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Le Luot - Notes historiques et archéologiques


• Texte de 1847 ; voir source en bas de page. [1]


Carta de decima de Luoth et de Servum (Cart. du Mont Saint-Michel).
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vasée au nord, dont la limite est formée par quelques ruisselets, resserrée aux flancs entre l’ancienne route d’Avranches à Gavray et un ruisseau, découpée au sud par une ligne brisée, la commune du Luot affecte la forme générale d’un rectangle allongé. L’angle sud est baigné par le ruisseau de la Champagne ou de Saint-Louis, qui traverse des vallons boisés et accidentés. Aussi c’est dans ce coin que se trouvent les villages de la Paludière ou Calusière, de la Noe-Rougette, des Rainières. La Broise commence son cours en cette commune et y nomme les villages de Braise, Braisel et Pont-de-Braise. Avec la Broise et la route, le ruisseau du Pas-du-Gué dessine un triangle qui forme un appendice à l’angle du nord-ouest. Le sol général est un plateau assez découvert qui donne un air de vérité à l’étymologie de Robert Cenalis : « Le Luot, Lucidus appellari potest. » L’ancienne route de Villedieu à Avranches traverse une partie du Luot et de Chavoy, et va s’embrancher sur celle de Coutances à Ponts, à la Chaussée. Sur cette route, au nord du Luot, est marquée dans Cassini la Croix-des-Morts. Contrairement à l’usage, le logis est éloigné de l’église : il est vers le centre de la commune, près de l’étang d’où sort le ruisseau du logis, et auprès du domaine.

A défaut d’art et d’antiquité, l’église du Luot a un certain mérite de solidité et d’agencement. Bâtie en grandes pierres de taille dans le siècle dernier, elle est nue et froide à l’œil et muette à l’imagination. La tour date de 1783, les transepts de 1755, le reste est à peu près contemporain. La croix du cimetière, donnée par un curé appelé Bassein, est de 1659. S’il y a quelque ornementation intérieure, elle est en style rocaille. En cherchant bien des vestiges plus lointains, on découvre deux lames sépulcrales, l’une de 1570, l’autre de 1516, quelques pierres de l’ancien gable, le baptistère, et sous la voûte de la tour quatre têtes ou modillons avec la naissance de leurs arcs, d’un bon dessin et d’une vivante expression. Deux sont encapuchonnées, et les deux autres ont la chevelure ronde et relevée des prêtres du Moyen-Age. Ces têtes semblent être le symbole de la puissance régulière et séculière qui régissait cette paroisse.

Sa principale illustration, ce sont deux chartes antiques inscrites au Cartulaire du Mont Saint-Michel. L’année même de la Conquête, Guillaume, fils de Guimond, aumôna à ce monastère toute la dîme du Luot, à la condition d’y être enterré : « Ego W. Guimundi filius... possidens totam decimam vavassorum meorum de Luoth... gratia Dei cor meum illustrante quae cujus vult miseretur .... » Mais Robert, le fils du donateur, enleva cette aumône à l’abbaye. Toutefois il la rendit avec repentir et renonça à ses prétentions sur d’autres biens du monastère : « Ego Rob. W. pie memorie filius reddo et concedo S. Michaeli decimam de Luoth et de Servum quas instigatus diabolo et pravorum hominum consilio post mortem patris immerito auferebam.... »

En 1162, W. de Saint-Jean, fondateur de la Luzerne, donna comme échange « ad Luoth masuram Hugonis. »

En 1648, cette église avait pour patron l’évêque et rendait 700 liv. En 1698, elle valait 1500 liv. Il y avait cinq prêtres, outre le curé, et la taille était de 1128 liv. M. Cousin, originaire de cette paroisse, dit qu’il y avait dans l’église la tombe d’un de Launay, seigneur du Luot, et que sur la muraille se voyaient ses armes qui étaient d’une buire ou cruche de gueules, à une seule anse et trois pieds. Il cite un Aze comme ayant précédé les de Launay. Vers la fin du XVe siècle, Montfaut trouva noble au Luot Renaud de Litrey, et non noble Michel Maheust. Du temps de M. Cousin la cure avait passé au chanoine de Noirpalu. En 1418, le roi d’Angleterre fit expédier « des lettres de don pour messire Pharamus, du Luot, prêtre, licencié en droit, de ses bénéfices. »

C’est au village du Jardin-Olive qu’est né M. Cousin, docteur en Sorbonne, curé de Saint-Gervais d’Avranches, mort emprisonné au Mont Saint-Michel, devenu le Mont-Libre, vers 1793. Il a laissé vingt volumes in-folio manuscrits, déposés à la bibliothèque d’Avranches. Si l’on retranche beaucoup d’inutilités empruntées aux gazettes du temps, on y trouve une solide érudition, l’amour de sa localité et des détails intéressans. Il avait recherché l’étymologie de noms topographiques de sa paroisse, qu’il résolvait par le latin, selon l’usage de l’érudition de son temps. Toutefois il ne porta point ses recherches sur le nom paroissial que nous essaierons d’expliquer.

Le Luot, Luotum, orthographié Luoth dans les diplômes précédens, est un nom de physionomie septentrionale, et semble être un nom propre. Il y a dans le Domesday plusieurs noms qui s’en rapprochent : W. Lovet, W. Lovetk, Luith monialis et Louet. Mais ce nom de Luot ou plutôt Luoth se trouve presque identiquement comme nom d’homme dans notre histoire locale : Roger Lohoth renonça au monde dans le XIe siècle, et rendit une charte qu’on peut voir dans le Cartulaire du Mont Saint-Michel.

Au Luot est mort M. Servain, principal du collège d’Avranches, à l’époque de la Révolution, qui a laissé des notes sur cette école, dont l’histoire est un des élémens de l’histoire intellectuelle de l’Avranchin.