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Description des monuments druidiques de la Manche (Arrondissements de Cherbourg et Valognes)

Suivie de quelques indications sommaires sur les monnaies, armes et instrumens en bronze, attribués aux Gaulois et trouvés, depuis un demi-siècle, dans le département.


• Texte de 1833 ; voir source en bas de page. [1]


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e département de la Manche est un de ceux où les pierres druidiques sont le plus répandues : celles qu’on y a trouvées sont presque toutes situées dans les arrondissemens de Cherbourg et de Valognes [2], qui forment la presqu’île du Cotentin. Cette presqu’île, entrecoupée de petites montagnes et de vallons, remplie de bois et de rochers et où l’on rencontre souvent des sites solitaires et pittoresques, paraît avoir été singulièrement affectionnée par les Druides, qui se sont plu à y ériger les monumens de leur culte. Deux cantons surtout semblent avoir eu pour eux un attrait particulier.

L’un s’étend entre Cherbourg et Saint-Pierre-Eglise : c’est là que les Druides ont élevé beaucoup de leurs monumens, et que l’on trouve très-fréquemment des instrumens en bronze, que les antiquaires attribuent aux Gaulois ; mais Carneville et Fermanville sont dans cette contrée les communes où l’on voit les sites les plus sauvages et où les antiquités celtiques sont les plus nombreuses. Après certains sites des environs de Mortain et les falaises de Jobourg et de Flamanville, les vallons solitaires et hérissés de rocs de granite de Carneville et de Fermanville, sont peut-être les endroits les plus pittoresques et les plus singuliers du département. Il y a deux ou trois mille ans, ces lieux, sans doute couverts alors de forêts séculaires, devaient être encore bien plus propres à exalter l’imagination et à remplir l’âme d’une terreur religieuse.

L’autre canton est dans la partie du N. E. de la commune de Bricquebec, là où s’élève la colline des Grosses-Roches. Cette colline, isolée et en grande partie couverte de bois, est couronnée par quatre rochers dont deux au midi sont d’un effet fort pittoresque. L’aspect du pays, vu du haut de ces rochers, est vraiment romantique. On aime surtout à reposer sa vue sur la superbe forêt de Bricquebec, qu’on aperçoit comme sous ses pieds, et qui se prolonge ensuite jusqu’à l’horison, en s’élevant en amphithéâtre sur des collines éloignées. C’est sur cette petite montagne que sont placées trois galeries couvertes, les plus considérables et les moins ruinées du département, et une table druidique ; et qu’un moule à coins, de bronze, parfaitement conservé, a été trouvé par un ouvrier. Au pied de la même colline, sur Négréville, est érigée une petite pierre butée. Ces monumens, dont la nature druidique est incontestable, indiquent bien que la colline des Grosses-Roches fut le centre du druidisme de la contrée voisine.

En 1824, M. De Gerville publia dans le 1er volume des Archives de la Normandie, de M. L. Du Bois, un important Mémoire sur les pierres druidiques du département. Avant cette publication, elles étaient presque entièrement ignorées, et c’est à ce savant que le public en doit la connaissance. Depuis, le nombre en a presque doublé, et tout fait espérer que de nouvelles recherches l’accroîtront encore ; mais combien ne restera-t-il en comparaison de celui qui existerait sans les défrichemens et les diverses espèces de vandalisme, qui en ont successivement fait tant disparaître ?

Depuis le printemps de 1826, j’ai découvert, dans la presqu’île du Cotentin, une douzaine de monumens druidiques entièrement inédits. Je les ai mesurés et figurés sur les lieux, ainsi qu’une partie de ceux déjà signalés par M. De Gerville en 1824. Je vais essayer de les décrire. Pour ceux que je n’ai pas encore visités, je suivrai la description qui en a été donnée par M. De Gerville.

Aux noms consacrés par les archéologues, j’ajouterai les noms vulgaires donnés aux monumens dans le pays.

Les monumens celtiques du département peuvent se ranger en cinq classes :

1. Tables, tables aux fées.

2. Menhirs ou peulvens, pierres butées, longues pierres, pierres plantées, etc.

3. Logans ou pierres branlantes.

4. Dolmens ou pierres levées, trépieds, etc.

5. Galeries couvertes ou avenues

Je suivrai cet ordre en les décrivant. Ensuite je dirai quelques mots sur ➤ les instrumens en bronze, attribués aux Gaulois, qu’on a trouvés dans le département, et je finirai par quelques considérations sur l’origine et la nature des monumens druidiques et sur le culte qu’on leur rendait.

Tables, tables aux fées

J’ai cru pouvoir désigner sous ce nom des monumens consistant en une grande pierre aplatie, d’une figure carrée, ou circulaire, ou ovale, couchée sur la terre, et dont le dessus, présentant une surface plane, est placé bien de niveau.

Table aux fées de Bricquebec
J’ai trouvé cette pierre inédite, en 1826, dans la forêt de Bricquebec. Elle est située sur la colline des Grosses-Roches, à 120 mètres au N. d’un rocher dit la Petite-Roche et entre deux galeries couvertes qui en sont peu distantes. Les habitans la nomment la table aux fées ou la plate pierre. Elle est placée sur un terrein uni, argileux et sans rochers aux environs : ce qui annonce qu’elle a été traînée de la Petite Roche à l’endroit où elle est gisante.

Elle est aplatie et a une figure ovale : le dessus en est bien uni et bien de niveau, mais légèrement concave. Elle n’est presque pas enfouie et s’élève d’environ 2 pieds au-dessus du sol. Son épaisseur, à l’extrémité du N., est de 1 pied, et à l’extrémité S., de 3 pieds environ. Sa longueur est de 16 pieds sur une longueur de 8. Elle est de grès quartzeux ou de quartz grenu, comme les rochers voisins.

A 4 mètres de cette pierre, j’ai trouvé, sous l’argile, une couche de charbon, à 1 mètre de profondeur ; ce qui paraît prouver qu’on avait allumé sur cette pierre des feux (sans doute par un motif de superstition), dont on avait jeté les cendres et les charbons encore brûlans, dans une fosse ouverte à cet effet. Sous ce charbon l’argile semblait calcinée et rougie par la chaleur. Cette couche de charbon, assez mince, avait été recouverte d’argile vierge. Toutes les circonstances s’accordent à faire regarder cette pierre comme druidique.

Table de Carneville
Ce monument est placé presque au pied de la longue pierre de Carneville, et, comme elle, il est de granite. On a fait éclater, avec des coins, environ le tiers de sa longueur. A présent il ressemble à un énorme tombeau. Sa surface supérieure est parfaitement plane et bien de niveau ; cette pierre se distingue par sa régularité parmi celles qui en sont voisines. Ces particularités indiquent, ce semble, qu’elle est druidique.

Des pierres de ce genre sont répandues dans les diverses contrées de l’Europe, etc. Sur ces pierres et tous les autres monumens celtiques, on peut consulter avec fruit, entr’autres ouvrages, celui de M. Dulaure, Des cultes qui ont précédé et amené l’idolâtrie, in-8°, 1805, (réimprimé en 1825). Cet auteur, qui a fait un examen approfondi de ces divers monumens, indique les ouvrages qui les ont mentionnés et les contrées où ils se trouvent ; il les décrit, et se livre à de savantes recherches sur leur origine. J’indiquerai les chapitres de son ouvrage où l’on trouvera les détails nécessaires sur les monumens analogues à ceux que je décris.

Sommaire

Menhirs ou peulvens, pierres butées, longues pierres, pierres plantées, etc.

Ces monumens consistent en une grande pierre alongée, d’une figure arrondie ou triangulaire, ou carrée, ou aplatie, plantée en terre, debout et bien verticalement sur sa base, et imitant ainsi une colonne ou une pyramide. Ils sont composés d’un bloc brut, de granite, ou de grès quartzeux, ou de quartz grenu, de la même nature que la pierre du voisinage.

Menhir de Bouillon
Il est placé près du chemin tendant de l’église de cette commune au village de Vaumoisson ; il est un peu moins élevé que ceux de Maupertuis et de St-Pierre-Eglise, dont on parlera bientôt ; mais il est plus gros et plus aplati à son sommet.

Menhir de Quinéville
Ce monument est placé à 400 mètres au nord-ouest de l’église de Quinéville.

Menhir de St-Sauveur-le-Vicomte
Il est peu considérable. Il est situé, dit M. De Gerville, au pied de la lande de Rauville-la-Place, proche la Douve, et en face du château du Lud ; il est connu sous le nom de pierre butée. Je présume qu’il est placé sur St-Sauveur-le-Vicomte. Je n’ai pas vu ces trois menhirs.

Menhir des Pieux
Il est situé sur le penchant d’une falaise, et précisément sur la limite des Pieux et de Flamanville. Il est de granite. Je l’ai trouvé le 17 mai 1831, et il est inédit. Sa hauteur est d’environ 11 pieds et son épaisseur moyenne d’à peu près 4 pieds. On remarque au haut de la face qui regarde la mer, 4 sillons faits de main d’homme, mais fort grossiers. Il approche de la figure d’une pyramide quadrilatère, mais peu régulière. Il penche quelque peu du côté de la mer.

Menhir détruit de Flamanville
Il existait à Flamanville, il y a un siècle, un énorme menhir en granite, nommé la Pierre-au-Serpent. Le marquis de Flamanville le fit briser en 1725, pour en employer les morceaux à la construction de son château. M. De Gerville dit qu’il avait près de 30 pieds de hauteur. On a lieu de regretter la perte d’un semblable monument, qui était un des plus énormes en ce genre.

Menhir de Négréville
Il est placé tout proche l’emplacement ruiné des grosses forges de fer, et tout près de la rivière de Douve, sur la limite de Bricquebec, au pied de la colline des Grosses-Roches, et dans le voisinage d’une des galeries couvertes de cette colline. Il est inédit. Je l’ai trouvé en 1826. Il a la figure d’un prisme triangulaire planté bien d’aplomb sur sa base. Il a cinq pieds de hauteur et environ quatre d’épaisseur. Il me semble qu’il est de quartz grenu.

Menhir détruit de Breuville
En octobre 1828, un vieillard de Breuville m’apprit qu’il existait, 5 à 6 ans auparavant, une pierre érigée, placée à environ 200 mètres au N. de la Roque-de-Breuville, et qu’elle fut minée, pour en débarrasser le terrain. C’était un menhir haut comme un homme, aplati et planté bien verticalement comme la roche voisine ; il était de grès quartzeux ou de quartz grenu.

La Roche de Breuville renferme une petite caverne nommée La Chambre-aux-Fées, ou au Loup, ou au Capucin ; et la tradition porte que cette roche tourne trois fois quand elle entend sonner la messe de minuit. Nous retrouverons cette tradition bien établie, à l’égard des pierres butées. Ce rocher aurait-il été avec la pierre butée voisine, un objet de culte ou de superstition chez les Gaulois ou dans le moyen-âge ?

Menhir de Teurthéville-Hague
Il existe à Teurthéville-Hague, deux pierres butées énormes : elles sont situées dans la vallée de Néret, proche une petite rivière, au milieu d’un bois pour M. Dumoncel et tout près de ses usines, au couchant de l’église de Teurthéville et à environ une petite demi-lieue de cette église. Elles m’ont paru être de quartz grenu, comme les roches voisines.

Elles m’ont été indiquées par M. De Gerville, qui ne les avait pas décrites en 1824. M. De Caumont, il y a quatre à cinq ans, les a dessinées, et les dessins en sont entre les mains de M. De Gerville. Elles se nomment les pierres tournantes, parce que la tradition porte qu’elles tournent 3 fois sur elles-mêmes au moment de la messe de minuit.

La première de ces pierres a 9 pieds de hauteur et à peu près 4 d’épaisseur. Sa figure est celle d’une pyramide carrée, tronquée obliquement.

La seconde est éloignée de la précédente d’environ 24 mètres ; elle est encore beaucoup plus massive. Sa hauteur est de deux pieds ; son épaisseur, dans un sens, de 5 pieds 1/2, et dans l’autre, seulement de 4. Elle a la figure d’un parallélépipède rectangle, placé verticalement sur sa face la plus étroite.

Ces pierres paraissent enterrées peu avant en terre. Les coteaux voisins sont couronnés de rocs. Un de ces rocs, placé en face de ces monumens, se nomme la Roche-aux-Fées, et au pied un trou qu’on y voit, s’appelle le Trou-aux-Fées. Tout près de là, dans le bois, les fées ont aussi leur fontaine ; Autrefois elles aimaient beaucoup cette retraite ; elles y dansaient au clair de la lune, y tenaient leurs festins et y lavaient leur linge. Les mêmes traditions se trouvent à Bricquebec à l’égard de la colline des Grosses-Roches ; elles se rattachent au surplus à presque tous nos rochers et à beaucoup de pierres druidiques.

Menhir ou pierre butée détruite de Tourlaville
Elle était placée autrefois au milieu d’une vaste forêt, au lieu même où l’on a bâti, sur la route de Cherbourg à Valognes, la ferme de la pierre-butée (nom emprunté de ce monument), à environ une grande lieue de Cherbourg. Elle fut détruite, il y a plus de 45 ans, par le propriétaire de la ferme. Il paraît qu’elle avait 8 à 10 pieds de haut. Elle était plantée bien verticalement, avait une figure à peu près carrée et était fort grosse.

Suivant la tradition, elle tournait aussi trois fois lors de la messe de minuit, à l’heure même de minuit. Il paraît que c’était un quartz grenu.

Menhir de Maupertuis
Il existe en cette commune, dans un champ, à quelque distance de l’église, un menhir ayant 12 pieds de hauteur. J’ai passé tout près sans l’avoir vu.

Menhirs du Mesnil-Auval, etc
Il existe dans cette commune un menhir qui est moins considérable que le précédent. Un autre à peu près semblable se trouve, dit M. De Gerville, entre l’église de Carneville et le château de Saint-Pierre-Eglise. Je n’ai pas visité ces monumens.

Menhir ou longue pierre de Carneville
Ce monument en granite est un des mieux connus du département : il se nomme encore la devise ainsi que d’autres pierres analogues de cette contrée. Il est placé dans la lande de Carneville, sur le flanc d’une montagne et au milieu d’un amas de rocs de granite. Il domine une vallée extrêmement retirée, dont les coteaux sont hérissés de blocs de granite couvrant tout le pays. Peu de lieux étaient sans doute plus convenables pour les mystères et les initiations du culte druidique, que celui où l’on a érigé ce monument, un des plus remarquables dans son espèce.

Il est parfaitement vertical et assez mince. Il ressemble à un prisme triangulaire, placé sur sa base qui est un triangle rectangle. On voit au pied une plaque de granite assez grosse qu’on en a fait éclater avec des coins, ce qui a contribué à la rendre triangulaire et à lui donner une figure plus élancée. Elle est la seule pierre butée du département, qui soit aussi mince. Les deux faces qui se joignent à angle droit sont bien planes, et l’autre est moins unie : c’est le côté de la pierre qu’on a diminué avec des coins. Il serait aisé de la renverser, et elle est menacée de destruction, si on ne prend quelques mesures pour la conserver. Sa hauteur est d’environ 12 pieds. Elle est bien connue des habitans de cette contrée sauvage ; ils paraissent avoir conservé du moyen-âge, certaines traditions sur les pierres druidiques :
ils disent que les pierres étaient communes dans leur voisinage avant les premiers travaux du port de Cherbourg, qu’ils croient avoir été cause de la destruction de plusieurs d’entr’elles.

Menhirs détruits de Fermanville
Dans cette commune il existait, il y a un demi-siècle, deux longues pierres à peu près semblables à celles de Carneville, placées sur des montagnes à l’aspect de la mer, et à quelque distance au N. et au N. E. de celle de Carneville. M. De Gerville dit qu’elles furent détruites peu de temps après celle de Tourlaville. L’une se nommait la longue-pierre-ferrant et l’autre la pierre-aux-magniants. Les morceaux de l’une de ces pierres qui étaient de granite, se voient, dit-on, encore à l’église de Carneville.

Il paraît que ces deux pierres et celle de Carneville tournaient aussi pendant la messe de minuit. On les nommait le mariage des trois princesses. Nous retrouverons ces traditions et ce mariage encore ailleurs.

Menhir de Cosqueville
Cette pierre est inédite : je l’ai trouvée le 17 juin 1828. Elle est en granite et placée à un demi-quart de lieue de l’église vers le levant, dans une pièce dépendant de la grande ferme de Cosqueville, pour M. le baron d’Anneville, et tout près de cette ferme. Elle se nomme la pierre-plantée.

Elle approche un peu de la figure d’un coin ayant sa base en forme de losange dont les faces sont légèrement renflées et qui est placé sur sa tête, de manière à avoir une de ses faces rectangulaire et verticale, et celle opposée, en plan incliné. On remarque au haut de la face O., qui est presque perpendiculaire, 5 ou 6 sillons, qui descendent verticalement du haut de la pierre jusqu’au tiers de sa hauteur. Ces rainures sont peu profondes et mal terminées ; l’une d’elles est beaucoup plus large que les autres. Il est aisé d’y reconnaître la main de l’homme. Au haut du principal sillon, la pierre se termine en une espèce de tête conique, travaillée peut-être de main d’homme. La hauteur de ce menhir est de 9 pieds, sa largeur moyenne d’environ 4 pieds, et son épaisseur au bas un peu moindre.

Il existait autrefois à Cosqueville, une longue pierre en forme de colonne, qui était fort haute et bien verticale ; elle était cylindrique et se nommait le poteau. Elle fut renversée par les vagues de la mer, mais on en voit encore le pied. Etait-ce une pierre érigée ou un rocher naturel ? C’est ce qu’il n’est pas aisé de décider.

Menhirs de Saint-Pierre-Eglise
Il existe dans cette commune deux pierres butées que j’ai visitées, le 18 juin 1828. La première qui est inédite, me fut indiquée, ainsi que celle de Cosqueville par un ouvrier. Elle est située à un fort quart de lieue au N. du bourg de Saint-Pierre-Eglise, proche un ruisseau ; et dans une pièce de terre dépendant et voisine de la ferme de Mémont, pour M. le baron d’Anneville. Elle se nomme la haute-pierre, et la pièce a le même nom. Elle est peu éloignée de l’autre et des roches dites La Chambre-aux-Fées.

Elle a 8 pieds 1/2 de haut. Sa largeur moyenne est d’environ 5 pieds 1/2, et son épaisseur au bas est d’à peu près 2 pieds 1/2. Sur sa base, qui est quadrilatère, s’élèvent 4 faces plus ou moins régulières et planes, qui lui donnent une figure qui approche de celle d’un large coin placé sur sa tête.

On voit, vers son sommet et dans sa face E., 2 rainures parallèles, verticales et ayant à peu près 3 pieds de long et quelques pouces de profondeur dans leurs parties supérieures. Ces rainures dépassent le sommet où elles sont plus prononcées, descendent dans la face opposée où elles sont moins longues et moins profondes ; elles diminuent de profondeur par le bas dans chaque face, sont bien terminées, et incontestablement de main d’homme. J’ai trouvé 3 pierres butées portant de semblables sillons ; toutes les 3 sont en granite.

L’autre pierre butée de St-Pierre-Eglise, qui se nomme la longue-pierre, est peut-être la plus considérable de toutes celles du département : aussi elle est bien connue. Elle est placée proche un ruisseau qui sépare Saint-Pierre-Église de Cosqueville, dans un lieu bas et à un petit quart de lieue au N. du bourg de Saint-Pierre-Eglise. On peut la comparer à un énorme pilier ayant une base quadrilatère, dont le haut serait coupé très-obliquement sur ses faces. Sa hauteur est de 12 pieds 1/2 ; son épaisseur, dans un sens, est de 3 pieds 9 pouces, et dans l’autre de 5 environ. Ses 4 faces sont bien planes et presque verticales ; elles penchent du côté de ses faces N. et 0. qui surplombent d’environ 1/2 pied. Au bas de la face E., on voit un défaut ou enfoncement produit, à ce qu’il semble, par une plaque de granite qui en aura été détachée bien nettement. Elle porte aussi quelques traces de caractères tout modernes. C’est par hasard qu’elle a échappé au vandalisme des tailleurs de granite, qui l’avaient marquée pour la couper et l’enlever.

Nous retrouvons encore à Saint-Pierre-Eglise et à Cosqueville, la tradition que les pierres butées de ces communes tournent à fois pendant la messe de minuit. Trois pierres érigées, d’après une autre tradition, y portent le nom du mariage des trois princesses ; il paraît que ce sont les 2 pierres de Saint-Pierre-Eglise et celles de Cosqueville. Les trésors ou la dot de ces princesses sont, dit-on, cachés dans l’espace triangulaire déterminé par les pierres. La même tradition se retrouvera encore à Montaigu.

Menhirs de Montaigu-la-Brisette
Ces pierres butées sont voisines, étant dans 2 pièces qui ne sont séparées que par un chemin nommé la chasse-des-fossés. Elles sont placées sur la pente de la montagne conique au sommet de laquelle se trouve l’église de Montaigu, à un demi-quart de lieue au couchant de cette église et proche le chemin de Saussemesnil. Ces pierres butées, au nombre de deux, sont de poudingue à gros galets, roche dont la montagne est formée. Elles se nomment les grises-pierres.

La première qui est la plus remarquable, a 7 pieds de haut, 2 pieds 1/2 d’épaisseur et 6 de largeur, à 3 pieds de terre ; mais elle est moins large au bas. Elle est aplatie, et présente 2 faces qui regardent l’E. et l’O., qui sont bien planes, bien perpendiculaires et à peu près rectangulaires ; le haut en est arrondi et moins épais.

On dit que cette pierre tourne trois fois à Noël, et qu’il y a des trésors cachés aux environs, qu’on a essayé d’enlever au diable. Quoiqu’on se fût, dit-on, fait aider d’un prêtre et d’un grimoire, et qu’on eût trouvé la place du trésor au moyen de la verge d’Aaron, on ne put lui ravir son argent. Des feux-follets se voient aussi aux environs, suivant la même tradition populaire. On raconte encore que entre trois pierres plantées, nommées le mariage des trois princesses, le mariage, la dot ou les trésors de ces princesses y sont cachés. Ces idées de trésors se rattachent souvent aux vieux monumens et à plusieurs pierres druidiques. On a essayé, à Vauville, d’enlever le trésor enterré sous la galerie couverte de cette commune. A Montaigu et à Bricquebec, quelques personnes qui me virent observer les pierres druidiques, crurent que je cherchais à lever des trésors cachés par les Anglais ; car c’est aux Anglais qu’on attribue ici tous les anciens monumens et toutes les choses dont on ignore l’origine.

L’autre pierre butée de Montaigu est inédite ; je l’ai trouvée le 14 juin 1828. Elle est en partie enterrée dans la levée de terre d’une clôture, ce qui a contribué à la faire rester ignorée. Sa hauteur est de 7 pieds, sa largeur de 5, et son épaisseur, partout la même, de 2 pieds 1/2. Ses deux faces principales, tournées à l’E. et à l’O., sont planes, parallèles, verticales et presque rectangulaires ; elles sont arrondies par le haut.

Il existe sans doute dans la Manche, beaucoup d’autres pierres butées restées ignorées. De tous les monumens connus sous le nom de pierres druidiques, les menhirs sont l’espèce la plus répandue. Ces pierres érigées se trouvent dans presque toutes les contrées de la terre, et il paraîtrait difficile de les faire toutes remonter à une origine commune. L’usage d’en ériger se perd dans la nuit des temps.

Sommaire

Logans ou pierres branlantes

Ces monumens singuliers, qui ne sont pas communs et dont l’origine est incertaine, peuvent se ranger parmi les monumens druidiques, avec lesquels ils ont de l’analogie, et qu’on rencontre fréquemment dans leur voisinage. Ils consistent en deux pierres, dont l’une est placée exactement en équilibre sur la pointe ou l’arrête d’un rocher naturel, ou sur celle d’une pierre érigée à cet effet. Une force modique suffit souvent pour mettre en mouvement la pierre supportée.

Le hasard a pu quelquefois produire des pierres mobiles, mais il doit être aisé de les distinguer d’avec celles qui ont été érigées : il n’en est pas toujours de même des tables et des menhirs. J’ai passé sous silence plusieurs pierres assez ressemblantes à des pierres butées, mais dont la nature est trop équivoque pour mériter une description. Les dolmens présentent aussi quelquefois la même incertitude. Pour les galeries couvertes, encore bien qu’elles soient très-ruinées, un oeil exercé peut toujours les reconnaître.

Logan de Lithaire
Ce monument parait être le seul de ce genre qu’on connaisse dans le département. Il est placé, dit M. De Gerville, sur la montagne de Lithaire, dans la direction du N. E. La pierre mobile est placée sur la pointe d’un rocher. La montagne où est ce logan, est fort pittoresque, hérissée de rocs et très-escarpée ; on y jouit d’une superbe vue. Sur cette montagne, il existe d’autres antiquités dont l’origine est peu connue. Je tire ces détails de la notice de M. De Gerville, n’ayant pas encore visité ce logan.

Cet antiquaire a aussi trouvé une autre pierre mobile, dans le bois du Gast, qui touche la commune de Montjoie, sur la limite de l’arrondissement de Mortain. Il dit qu’on peut voir en cet endroit d’énormes modèles de plusieurs espèces de monumens druidiques ; mais ils sont placés sur le département du Calvados.

Logan détruit de Bretteville-en-Saire
Ce monument fut détruit à l’occasion des travaux du port de Cherbourg.

Logan détruit de Cosqueville ou de Fermanville
Un ouvrier qui était présent quand il fut renversé, vers l’an VII, pour l’emporter à Cherbourg, m’a dit, avec plusieurs autres personnes, qu’il était situé sur le rivage de Cosqueville, et qu’on le nommait la meule. M. De Gerville place un logan du même nom sur Fermanville ; il dit qu’il existait encore vers 1804, qu’il était placé sur le rivage de la mer, en un lieu nommé le plein-sablon, et que la pierre supportée qui avait au moins 100 pieds cubes, était pourtant facile à faire mouvoir, son équilibre étant parfait. Il est presque certain que le logan dont parle M. De Gerville et celui qui m’a été indiqué, ne sont qu’un seul et même monument, peut-être placé vers la limite de Cosqueville et de Fermanville.

Sommaire

Dolmens ou pierres levées, trépieds, etc.

Les dolmens sont des monumens qui consistent en une grande pierre souvent aplatie, maintenue dans une position horizontale, par 2, 3 ou un plus grand nombre d’autres pierres naturelles ou érigées, et ordinairement en forme de piliers qui la supportent.

Ces monumens sont communs dans plusieurs parties de l’Europe ; mais surtout dans les îles Britanniques, en France, en Espagne, en Portugal, etc. Il est assez vraisemblable que les logans, les dolmens, les galeries couvertes et autres monumens analogues, qui sont plus composés et moins communs que les monumens monolithes, sont aussi moins anciens, et tirent leur origine d’une même source.

Dolmen de Martinvast
Il est situé à environ 1/4 de lieue au N. E. du château de M. Dumoncel et proche la ferme de l’Oraille ; on le nomme la Roche à 3 pieds ou de l’Oraille. Il est placé au bord d’un rocher de quartz grenu, sur une montagne isolée, couverte de bruyère et nommée Lehurt, où l’on jouit d’une belle vue. Il est souvent visité.

Ce monument est composé de 3 pierres brutes en quartz grenu, placées en triangle, ayant 3 à 4 pieds de hauteur, et qui soutiennent un énorme bloc, aussi de quartz, ayant une figure grossièrement quadrangulaire. Le dessus du bloc est un peu convexe, raboteux, horizontal, et élevé à peu près de 9 à 10 pieds au-dessus du sol. Le dessous en est très convexe, irrégulier et incliné. Il a 9 à 10 pieds de long, environ 7 pieds 1/2 de largeur, et une épaisseur qui varie de 3 à 5 pieds.

L’un des soutiens est une roche placée, je crois, naturellement, ayant 6 pieds de long et 3 de haut, et en partie enterrée. Les 2 autres soutiens ont été érigés debout ; leur hauteur est de 3 et 4 pieds 1/2. Ils sont fixés si peu solidement sous le rocher suspendu, qu’il serait fort aisé de les déranger et de faire tomber ce dolmen assez informe, mais dont la nature druidique semble prouvée. On trouve même, dans le rocher contigu, des traces qui paraissent indiquer que cette énorme pierre en a été arrachée, et qu’elle a été roulée ou traînée jusque sur ses piliers, au moyen d’un entassement de rochers, de terres et d’arbres, qu’on aura ensuite fait disparaître. Ce procédé a sans doute été souvent employé par nos sauvages aïeux, pour élever, quelquefois à une hauteur considérable et sans le secours de machines, des rocs d’un énorme volume.

Dolmen de Flamanville
Ce dolmen, au milieu d’un amas de rochers, est érigé sur une très-haute falaise, un peu au nord du cap de Flamanville et devant une vigie, servant en temps de guerre à loger des personnes employées aux signaux sémaphoriques du littoral de la Manche. On dit qu’il se nomme le trépied et que la falaise porte le nom de la pierre-aurey. Il consiste en 3 rochers, placés en triangle, qui soutiennent un gros roc informe, arrondi en boule, et élevé d’environ 4 à 5 pieds de terre. Deux de ses soutiens sont 2 grosses roches, qui n’ont point été érigées et qui font partie du rocher. Une 3e roche irrégulière, peut-être placée de main d’homme, fait le 3e soutien. Le rapprochement de ces piliers fait, avec la roche supérieure, une petite niche pouvant mettre à couvert un homme. Il est vraisemblable que la roche qui est élevée au-dessus des piliers et sur laquelle on arbore, au haut d’un mât, les signaux sémaphoriques, a été érigée : néanmoins il ne serait pas absolument impossible que la nature en eût fait tous les frais. A une petite distance, au midi, on voit dans une falaise un exemple d’un petit dolmen naturel. Les 4 roches qui composent le dolmen décrit sont en granite, ainsi que la ceinture de rochers qui couronne et hérisse les nombreuses falaises qui bordent la côte, depuis Les Pieux jusqu’au petit port de Diélette.

On ne peut rendre la magnificence et la beauté de la mer vue, par un beau jour, du sommet de ces rochers bouleversés, où l’on ne voit rien qui rappelle la nature cultivée et embellie par la main de l’homme. Seulement on regrette que quelques touffes de verdure ne parent point ces falaises décharnées, dont l’aridité blesse les yeux.

A environ 1/2 lieue au N. du dolmen de Flamanville et à pareille distance du port de Diélette, on trouve une caverne naturelle, creusée sans doute par les eaux, nommée le trou-baligan, dont l’entrée est au niveau de la mer, qui y monte quand elle est pleine. Elle est étroite, tortueuse, et, dit-on, fort longue, mais elle n’a rien de curieux. Elle se prolonge ainsi dans l’intérieur d’une énorme falaise isolée. On raconte que cette grotte est le séjour des mauvais génies et des lutins. Les oiseaux de mer et les chauves-souris en sont les seuls habitans.

Sommaire

Galeries couvertes ou avenues

Les galeries couvertes, que M. De Gerville désigne sous le nom d’avenues, sont des monumens qui consistent en deux rangées, parallèles et droites, de pierres brutes, plantées en terre sur leur base, contiguës et supportant de grandes longues pierres, presque toujours aplaties et placées horizontalement. Les pierres qui composent les deux rangées de jambages ont ordinairement leurs faces intérieures planes, et communément elles surplombent un peu vers l’intérieur de la galerie. Ces couloirs, dont la destination est peu connue, sont fermés, à l’une de leurs extrémités, par une grande pierre placée debout et transversalement, tandis que l’autre est ouverte. Ces monumens sont moins communs que ceux dont nous avons parlé précédemment, et ils paraissent être particuliers aux Gaules. Plusieurs de ces galeries qu’on voit en Bretagne, aux environs de Saumur, etc., ont une largeur et une hauteur considérables. Pour celles de notre département, elles n’offrent point ces dimensions gigantesques. Leur largeur intérieure est de 3 à 4 pieds ; leur hauteur, aussi intérieure, varie depuis 2 à 4 pieds ; et leur longueur, de 35 à 60 pieds.

Les 7 monumens de ce genre que je connaisse dans la Manche, sont formés de roches brutes, de la même nature que celles qu’on trouve dans leur voisinage, et rien n’indique qu’elles aient été apportées de loin. Les pierres de ces galeries sont de grès quartzeux ou de quartz grenu, roches qui se ressemblent beaucoup dans la presqu’île, où elles hérissent souvent les montagnes. Néanmoins les grandes pierres qui formaient le toit de la galerie de Vauville, sont en granit, et ont été apportées de loin. J’ai visité toutes ces galeries couvertes, excepté celle de Bretteville-en-Saire.

Galeries couvertes de Bricquebec
Comme nous l’avons déjà dit, 3 galeries couvertes se voient, à Bricquebec, dans la forêt dite usagère, et sur la colline des Grosses-Roches. Cette colline, entièrement isolée, est droite et dirigée du N. E. au S. O. A ses deux extrémités sont deux rochers éloignés l’un de l’autre de 1400 mètres. Entre eux, on en trouve encore deux autres ; et tous 4, rangés presque en ligne droite, couronnent la colline. Ces galeries sont les plus remarquables du département. Elles ont pu être formées soit des pierres des rochers voisins, soit de celles éparses sur le sol ; elles sont avec la table-aux-fées, placées en ligne droite, à quelque distance des roches, et sur un terrein uni et sans roches. Les habitans ne leur ont point donné de noms ; ils n’y voient qu’un amas fortuit de roches, et je ne crois pas qu’aucune tradition particulière s’y rattache.

Galerie couverte des Forges
Elle est située à l’entrée d’un bois nommé le bois de la Tombette, à l’extrémité d’un chemin nommé la chasse des Forges et proche le hameau du même nom. Elle est placée au N. E. de la colline, vers son pied, et sur un petit plateau semi-circulaire, dont le bas est arrosé par la Douve.

Elle est orientée à peu près du levant au couchant, et elle offre le modèle des galeries couvertes dans leur état le plus simple. Sa longueur est de 48 pieds, sa largeur et sa hauteur intérieures sont d’un mètre. Son extrémité O. est exactement fermée par une pierre plate placée debout en travers, tandis que l’autre est ouverte.

Il n’existe plus que les deux tiers des pierres qui formaient ses jambages, qui sont restées au nombre de 16 ; les unes sont encore en place, les autres penchent en dedans ou en dehors de la galerie, ou sont arrachées.

Il n’existe plus que 11 des roches qui formaient le toit ; elles sont allongées, aplaties et fort grosses. Leur longueur varie depuis 5 à 7 pieds. Quatre sont encore en place sur leurs jambages, et 3 d’entr’elles ont le dessus assez droit pour qu’on ait pu aisément s’y tenir debout, ou même y marcher. Les autres pierres du toit ont été renversées ou enlevées.

Le côté O. de la galerie est en partie rempli d’argile qu’on y a jetée dans le dessein de l’obstruer. Le long de la ligne de jambages du S., on voit en dehors les trous où l’on a tiré cette terre ; ce qui indique qu’on se proposait encore de renverser les jambages et les pierres du toit. Cette galerie est la moins ruinée du département.

Galerie couverte à dolmen de Câtillon
Elle est placée au bord du bois de la Roque, le long de l’ancien chemin des Pieux à Valognes, tout près du hameau nommé Câtillon, sur le haut de la colline, et à 1500 mètres de la précédente, vers le S. O. Elle est orientée dans la direction du N. E. au S. O. Sa longueur (non compris le dolmen dont on parlera bientôt) est de 52 pieds ; sa largeur et sa hauteur intérieure, d’un mètre. Quoique ruinée, elle est bien caractérisée.

Ces deux lignes de jambages ont été assez bouleversées ; plusieurs de ces jambages ayant été enlevés, il n’en reste plus que 32, les uns en place et les autres plus ou moins dérangés. A l’extrémité S. O., la galerie était ouverte ; mais on a jeté, en cet endroit, dans son intérieur 2 ou 3 roches pour en obstruer sans doute l’entrée. L’extrémité N. O. est exactement fermée par une grande pierre plate, mise en travers et verticalement. Un vide qu’on voit dans le rang de jambages, qui est en face du N. O., contre la pierre qui ferme la galerie, était peut-être une porte latérale.

Au-dessus de cette porte présumée et au fond de la galerie, était placée horizontalement une grande et belle pierre plate et triangulaire, qui aurait pu servir, soit pour s’y tenir debout, soit pour marcher dessus, soit pour y faire des sacrifices, soit pour y allumer des feux.

Les roches du toit ne sont plus en place ; il n’en reste que 5 qui ont été renversées : elles ont de 5 à 8 pieds de long.

Au S. E. de la galerie, le sol est à peu près au niveau du haut des jambages. peut-être les Gaulois ont-ils rapporté de la terre contre la galerie, pour avoir plus de facilité à y placer les grandes pierres du toit.

Cette galerie se distingue des autres monumens de cette espèce, par une addition bien remarquable : celle d’un dolmen à son extrémité N- E. Il est formé de deux grosses roches, posées à chaque côté, dans l’alignement de 2 lignes de jambages. Ces 2 roches formant les jambages du dolmen, et celle qui le sépare de la galerie, supportent une grande pierre, dont le dessus est aplati, et qui est encore en place. Pour le druide qui aurait été debout sur la grande pierre plate, qui était placée horizontalement au fond de la galerie, la roche recouvrant le dolmen, aurait pu lui servir, soit de siège, soit d’autel, soit de table, soit de foyer.

Enfin, une seconde roche était encore placée sur les jambages de ce dolmen ; à présent, elle est renversée sur la terre. Ce dolmen est ouvert au N. E. ; il est presque rempli d’argile qu’on y a jetée pour l’obstruer. Sa longueur est d’environ 7 pieds, sa largeur de 3, sa hauteur de 4 ; ainsi, la longueur totale du monument est de 59 pieds. Des galeries couvertes analogues se retrouvent dans d’autres départemens.

Galerie couverte de la Petite-Roche
Ce monument est le plus long et le plus considérable du département. Il est placé au milieu du bois des Grosses-Roches, à 130 mètres au couchant du rocher dit la Petite-Roche, et à 425 mètres de la galerie de Câtillon, au S. 0., sur la pente occidentale de la colline, et sur un terrain uni et sans pierres. Il est orienté de l’E. à l’O.

Sa longueur (non compris un prolongement dont on parlera par la suite) est de 60 pieds, sa largeur et sa hauteur intérieures sont d’un mètre environ.

La majeure partie des jambages subsistent et sont encore en place, surtout au rang du midi ; les autres ont disparu et sont bouleversés.

L’extrémité orientale de la galerie était ouverte, tandis que l’autre est fermée par une grande pierre plate, plantée verticalement et mise en travers ; presque toutes les roches de la couverture ont été enlevées ; on n’en voit plus que 6 ou 7 qui sont sans doute les plus grosses et qu’on n’a pu enlever. Une seule est encore bien en place vers le milieu de la galerie ; le dessus en est droit, et on pouvait aisément s’y tenir debout. Aux deux côtés de cette roche, on en voit deux autres, appartenant aussi au toit, qui sont à moitié renversées. Enfin, les autres pierres de la couverture sont jetées à terre. La longueur de ces 7 roches varie depuis 6 à 9 pieds.

A l’O. de la galerie et dans son alignement, on voit deux roches qui semblent avoir fait partie d’une espèce de dolmen. Une d’elles, en partie enterrée, placée en travers, et haute d’environ 2 pieds, paraîtrait avoir fermé au couchant ce dolmen présumé, tandis que l’autre roche, et d’autres qui auraient disparu, auraient achevé de le former. Au surplus, il n’est pas aisé de savoir ce que pouvait être ce prolongement qui a 15 pieds de longueur.

Il ne reste de ce monument que 46 pierres toutes brutes.

A 130 mètres au levant et au haut de la colline, on trouve un joli rocher, nommé la Petite-Roche. Il est formé de blocs énormes, séparés par des couloirs à ciel ouvert. Entre deux roches, on voit une grosse roche suspendue, ce qui fait une espèce de porte naturelle ; mais il est fort douteux que les hommes l’aient érigée. A 325 mètres au S. E. de la galerie de la Petite-Roche, on voit, à l’extrémité S. de la colline, et au milieu d’un bois romantique, un beau rocher conique qui s’élève au-dessus des arbres. On y remarque un couloir d’un mètre de largeur, ayant un coude, et sur lequel sont suspendues 4 roches moyennes. On peut voir dans le rocher la place qu’elles occupaient auparavant : la nature aussi bien que les hommes ont pu produire cette singularité.

Au surplus, ces rochers, comme bien d’autres, ainsi que plusieurs de nos montagnes, de petites grottes, etc., ont pu, dans l’antiquité, avoir attiré l’attention des Gaulois et des Druides, et même avoir été par eux consacrés à un culte, ou à des sujets d’adoration. Il ne serait pas étonnant qu’ils eussent quelquefois suspendu de grosses pierres dans certains rochers, et fait quelques changemens aux petites cavernes qu’on y trouve assez souvent ; mais actuellement, il est difficile de reconnaître avec certitude l’origine et la nature de ces singularités : le voisinage de monumens druidiques, et les traditions superstitieuses qui se rattachent fréquemment à ces rochers, à ces grottes, etc., peuvent fournir des inductions quelquefois assez fortes.

Enfin, à 120 mètres au N. de la galerie couverte de la Petite-Roche, on voit dans le bois et proche une pièce, 7 roches moyennes, simplement posées sur la terre, formant une ligne droite de 45 pieds de longueur, et dirigée du N. au S. Je suis porté à penser que ces pierres ont pu être apportées là par les Gaulois, à dessein d’y faire une galerie couverte ; mais qu’ayant changé de résolution, ils l’ont érigée un peu plus haut, sur la pente de la colline.

Galerie couverte de La Haye-d’Ectot
Cette galerie, la moins considérable et la plus ruinée de toutes celles du département, est inédite ; je la trouvai le 6 octobre 1827. Elle est située au milieu d’une lande, à quelques cents mètres au levant du chemin de Bricquebec à Barneville, sur un lieu uni et en pente douce vers le midi. De ce côté et au bas de la lande, se trouve, à peu de distance, la fontaine minérale de la Taille, la plus belle source ferrugineuse de la contrée.

Il est fort vraisemblable que cette fontaine a fixé l’attention des Gaulois, et qu’elle a été la cause de l’érection de la galerie sur la hauteur voisine. Les fontaines, surtout les sources minérales, ont été souvent adorées chez les anciens.

La galerie est orientée de l’E. à l’O., et aux environs il y a des rochers. L’extrémité O. est fermée par une pierre placée en travers, tandis que l’autre est ouverte. Sa largeur intérieure est de 3 pieds, sa hauteur aussi intérieure de 2, et sa longueur de 35. On ne voit plus que 5 des roches plates qui formaient le toit, et qui reposent actuellement sur la terre. Elles ont de 3 à 6 pieds de longueur. Une d’elles, qui était, placée vers le milieu de la galerie, est plate et a le dessus fort uni : quand elle était en place, on aurait pu facilement s’y tenir debout. On ne voit plus qu’une douzaine de pierres qui formaient ses jambages : elles sont fort petites et encore en place. La file de jambages du midi a presque disparu.

Galerie couverte de Vauville
Elle a été souvent visitée et décrite. Elle est placée au haut d’une montagne, en face de la mer, au milieu d’une lande et à quelque distance N. O. de l’ancien prieuré de Saint-Hermel. Les points de vue qu’on découvre de cette montagne, sur les falaises de Flamanville et sur celles de Jobourg, sur les mielles et les dunes de sable de l’anse de Vauville, sur la mer et sur ces îles ravies à la France, sont fort beaux : rien de plus pittoresque. La galerie est sur un terrain uni et sans pierres. Au N., à quelque distance, il y a un rocher qui a pu fournir les pierres des deux lignes de jambages qui sont de quartz grenu. Pour celles du toit, qui sont de granite, de la côte N. de la Hague, on ne peut douter qu’elles n’en aient été apportées soit par eau, soit par terre.

Un semblable transport que je n’ai observé à l’égard d’aucun autre monument druidique du département, annonce bien que cette galerie était un monument religieux. Quel autre motif que la superstition, a pu engager les Gaulois à aller chercher au loin et avec tant de peine, des pierres pour ce monument, tandis qu’un rocher voisin leur offrait sous la main des matériaux prêts à être employés ? Les pierres du toit ne sont ni taillées, ni polies : d’ailleurs, un motif religieux ne permettait pas de tailler les pierres érigées, qui devaient être toutes brutes. Aussi, presque toutes les pierres druidiques ne présentent aucune trace du ciseau, ni même du marteau.

La galerie de Vauville se nomme les roches pouquelas ou les pierres-pouquelées, c’est-à-dire, des pierres qu’on adore, devant lesquelles on se prosterne, suivant l’étymologie celtique donnée par M. De Gerville. Un monument druidique de l’île de Jersey a le même nom. La tradition porte que cette galerie a été faite par les fées, qui en ont apporté les pierres sur leur tête. Un vieillard me dit aussi avoir ouï raconter, qu’on allait autrefois faire ses prières près de ces rochers.

Cette galerie est orientée à peu près du N. au S. (et exactement du N. N. 0. au S. S. E.). Sa longueur actuelle, dit M. De Gerville, est d’environ 40 pieds ; mais il paraît certain qu’elle se prolongeait au-delà vers le midi. Sa largeur intérieure est de 3 pieds 1/2 et sa hauteur aussi intérieure d’environ 4 pieds. Son extrémité N. est fermée par une grosse roche de quartz grenu, ayant une figure cubique, et mise en travers, tandis que l’autre est ouverte.

Les deux rangs de jambages ont beaucoup souffert : presque la moitié ont disparu. Une partie de ceux qui restent ont été poussés du haut, soit en dedans, soit en dehors de la galerie. On y compte encore une vingtaine de jambages, plus ou moins gros.

Les pierres plates et allongées du toit, ne se trouvent plus qu’au nombre de 6 ou 7 ; leur longueur varie de 5 à 7 pieds 1/2. Elles ne sont plus en place, excepté une seule, posée au bout S., et qui est encore bien de niveau. Au-dessus de cette grande pierre qui est arrondie, on voit une espèce de fossette circulaire. Une autre à moitié renversée, placée vers le bout N., présente aussi à sa surface supérieure et arrondie, une fossette alongée, peut-être faite de main d’homme. Enfin, une grande roche en granite, aplatie, placée sur la terre, dont une partie a été éclatée, mais qui parait avoir eu une figure ovale, se remarque proche un des rangs de jambages ; le dessus en est fort uni et de niveau. Cette pierre serait-elle de la nature des tables, ou bien aurait-elle été jetée de dessus la galerie ?

A environ 30 mètres au S. de ce monument, on voit 2 roches de quartz et une en granite, à moitié enterrées ; un tronçon semi-cylindrique d’un bout de colonne en granite, se trouve encore en ce lieu.

Galerie ou avenue de Tourlaville
Elle est érigée au milieu d’une lande et au haut d’une montagne, qui domine la rade de Cherbourg et la riche vallée de Tourlaville, et à peu près à 1/4 de lieue au levant du château. Elle est peu considérable et très ruinée. On la nomme la pierre-écouplée, les roches-écouplées ou de Saint-Gabriel, nom d’une ferme voisine. Aux environs, il n’y a point de pierres, et le terrain est droit. Les pierres de ce monument, qui sont de grès quartzeux, sont peu volumineuses et brutes. Sa direction est de l’E. à l’O. Il est ouvert par les deux extrémités, et sa longueur est de 40 pieds ; mais il pouvait se prolonger vers l’E. Sa largeur intérieure, à ses deux extrémités, est de 4 pieds, et sa hauteur aussi intérieure est de 3 pieds, hauteur des jambages les plus élevés.

Il n’existe plus que 3 des pierres plates du toit, qui ont 5 à 6 pieds de longueur, dont 2 sont à terre à moitié soulevées, tandis que l’autre est à moitié enterrée à quelques mètres de l’avenue. Les autres pierres qui formaient la couverture ont disparu, ou bien elles ont été enfouies.

On ne compte plus qu’une quinzaine de jambages, presque tous en place. La rangée de ces jambages qui est au N., est bien droite et presque entière, et ils sont un peu inclinés vers l’intérieur de la galerie, comme pour mieux soutenir les tables du toit. Aux extrémités de cette avenue, on voit 3 autres jambages bien en place, appartenant à une rangée du midi, et écartés de 4 pieds de la rangée du N. ; mais ce qu’il y a de singulier, c’est que la ligné, aux extrémités de laquelle on voit ces 3 jambages, n’est point remplie dans son milieu par d’autres jambages, et qu’on ne voit même aucunes traces qui indiquent qu’ils aient été arrachés : néanmoins, ils ont pu l’avoir été sans qu’il en soit resté de traces. Une autre particularité se remarque encore à ce singulier monument : une 3e rangée parallèle de jambages, composée seulement de 4 pierres placées bien en ligne droite, se voit au S. des 2 rangées précédentes, mais par opposition à la rangée du milieu. Ses extrémités ne sont point garnies de pierres, de façon que les 2 lignes incomplètes de jambages, qui sont au S., paraissent au premier coup d’œil ne faire qu’une seule rangée de pierres, en forme d’arc, et écartée de la rangée du N. de 4 pieds par ses 2 extrémités, et de 8 pieds à son milieu.

Comme ce monument est très-ruiné, il n’est pas aisé de deviner sa forme primitive. Je présume qu’il était composé de 3 rangées bien droites et bien parallèles de jambages ; que les 2 rangées du N. supportaient des pierres plates, et que la 3e rangée au S., ne supportait point de pierres, mais formait avec la rangée du milieu, alors complète, un chemin découvert, une simple avenue.

De la hauteur où est érigé ce monument, on a une fort belle vue sur la rade de Cherbourg et son port militaire, sur la montagne du Roule et la plaine de Tourlaville.

Galerie couverte de Bretteville-en-Saire
M. de Gerville dit que sa longueur est au moins de 50 pieds, et presque toutes les tables du toit et beaucoup de jambages ont été renversés. Je ne puis décrire ce monument que je n’ai pas encore visité.

NDLR : description de cette allée couverte extraite de Wikimanche :
L’allée couverte de Bretteville-en-Saire est un monument mégalithique de la Manche, situé à Bretteville-en-Saire.
C’est « la plus complète "allée couverte" du département ». Si le terme « allée couverte » est communément admis pour le dénommer, ce monument est plus vraisemblablement une ancienne sépulture, même si aucun ossement n’y a été découvert.
Le monument est classé Monument historique (MH) depuis 1862.
Le monument est situé au hameau de la Roche, en bordure de la route départementale 320, au lieu-dit Le Champ-du-Clos-es-Pierres.
Le monument fait un mètre de haut et mesure 16 mètres de long. La largeur interne est d’un peu moins d’un mètre. Son sol est dallé. Un tumulus pourrait l’avoir recouvert, à l’origine. Les sept pierres qui le recouvrent mesurent entre 1,80 m et 2,80 m de long et leur épaisseur se situe entre 40 cm et 60 cm. Chacune d’elles pèse plusieurs tonnes. On ignore encore aujourd’hui par quels moyens elles ont pu être mises en place.
Il est décrit pour la première fois en 1833 par Louis Ragonde. Un premier plan est établi en 1847 par Pontaumont. Un autre plan est réalisé en 1970. Des fouilles sont réalisées de 1969 à 1972 par une équipe archéologique dirigée par Raoul Lemière. Des vases et des silex ont été trouvés à cette occasion, aujourd’hui exposés au Muséum d’ethnographie, d’histoire naturelle et d’archéologie de Cherbourg.
Resté longtemps non protégé, le monument a subi d’importantes dégradations.

Sommaire

Monnaies, armes et instrumens en bronze, attribués aux Gaulois et trouvés, depuis un demi-siècle, dans le département

M. De Gerville a publié, il y a quelques années, un Mémoire sur ce sujet : j’en extrairai quelques indications sommaires.

Vers 1788, un habitant de Tourlaville trouva environ 2 litres de monnaies, presque toutes en bronze avec un léger mélange d’argent. Quelques-unes seulement étaient d’argent mêlé d’alliage et uniformes.

Peu de temps auparavant, une découverte semblable avait été faite à Canville ; toutes les pièces, qui étaient fort nombreuses, se ressemblaient entr’elles. Dans ces trouvailles, il y avait 2 pièces en or très-pâle. Des découvertes analogues ont été faites dans presque tous les arrondissemens de la Manche. Il est vraisemblable que ces monnaies appartiennent à des peuples peu civilisés, probablement aux Gaulois.

Des instrumens en bronze, qu’on désigne ordinairement sous le nom de coins ou haches, se trouvent en grande quantité dans le département. On en a trouvé à Fermanville en 1824, dans l’île d’Aurigny, à Méautis, à Marigny, à Nay en 1806, à Gavray en 1807, à Hambie, à Belval en 1818, à Quettreville en 1803, à Chalandrey en 1820, à Tirepied, à Yvetot, à Tamerville, à Bricquebec, à Barneville. Mais l’arrondissement de Cherbourg est le plus riche en coins de bronze : ils abondent surtout dans les communes de Tourlaville, Bretteville, Gonneville, Maupertuis, Carneville, Fermanville, Théville et St-Pierre-Eglise qui sont aussi les communes où les monumens druidiques sont le plus nombreux.

On trouve fort souvent de ces coins de bronze dans le bois de Fermanville et sous les roches de granite dont il est couvert ; il en est de même de Carneville, dont le nom, ainsi que celui de Carnac, signifie assemblage de pierres. On en a trouvé une grande quantité près de la longue-pierre de Carneville. A Néville, on en a découvert une quarantaine sous une grosse pierre. Un grand nombre d’autres ont été trouvés à Théville et à Gonneville. A Tourlaville, on en a découvert sur la ferme de Bagatelle plus de 30 litres, et d’autres ont été aussi découverts près la pierre butée détruite de cette commune. Dans la contrée de la Hague, on en a trouvé à Gréville : plus d’une centaine ont été découverts dans un vase de terre cuite, semblable à une cruche, à Sainte-Croix-Hague.

En 1821, on a découvert, à Anneville-en-Saire, dans un champ, plusieurs objets en bronze, dont un coin et plusieurs autres morceaux qui avaient des formes singulières. On trouva aussi une cuiller de fer oxidée, contenant un culot de bronze qui avait été mis en fusion, du charbon et de la cendre. Cela indique une petite fonderie d’instrumens en bronze.

En 1828, en faisant une clôture dans la lande de Cartot, à Lessay, on trouva, un pied et demi au-dessous du sol, une petite chambre voûtée comme un four, construite de glaise compacte, ayant à peine 45 centimètres de largeur et de hauteur. Ce petit four contenait des cendres noirâtres sur lesquelles était placé un vase mince en airain, qui contenait près de 50 objets, dont au moins les 3/4 parurent nouveaux à M. De Gerville qui en fit l’acquisition. Tous les instrumens étaient à peu près entiers, excepté les épées qui étaient rompues. Il y avait dans ce dépôt 5 épées plates, des piques, des javelots, etc. ; des bracelets, des anneaux, des pendans-d’oreille, des boutons, etc. Pour les autres objets, M. De Gerville dit qu’il en ignore l’usage. Enfin 4 à 5 livres de métal étaient en lingots. Ce métal, ainsi que les instrumens ci-dessus, est un alliage de cuivre et d’étain.

La découverte de ces deux petites fonderies est certainement une chose très-rare ; mais celle d’un moule à coins, de bronze, n’avait peut-être jamais été signalée. Ce fut dans l’été de 1827, que le moule, peut-être unique en son espèce, fut trouvé à Bricquebec, dans un coin de la forêt usagère et sous de grosses pierres, par un ouvrier, surnommé Le Tigre, qui s’occupait à défricher ce coin de bois, et qui s’empressa d’aller le vendre à un chaudronnier de Valognes, pour 7 francs, à raison d’un franc la livre. Ce chaudronnier le céda à un fondeur en cuivre de Cherbourg, qui l’aurait fondu, si, par un heureux hasard, M. Floxel Duchevreuil, docteur-médecin, ne l’eût acheté dans le mois de juin 1827. Ce morceau précieux d’antiquité fut déposé dans le beau cabinet d’antiquités de feu M. Duchevreuil. Ce moule a été ensuite acheté avec le cabinet par la ville de Cherbourg. Il est d’une conservation parfaite, en bronze très-pur, et couvert d’une belle patina.

Un autre moule fut encore trouvé en cet endroit ; mais il avait tant souffert de l’oxide, que l’ouvrier le cassa et le perdit. Le fondeur en cuivre ayant donné des indications inexactes, on a dit que le moule avait été trouvé à Théville, puis que c’était à Quettetot. Le lieu où il a été déterré est situé sur la pente occidentale de la petite montagne des Grosses-Roches, et à 300 mètres au couchant de la galerie couverte de Câtillon. Cette importante découverte semble indiquer que cette montagne, en quelque sorte toute druidique, recèle des instrumens en bronze à l’usage des Gaulois ; car sans doute il y avait là une fonderie de coins de bronze, etc.

Les instrumens en bronze qu’on attribue aux Gaulois et qui se rencontrent surtout en Normandie, en Bretagne et en Angleterre, ont la plupart des formes singulières, et aucun antiquaire n’a encore pu expliquer l’usage de ces instrumens, qu’on trouve presque toujours dans le voisinage des pierres druidiques. Cette circonstance ne semblerait-elle pas indiquer que ces haches et ces coins à doubles tranchans, etc, qu’on ne peut emmancher solidement et qui ne coupaient point, étaient à l’usage des druides ? Peut-être que c’était des espèces de talismans, d’amulettes, ou d’autres objets de superstition.

                       Pierre Le Fillastre, de Bricquebec.

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Notes

[1] Source : Annuaire du Département de la Manche (1833), Volume 5, pages 220 à 263

[2] NDLR : l’arrondissement de Valognes est une ancienne subdivision administrative française du département de la Manche créée le 17 février 1800 et supprimée le 10 septembre 1926.