréchal de France et compagnon d’armes de Jeanne d’Arc. Certains auteurs voient en lui le personnage de « Barbe bleue », le « plus grand tueur en série de l’histoire de France », bien que ces appellations soient anachroniques.

Source : Gilles de RAIS et son temps / Georges MEUNIER – Nouvelles Editions Latines Paris - 1949,
mais il semble que l’auteur est extrait le texte d’un ouvrage plus ancien, Gilles de Rais : maréchal de France, dit Barbe-Bleue (1404-1440), Eugène Bossard, René Maulde-La-Clavière - 1886 - 426 pages -


Lettre de Grâce accordée par Charles VII à Roger de BRICQUEVILLE

Charles etc. Savoir faisons etc. Nous avoir receu humble supplication de Roger de BRICQUEVILLE, chevalier, puiné filz de feu Guillaume de BRICQUEVILLE, en son vivant aussi chevalier et seigneur du chastel de Launé, en notre pais de Normandie, contenant, des ce qu’il estoit en l’âge de cinq ou environ, ses pères et mère et autres ses parents et amys derlaissèrent et habandonnerent du tout nostre dit pais à l’occasion de la guerre et entreprises des Anglois, noz anciens ennemis et adversaires qui lors descendirent en notre dit pais, leurs terres, seigneuries, possessions et chevances qu’ils avoient très belles, grandes et notables autant que nobles du pais, de leur estat, pouvoient avoir, et dont leur prédécesseurs, ou temps passé, avoient accoustume vivre soulz nous grandement et honorablement ; et se retrahirent, partie du temps ou pais d’Anjou et autre partie es pais de Bretaigne et de Poitou pour illec vivre et nourrir le dit suppliant et autres leurs enfants, ainsi qu’ilz ont fait, en grande petitesse de biens, eu regard à leur estat et à ce qu’ilz avoient acoustumé avoir au temps passé et lorsqu’ils joissaient de leurs dictes terres, seigneuries et possessions. Et, depuis que le dit suppliant fut en aage de pouvoir chevauchier et servir, par aucuns de sesdiz parens et amys fut baillé a feu René, sire de RAYS derrain décédé [1], duquel il estoit prouchain parent, pour le servir ; lequel le nourrir par aucun temps et jusques à ce qu’il fut en aage de homme, et par long temps fut avecques lui en notre service ou fait de la guerre à l’encontre de nosdiz ennemys, lequel nostre service il a depuis tousjours frequanté, fait chascun jour, a son pouvoir, et espere faire de bien en mieulx ou temps à venir , pendant et durant lequel temps qu’il fut et se tint au service dudit sire de RAYS, qui l’avoit ainsi nourry, icellui sire de RAYS, auquel à l’occasion de sadite nourriture, lui convenait estre subgiect et obeissant sans l’oser desdire ne contrarier de sa volonté en nulle manière, mesmement qu’il estoit lors jeune escuier de petit entendement, le contraigny et le chargea a lui administrer et envoyer à ses places plusieurs enfants, lesquels ; et autres qu’il povoit avoir et recouvrer, il faisoit deffaire, occire et murdrir cuidam parvenir à aucune mauvaiseté et dampnable choses par lui emprises, ainsi qu’il cogneut et confessa comme l’en dit. Desquelles choses et omicides desdits enfants ne savoir rien ledit suppliant lors, mais bien en fit après doubtes, et par ce incontinant delaissa la compagnie et service d’icellui sire de RAYS, lequel cinq ans ou environ après qu’il eut ainsi delaissé, fut lui et autres ses complices pris et puniz par justice pour lesditz cas [2]. Et ainsi que le dit suppliant a entendu, fut par eulx aucunement chargés et dit avoir esté participant d’iceulx malefices en administrant, comme dit est, partie desdiz enfans ainsi occiz et murdriz ou autrement. A l’occasion desquelz cas et malefices, dont a cessé cause il pourroit estre o avoir esté chargé, ledit suppliant doubte requerir de justice lui estre rigoureuse et que, a ceste cause, le temps a venir, on lui voulsis mestre ou donner aucun empeschement en corps ou en biens, si notre grâce ne lui estoit sur ce impartie, si comme il dit. En nous humblement requerant que actendu l’ostel dont il est yssu, qui oncques n’eut vilain reproches ; que lui et les siens, a l’occasion de nos guerres et services, ont relenquy et deguerpi leurs terres, biens et possessions et depuis vescu povrement ; les peines et necessitez qu’ils ont eues en nostredit service ; que le dit suppliant estoit serviteur et parent dudit sire de RAYS qui l’avoit nourry longtemps, par quoy il estoit craintif de sa desobeissance ; la jeunesse en laquelle lors il estoit, et que le dit suppliant d’aucun autre vilain cas, blasme ou reprouche ne fut jamais actaint ou convaincu d’aucun : plaise icelle notre grâce lui impartir. Pourquoy, nous ce considéré, voulons miséricorde preferer à rigueur de justice, audit Roger de BRICQUEVILLE, suppliant, avons quicté, remis, pardonné et aboly et, par ces présents, de grâce especial, plaine puissance et autorité royal, quictons, remectons, pardonnons et abolissons, etc …………………………………………………………........ …………………………………………………………………………………………………..

Donné à Bazilly, près Chinon, ou mois de may l’an de grace mil CCCCXLVI, et de notre regne le XXIIIIè. Ainsi signé : Par le roy, vous, l’eveque de MAGALONNE, les sires de la VARENNE et de PERRIGNY et autres plusieurs présents. De la LOERE. Visa : Contentor, S. Duban.


Baron de RAIS, maréchal de France, tout couvert de gloire (le lieutenant préféré de Jeanne d’ARC) et immensément riche, Gilles de RAIS fut arrêté, poursuivi ; il fallait qu’il y eût dans le royaume bien du nouveau, car jamais le duc de Bretagne n’eût, à cette époque du moins, porté la main sur un RAIS. Qu’un aussi grand seigneur que Gilles de RAIS fut livré à la justice comme n’importe quel homme du peuple était une chose inconcevable…, il fut cependant condamné à mort et exécuté sans égard pour son nom ou le rang qu’il occupait. Il en fut de même pour certains de ces complices. Quelques jours avant l’arrestation, Roger de BRICQUEVILLE, avait abandonné le maréchal, son parent bienfaiteur et complice. BRICQUEVILLE avait pourtant obtenu de Gilles de RAIS une procuration générale, en date du 28 décembre 1434 qui lui permit de s’enrichir. Une clause extraordinaire l’autorisait même à marier à son gré Marie de RAIS, fille du maréchal, alors âgée de cinq ans. De cette clause BRICQUEVILLE ne tira pas profit ; il prétendra, pour échapper au châtiment, avoir tout ignoré du sort des enfants qu’il livrait à RAIS. Il est surprenant de constater que Charles VII accorda, le 24 mai 1446, sa grâce à Roger de BRICQUEVILLE ; le roi ne le blanchit pas, mais l’excuse sur sa jeunesse et sur la crainte que pouvait lui inspirer Gilles de RAIS.


contribution GAC

Notes

[1] Erreur matérielle. Il s’agit, comme la suite du texte le prouve, de Gilles et non de son frère René, lequel du reste vivait encore à l’époque.

[2] Toutes ces affirmations sont inexactes, BRICQUEVILLE, comme Gilles de SILLE, ne quitta RAIS qu’au tout dernier moment et fut donc son complice jusqu’au bout.