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19. La libération de Sourdeval

Contribution de Christian MULOT alias JIM, article initialement publié dans "l’histoire du canton de Sourdeval", numéro 19, remis en forme par dan et jcd pour indexation sur le BIS.



2ème GUERRE - La libération de Sourdeval

Une Colonie de vacances au Château Labiche au moment du Débarquement...

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ademoiselle COQUOIN, Directrice de la Colonie raconte : "Au moment du Débarquement, deux préoccupations principales ont dicté ma conduite : le Ravitaillement des enfants et leur mise en sécurité. "

"Les moyens de transport étant supprimés et les bons de ravitaillement ne me parvenant plus, je décidais d’économiser sur nos stocks et d’utiliser les ressources de la campagne (beurre, lait, œufs et farine...) ; les 91 enfants ont toujours été copieusement nourris et en parfaite santé."

"Compte-tenu des bombardements, des convois, et de la position du Château en bordure de la Nationale, nous avions convenu avec le Maire d’une répartition dans les fermes. En attendant je faisais aménager un abri dans un souterrain, vestige d’un vieux Château du haut Aunay, long de 70 mètres environ, large d’un mètre et demi et profond de 10 mètres en moyenne. Pour le rendre confortable et sécurisant, cela nous prit plusieurs jours malgré le bon travail réalisé par Monsieur GAUTIER, instituteur attaché à la Colonie. Dès le mois d’Août nous pûmes donc y entreposer nos denrées, notre petite pharmacie, pétrole et lampes, du linge et des seaux hygiéniques."

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Du 2 Août au 13 Août, 10 jours de bataille. "Dès que les obus commençaient à siffler, nous nous réfugions dans le souterrain. Le 3 Août, nous avions accueilli une cinquantaine de personnes demandant l’hospitalité. Lors d’accalmies, nous profitions pour sortir les enfants. Le 6 Août à 3 heures du matin, Mme LAUNAY met au monde une petite fille, sans Docteur, ni Infirmière. Vers le 8 Août, Sourdeval brûle ; 3 pièces de DCA sont mises en batteries à proximité du Château. Avec les nouveaux réfugiés, nous sommes maintenant 160 pour manger les soupes populaires que je prépare. Du 10 au 12 Août, le Château connaît un assaut d’artillerie comme jamais... 2 obus tombent sur le souterrain sans l’entamer... Au matin du 13 Août, plus d’Allemands en vue. Quelques escarmouches, puis les premières voitures américaines sont là et agitant nos drapeaux tricolores, nous allons au devant des corps francs qui avancent prudemment à travers champs. A 9 h 00, les enfants sortent du souterrain tous en bonne santé et débordant de joie. Le Château a beaucoup souffert mais nous avons finalement bien fait de rester dans notre abri... les enfants ne furent jamais démoralisés. Ils organisèrent eux-mêmes des petits concerts et des distractions...la toilette ne fut pas négligée...aucun découragement n’a régné au Château pendant ces heures tragiques."

Extraits du récit d’André DEBON aux élèves du Groupe Scolaire André Bruno

"Les circonstances de 1940 ont fait que je me retrouve instituteur... Beaucoup d’enseignants-soldats avaient été faits prisonniers après la défaite et j’ai opté provisoirement pour occuper un poste vacant en 40-41 à Gathemo et en 41-42 à Sourdeval. J’ai adhéré à la résistance plus tard en Octobre 41. A Gathemo, des sabotages avaient déjà eu lieu et en représaille, l’Administration collaborationniste et les Allemands décident de faire monter la garde par deux hommes à chaque poteau téléphonique... pendant 6 heures... j’ai refusé car je devais faire l’école, mais finalement j’y fus obligé. Je me suis retrouvé de garde avec un résistant et nous avons parlé... il a estimé que je pouvais faire partie de ce "club" très secret ! Puis l’Inspecteur d’Académie, résistant lui aussi, a jugé opportun de me déplacer sur Sourdeval, où un réseau de résistance existait.

La première personne que je rencontrai fût Mme AUMONT. Son mari avait mis une gerbe au monument aux morts en l’honneur des fusillés de Châteaubriant (résistants). Il mourut en déportation. Sa femme continuait son action... d’autres Sourdevalais, M. GOMBERT, Percepteur, M. CHERUAU, père d’Yves CHERUAU ici présent, la famille LANSADE... jouèrent aussi un rôle dans la résistance..."

"Notre rôle était de distribuer des tracts. Notre fournisseur, André DEFRANCE était le responsable Départemental. Je me rappelle en avoir distribué ici, à Sourdeval... dans le plus grand secret, de nuit, sans lune, en chaussons... j’avançais doucement et tous les 10 mètres, si pas de bruit, je lançais une poignée... c’était très tonique pour les habitants. En 1942, en sortant de chez Mme AUMONT, je me suis fait arrêter par un Gendarme Pétainiste qui en référa à Saint-Lô. Un autre Gendarme, résistant celui-là, me fit avertir à l’école qu’un mandat d’arrêt avait été signé contre moi et après avoir dit au-revoir à mes élèves, j’ai dû partir, à vélo, pour ne jamais retourner à ce métier d’enseignant. J’ai continué à faire de la résistance.. à Mortain, Brécey... Louis PINSON était résistant à Brécey... à Saint-Hilaire. Les années 42-43 furent ponctuées par la propagande anti-nazie... puis en 43, un groupe s’est formé à Avranches aux déraillements. Entre décembre 43 et Janvier 44, 6 déraillements furent exécutés autour d’Avranches. Sur la ligne Granville - Paris, un autre groupe a "occupé" les Allemands avec 10 déraillements !"

"En 1944, l’étau se resserre sur les Allemands et on attend le Débarquement. Un Officier Anglais est parachuté en Mayenne et la communication est établie avec l’Angleterre. On attend le Débarquement incessamment. Nous avons reçu des armes en Orne et Mayenne car le parachutage était plus aisé que chez nous. Ce sont nos premières armes. Elles ont été convoyées par camion escorté par deux Gendarmes... résistants... les explosifs nous ont servi à crever les pneus des véhicules des convois Allemands. Grâce à "notre émetteur Mayennais", nous pûmes nous consacrer, en connaissance de cause, au Débarquement. Le 2 Juin, un vers de Verlaine "LES SANGLOTS LONGS DES VIOLONS DE L’AUTOMNE" nous prévint de l’imminence de l’Événement et le 5 Juin, l’autre vers "BERCENT MON COEUR D’UNE LANGUEUR MONOTONE" nous avertit que c’était la nuit même... nous pouvions mettre en place notre plan de sabotage. Nous avons détruit une ligne téléphonique qui joignait la Bretagne à l’Allemagne (15 poteaux sur 2 à 3 kilomètres) en parallèle à d’autres groupes plus loin. A Avranches un autre groupe s’est attaqué aux voies de chemin de fer. La 275ème Div. Allemande est arrivée sur le front le 11 Juin au lieu du 7. Les Alliés ont donc trouvé moins d’ennemis... et c’est dans ce sens que la Résistance fut un succès... et c’est grâce à cela que les Alliés nous firent confiance... des troncs d’arbres furent abattus sur les routes, des câbles tendus empêchaient les convois Allemands d’avancer sereinement."

"Dans le dernier des 4 parachutages qui nous furent adressés entre fin Mai et le 11 Juillet, le dernier container était tout bonnement un homme, M. HAYES, dit Éric, car chacun avait un surnom, qui avait une mission spéciale pour nous... l’Etat Major Allié voulait faire une percée dans le Front Lessay - St-Lô - Caen et souhaitait des renseignements sur "l’autre côté". Nous avons traversé les lignes. Notre mot de passe avait été soigneusement étudié par Éric... Jacques NAVIER et moi-même fûmes bloqués à proximité de Coutances après 3 jours de chemin. Impossible de traverser le front. Ayant échoué, nous avons essayé de traverser par la mer et à Agon-Coutainville, des amis à J.NAVIER ont organisé notre passage ainsi que celui de "passagers" qui souhaitaient rejoindre le camp U.S. A dos d’homme nous portâmes nos Doris à l’eau... par marée basse et à 6 sous chaque embarcation, cela nous prit 2 heures... les fusées éclairantes lancées par les soldats Américains nous handicapaient quelque peu. Par contre le mauvais temps fut un allié pour nous, car nous étions plus difficiles à repérer. Après ces 10 h de "navigation" à la rame, nous arrivâmes à Portbail, où une fois reconnus grâce à nos mots de passe, nous fûmes parfaitement accueillis... au même titre que d’autres groupes de Résistants. Après, nous avons été interrogés pendant 3 jours...nos amis alliés avaient beaucoup de questions à nous poser sur les lignes ennemies ! Nous n’avons négligé aucun détail. Il n’y avait pas de fortifications, ni de fortes concentrations de troupe allemandes, ce qui arrangeât bien nos amis. Le 28 Juillet, les Américains ont fait une percée à Marigny et le 30 Juillet à Avranches. Sur nos indications, ils passèrent aisément leurs 7 divisions US...c’est énorme ! Ils ne rencontrèrent qu’une faible résistance allemande".

Le Général PATTON avait dit à ses troupes : "Foncez sans vous occuper de vos arrières" ; la Résistance a fait le reste.