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Le Teilleul - Notes historiques et archéologiques


NDLR : texte de 1884, voir source en bas de page.


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e Teilleul, jadis châtellenie, eut sa franche-bourgeoisie. Tout franc-bourgeois était exempté des visites, des treizièmes, reliefs, aides-chevels, panages, colmage et coutume (titre de 1609, aux Archives du diocèse). Voici les noms des familles de bourgeois teilleulais au XVIIIe siècle : Amette, Anque, Bertereau, Blandet, Brione, Clouard, Courteilles, des Vaulx, du Boys, du Val, Fouilleul, Galon, Gasnier, Gontier, Hardy, Houssard, Jéhan, Joubin, La Bigne, Lairé, L’Hermitte, Liard, Le Bigot, Le Ray, Mesnil, Morel, Noël, Pèlerin, Picot, Poullain, Regnault, Séquard, Vaugeois. Parmi les familles les plus nombreuses encore existantes, citons : les Amette, Courteilles, Fouilleul, Gasnier, Jéhan, Le Bigot, Noël, Poullain, Regnault, Séquard.

La châtellenie du Teilleul remonte au Xe siècle et semble n’avoir vécu que deux siècles. Elle butte aux fiefs de Grigny ou Saint-Patrice, Longuêves, la Championnière, Grangeray, aux francs-fiefs du Doyen et du Bénusson qui a une extension entre ceux du Doyen et de la Championnière, et dont le chef est la Roirie-Bénusson, au nord du fief de Saint-Patrice.

Là, nous voyons la première une famille descendante d’un frère de Rollon, premier duc de Normandie. Citons à ce sujet l’abbé Desroches (Annales, id. 1856, au commencement). Hrollager ou Drogon vivant époux d’Emina en 896, était frère de Thores et de Rollon, fils de Rognwald, comte et comtesse de Moere et des Orcades. Hrollager, était aussi fils de Rognwald, mais par une favorite, son épouse "more danico". De Hrollager et d’Emine sortit Rolf Turstan vivant en 920, époux de Gerlotte de Blois, d’où sortit Mifred ou Unsfrield, dit le Danois. Ce dernier fut le fidèle compagnon d’armes et ami du successeur de Rollon. A peine le Mortenais fut-il réuni aux domaines du duc de Normandie (933) que Guillaume Longue-Epée récompensa le zèle de ses preux chevaliers. Unsfrield eut pour sa part les terres du Teilleul, érigées en sa faveur en baronie. Alors on songea à fortifier les nouvelles propriétés. Longue-Epée éleva le fort de Mortain et fit entourer la ville de murailles. Unsfrield le Danois, vicomte d’Hyesmes, baron du Teilleul, fit construire en même temps la forteresse du Teilleul, « massif formidable de tours, de contreforts, de forts et de créneaux, dominant la vallée et présentant le flanc au tertre de Montécot. » Crux et Tinchebray eurent aussi la leur. Il fallait que le fort du Teilleul eût encore une certaine importance, puisqu’on daigna lui livrer plusieurs assauts et le livrer deux fois à l’incendie à deux ans d’intervalle. Son emplacement serait encore facile à reconstruire. Derrière la ligne de maisons qui bordent le champ de foire, nous trouvons le village du Château, la butte et le plant du château (n° 4156-64 du cadastre). Une des issues des remparts est la Basse-Porte. Un souterrain qui, serpentant, passe sous l’Hôtel-de-Ville, traverse la Grande-Rue et aboutit à la Pierre-Blanche, servait aux soldats de la garnison.

Dans l’enceinte du fort était une chapelle dite castrale, royale, de la bourgeoisie. Elle a été sous le vocable de sainte Marguerite. En 1769, elle était sous le vocable de saint Louis, roi de France. Au commencement du XVIIe siècle, elle était entretenue aux frais de Mademoiselle, duchesse de Montpensier, Marie de Bourbon, comtesse de Mortain. Le sacristain de Saint-Patrice était chapelain de cette chapelle. Le jour de l’Exaltation de la sainte Croix, il y disait une messe à l’intention de Mademoiselle et recevait dix sols de son receveur des domaines qui lui offrait à dîner à sa table. Dans cette chapelle se soldaient les rentes de péage qui jadis se soldaient dans la chapelle de la Madeleine. En 1752, elle n’avait ni revenus, ni titulaires. Les murs en étaient solides ; mais elle ne brillait pas par son ornementation. Un titre de 1769 porte que le jour du Mardi gras on avait coutume d’y célébrer une messe expiatoire. Vendue révolutionnairement, l’acquéreur la fit démolir. M. Lecourt, possesseur de l’emplacement au XIXe siècle, a songé à la faire reconstruire, mais son projet n’a pas eu de suite, comme on peut s’en faire certain. Le cadastre nous offre la Chapelle et le Jardin de la Chapelle (nos 4129-44, 1162-69, 1173-5).

Unsfrield le Danois eut pour fils Ansfrild, dit Gotz, vicomte d’Hyesmes et de Falaise, baron du Teilleul. Son père, révolté avait perdu sa vicomté d’Hyesmes en 978. Lui la recouvre en 1013. D’après M. Desroches, il serait mort en 1035. De lui sortirent Turstan Gotz et Onfroi du Teilleul.

Turstan Gotz, premier chambellan du duc de Normandie, accompagne Robert le Magnifique dans son pèlerinage, en Terre-Sainte, d’où il rapporte des reliques offertes par le patriarche de Jérusalem. Vicomte d’Hyesmes en 1035, il perdit son titre en 1044 pour cause de révolte, et de Judith de Montérollier il eut Richard Gotz, époux de Emma de Couteville, nièce d’Harlette, mère du Conquérant. Richard vicomte d’Hyesmes et d’Avranches, eut pour fils Hugues, comte de Chester et d’Avranches, de par Guillaume le Conquérant. Comte palatin de Chester par l’épée, il eut cour souveraine avec 12 pairs ou barons de sa création. Il mourut l’an 1101. Son fils Robert fut comte de Beddesfeld et posséda 30 manoirs dans le même comté. Richard d’Avranches, comte de Chester, autre fils d’Hugues, reçut de son frère, devenu moine d’Ouche, le comté de Beddesfeld. Robert et Richard moururent à Barflet (1120) ; Philippe, leur frère était mort avant son père.

Onfroy du Teilleul fut époux d’Adelise ou Alice de Grentemesnil, soeur de Hugues, comte de Gewises, de par le Conquérant. En 1045, il aidait Edouard le Confesseur à reconquérir son trône et en 1066 accompagnait Guillaume le Bâtard à la conquête de Normandie. Dès l’entrée en campagne, il obtient du duc le titre de capitaine-commandant du fort d’Hastings dès sa création ; et, après la victoire, il en a la propriété. En 1068, Onfroi et son beau-frère, ainsi que bien d’autres barons normands, étaient contraints d’abandonner à jamais le théâtre de leurs exploits pour regagner leurs châteaux respectifs. Revenez, ou nous prenons d’autres maris, disaient leurs femmes. Il fallait prendre un parti.

D’Alice et d’Onfroi est issu entre autres Robert du Teilleul, chevalier, comte de Ruddlam, baron du Teilleul. Il était encore bien jeune quand il fit le voyage d’Angleterre en 1045.

Le roi Edouard le remarqua, et le garda près de lui (domi bellique), et quand Robert voulut revenir voir sa famille, Edouard le lui permit à regret, le fit chevalier et le revêtit de la plus brillante armure.

Robert dut revoir l’Angleterre en 1066. Dès son arrivée, le Conquérant lui donna le commandement d’une armée et le gouvernement d’une province avec le titre de général-duc. Plus tard, pour réprimer les Gallois, le roi-duc lui fit élever le fort de Ruddlam, et le lui confia avec le titre de comte. Robert possédait 12 manoirs dans ce comté. En 1088, il parût à Rochester où il se renferma avec Robert de Mortain et Eudes de Bayeux. Son audace excessive lui valut la mort dans une rencontre avec le roi de Galles, Gritsfrild. Ce dernier s’était un peu avancé sur le territoire de Robert et faisait main-basse sur tout. Robert, désarmé, l’aperçoit, et furieux fond sur lui. Osbern d’Orgières, son fidèle ami, l’aperçoit et lui apporte des armes. La garnison accourt sans ordre. Osbern tombe, et bientôt Robert. Les Gallois alors s’en saisissent, lui coupent la tête et la suspendent au mât de leur principale nef. Grand émoi, grand deuil à ce moment fut chez les Anglais et les Normands. Robert était leur soutien, et ils l’aimaient. Le monastère de Walburge à Chester eut les dépouilles de notre héros à qui le Mont-Hermaliève avait été si fatal.
Ernaud du Teilleul vint l’en arracher pour le transporter dans son abbaye d’Ouche auprès des restes d’Onfroi et d’Alice leurs bienaimés parents. Orderic Vital fit son épitaphe. Il avait pour devise Inserit tiliae laurum. Sa piété était grande ; il respectait moines et clercs, et donnait l’aumône de grand cœur et largement. Nous devons à la plume éloquente et pieuse de M. Joseph de Nantrey le gracieux roman oriental de Robert du Teilleul (éd. 1850). Un titre nous indique que Robert donna aux moines d’Ouche l’église du Teilleul et plusieurs fiefs. Il existe une paroisse dite Le Tilleul-en-Ouche. Il s’agit sans doute de celle-ci, car il ne pouvait donner l’église de Saint-Patrice, si l’on en juge par des titres du même cartulaire de Savigny qui nous fournit ce renseignement. Nous trouvons au cadastre, en l’emplacement de l’église actuelle du Tilleul, l’Ouche (71-81 et 102) près le Bois-le-Doc et l’Ouchet, au territoire de Grangeray, le Clos-Moine, vers la Guitonnière (no 1,041). Roger avait fait ses dons en faveur de ses frères Ernaud et Roger, moines.

Guillaume, Onfroy et Othon du Teilleul paraissent en même temps compagnons d’exil de Guillaume Werling, comte de Mortain, en Sicile (1048). (Ord. Vital, p. 660.) Guillaume et Onfroy étaient, tous deux missionnaires du Mortainais. Guillaume, comblé des faveurs et des largesses de Robert Guiscard, préféra les délices de la solitude, et mérita bientôt de devenir l’abbé de son monastère, Sainte-Euphémie en Calabre. L’église de Mortain reçut de lui en présent une aube et une chape de pourpre. Ernauld du Teilleul, le moine d’Ouche, et Guillaume de Grentemesnil vinrent le visiter et reçurent de lui les plus riches présents, restes des dons de Robert Guiscard. Onfroi pensa comme Guillaume à son pays natal. Il vint le revoir et lui apporta de Barry (Bari), capitale des Normands, au royaume de Naples, des reliques et la dévotion à Saint-Nicolas de Myre. Othon du Tilleul, chevalier, est cité dans Masseville au nombre des guerriers qui fondèrent un royaume en Italie.

En 1137, Raoul Mordaunt, commandant de place au Teilleul, dut aller au secours de Raoul de la Ferrière, assiégé dans le château de Saint-Hilaire par Geoffroy Plantagenêt->11212]. Raoul de la Ferrière fut une des victimes du siège. Les troupes teilleulaises ne purent que dérober son cadavre à l’ennemi. Après trois ans de trêve, Geoffroy revient. Plus tard a lieu la guerre des deux Henri. Raoul de Fougères livre à l’incendie le fort du Teilleul (1169). A peine reconstruit, le Teilleul est de nouveau brûlé (1173). Henri est encore duc de Normandie en même temps que roi d’Angleterre, et en cette qualité se fait rendre hommage. Othon du Teilleul est cité à sa barre.

Robert du Teilleul, son fils, est cité en 1195 avec Gautier et Geoffroy du Mesnil pour déclarer l’antique existence du droit de régale à la mort de l’Archevêque-primat. En 1205, il rend hommage à Philippe-Auguste. Robin et Alexandre du Teilleul figurent également à cette époque, comme l’attestent des documents de 1195 et 1198.

En 1365, on retrouve messire Jéhan du Teilleul, commis à faire la Chambre aux deniers de la royne de Navarre (Ibid. p. 285). Disons en terminant cette généalogie historique, que les du Teilleul ont fait souche en Angleterre. Une charte de 1172, en faveur de l’abbaye de Revesby, nous offre Guillaume et Roger du Tillol, bienfaiteurs.
Ranulphe, cousin du dernier comte d’Avranches et tige d’une nouvelle famille d’Avranches, confirme la donation des Du Teilleul en présence de Simon de Tuschet (Desroches, p. 96).

Le comte de Mortain avait ses rentes sur les domaines qui provenaient de la libéralité de ses prédécesseurs. Il avait aussi ses domaines propres au Teilleul.

Ainsi (1180) Raoul Le Bœuf rend ses comptes de la ferme du Teilleul : 6 livres 20 sols pour le prévôt de Mortain et le Guiolare ; 62 sols pour les lépreux de Mortain (Rôles de l’Echiquier).

A la même date, Will. Grihel, autre receveur du roi-duc pour la ferme du Teilleul : 60 sols 10 deniers payés servienti castri Nigel de Champservon (qui fut époux de Mathilde de Ducey, veuve de Guillaume de Husson-Ducey).

1195. Comptes de Richard Sylvain : Reçu de la sortie de la terre (au Teilleul) de Pierre de Saint-Hilaire : 10 livres ; de Robin du Teilleul, etc., présence d’Alexandre du Teilleul.

1203. Richard de Fontenay rend compte des revenus du Teilleul, fours et moulins de Mortain et autres : déduction de 24 livres 12 sols 8 deniers à cause des ravages des guerres au fief du vicomté.

Enfin, un titre annonce le séjour de Philippe-le-Bel au Teilleul le 3 mars 1307 (Desroches, p. 286).

Sans doute les receveurs que nous venons de nommer étaient tous baillis de Mortain. Il y a au moins Richard Sylvain, cité par M. H. S. (Recherches)

En 1802, (NDLR : ?) le comte de Mortain donnait au doyen de la Collégiale de Mortain le franc fief des Bouillons, dit du Déan ou du Doyen, et comprenant les Bouillons, le Perdrillière et le Domaine-Cahouët ; 60 ares de terres en Grangeray et le Manson ; La moitié des deux moulins du Teilleul avec la monture ; 15 sols mançois in teloneo Tellioli ; Et en 1180, 4 livres sur l’aumône établie (Rôles de l’Echiquier).

Le même comte de Mortain, par la même charte de fondation de la Collégiale de Mortain, donnait au chanoine prébende du Fresne ; les dîmes des foires et des fours et de la moitié des deux moulins ; et les deux tiers de la dîme de tous les domaines du Teilleul, à quiconque il appartienne, ainsi que de Grangeray et du Manson ; plus en 1180, 6 sols prélevés sur l’Aumône.

On trouve un champ dit de l’Aumône près le cimetière de Saint-Patrice. Le cadastre n’en fait point mention d’autres.

Le même comte de Mortain, par la charte susdite, donnait au Trésor de Saint-Firmat : 4 acres de terres, sans doute l’Acre de Saint-Firmin, contenant 120 ares 20 et cadastré sous le numéro 205, à la Rastière.

Le Réauté, ou fief royal, devait faire partie des domaines du comte. Au numéro 1031, section de Saint-Patrice, au cadastre on trouve un champ de ce nom Réauté.

Au domaine du comte s’exerçait la Haute-Justice, et il n’y en avait qu’au Teilleul et à Saint-Hilaire. Comme on le sait, elle n’exerçait qu’au territoire de son fief et en dehors des jours fixés pour les juges de la vicomté et de la sergenterie. Un titre de 1745 nous apprend que les pavillons et appartements servant à ces différentes juridictions existaient encore, mais ne servaient plus. C’était vrai, depuis le 28 avril 1728. En 1792, Philippe-Egalité vendait ces dernières possessions au Teilleul, les Halles, sises au milieu de la ville et mesurant 25 pieds sur 20. L’acheteur fut un Collet, de Saint-James.

Vers la fin du règne de Louis VIII, au commencement du XIIIe siècle, fut créé au Teilleul une léproserie ou Maladrerie. Dès le XIVe siècle, il n’y avait plus de lépreux à l’habiter. Parmi les droits qu’elle pouvait posséder, citons le produit des ménages de la foire de Sainte-Anne-de-Buais et celui de la mesure des blés apportés ou vendus à cette foire. Dès 1336, le trésorier de Saint-Paterne-de-Buays refusait à la Maladrerie du Teilleul ce qu’auparavant elle pouvait réclamer, alléguant qu’elle n’avait plus de lépreux. Non loin de là, entre les Mazures et les Grippes, à la Charpenterie, se trouvait le cimetière (N° 886-7 du cadastre), contenant 125 ares 70. Non loin de là était la Grande Maladerie, mesurant 186 ares 40 et qui, à moins d’être l’emplacement de la léproserie, ne saurait être qu’un cimetière où champ de morts en temps d’épidémie. Ainsi voit-on à Husson, non loin du bourg, la Grande et la Petite Maladerie. A l’entrée de la route de Moret, à l’extrémité du champ dit de la Chapelle, est un massif de sapins, et à la pointe de l’angle formé par la coupure des routes est la croix dite de la Madeleine. Elle a été plantée par la famille Ferré des Ferris à seul titre de souvenir de l’antique chapelle de la léproserie. Dès 1609, elle menaçait ruine et les revenus s’y recueillaient, plus les rentes de péage. Les habitants de la commune s’étaient engagés à la relever. Ils l’auraient fait volontiers sans la négligence des administrateurs.

Événements particuliers

Le 5 mars 1727, M. de Sainte-Marthe livre cinq hommes au Teilleul, de par le roi. — En 1733, le roi ordonne de raser les haies sur les grands chemins, d’élargir les chemins jusqu’à 24 pieds. André Béchet Moretière est commis à distribuer les amendes : 4 livres aux récalcitrants. — Le 17 janvier 1739, un ouragan terrible se déchaîne dans la contrée et renverse nombre d’arbres et demeures. — L’hiver de 1740 commence le 6 janvier et dure six semaines. Tout périt. Partout, sauf au diocèse d’Avranches, il est permis de faire gras sans distinction de jours à cause du manque de légumes. — Du 1er mars au 15 mars 1743, les maux de tête et d’estomac emportent en quatre ou cinq jours un certain nombre de personnes. — En 1756, tout homme valide tire au sort ; on organisait une milice. — Enfin l’année 1770 se fit remarquer par une grande cherté de grains.

Arrive la Révolution. Tous les Tilleulais l’accueillent avec enthousiasme, surtout les fonctionnaires et les aspirants aux honneurs. Les fêtes patriotiques se succèdent avec éclat. L’arbre de la liberté distribue son ombre bienfaisante à tout venant. La fête de la Confédération met le sceau à tout ce que l’imagination républicaine peut découvrir. Mais bientôt le voile tombe ; la liberté chancelle ; la raison du plus fort devient la meilleure. Toutefois, tous se laissent entraîner par un irrésistible courant. Le maire, M. Louis de Vaufleury-de-la-Durandière, avait beaucoup à faire, se tenir en sa place et conserver ses sentiments et son bien. Le juge de paix, Louis-Pierre Cousin-des-Loisellières, mis à la tête du comité d’exécution avec Etienne Ramard et Pierre Basile, se prêtait à tout ce que l’on voulait. Et pourtant il avait vieilli dans la justice. Après avoir exercé près le tribunal de Coutances, il était venu au Teilleul, où il était né. Son père et sa mère habitaient les Louvellières quand il vint au monde, Jean-Baptiste Cousin-des-Champs, officier de Madame la Dauphine, et Jeanne-Françoise Coupel-de-la-Serveisière. Né le 2 février 1715, il mourut en 1819. Siméon Lézuard, l’ex-président de l’élection et des traites et quart-bouillon de Mortain, n’était pas très ardent. Son gendre, Viriot, commandant de place au Teilleul, et le trop fameux Alexandre Juhé, de Saint-Symphorien, surent bien l’enflammer.
Quand les biens nobles et ecclésiastiques furent déclarés nationaux, ils lui firent avoir presque pour rien quatre belles terres entre autres. La République sanctionna et il fut un des convertis des plus ardents, sinon le plus. Même, il travailla si bien, que le Directoire du district lui donna pouvoir de vie et de mort sur les citoyens.
Toutefois il en usa assez modérément, paraît-il. Quand l’église fut dépouillée par ordre supérieur, on s’en servit pour les réunions et assemblées publiques. Tous étaient là le bâton à la main, la cocarde tricolore en tête, riant, parlant, criant, gesticulant tous ensemble, pendant que l’orateur parlait ou lisait les décrets. A la fin de la cérémonie, on chantait en chœur une hymne dont le refrain était ainsi conçu :


Quand vous verrez la vigne en fleur,
Quand vous verrez le bled paraître,
Ah ! vous direz tous de grand cœur :
Tout cela vient fort bien sans prêtre
.

Aux jours de mardi gras, les soldats de la garnison prenaient les costumes de l’église et faisaient la noce avec. Cet état de choses dura un an, 1793, après quoi elle servit de lieu de repos aux soldats de passage.

Les jours de marché, les dames qui n’avaient point sur la poitrine la cocarde tricolore étaient condamnées par les patriotes à aller embrasser pieusement l’arbre de la liberté.

Il est une chose à remarquer, c’est que la campagne fut très calme et que pas une femme de la ville ou de la campagne ne parut aux réunions et aux fêtes. Encore, parmi les personnages les plus bruyants, les uns étaient menés par la peur, les autres par pure ambition ou cupidité et à peu près tous auraient désiré que les choses n’aillent pas si loin. Ils le désirèrent encore davantage quand ils virent que par leur délire ils avaient attiré les Chouans. Plusieurs rencontres eurent lieu, notamment à la Croix-de-Pierre, aux bois d’Oissey, et quelques soldats de la garnison en étaient toujours quittes pour mordre la poussière. Quelques jours se passent après cette dernière affaire. Les Chouans font répandre qu’ils se portent sur autre territoire. Les troupes teilleulaises s’y laissent prendre et se répandent à leur gré, quand, le matin du 13 novembre 1795, un détachement de deux mille hommes se porte sur la ville. Trois ou quatre soldats sont séparés et envoyés au corps de garde pour y avertir que le Teilleul avait à choisir entre la reddition et l’incorporation des soldats dans l’armée de Basse-Normandie, ou à voir les affaires mal tourner. L’avertissement est payé d’une balle, puis d’une autre. Le corps de royalistes précipite son arrivée pendant que de toutes parts les tambours et les clairons sonnent le rappel. La garnison ne comptait pas plus de cinquante hommes, les autres ayant quitté leur poste. Tous les habitants se mettent à l’œuvre. En un clin-d’oeil la défense est organisée. Les meubles sont entassés sous les porches de la rue de Bretagne, jusque sous les halles. On tire par les fenêtres et on jette sur les Chouans les ustensiles de ménage et tout ce qui tombe sous la main. La mêlée est sanglante.
Les Chouans sont repoussés par deux fois avec des pertes considérables. A la fin, épuisés et furieux, après trois heures d’un combat où ils perdirent les meilleurs de leurs hommes, ils livrent la ville aux flammes. Il était une heure d’après-midi. Le sieur de la Fresnaye avec Guy Dubois, de Fougères, et Lyron du Buat commandaient les troupes ennemies. Parmi les morts, on put remarquer un Du Laurent de Montbrun, famille dont on voit un représentant propriétaire au Teilleul en 1830 ; un de la Touche, de Ferrières et un de Chateaubriand, parent de l’illustre écrivain. Après avoir ramassé leurs morts, et leurs blessés, les royalistes gagnèrent Mantilly en bon ordre ; mais ayant appris, chemin faisant, que la maison du citoyen Pignard était intacte, ils vinrent paisiblement la brûler et s’en retournèrent. Pignard partit dès lors habiter Mortain, et de là donna ses ordres.

Personnages célèbres

Guillaume Morel, né au Teilleul, sans doute au village de la Mare-Morel, qui touche à la ville, se fit remarquer par sa science dans la langue grecque et son imprimerie. On le compare au savant imprimeur Robert Estienne, le plus renommé de France. Presque toutes ses éditions sont aussi recherchées les unes que les autres. Il a commenté le traité de Cicéron et a composé, un dictionnaire grec-latin-français, publié seulement en 1622. Sa marque était un thêta ou T grec ayant un amour au centre et entouré de deux serpents. Admis en 1549 dans la corporation des imprimeurs, il reçut de l’illustre Turnèbe la direction de l’imprimerie royale, dont le brevet ne lui fut octroyé qu’en 1555. Il mourait le 19 février 1564, à l’âge de 56 ou 59 ans, puisqu’on donne pour date de sa naissance 1505 ou 1508.

Jean, son frère, mourut victime de l’Inquisition, à vingt ans (1539 — 27 février 1559). Calviniste très ardent et trop prononcé, il se fit recueillir par cette société qui ne lui épargna aucunes souffrances physiques et morales sans pouvoir rien en tirer. Enterré, on l’exhuma et son corps fut traîné jusqu’au parvis Notre-Dame, où il fut brûlé. Les cendres furent ensuite jetées au vent. Ça lui fit beaucoup d’effet.

On cite encore Jean Bigot, né au Teilleul, historien et poète (Guide des voyageurs en France, dép. de la Manche, p. 37). On ne sait trop à quel siècle il appartenait. Il mourut dans un âge très avancé.

Voies remarquables

Les deux routes principales de la ville forment croix. La première, dite le Grand-Chemin de la Madeleine, est actuellement la grande route départementale n° 21, dite d’Alençon, du moins en partie majeure. La seconde, de Gorron-Le Teilleul-Mortain, puis de Mortain-Vire, est la grande voie actuelle de communication n° 2.

Cette dernière remonte au moins au XIe siècle. Ligne purement stratégique, elle fut nécessitée par l’érection des châteaux-forts de Mortain, le Teilleul, etc., (Xe siècle) pour la circulation des garnisons et troupes quelconques desdits châteaux. La tradition nous montre, vers la fin du XIe siècle, Saint-Guillaume-Firmat parcourant cette voie (Mantilly-Mortain) dans ses fréquentes visites à Saint-Evroult-de-Mortain. La légende ne le fait dévier qu’une fois de ce chemin dans son parcours : c’est pour visiter l’oratoire de Saint-Sénier au territoire du fief ecclésiastique de Saint-Patrice. Deux monuments appuient la tradition : les fontaines Saint-Guillaume de la Picaudière (Husson) et de Mortain. En outre, une charte de 1210 fait mention de la route qui nous occupe. Elle était coupée à Saint-Jean-du-Corail, au territoire du Teilleul, par le chemin Montois. Ce ne fut qu’au XVe siècle qu’elle fût prolongée de Mortain à Vire, comme l’attestent les rencontres de nos troupes mortainaises avec les Anglais à cette époque (le cimetière des Anglais, etc.) et autres monuments historiques.

Le grand chemin de la Madeleine ne put recevoir ce nom qu’au commencement du XIIIe siècle, puisque la Léproserie dont il le tient, située à l’entrée de la grande avenue du château des Louvellières, ne remonte qu’à la fin du règne de Louis VIII de France. Aux atlas de H. Jaillot (éditions (14), 1706-30) et de Cassini (1744-93) on le trouve ainsi tracé : Briouze, Notre-Dame-sur-l’Eau, le Pont d’Egrenne, Saint-Marc-d’Egrenne, la Luardière, le Pont-Barabbé (Mantilly), la Croix-de-Grangeray, le Teilleul ; les Croix-du-Bois-Badon, du Loup-Pendu, de l’Acre ; Sainte-Anne-de-Buais, la Croix de-la-Billotière, Savigny-le-Vieil, le Pont-de-l’Abit, le Pont-Juhel, le Bois-Garnier et, en ligne droite, Louvigné-du-Dezert.

Les chartes des XIIe et XIIIe siècles en font mention, notamment une de 1259, titre de donation du fief de la Guitonnière aux Dames-Blanches, fief dont les Coupel (famille noble) étaient tenanciers.
Ligne parallèle au Chemin-Muletier, elle dût être sa rivale, quoique de destination différente. D’abord voie de communication reliant le Maine et la Bretagne, elle fut plus tard la grande ligne du Perche.

En la longeant, nous remarquons la fameuse pierre Saint-Martin (Saint-Cyr-du-Bailleul), la chapelle Saint-Aubert du château de Longuêves (forteresse que les successeurs des de Neuville durent raser par arrêt du Parlement, en date du 6 mars 1521 contre les frères Ambroise et Guillaume du Vauborel), enfin le dolmen ou l’Allée couverte des Cartaisières (Saint-Symphorien-d’Escortuses).

Deux autres voies remarquables au territoire du Teilleul furent la ligne des Michelotins du Maine et le chemin Montois dans son origine. Ce dernier chemin venait du Perche, passait par Briouze, suivait la ligne du Passais, se dirigeait vers Mont-Eglise (Barenton), par le Pont-Saint-Louis, et longeait au midi la lisière de la forêt de la Lande-Pourrie. Mais la route qui nous intéresse davantage et que nous voyons encore sur les cartes de l’état-major fut le chemin des Michelotins du Maine. Cette grande ligne très fréquentée au Moyen Age communiquait avec Landivy, Fougerolles, Vieuvy et Passais, gagnait Heussé à l’ouest ; et, après avoir traversé la Grande-Cour d’Oissey et Notre-Dame-du-Touchet, prenait le chemin Montois.

Saint-Patrice

En aval de la ville, descendant vers le nord, route N° 11, Le Teilleul-Mortain, se trouve la bourgade de Saint-Patrice, siège de l’ancienne paroisse du Teilleul jusqu’en 1851.

Le fief ecclésiastique de ce nom est borné par la Châtellenie, le fief du Bois, le franc-fief de la Roirie-Besnusson, le fief de Mont-Benoist, le Petit-Montécot et le fief noble de Grangeray.

Le territoire de ce fief est le chef de la paroisse et commune du Teilleul, et précède en cette qualité de près de trois siècles la naissance de la ville.

Le titre de Saint-Patrice, donné à l’église dont l’origine remonte à saint Martin, grand-oncle maternel de l’apôtre d’Irlande. (L’antiquité des trois chapelles Notre-Dame-des-Prés, Saint-Sénier, Saint-Sauveur, tout nous porte à croire ce que nous avançons). Les champs, prés et taillis de Saint-Sénier sont classés au cadastre sous les numéros 908-17, la Goupillette (919), les prés et champs de la Chapelle (874, 886-901). On trouve encore, section de Saint-Patrice, le Bras-de-Fer (404), la liûre du Pont-aux-Dames (409), le Pont-aux-Dames (556), le Pavement (834), le Champ-de-la-Porte (835), etc., etc.

D’après le R. P. Masselin, les Patrice furent les premiers possesseurs du fief en question. Sans doute ils le tinrent des comtes de Mortain par concession à hommage, comme leurs voisins les du Teilleul. Ordéric Vital dit que le château de ces personnages était construit sur le penchant d’une colline, et que sous Renaud de Boulogne, comte de Mortain, fut érigée une église baptismale pour le château et les gens du château avec cimetière pour le service de la maison (Item, au Cartulaire de Savigny).

1105. Guillaume de Saint-Patrice est le premier personnage que nous connaissons. Il est cité dans la charte de Guillaume de Cambernon pour le prieuré du Rocher (Notice sur ce prieuré, Desroches, p. 24).

En 1169 on voit les de Saint-Patrice en Angleterre. Norman de Saint-Patrice signe une charte de Guillaume de Péverel pour le prieuré de Penton (Annales civiles et milit., p. 86).

Peu après, nous trouvons Guillaume fait prisonnier à Dol dans la guerre des deux Henri (1173). Robert et Enguerrand avaient pris la précaution de s’enfermer dans la tour avec plusieurs seigneurs.

Robert eut d’un premier mariage Jeanne et Denise de Saint-Patrice. De Jeanne, veuve Le Bigot, il eut Robert II et Haoïse. Robert II mourut jeune et sans postérité. Sous l’administration de Jean-sans-Terre, comte de Mortain (1189-1204), Robert Ier in obitu suo donna aux moines de Savigny la desserte de l’église de Saint-Patrice avec les deux tiers des dîmes. Jeanne de Saint-Patrice et Eudes de Ferrières, Jeanne, leur belle-mère, Denise et Haoïse, leurs soeurs, confirment volontiers ce don, mais Eudes de Ferrières réclame dix livres pour Denise et Haoïse.
Peu après Eudes obtenait de Renaud de Boulogne la permission d’élever une église baptismale dans l’enceinte de son château avec cimetière pour le château et ses gens tant seulement (1204-12). Cette église, d’après M. Le Canu, serait devenue par la suite des temps l’église paroissiale que l’on voyait encore debout en 1850.

En 1242, Geoffroy, évêque d’Avranches, approuva les concessions des seigneurs de Saint-Patrice et le dernier don que Eudes de Ferrières avait fait à Savigny, à savoir celui de sa chapelle seigneuriale.

En 1272 et en 1282, Guillaume de Saint-Patrice donnait à Savigny ses terres de Saint-Martin-de-Landelles et 45 livres de rentes sur les fiefs Osmont, de la Jametière et de la Touche en la même paroisse.

Son fils Robert, avec Guillaume Le Redouble, eut soin de faire de l’opposition à l’abbé de Savigny au sujet de la présentation à la cure de Saint-Patrice. En 1299, ils accordent volontiers les anciens droits.

Les derniers de Saint-Patrice sont sans doute les descendants d’Enguerrand, puîné de Robert de Saint-Patrice.

A l’année 1378, au cartulaire de Savigny, est mentionné un acte attestant que Etienne de Grigny, seigneur de Saint-Patrice, d’abord opposant, reconnaît l’abbé de Savigny seigneur patron-présentateur de l’église de son fief.

En 1509, la même chose se passe entre Patrice de Gouvetz, seigneur de Saint-Patrice, et l’abbé de Savigny.

En 1565, Marguerin d’Oissey, époux de Gillette Galouin de Courteilles, seigneur, et dame de Bonsentier, Courteilles et autres lieux, rendait aveu le 5 janvier pour le fief de Saint-Patrice. Il accomplissait ce devoir en qualité de tuteur des enfants de son frère Guillaume, seigneur d’Oissey, Saint-Patrice, Languetillières, titulaire de la sergenterie d’Oissey, etc. Avec Guillaume, la famille d’Oissey tombe en quenouille. Gilles, fils aîné, meurt sans postérité et Guillaume, le puîné, est prêtre. Amaurie d’Oissey passe par alliance son fief de Saint-Patrice à un membre de la famille de Verdun, puis à Charles de Roumilly, tous deux morts sans postérité. Gillette, seconde soeur d’Amaurie, devenue seule héritière, passe ses fiefs par alliance à Jean Le Petiot, écuyer, sieur de Taute, en Cotentin. Jeanne, fille unique de ce mariage, épousa Charles Escoulant, écuyer, sieur de Monteuil, receveur des tailles à Coutances, d’où sortirent trois filles : Jacqueline, épouse de Gillette Potier de la Pommeraye, écuyer ; Françoise, épouse de Christophe-Michel de Préfontaine, écuyer ; et Marie, épouse de François Osber de Dalibus, écuyer. Gillette d’Oissey convole à de secondes noces. Du sieur de Talvende elle eut deux filles qui épousèrent les deux frères Auvray, François et Pierre, écuyers. Ces deux derniers réunirent par achat les parts de leurs cohéritiers, 22,000 livres et en convertirent le prix en rentes. Etienne de Vaufleury, procureur du roi, acheta ces rentes et ne sachant rien tirer des Auvray, confisqua leurs biens. Le nom patronymique des de Vaufleury serait Juhéry, car on trouve à la Recherche de Chamillard de la Suze : Juhéry, écuyer, sieur de Vaufleury, maintenu en 1668. Cette famille avait été anoblie par lettres-patentes en faveur de l’édit de Canada (1628).

De Jeanne de Jumilly-Barré, Etienne de Vaufleury eut François, écuyer, seigneur de Saint-Patrice, époux d’une demoiselle de Cheverne, d’où un fils qui épousa Léonarde du Bailleul. Parmi les seigneurs de Saint-Patrice, nous pouvons citer :
• Julien, écuyer, seigneur de Saint-Patrice, Bouillons, la Vormandière et autres lieux, époux de Madeleine-Thérèse de Pontavice (11 juillet 1736), né en 1709 et mort le 13 février 1751. Par devant Mathurin Liard, tabellion pour le siège du Teilleul et ses dépendances, il vendit ses terres de la Vormandière en 1743 à son cousin Joseph-Henri, écuyer, seigneur de la Durandière. Madame mourait à cinquante-huit ans, le 25 juin 1744. Elle fut inhumée au chœur de l’église de Saint-Patrice. (M. Cœuret.)
Pierre-François-Charles, écuyer, seigneur de Saint-Patrice, était époux de Madeleine du Bailleul, soeur de Nicolas, chevalier, seigneur patron-présentateur de Saint-Cyr-du-Bailleul, conseiller du Roi, lieutenant-général du bailli de Mortain (1722-35) ; il décéda en son hôtel de Mortain le 7 mars 1760. Son épouse était morte en 1736. (D’azur au sautoir d’or cantonné de quatre quintefeuilles de même.)
• Gilles, chevalier de Saint-Patrice, époux de Jacqueline-Suzanne Le Harivel de Fresne (contrat du 8 janvier 1766), naquit en 1745 et mourut au Logis de la Chesrulière le 9 août 1784.
• Gilles-François, écuyer, seigneur patron-présentateur de Saint-Patrice et autres lieux, époux de dame Pélagie Pitard (7 oct. 1743) succède à Nicolas du Bailleul dans ses héritages et sa charge de lieutenant-général du bailli (1736-72) Saint-Jean, Boudé, Lyonnières, Montcorbeau, Saint-Cyr, le Teilleulet, le Haut-Montaudin furent autant de seigneuries qui lui appartinrent.
• Le 21 octobre 1773 (Ms. Cœuret), lui succédait en qualité de lieutenant-général du bailli, Gabriel-François, chevalier, seigneur de Saint-Cyr, Saint-Jean et autres lieux (1773-90), membre de l’Assemblée provinciale de Basse-Normandie en 1787, membre du Bureau supérieur (1789), puis maire de Mortain et syndic pour le clergé et la noblesse. Incarcéré à Vire, il reparut bientôt, mais en son hôtel de Saint-Jean, fut conseiller municipal de cette commune et mourut le X germinal an XII.

Saint-Patrice était encore à la famille de Vaufleury en 1834, le 27 janvier. A cette époque, en effet, Marie-Gabrielle, épouse de Jean-Baptiste-Jacques de Possendière, recevait par testament la succession de sa soeur Marie-Jacqueline-Françoise, fille de Gabriel-François de Vaufleury et de Marie-Gabrielle Fortin de Marcennes, morte à quatre-vingt-deux ans. Marie-Jacqueline Françoise mourait en 1835 à Durcet, canton de Magny-le-Désert (Orne), veuve de Alexandre-Auguste de Ronnay (Titres de famille). (Coupé de gueules et d’argent, à trois losanges, deux en chef et un en pointe de l’un et l’autre).

Les Yvets

Une pièce en date du trente juin seize cent cinquante-sept, signée du Roi et de Letellier, exempte le sieur André Cœuret des Yvets de tous logements et courses de gens de guerre, en considération des services rendus par son fils, l’un des chapelains ordinaires du Roi. Et des peines considérables seraient infligées à tout officier ou soldat venant ravir ou fourrager au domaine des Yvets et en ses dépendances. Et le Roi, par la présente signée de sa main, ordonne aux premiers prévôts de la Maréchaussée d’y veiller à sa place et de faire main-basse sur tout contrevenant, et de plus défend aux Echevins, Marguilliers et Habitants du Teilleul, de donner aucun billet de gens de guerre à la maison Cœuret et à celles de ses domaines. En témoignage de quoi le sieur André Cœuret peut faire mettre et introduire en sa demeure et ses propriétés, où bon lui semblera, les armoiries de France, panonceaux et bâtons royaux, afin que tous connaissent la volonté de Sa Majesté Louis de France.

(Nota. — En Desroches (Annales) figure la Prévôté du Teilleul au nombre des domaines non fieffés)

Les Cœuret des Yvets avaient pour armes deux ifs de sinople et un cœur de gueules sur champ d’argent. (Titres de la famille).

Nous l’avons déjà dit : Au territoire du fief de Saint-Patrice se trouvaient l’église Saint-Patrice, les chapelles Saint-Sénier, Saint-Sauveur et Notre-Dame-des-Prés, et, de plus, près de l’église et dans le cimetière, Notre-Dame-de-Pitié.

L’ancienne église de Saint-Patrice était construite comme celles de Saint-Eloi-du-Rocher, de Saint-Paër ou Saint-Pois, de Chérencey, de Saint-Martin-de-Chaulieu, en arête de poisson ou opus spicatum.

Ce qui restait de remarquable en cette église en 1850 était une porte ogivale en style du XIIIe siècle, et une grande arcade à nervures dans le style du XVe. Détruite en 1851 pour faire place à l’église de la ville, on n’a plus d’elle que la grande arcade. A la Révolution, elle fut dépouillée par un ordre venu du district. Legoux La Pallière, le sacristain, porta les vases sacrés au dépôt et ne conserva que les vases des Saintes-Huiles qu’il remit au clergé quand le temps en fut venu. Les ornements servirent aux mascarades. La petite cloche qui était envoyée à Saint-Lô comme les autres fut abandonnée en chemin, à Vengeons, et plus tard remise à l’église.

Jacques-Jouin Haut-Gomer, agent municipal, et son frère Vincent-Jouin Maison-Neuve purent avec leurs domestiques, André Condiéri et Jean Salé, soustraire les statues à la profanation, en les enterrant dans l’église pendant la nuit. Déjà une femme avait emporté chez elle Notre-Dame-de-Pitié, malgré sa pesanteur ; et un enfant, Louis Havard, avait déposé chez lui le petit Saint-Louis-de-France. L’église purifiée, et ne conservant que les autels de pierre, fut destinée aux réunions et assemblées républicaines. Un couvreur, Racine, de Saint-Symphorien, monta sur le clocher, pour vingt écus, un énorme bonnet phrygien. Pendant toute l’année 1793, on put voir les citoyens, réunis dans l’église, couverts et le bâton à la main, portant la cocarde tricolore, parler, crier, gesticuler pendant que l’orateur discourait ou lisait les lois et décrets de leurs représentants. En sortant, ils entonnaient le chant favori, dont nous avons fait mention plus haut : Quand, vous verrez le bled paraître, etc. En 1794, l’église abandonnée à tout venant, ouverte à tous les vents, servait de lieu de repos aux soldats voyageurs. Le presbytère servait de caserne.

Vendu révolutionnairement, il fut rendu aux curés après la Révolution. Dans l’église de Saint-Patrice étaient plusieurs chapelles. Un titre de 1749 nous dit qu’à gauche du maître-autel étaient les chapelles de Marie et de Saint-Nicolas ; et, à droite, Saint-Roch et Sainte-Anne. Un titre de 1349 parle également de la chapelle beate Marie dicti loci, c’est-à-dire apud Tellolium (22 décembre). Cette chapelle était sous le vocable de Notre-Dame-du-Rosaire. Nous voyons en effet, en 1758, inhumer Jeanne-Françoise de Pennart, dame de Longuêves, épouse de Jacques-François du Vauborel, en la chapelle de Notre-Dame-du-Rosaire (Manuscrit Cœuret). Dans celle de Saint-Nicolas, second patron de l’église, fut enterré à soixante-trois ans, le 31 mai 1770, Henri-Joseph de Vaufleury, ec., seigneur de la Durandière, époux de Antoinette Bourget. (Reg. par.) Dans celle de Saint-Roch reposait, le 3 décembre 1742, à l’âge de quarante ans, Jacqueline Cousin, dame de la Faucherie (Manuscrit cité).

Notre-Dame-de-Pitié était presque attenante à l’église. Fort antique, elle avait été fondée par les seigneurs de la Championnière.

En 1732, la famille des Barres y présentait, offrant 40 livres au titulaire. M. de Saint-Germain trouvant les charges du chapelain trop fortes, les réduisit en qualité d’archidiacre du Val-de-Mortain, et le seigneur-patron accepta ce qu’il avait fait. A la Révolution la chapelle fut dépouillée, mais ne fut détruite qu’en 1851.

Non loin de l’église était la chapelle Saint-Sénier, petit oratoire sis près du gué de ce nom. Elle était fort ancienne, et les bonnes gens racontaient jadis une légende à son sujet. La voici : Saint Guillaume n’avait qu’un ami, saint Evroult, de Mortain. Il allait bien souvent le voir. C’est un si grand trésor qu’un ami. Jamais il ne s’arrêtait nulle part en chemin ; jamais il ne déviait de sa route. Or il advint qu’un jour il fut comme poussé par une force mystérieuse à aller rendre visite à saint Sénier. Quand il arriva, un triste spectacle frappa ses yeux. Un troupeau de gros bétail était là gisant et prêt à périr de faim et surtout de soif. Il y avait cette année une bien grande sécheresse. Les pauvres animaux voyant notre saint le regardèrent, comme implorant son secours. Comment donc, bon saint Sénier, laissez-vous s’épuiser ce troupeau, dit alors saint Guillaume au patron de l’oratoire ? Le saint lui répondit : Fidèle serviteur de Dieu, frappe de ton bâton de pèlerin ce sol aride ; et ces prés à jamais verdiront et la source qui jaillira sera intarissable. Il fut ainsi fait, et la parole de saint Sénier s’est accomplie. En 1752, la chapelle n’était plus en état de recevoir de visite.

Non loin d’elle était Notre-Dame-des-Prés. Un titre de 1748 en fait mention : Jean Annette, sieur de la Pichardière, bourgeois du Teilleul, fut assassiné à la Chapelle-du-Pré, le 1er mars, et fut remporté chez lui à la Basse-Porte par les malfaiteurs (Manuscrit Cœuret). Elle fut depuis lors complètement abandonnée.

La chapelle de Saint-Sauveur était plus rapprochée de la ville, sise dans un champ connu sous le nom de Champ-de-la-Chapelle.
En 1752 elle était en voie de ruines. Elle avait eu un titulaire dont le revenu consistait en une jolie terre avec bâtiments au village du Haut-Gomer. Encore bien ecclésiastique en 1790, cette terre fut vendue révolutionnairement.

Dans l’Annuaire de l’académie Constantine (4e, 5e et 6e années, Ad. Tanqueray, 1839), on voit une note (page 390) ainsi conçue : Le Doyenné du Teilleul fut distrait de celui de Saint-Hilaire par monseigneur de Péricard. Il est certain que Le Teilleul autrefois appartenait au doyenné de Saint-Hilaire. On voit en cette qualité le déan de Saint-Hilaire attestant en 1292 que Guillaume de Saint-Patrice confirme à Savigny ses droits sur l’église de son fief (Cartul. de Savigny, Desroches, Ann., p. 123). D’autre part, nous trouvons un doyen du Teilleul faisant, en 1582, des fondations pour Le Teilleul, Husson et Sainte-Marie-du-Bois. Or c’était à l’époque des vacances du siège épiscopal d’Avranches. Mgr Georges de Péricard administra le diocèse de 1583 à 1587. Nous avons déjà offert les paroisses qui dépendaient du doyenné du Teilleul. Disons seulement maintenant que dans l’état de 1599 et dans le Pouillé de 1648, Barenton et Saint-Georges font partie du doyenné de Mortain (Ls. Saudret, loco citato).

Doyens du Teilleul

• Maître Lucas Poulain, docteur de la Faculté de Paris, prêtre et vicaire de Husson, puis curé de Sainte-Marie-du-Bois et doyen rural du Teilleul, fondateur en 1582 aux paroisses précitées. Un acte du 19 septembre 1675 nous offre Jean Le Breton, prêtre, curé de Saint-Symphorien, doyen rural du Teilleul.

• A lui succéda messire Pierre Crestey, né à Trun (Séez), le 17 novembre 1622, tonsuré à seize ans (1638), diacre de Séez à vingt-quatre ans (21 décembre 1647), prêtre de Rouen (6 juin 1649), fondateur du collège de Trun (250 élèves) et d’une école de filles, vicaire de Trun, curé de Mesnil-Imbert (1660), fondateur de l’hôpital de Vimoutiers, formateur de nombreux prêtres, supérieur du couvent de Bernay, curé de Barenton (1678), où il fonda un collège (300 élèves), un couvent et un hôpital, mort le 22 février 1703.
Comme la conférence du Teilleul était trop nombreuse, il la divisa en deux et ne se chargea que de celle de Barenton (Vie. du V. Pierre Crestey, par Jh Grandet, curé de Sainte-Croix d’Angers, 1714).

• Me Etienne Dupont, bachelier en théologie, curé de Saint-Georges-la-Rouëlle, puis de Saint-Jean-du-Corail (1697-1700) ; inhumé le 4 mai.
Des titres particuliers citent encore Robert Benoist, curé de Moulines, et Guillaume Leclerc, curé de Villechien, prédécesseurs de François Gomaut, curé de Ferrières (7 mai 1723), démissionnaire en 1729.

• François Le Harivel, curé de Lapenty, était doyen rural du Teilleul en 1733.

• Jean-Baptiste Testard, curé de Heussé, le suivit, nommé le 29 décembre 1748. Il mourait à soixante ans, le 20 juillet 1764.

• Charles-Claude Pasturel, natif de Coutances, curé de Sainte-Marie-du-Bois, puis de Saint-Jean-du-Corail (1732-74, 25 octobre).

• Julien Thébault, ex-vicaire du Teilleul et doyen, le premier curé-doyen du Teilleul, mourut à quarante-trois ans, le 18 mars 1778.

• Le 28 octobre de cette même année, Thomas Joubin, curé de Saint-Cyr, le remplaçait, mais seulement en qualité de doyen rural.

• Le 7 septembre 1786, Charles Gautier, curé de Husson, lui succéda jusqu’au 11 septembre 1787, époque de sa mort. Me Gautier était gradué en l’Université de Caen.

• Le 28 septembre 1787, Gilles-Louis de Vaufleury, bachelier en théologie de la Faculté de Paris, licencié ès-lois, prêtre du Teilleul, fut le dernier doyen rural du Teilleul, curé de Barenton. Il ne prêta point serment à la Convention, ainsi que plusieurs des prêtres de son clergé.

Le jour où le clergé de Saint-Patrice prêta serment à la Convention fut tout de réjouissance. Les félicitations lui furent prodiguées. Les cloches retentirent, lancées à toutes volées à plusieurs reprises. Le Te Deum termina la journée. Tous étaient heureux, sauf M. Breillot, déjà bien triste. Pourtant on ne le vit qu’au 1er janvier 1793 se rétracter publiquement et afficher ses sentiments à la porte de l’église. Bien des paroissiens le comprirent alors. Peu après, arrêté, il fut conduit à Mortain. Mais, grâce à de puissants amis, il eut pour prison toute la ville. Au bout de quelques mois, il s’évade et gagne Vire. Son frère, qui va le voir, est tué à Vengeons (20 prairial, an IV). L’apprenant, M. Breillot revient au Teilleul prendre soin des enfants de son frère et retrouver sa mère aux Grands-Champs. Les cachettes ne lui font point défaut à la ville, à Sainte-Marie-du-Bois (aux Manoirs), à la Rogeardière, à la Chesrulière, à la Durandière, à Pouët, à la Lande-Louvet, à la Greslière, aux Champs-Cordiers et à Menesle. Mais c’était surtout aux Grands-Champs, chez sa mère, que M. Breillot était le mieux à l’abri de toutes poursuites. Personne ne connaissait l’endroit, et l’on n’y pouvait entrer qu’en passant dans une armoire. Et s’il fut pris par les agents du fameux Viriot, commandant de place au Teilleul, c’est qu’il n’eut pas le temps de les fuir, saisi qu’il était de leur arrivée.
Toutefois Siquard, le grand justicier de la République, le fit renvoyer paisiblement, quoique le détenu exerçât son ministère partout où il le pouvait, ce qu’il n’ignorait pas. Sa mère fit de la prison à sa place, et plusieurs mois, à cause des services qu’elle rendait à des personnes soupçonnées de peu de patriotisme. (Différents titres, Arch. du diocèse, et tradition)

M. du Hamel s’était rendu à Barenton. M. Mauviel, resté vicaire en titre jusqu’en 1793, dut subir les verrous. C’est sans doute ce qui lui fit prendre feu pour la République, car il se distingua en plus d’une circonstance. Ses collègues, M. Joubin, et M. Etienne Ramard, ex-curé de Courberie, l’imitèrent à qui mieux mieux.

En 1793, M. l’évêque de la Manche, François Bécherel, de Saint-Hilaire-du-Harcouët, était venu faire la confirmation. Il officia en plein air, ceint d’une écharpe tricolore. Les chants d’église et les chants patriotiques s’entrecroisèrent. Le discours de M. l’évêque gâta un peu les affaires. MM. Breillot, Le Coix et plusieurs autres prêtres le lui firent sentir, et c’est alors qu’eurent lieu dans le doyenné plusieurs rétractations de serments.

Dès 1795, M. du Hamel était revenu au Teilleul. Dans l’abord il se retira chez son beau-frère Ramard, Jacques, dit "Gobe-tout".
Quelque temps après, il fondait avec M. Ramard, prêtre, une école qui fut très fréquentée. Vers 1799, les deux instituteurs rouvraient l’église et s’y installaient. Aussi quand l’exercice du culte fut de nouveau permis, M. Breillot en vain essaya de rentrer, et dut se retirer à Sainte-Marie-du-Bois. Pour tout concilier, l’évêque de Coutances nomma curé-doyen du Teilleul M. Jean-Baptiste-François Bouvet, né à Mortain (1754), prêtre de Meaux (4 septembre 1779), gradué en l’Université de Paris, émigré à la Révolution (1803). La fabrique alors vota 240 livres de pension à M. Breillot qui fut prêtre habitué du Teilleul jusqu’en 1820, et redevint vicaire. M. Bouvet fit disparaître de l’église tout vestige de la Révolution. Dès 1817, M. du Hamel avait rétracté publiquement son serment.

Source :
Mémoires de la Société d’archéologie, de littérature, sciences et arts d’Avranches (Tome 6 - 1884), pages 83 et suivantes
• Mémoires sur le Teilleul, par Emile Dubois