Les Biards - Ancien château

NDLR : Les Biards [1] est une ancienne commune de la Manche, aujourd’hui rattachée à Isigny-le-Buat

NDLR : Texte de 1828 : Voir source en fin d’article

uelques antiquaires se sont avisés de donner aux Biars une origine romaine. Ils en on fait la capitale des Ambibari ; mais comme ces peuples habitaient la partie la plus reculée de la Bourgogne, [2] je me contenterai de rattacher les Biars à l’époque de la la Conquête, et encore ce ne sera pas sans difficulté que je pourrai citer ça et là quelques possesseurs de cette baronnie.

Sous le règne de Guillaume le Conquérant, le seigneur des Biars portait un nom de famille, chose assez rare alors : il s’appelait Avenel et il figure sur plusieurs listes. [3] Quelques-unes le désignent simplement sous le nom de Sire des Biars ; mais c’est évidemment un Avenel. Le poëte Wace suffit pour éclaircir les doutes. Voici comme il en parle :

• D’Avrancin i fut Richars
• Ensemble od li cil des Biars

Il ajoute un peu plus bas :

• Des Biars i fiers Avenals. [4]

Dans plus de vingt Chartres du cartulaire de Savigny on voit que les Avenels possédèrent les Biars durant à peu près tout le XIIe siècle. On y trouve particulièrement le nom de Guillaume Avenel (Biarzensis), sénéchal du comté de Mortain, depuis 1150 jusqu’en 1191. On y voit aussi fréquemment les noms des trois fils de ce sénéchal. Ils s’appelaient Nicolas Roland et Olivier.

Au commencement du XIIIe siècle, Guillaume de Vernon, qui avait épousé la fille de Guillaume Avenel, [5] prit le titre de baron des Biars.

Un siècle auparavant, la charge de sénéchal du comté de Mortain était possédée par une autre famille, celle de la Haie dont nous avons parlé à l’article de la La Haie-du-Puits, arrondissement de Coutances. Une chartre citée dans le Gallia Christiana nous le prouve, et apprend en outre que ces la Haie ont fondé l’abbaye de Lessay et qu’Eudon Capel, membre de cette famille, était sénéchal du roi Guillaume. [6] Voici ce passage important : « Robertus de Haya filius Radulfi senescalli scilicet Roberti comitis Moritonii nepos Hudonis Dapiferi Willelmi régis. » Il est impossible de réunir plus de faits en deux lignes.

Sous le règne de Philippe-Auguste, Rolland Avenel se trouve sur la liste des chevaliers bannerets de Normandie. [7]

En 1329, un Guillaume Avenel, baron des Biars et d’Amfreville, avait cette dernière baronnie, située dans l’arrondissement de Valognes. Elle lui appartenait du chef de sa femme, fille de Guillaume de Cailletot et de Marie de Vernon. [8]

Guillaume de Sotherel, qui avait la baronnie des Biars en 1415, en fut dépouillé vers 1419 par Henri V. [9] Je n’ai pas trouvé le nom de celui à qui elle fut rendue en 1450 par Charles XII.

En 1463, le possesseur de cette baronnie se nommait Guérin. [10] Dès la fin du XVe siècle elle appartenait à Jean de Tardes. En 1539 elle était passée par mariage à Nicolas de Mouy. [11]

Charles de Mouy, baron des Biars, en 1561, avait la garde noble de François de Pierrepont, seigneur d’Etienville. [12]

Les Pierrepont, mais d’une branche étrangère à ceux d’Etienville, devinrent ensuite barons des Biars. En 1690, Louis XIV érigea cette baronnie en marquisat pour récompenser les services rendus à l’état par Louis de Pierrepont et sa famille. Je possède une copie des lettres d’érection. Une haute justice et un marché furent accordés aux Biars par les mêmes lettres patentes.

Dans le courant du XVIIIe siècle, ce marquisat passa de la famille Pierrepont dans celle d’Oilliamson qui possède encore près de l’ancien château une petite habitation et quelques faibles débris d’un domaine jadis considérable.

L’ancienne forteresse des Biars, détruite depuis plusieurs siècles, était à l’extrémité de la paroisse, au bord de la Sélune. On voit encore les traces des retranchements et l’enceinte du château. Il était assez considérable et situé au sommet d’un côteau escarpé presque inaccessible du côté de la rivière. La partie orientale de l’enceinte s’appelle toujours le château. On y montre la place bien marquée d’une chapelle Saint-Nicolas, et on y tient tous les ans une assemblée le jour de la translation de St.-Nicolas.

Voici ce que j’ai pu recueillir sur les armoiries des barons des Biars :

Avenel : de gueules à trois aigles d’argent, suivant le catalogue de Bayeux cité par Dumoulin. Chevillard les donne différemment : de gueules à l’aigle éployé d’argent. C’est une différence entre deux branches, à peu près semblable à celle que j’ai remarquée dans la famille de Clinchamps.

Mouy portait de gueules fretté d’or.

Pierrepont, d’azur au chef denché d’or.

D’Oilliamson, d’azur à l’aigle éployé d’argent becqué et membré d’or posé sur un baril de même, cerclé d’argent.

Il existe encore des Avenels dans le comté de Mortain. Cette famille a été connue en Angleterre [13] et beaucoup plus en Ecosse.

Source :

• Recherches sur les anciens Châteaux de la Manche, par M. de Gerville
  Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, année 1828, pages 157 et suivantes