Le50enligneBIS
> Paroisses (Manche) > tuv > Valognes > Armoiries > Les Armes de la ville de Valognes

Les Armes de la ville de Valognes


NDLR : texte de 1886 : voir source en bas de page.


JPEG - 24.1 ko
blason de Valognes
blason de Valognes
JPEG - 2.4 ko

i les blasons de famille occupent à juste titre la première place dans les archives des anciennes maisons, les armoiries des villes doivent être aussi conservées avec un religieux respect, car elles font une partie importante de l’histoire de nos vieilles cités. C’est pour ce motif que la ville de Valognes a décoré de ses armes le fronton de l’hôtel de ville et que la municipalité les met en tête de ses arrêtés et de ses lettres officielles.

Tout esprit curieux doit se demander la signification des emblèmes de ce blason et dans quelles circonstances la ville en a obtenu la concession. Ce sujet ne pouvait manquer de faire l’objet de recherches de la part de notre société.

L’origine des armes des communes remonte au XIIe siècle. A cette époque les rois de France, voulant porter atteinte à la domination féodale, concédèrent à leurs sujets habitant les villes, des chartes d’affranchissement qui donnèrent aux bourgeois le droit d’être gouvernés par des maires et des échevins de leur choix. Dès lors, chacune des communes affranchies eut comme les seigneuries, un sceau particulier et des armoiries reproduites sur ses panonceaux de juridiction et sur la bannière de sa milice. Plus tard les souverains concédèrent des armoiries aux villes en mémoire de brillantes actions ou en récompense de services rendus. Quelle que soit l’origine de ces blasons, les signes héraldiques qui les composent empruntent leurs emblèmes au souvenir de leur fondation, à des circonstances locales, des actions mémorables, un trait de caractère, une tradition ou une légende.

Ainsi, Cahors ville située sur le Lot a pour armes un pont ; il en est de même de Pont-à-Mousson et Pont-Saint-Esprit. Dieppe, la Rochelle, Lorient, Nantes, villes de commerce maritime, ont des navires dans leurs armes. Les armoiries de Saint-Quentin portent le buste du saint de ce nom et celles de Limoges celui de saint Martial son premier Evêque. Le pieu qui figure dans les armes de Beauvais est le symbole d’un dévouement inébranlable expliqué par sa devise : Palus ut hic fixus constans et firma manebo.

Dans notre département, Coutances a pris la principale pièce de ses armes des piliers de son aqueduc romain. Les trois étoiles et les trois besants d’or de l’écusson de Cherbourg sont en honneur de la Sainte-Trinité et en souvenir des Croisades où nos voisins s’illustrèrent. Le bras armé d’un glaive et sortant d’un nuage qui constitue le blason de Granville, est en mémoire de la reprise du roc sur les Anglais, pendant une nuit par les chevaliers du Mont-Saint-Michel sous la conduite de d’Estouteville (1440).

Les armes de la ville de Valognes suivant le langage héraldique portent « d’azur à un lynx courant et d’argent surmonté de deux épis de bled d’or mis en sautoir et de deux épis du même mis en pal ».

Aucune histoire, aucun document connu ne donnent de renseignements sur l’origine de ces armoiries. Lorsque le Conseil municipal, conformément à l’ordonnance royale du 26 septembre 1814, eut à justifier des lettres patentes et chartes de concession primitive il déclara dans une délibération du 28 février 1815 que cette concession ne pouvait être révoquée en doute puisqu’elle est attestée par les plus vieilles chroniques et par l’historien Mazeville, mais que les lettres patentes avaient été détruites pendant la Révolution. C’était sans doute, en vertu de la loi du 17 juillet 1793 qui avait ordonné le dépôt immédiat aux municipalités de tous les titres féodaux pour être brûlés à la fête du 10 août suivant.

Ces armes ne semblent pas remonter à l’époque de l’affranchissement des communes, car Valognes a toujours été dans le domaine royal et n’a jamais eu de seigneur. Pendant quelques années seulement la ville appartint à l’amiral de Bourbon, gendre de Louis XI qui fut son bienfaiteur et lui donna une première période de prospérité.

M. Canel dans un ouvrage sur les armoiries des villes, châteaux et couvents de Normandie publié à Caen en 1868 (librairie Legost) donne sur nos armes une explication que l’on est heureux de recueillir. Le lynx que certains auteurs ont confondu avec le léopard est d’après M. Canel un emblème très rare et même exceptionnel.

Cet animal est un carnassier du genre chat, sorte de loup cervier, autrefois très répandu en Europe, qu’on rencontre encore surtout en Afrique. Les anciens qui ont créé une foule de fables à son égard, croyaient que ses yeux étincelants voyaient à travers les murs et cet animal est devenu emblème de la sagacité, de la finesse et de la pénétration d’esprit. Or M. Canel attribue le choix du lynx comme pièce principale des armes de Valognes à la réputation d’esprit vif et développé qu’avaient ses habitants aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Les auteurs du temps, ainsi que j’ai eu l’occasion de l’indiquer dans un précédent mémoire, citent l’esprit comme une des particularités de la ville. D’après Tostain le Billy qui écrivait vers 1788, elle est estimée la plus polie, la plus spirituelle de la Basse-Normandie, c’est la cour du Cotentin.

Les beaux esprits, dit un autre auteur, ont fait le proverbe : « Ils sont Italiens de Valognes. » Et dès 1587 le triomphe de l’abbaye des Conards de Rouen parle du costume des Italiennes de Valognes.

Ces remarques flatteuses ne sont pas sans contradictions. Charles Estienne dans le guide des chemins imprimé en 1553 et André du Chesne, dans les recherches des villes et châteaux les plus remarquables de France (Paris 1678) disent que « la ville de Valognes est surnommée la Hoigne ou la Hongne à cause du naturel de ses habitants fort processifs et querelleux. » Mais cet épigramme dû sans doute à quelque plaideur malheureux confirmerait cette réputation de finesse et de sagacité qui porte naturellement à défendre des intérêts.

C’est donc au XVIIe ou au XVIIIe siècle qu’il faut attribuer l’origine des armes de la ville qui lui furent concédés en souvenir d’actes de dévouement et de fidélité dont Valognes donna plus d’une fois la preuve au pouvoir royal.

La Révolution supprima les armes des communes aussi bien que celles des familles.

L’Empire, en reconstituant la noblesse, lui rendit ses blasons et les villes purent reprendre les leurs. Celles-ci furent partagées en trois classes et il fut attribué à chacune d’elles une couronne et des ornements différents autour de l’écusson qui devait porter lui-même le souvenir de l’empereur. Un décret du 12 novembre 1811 confirma les armes anciennes de Valognes en y ajoutant un franc quartier à dextre d’azur chargé d’un N d’or surmonté d’une étoile rayonnante de même. Le décret impérial fixait ainsi les ornements de l’écusson pour les villes de second ordre. Une couronne murale à cinq créneaux d’argent traversée d’un caducée contourné auquel sont suspendues deux guirlandes l’une à dextre d’olivier, l’autre à senestre de chêne, le tout d’argent noué et attaché par des bandelettes d’azur.

A la Restauration, Louis XVIII rétablit les armoiries des villes telles qu’elles étaient avant la Révolution. Des lettres patentes du 18 mai 1816, conservées à la mairie, portent concession des armes telles que nous les connaissons : la couronne murale et les guirlandes qui l’encadraient sont remplacées par une couronne de comte et deux branches, l’une d’olivier et l’autre de chêne.

Ainsi, depuis le commencement du siècle, les armes de Valognes ont subi de légères modifications de détail, mais au fond, leur constitution n’a pas changé ; elles portent toujours le lynx, symbole de l’esprit fin et pénétrant qu’ont mérité nos ancêtres. La génération actuelle de Valognes ne dérogera pas et en voyant des armoiries si flatteuses, elle tiendra à honneur d’entretenir son intelligence à la hauteur de la tradition : « Noblesse oblige. »

Source :
Mémoires de la Société archéologique, artistique, littéraire et scientifique de l’arrondissement de Valognes, Tome IV (1885 - 1886)
• Les Armes de la ville de Valognes, par M. Fagart