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La Vaucelle


Texte de 1891 : voir source en bas de page. [1]


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trois ou quatre cents mètres au sud des dernières maisons de la rue des Ruettes, s’élève le manoir de La Vaucelle, avec ses bâtiments disparates, sa chapelle abandonnée, sa large cour et son colombier gros et trapu. Ce n’est plus le manoir des anciens temps ; comme bien d’autres, il a subi des réparations qui, quoique visant à reproduire son premier état, en ont changé la physionomie, le caractère : la chapelle notamment, avec sa galerie extérieure, n’est plus celle du commencement du siècle. Où sont aussi les toits de chaume ? Où sont les fenêtres munies de grilles serrées ?

Ses abords n’ont pas moins changé. Le chemin qui y conduisait directement ne passe plus au pied des bâtiments ; la fontaine et l’épine séculaire qui l’ombrageait, ont disparu ; la cour est devenue prairie comme l’ancienne voie à moitié dallée qui, il y a peu d’années encore, mettait La Vaucelle en communication avec les Ruettes.

Telle qu’elle est cependant, au milieu de vertes prairies, que borde la Vire, cette résidence n’en a pas moins un cachet seigneurial bien marqué ; et l’on doit toujours lui appliquer ces vers de Guillaume Ybert :

Qua gelidas igitur valles, et mollia prata
Solis ad occasum rorans interfluit amnis,
Est antiqua domus (nostri dixere Vacellas)
Inclyta nominibus multis, auctoris honore,
Regis et hospitio, et Galileae virginis aede.

Qu’on peut traduire ainsi :

« C’est là qu’au couchant coule la Vire au milieu des fraîches vallées et des molles prairies qu’elle arrose ; c’est là qu’est assis un antique manoir (nos ancêtres l’ont appelé La Vaucelle) illustré par de nombreux titres, par le nom de son fondateur, par l’hospitalité donnée à des rois, et par la chapelle dédiée à la vierge de Galilée. »

La Vaucelle a été, suivant le cas, le chef ou l’aînesse d’un fief tantôt noble, tantôt roturier, dont les terres s’étendaient sur les deux rives de la Vire, aux paroisses de Notre-Dame de Saint-Lo et de Saint-Jean d’Agneaux. La partie sur Saint-Lo se nommait simplement La Vaucelle ; celle sur Agneaux, La Petite-Vaucelle ou Vaucheulle, nom qu’elle quitta, au XVe siècle, pour celui de Rocreul ou Rocreuil.

Les terres situées en la paroisse Notre-Dame contenaient 153 vergées environ, tandis que celles d’Agneaux en comptaient au moins 258, ainsi que l’énoncent deux aveux rendus, l’un, en 1608, à M. de Matignon, comme baron de Saint-Lo ; l’autre, en 1412, à Guillaume de La Haye, chevalier, seigneur d’Agneaux.

L’ensemble était grevé de redevances féodales dont le total, d’après les documents connus, s’élevait à 14 sous 10 deniers en argent, 2 chapons et un homme garni d’une fourche pour la récolte des foins.

A l’origine, La Vaucelle était une terre noble ; on lit, en effet, dans l’aveu de 1412, que ce fief « souloit estre une franche vavassorie et y avoit jadis gage pleige, court et usaige , ce que confirme, d’abord, une charte d’Herbert d’Agneaux, écuyer, fils de Guillaume, chevalier, par laquelle il autorise les frères de la Maison-Dieu de Saint-Lo à clore une pièce de terre de quatre acres qu’ils tenoient de Herbert de La Vaucelle, auprès de la Falaise et la clame quitte de moute, de pressurage et de tout autre devoir, excepté 6 deniers qui étaient dus de tout temps sur la dite terre par les seigneurs de La Vaucelle, aux seigneurs d’Agneaux, leurs suzerains ; ce que confirme ensuite une autre charte souscrite, en 1281, par Philippe de La Vaucelle, chevalier. Celle-ci faisait remise à la Maison-Dieu de deux boisseaux de froment de rente sur 18 que la dite maison lui devait payer, chaque année, pour ses enclos de la paroisse de Saint-Jean d’Agneaux, sur le bois d’Agneaux, les quels clos butaient au grand chemin de Saint-Lo à Coutances. »

Dès 1412, le fief était réduit à une franche vavassorie relevant du baron de Saint-Lo, pour ce qui était situé en la paroisse Notre-Dame, et du seigneur d’Agneaux pour le surplus. Au XVIIe siècle elle reconquit la qualité de fief noble.

Nous nous occuperons, d’abord, du lieu Chevel ou aînesse, c’est-à-dire de La Vaucelle proprement dite ; pour ensuite parler de ce qui est connu de La Petite-Vaucelle.

I. Les terres attenant au chief ou aînesse, c’est-à-dire à la Maison de La Vaucelle, comptaient au nombre des fiefs désignés sous le nom de Fieux Robert de Saint-Lo dans un compte de la Baronnie rendu, en 1445-46, par Philippin Damian, ménager de l’évêque de Coutances. Elles étaient partie en bourgage, et partie hors bourgage ; le ruisseau du Val-Huby, aujourd’hui de la Gouerie, les séparait les unes des autres. Leur ensemble avait presque les mêmes limites que de nos jours, savoir : les chemins de La Vaucelle à Saint-Lo, de La Vaucelle à la Neuve-Rue et des Ruettes à Candol, les terres du Boscdelle et la rivière de la Vire.

Au XIVe siècle et aux premières années du XVe, les Pitelou en étaient, sinon seigneurs, au moins francs-tenanciers ; ils avaient succédé aux seigneurs du nom de La Vaucelle, dont deux sont connus, Herbert et Philippe de La Vaucelle, qui vivaient au XIIIe. On lit, en effet, dans un aveu rendu, le 13 avril 1412, par les frères de la Maison-Dieu de Saint-Lo à cause de leurs terres de la Falaise « soubz demoiselle Clémence Pitelou, fame de Pierres du Hommet, escuier, dame d’un fieu nommé le Fieu de La Vaucelle, assis en la paroisse d’Aigneaux et ailleurs, et par le mot ailleurs il faut évidemment entendre La Vaucelle en Notre-Dame de Saint-Lo, puisque Clémence Pitelou et son mari rendaient eux-mêmes aveu au seigneur d’Aigneaux du fieu ou tennement de La Vaucelle dont le chief est assis en la parroisse Notre-Dame ». Clémence Pitelou était sinon la fille, du moins l’héritière de ce Colin Pitelou, écuyer, qui est rangé parmi les bienfaiteurs de l’hôtel-Dieu, et dont Edouard IV d’Angleterre fut peut-être l’hôte un peu forcé lorsqu’il assiégea et prit Saint-Lo, en 1346. On sait, en effet, par Froissard, que quand le roi d’Angleterre fut « venu assez près, il se logea dehors et ne voulu oncques loger en la ville pour la doubte du feu, et c’était une tradition, dans le pays, dit Toustain de Billy, qu’il logea à La Vaucelle, maison où, depuis quelque temps, on a démoli un appartement sur lequel étoit écrit en grosses lettres : CHAMBRE DU ROY, non seulement parce que deux rois de France, François Ier et Charles IX, y ont logé depuis, mais aussi à cause de ce logement du roi Edouard d’Angleterre. »

Des vassaux, parchonniers ou puînés de la dame de La Vaucelle, le plus considérable, en 1409, était, sans contredit, Guillaume Adigard, devant l’hôtel de qui passait le douit (ruisseau) du Val-Huby formant en ce point la limite de la bourgeoisie. Sa veuve existait encore en 1445-1446 et possédait l’hôtel en question, mais le chef ou aînesse de La Vaucelle appartenait, à cette dernière époque, à messire Guillaume Biote, vicomte de Carentan, un de ces Normands attachés par principe, peut-être, mais certainement par intérêt aux successeurs de leurs anciens Ducs sur le trône d’Angleterre, et qui soutenaient de toutes leurs forces, de leur intelligence et de la connaissance des affaires les prétentions des monarques anglais au trône de France, à l’encontre de Charles VII, le roi légitime. Nul doute que La Vaucelle n’ait été confisquée sur les Pitelou ou du Hommet, et donnée, par le roi Henri V, au vicomte de Carentan, son dévoué partisan. On lit, en effet, dans un accord intervenu, le 17 janvier 1432, entre Richard d’Esquay, écuyer, seigneur d’Agneaux, et les Prieur et Frères de l’hôtel-Dieu de Saint-Lo « et au regard du dit hommage icellui escuier les en laissa paisibles et se réserva à en faire la poursuite sur l’aînesse du dit fief de La Vaucheulle, dont le tenant n’était autre que Guillaume Biote, escuier, ayant le droit du dit fieu et terre de La Vaucheulle par don à luy fait par le roy, nostre sire. »

L’expulsion des Anglais de la Normandie (1450) força Guillaume Biote d’abandonner La Vaucelle, et quoique nous manquions de renseignements à ce sujet, il est présumable que ce fief passa aux mains des Adigard, restés fidèles à leur roi, et de ceux-ci aux Boucard, à cause du mariage de Chardine Adigard avec Richard Boucard, seigneur du Mesnil-Amey, qui prit aussi le titre de sieur de La Vaucelle. Nous voyons, en effet, dans la recherche de Montfaut, ses deux fils, Pierre et Richard, se qualifiant : le premier, de sieur du Mesnil-Amey ; le second, de sieur de La Vaucelle.

Quoiqu’il en soit, un troisième frère, né, en ce manoir, au commencement du même siècle, devait jeter sur sa famille un lustre tout nouveau ; nous parlons de Jean Boucard, qui, après de fortes études au collège d’Harcourt, prît à Paris les degrés de maître es arts et de docteur en théologie, fut archidiacre, abbé du Bec et de Cormery, et devint, enfin, évêque d’Avranches, aumônier de Charles VII, aumônier et confesseur de Louis XI.

Aussi généreux qu’éminent, ce prélat non seulement dota, de concert avec messire Ursin Thiboult, sa ville natale d’une riche bibliothèque, mais encore il fonda de nombreux services religieux tant à l’église Notre-Dame qu’à l’Abbaye de Saint-Lo, consacrant aussi une partie de ses largesses à pourvoir la première de ces églises de riches évangéliers, d’ornements splendides et de meubles précieux, semblables à ceux dont il avait fait don à la cathédrale d’Avranches. Enfin, ce fut lui, dit l’historien de Saint-Lo, « qui bâtit, orna et dota cette fameuse chapelle, à la maison de La Vaucelle, dédiée à sainte Pétronille, qu’on appelle de la Pernelle, à laquelle le peuple de Saint-Lo, avait une dévotion particulière. »

Jean Boucard mourut, à Saint-Lo, le 28 novembre 1484, probablement dans le manoir qui l’avait vu naître ; il fut inhumé dans l’église Notre-Dame, en face l’autel de Saint-Martin adossé au pilier nord de l’arc triomphal du chœur.

En 1499, le 28 novembre, Jacques Boucard, prêtre, était seigneur de La Vaucelle. Il possédait encore cette terre en 1507, alors qu’il vendait, en son nom et au nom de sa mère, à Jean Larchier, bourgeois de Saint-Lo, une rente de 25 boisseaux de froment, 4 pains et 4 gelines due par l’Hôpital. Mais il est à présumer qu’elle était sortie de la famille lorsque Richard Boucard, écuyer, seigneur du Fouet de la Jugannière, cédait, à son tour, en 1531, la rente en question, rentrée en ses mains par suite de retrait lignagier ; on y est d’autant plus autorisé que le procès-verbal de l’entrée de François Ier à Saint-Lo le 15 avril 1532, ne mentionne aucun personnage du nom de Boucard, alors qu’il cite Richard de la Dangie, écuyer ; Richard Thiboult, écuyer ; Jacques Quetil, écuyer ; noble homme Jean de Sainte-Marie, seigneur d’Agneaux ; Jean de Baudre, seigneur du lieu ; Guillaume de Pierrepont, seigneur de Montcoq, et André Clérel, seigneur de Rampan, c’est-à-dire toute la noblesse des environs. Mais comme ce même document ne parle point non plus des du Chemin de la Haulle, il en résulte qu’on ne sait qui fut l’hôte du roi François lorsqu’il logea dans l’ancien manoir des Boucard.

Ce fut vers la moitié du XVIe siècle que La Vaucelle devint la propriété de la famille du Chemin. Lucas du Chemin IIe du nom, écuyer, sieur du Feron, de la Haulle-Semilly, du Mesnil-Guillaume et Montbray, qui vivait en 1518 et mourut en 1574, prît le titre de sieur de La Vaucelle. Ce point est établi par l’épitaphe de sa veuve Isabeau Renault, morte le 12 juin 1590 et inhumée dans la chapelle Saint-Pierre et Saint-Paul de l’église Notre-Dame.

Ce fut lui que les huguenots, maîtres de Saint-Lo, en 1562, voulurent tuer pour le punir de son attachement à la religion catholique et à la cause de la royauté. S’il leur échappa, en se réfugiant en sa terre de La Meauffe, ils s’en vengèrent en saccageant le manoir de La Vaucelle, brûlant les ornements de la chapelle de Sainte-Pernelle et abattant la grande croix élevée en face de cet oratoire.

Les troubles un instant apaisés, le roi Charles IX profita de l’accalmie pour visiter le Cotentin. Il logea à La Vaucelle, certain qu’il était de la fidélité et du dévouement du sieur du Feron.

Lorsqu’en 1574, les Religionnaires reprirent les armes, ce fut en cet hôtel que Matignon établit son quartier-général, lors de l’investissement rapide qui précéda le siège de Saint-Lo. De Caillières dit, en effet, que le Maréchal se porta de sa personne « à la tête du vallon où son situés les faubourgs de Torteron et de Vaucelle. » Il ne pouvait choisir un lieu plus propice. D’une part, Lucas du Chemin était un chaud royaliste, et, de sa demeure, son hôte surveillait à souhait les routes conduisant dans l’Avranchin et le Bocage où Montgommery et Colombières comptaient de nombreux et intrépides partisans.

En 1608, le 3 juillet, Nicolas du Chemin, fils du précédent, rendait aveu du fief de La Vaucelle à messire Charles de Matignon, en se qualifiant de noble homme et de seigneur du Mesnil-Guillaume, de Hébécrévon et de La Vaucelle ; trente ans plus tard, le 14 mai 1638, son neveu, Luc du Chemin, sieur de La Haulle-Semilly, du Mesnil-Guillaume, seigneur et patron de Hébécrévon, rendait, dans des termes identiques, au même seigneur, un aveu de ce tenement.

La terre qui en était l’objet demeura jusqu’à la fin du dernier siècle la propriété des du Chemin qui, en général, tinrent à Saint-Lo, un assez grand état. Nous distinguons entre autres :

Laurent du Chemin, écuyer, seigneur et patron de La Vaucelle qui, en 1650, était Maréchal de camp et fut, en 1655, député par la noblesse aux Etats de Normandie ;

François du Chemin, neveu de Laurent, et aussi son héritier, seigneur de La Tour, conseiller du roi, lieutenant général au bailliage de Saint-Lo et maire perpétuel de cette ville, lequel obtint des lettres royaux rendant à La Vaucelle sa primitive qualité de Fief et Terre noble. Ce fief releva depuis lors de la baronnie de Saint-Lo ; il eut dans sa mouvance les terres du Hutrel, situées à Saint-Thomas de Saint-Lo, plusieurs rentes créées seigneuriales et, enfin, l’hôtel des du Chemin sis dans l’enclos de Saint-Lo, entre les rues du Rouxelet et à la Paille, maintenant appartenant à M. Gaston Delamare, imprimeur. A l’occasion de cette mutation, qu’il avait d’ailleurs autorisée, le seigneur d’Agneaux concéda au seigneur de La Vaucelle le droit de pêche depuis le village de la Poulinière jusqu’à la chaussée du moulin de Vire ;

Luc-François du Chemin, fils du précédent et de demoiselle Marie Radulph, seigneur de La Tour, de La Haulle et de La Vaucelle, commandant à Saint-Lo pour le roi. A sa requête, un arrêt du Parlement de Normandie décida, le 22 juillet 1718, que, par suite du décès du marquis de Brévands, Grand Bailli du Cotentin, il jouirait, jusqu’à la nomination d’un nouveau titulaire, des mêmes honneurs que le feu Marquis. Il remplit, en conséquence, cet office jusqu’en 1726 et commanda toute la noblesse du bailliage. Il avait été nommé colonel d’un régiment de milice, le 1er avril 1704 ; le 19 mai 1708, lieutenant général d’épée au siège de Saint-Lo ; le 27 décembre 1709, commissaire royal pour la répartition de la capitation de la noblesse ; chevalier de l’ordre de Saint-Michel, le 17 janvier 1720 ; il fut lieutenant des maréchaux de France en 1725 ; commandeur de l’ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel et de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem. Né à Saint-Lo, le 22 janvier 1684, il y mourut le 9 janvier 1744, à l’âge de 60 ans.

Le second fils de Luc-François, Jean-Baptiste-François-Edme-Firmin du Chemin de La Tour, hérita de la terre et seigneurie de La Vaucelle ; il mourut à Saint-Lo, le 3 mai 1767, laissant de son union avec demoiselle Anne-Jacqueline de Saint-Gilles, Anne-Stéphanie du Chemin de La Tour La Vaucelle.

Celle-ci porta le domaine de La Vaucelle aux de La Gonnivière par son mariage avec Pierre-Hervé de La Gonnivière.

Anne-Stéphanie, unique héritière des précédents, le fit entrer, à son tour, dans la famille des Le Provost de Saint-Jean, en épousant Charles-René Le Provost.

Ce fut également par un mariage que La Vaucelle passa de ces derniers aux d’Annebault de La Motte pour faire retour, par le décès de Henri d’Annebault, aux Le Provost, et, enfin, collatéralement aux Mary de Longueville, héritiers en partie de Mademoiselle Louise Le Provost de Saint-Jean, décédée à Saint-Lo, le 29 avril 1889.

Cette dernière, a laissé après elle une réputation de charité bien établie. Les malheureux de notre cité et des environs savent seuls les larges aumônes que distribuaient ses mains secourables à tous.

II. La Petite-Vaucelle. En ce qui concerne l’extension sur Agneaux du fief de La Vaucelle, nous n’avons qu’à copier ou plutôt à analyser l’histoire de cette paroisse, insérée au tome 1er, 2e partie des Mémoires de la Société d’Archéologie de la Manche.

La Petite-Vaucelle, Vauchelle ou Vaucheulle, est mentionnée pour la première fois dans la charte de donation du bois de la Falaise souscrite par Philippe d’Agneaux au profit des pauvres de la Maison-Dieu de notre cité.

Elle y est donnée comme limite de ce bois « Quod situm est super Viriam juxta pontem ex parte Vaucelle » ce qu’un titre postérieur traduit en ces termes : « Et s’estendoit ledit bois d’empar la Petite-Vauchelle, en la paroisse d’Agneaux. »

Nous en possédons les limites, qui étaient, au Nord et à l’Ouest, le vieux chemin de Saint-Lo à Coutances, aujourd’hui la Cavée, et le chemin du pont de Vire à la Falaise, alias Rue Creuset ; à l’Est, la Vire, et au Midi les terres du Joly et de la Tremblée, puisqu’en 1241, Hélie de la Tremblée donnait à fieffe aux Frères de la Maison-Dieu douze pieds de terre en largeur depuis le ruisseau qui est au bout du bois dudit hôpital jusqu’à l’Ile Gavray (pré de l’île) appartenant auxdits Frères et située entre la Vire et la terre du dit Hélie.

Une grande partie des terres enfermées dans ces limites devinrent successivement la propriété de la Maison-Dieu, soit par achat soit par fieffe.

En 1258, les Prieurs enclosaient, avec autorisation d’Herbert d’Agneaux, quatre acres qu’ils tenaient d’Herbert de La Vaucelle, lesquels demeuraient quittes de tout service, fors de 9 deniers dus de tout temps aux seigneurs d’Agneaux par les seigneurs de La Vaucelle.

En 1281, Philippe de La Vaucelle, chevalier, ratifiait la donation faite à la Maison-Dieu par Thomas Erneis de cinq vergées de terre près la Falaise.

La même année, il remettait à cet établissement charitable deux boisseaux de froment sur les dix-huit qu’il lui devait à causes des terres encloses en 1258 et situées sur le grand chemin de Saint-Gilles (chemin de Saint-Lo à Coutances, ou encore chemin Cauchié).

En 1295, Guillaume Le Bourgeois, d’Agneaux, concédait à la Maison-Dieu son clos d’Agneaux, situé entre le grand chemin allant du pont de Vire à Saint-Gilles ; aujourd’hui la Cavée ; le chemin de la Falaise, les terres de Thomas Hellard et celles de Geoffroy Caillou.

En 1299, Herbert d’Agneaux ratifiait la fieffe des prairies entre le bois de la Falaise et la Vire, consentie au nom de leurs femmes, par Henri de Huecon, écuyer, et Thomas Coereul.

En sorte que dès le XIIIe siècle, l’hôpital possédait la plus grande partie de La Petite-Vaucelle. Son domaine ne mesurait pas moins de 240 vergées en 1412, lorsque les Prieur et Frères en rendirent aveu, ainsi que nous l’avons déjà vu, à la dame de La Vaucelle, Clémence Pitelou, femme de Pierre du Hommet. Il comprenait 16 pièces, savoir :

Le manoir et le bois, avec le pré de la Falaise ; le pré des Cours, jouxte l’eau de Vire ; le pré Dame Eude ; le Clos au Bourgeois ; la pièce des Vasières ; la pièce des six Vergées ou des Terriers ; le Clos des Murs ; la pièce de dessus le Manoir ; l’Isle ou Pré de l’Isle jouxte l’eau de Vire ; le pré Pesant ; le Long Pré, le Clos au Rossignol ; les Champs de l’Eglise ; les Epinettes et le Jardin Colombel.

Le sieur de Parégny, écuyer, possédait 18 vergées de la Petite-Vaucelle en 1412. Il était tenant du fieu de La Vaucelle, en parage de Clémence Pitelou et de Pierre du Hommet, son mari.

L’hôpital ne fut pas toujours possesseur paisible des terres qu’il tenait de La Vaucelle. Vers la moitié du XVe siècle, Richard d’Esquay, seigneur d’Agneaux, voulut contraindre les prieur et religieux qui le gouvernaient, à lui rendre hommage et à faire divers services. Ceux-ci de s’en défendre, comme n’étant que de simples puînés et de prétendre que l’aîné du fief devait s’acquitter de l’hommage. Ils mirent, en conséquence, en cause sire Guillaume Biote, écuyer, dont il a été déjà question. Leurs prétentions furent reconnues fondées par Richard d’Esquay, lequel, en homme prudent, n’osa pas s’attaquer à un des favoris du roi Henri d’Angleterre ; mais qui, ce haut fonctionnaire disparu avec les Anglais ses amis, recommença ses poursuites, en 1456, et fit saisir par ses officiers pour faulte d’hommage les terres de l’Hôtel-Dieu. Toutefois la poursuite fut abandonnée.

Ce qui, au cours du XVIe siècle, n’empêcha pas un autre seigneur d’Agneaulx de faire revivre ses prétentions, de les étendre même, par l’assujettissement des terres de la Maison-Dieu aux corvées de charrues aux deux saisons de l’année, à trouver les meules du moulin de la seigneurie d’Agneaux et à contribuer au chômage dudit moulin.

Le 9 avril 1524, intervint une transaction par laquelle l’hôpital passa condamnation, sauf en ce qui concerne la franchise de mouture à son tour et rang et à dégrain. Mais bientôt, ses administrateurs rompirent leurs engagements ; d’où s’en suivit une nouvelle saisie des terres et, enfin, une nouvelle transaction à la date du 8 février 1532, dont ils firent tous les frais. En voici les termes :

« Jean de Sainte-Marie pour estre participant es bienfaits dudit Hostel-Dieu décharge les Prieur et Frères pour l’avenir de toutes sortes de rentes tant ordinaires que casuelles, droictures, sujétions et devoirs sieuriaux annuels et casuels dont ils lui estoient redevables à cause des terres susdites, au moyen de quoy les dits prieur et frères lui quittèrent et délaissèrent afin d’héritage et à ses hoirs, quinze vergées de terre en quatre pièces du nombre des terres saisies. Le dit seigneur déclare toutes droictures, redevances, etc deuement amorties, sans pourtant que les dignités, prééminences, prérogatives et libertez sieurialles à luy comme direct seigneur appartenans, soient en rien diminuez, comme seroit le droict de chasse à tout gibier à poil et à plume, et de pescher en la rivière de Vire contiguë des dites terres, et passage sur les dicts héritages. De plus, les Prieur et Frères demeurent sujets à célébrer la messe accoustumée estre dite au samedy, procédant de la fondation des prédécesseurs du dit seigneur qui payera pour ce 40 sous de rente."

Pour être logiques, nous eussions dû dire, ou mieux, répéter au début de cette deuxième partie, que le manoir du Rocreul ou Roquereul était jadis celui de La Petite-Vaucelle des XIIIe et XIVe siècle. Son nouveau nom ne date que de 1460. Nous ignorons quels en furent les propriétaires successifs ; nous ne désespérons pas d’en connaître quelques-uns. Disons toutefois, en terminant, que, dans ces derniers temps, le Roquereul appartint à M. le capitaine de vaisseau Perrette-Lamarche, major de la marine, qui fut vice-président de la Société d’Archéologie, et à M. L. Le Mennicier, son neveu, qui remplissait si bien les fonctions de classificateur de la section d’histoire naturelle de cette compagnie.

Nous ne devons pas omettre les armoiries des familles nobles qui ont possédé privativement tout ou partie du fief de La Vaucelle :

• Les de La Vaucelle : Armoiries inconnues.

• Les Pitelou : Armoiries inconnues.

• Les du Hommet (ou) Homméel : D’azur au sautoir d’argent ou encore, d’azur au lion léopardé, de gueules, armé et lampassé d’or, accompagné de 6 besans d’or sur les pieds du lion.

• Les Adigard : D’argent à 3 équerres ou diguets de sable.

• Les Bougard : De sinople à 3 têtes de boucs d’or, 2 et 1.

• Les du Chemin : De gueules au lion d’argent semé d’hermines.

• Les Regnault : D’azur et de sable, à 3 molettes d’épron d’or, au chef chargé d’un lion de même.

• Les Leprovost de Saint-Jean : D’azur à 3 têtes de lion arrachées d’or.

• Les de La Motte : De gueules à 5 pals d’argent soutenus d’une bande du même.

• Les de Mary : D’argent, au chef de gueules, chargé de trois roses d’or mises de rang.