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Vingt et un résistants de la Manche ont été fusillés à Saint-Lô

Archives d’André Defrance


  • Louis Lelaidier, (9 mai 1942), ouvrier agricole [1]
  • Armand Voisin, (2 juin 1942), ouvrier [2]
  • Charles Villard, (2 juin 1942), ouvrier
  • Léon Theil, (1er octobre 1942), employé SNCF [3]
  • Pierre Vastel, (1er octobre 1942), employé communal [4]
  • Félix Bouffay, (1er octobre 1942), employé SNCF [5]
  • Maurice Lemaire (père), (1er octobre 1942)
  • Alexandre Avoyne, (1er octobre 1942), employé SNCF [6]
  • André Leclerc, (1er octobre 1942), ouvrier
  • Fernand Charpentier, (1er octobre 1942), employé SNCF [7]
  • Raymond Potier, (1er octobre 1942) [8]
  • Yves Dubosq, (1er octobre 1942), employé SNCF
  • Gustave Jurczyszyn, (24 novembre 1942) [9]
  • Maurice Lemaire (fils), (24 novembre 1942)
  • Lucien Delacour, (24 novembre 1942), ouvrier
  • Maurice Truffaut, (31 décembre 1942), ouvrier
  • Roger Anne, (31 décembre 1942), ouvrier [10]
  • Victor Lévêque, 3 janvier 1943), ouvrier [11]
  • Marius Chabert, (27 août 1943), employé
  • Paul Colléate, (20 septembre 1943)
  • Jean Turmeau, (11 mai 1944), étudiant

Notes

[1] Ouvrier agricole à La Glacerie, où ses parents sont installés, il est arrêté pour avoir coupé des câbles téléphoniques allemands. Transféré à Saint-Lô, il est fusillé pour l’exemple au Polygone le 9 mai 1942.
Une rue de La Glacerie honore sa mémoire.

[2] Armand Voisin habite Cherbourg, rue Emmanuel Liais. Il entre dans la lutte clandestine dès décembre 1940, époque à laquelle il prend contact avec André Defrance. Patriote actif, il recrute et forme des groupes de partisans, propage des directives ; en outre, il répartit et diffuse des publications diverses appelant les Français à s’unir et à se battre contre l’occupant, tant au camp d’aviation de Gonneville-Maupertus où il travaille que dans l’agglomération cherbourgeoise. Au mois de mai 1941, il est l’un des animateurs de la grève déclenchée par les patriotes au camp de Gonneville.

En décembre 1941, il intègre les FTPF, formation de combat du Front national. Possesseur d’armes et d’explosifs, il est chargé avec son groupe, dirigé par Émile Pinel, de la destruction d’un pont de chemin de fer dans la vallée de Quincampoix (La Glacerie). Cette mission ne peut être menée à bien car il est dénoncé à la Gestapo, ainsi que son camarade Charles Villard, par un traître mis au courant du projet (Marcel Roger dit « Maheux », fusillé après la Libération).

Arrêté le 1er juin 1942, Armand Voisin est condamné à mort par la cour martiale allemande de Saint-Lô ; il est fusillé en même temps que Charles Villard.

[3] Léon Theil est chef de canton à la SNCF, il habite Trelly, passage à niveau n° 48. Il adhère au Front national, dès les premiers jours de la formation de ce mouvement de Résistance.

Léon Theil anime des groupes de patriotes, surtout parmi les cheminots. Son domicile est transformé en dépôt de matériel, il reçoit et diffuse des publications patriotiques, communique les instructions émanant de son organisme de Résistance. Son courage et son activité le déterminent à entrer par la suite dans les formations militaires des Francs-tireurs et partisans français (FTPF).

Il fournit des indications sur l’horaire des trains de marchandises circulant pour l’armée d’occupation ; ses conseils, ainsi que ceux de ses camarades qui seront fusillés en même temps que lui, sont très précieux pour procéder à la coupure de voies ferrées devant des convois ennemis. Des patriotes s’assemblent pour des réunions clandestines dans la maisonnette du PN 48 dont son épouse, Ida, a la garde.

En outre, Léon Theil et Ida, offrent gîte et couvert aux militants illégaux qui organisent la Résistance dans le département, notamment des FTPF. Ainsi, André Defrance, alors qu’il est activement recherché par la Gestapo, se rend fréquemment au domicile des époux Theil.

Léon Theil est arrêté en juillet 1942. Condamné à mort par la cour martiale allemande de Saint-Lô, il meurt héroïquement le 1er octobre 1942, sans avoir livré aucun des importants secrets qu’il détient, malgré les tortures subies.

Condamnée aux travaux forcés, Ida Theil sera déportée en Allemagne.

[4] Il habite Équeurdreville, au lieu-dit le « Tôt-Neuf », et est employé communal, gardien du cimetière.

En juin 1940, il entre en contact avec Henri Corbin, responsable du Parti communiste, et participe à la constitution de petits groupes de patriotes affiliés à cette organisation clandestine. Une part de l’activité de Pierre Vastel est consacrée à l’impression et à la diffusion d’écrits patriotiques et antinazis ; Juliette Defrance procure la ronéo. Il cache des armes et le matériel d’imprimerie dans un caveau du cimetière. Il assure aussi l’hébergement de militants illégaux, notamment Louis Canton, dit « Henri », Roger Bastion dit « Louis », Alfred Bizet dit « Albert ».

Vers juillet 1941, il met en place un comité du Front national, large mouvement initié dans la Manche par André Defrance, et qui regroupe des partisans venus d’horizons politiques divers.

À la fin de 1941, Pierre Vastel intègre les FTP, formation de combat du Front national. Ses qualités de courage et de dévouement le désignent comme chef de section avec le grade de sous-lieutenant. En juin 1942, il participe à l’incendie de matériaux appartenant à l’armée d’occupation, entreposés à l’entreprise Grouard à Cherbourg, ainsi qu’à la destruction d’autres stocks allemands près de la cité Chantereyne.

Il est arrêté le 14 août 1942 et fusillé par les nazis à Saint-Lô.

[5] Félix Bouffay (1894-1942), Léontine Bouffay née Groult et Félix-Adrien Bouffay (fils) (1926) appartiennent à une même famille de résistants de la Manche.

Félix Bouffay, est né à Bellengreville (Calvados) le 11 juillet 1894 et mort à Saint-Lô le 1er octobre 1942, fusillé par les nazis.

Félix Bouffay est chef de canton à la gare de Coutances et domicilié dans cette ville, rue Geoffroy de Montbray. Au début de 1941, il reconstitue une cellule Parti communiste clandestin à Coutances suite à l’appel lancé dans la Manche par André Defrance. Aidé de sa femme Léontine, il organise des mouvements de protestation contre les difficultés d’approvisionnement en aliments, diffuse des écrits patriotiques. Il adhère au mouvement de Résistance Front national, dès le début de sa création. Résistant actif, il crée un groupe de FTP constitué de cheminots de la région de Coutances, comme Fernand Charpentier, Pierre Tirel, Yves Dubosq, Joseph Scelles, Léon Theil, Stéphane Contesse, Philibert Daireaux… Sa qualité de chef de canton lui permet de fournir des renseignements précieux sur les points névralgiques du réseau ferroviaire, il travaille en liaison avec son camarade Marius Sire, dit « Kléber », responsable du groupe SNCF de Caen (Calvados), dans le cadre d’un plan de sabotages systématiques et de déraillements de trains. Avec les FTP de son groupe, il arrose de pétrole et d’essence des marchandises et denrées destinées à l’armée d’occupation, transportées par wagons. Le 25 juin 1942, il participe à la destruction sur la « Croûte » à Coutances de plusieurs hangars contenant du matériel et des véhicules allemands.

Il est arrêté le 6 juillet 1942 par des policiers français, interrogé, puis livré à la Gestapo. Jugé par le tribunal militaire allemand de Saint-Lô, il est condamné à mort et fusillé.

Après la mort de Félix Bouffay, son épouse continue d’assurer les liaisons avec les Francs-Tireurs et Partisans Français et de recevoir chez elle les militants illégaux. Comme du vivant de son mari, elle offre asile et aide matérielle aux patriotes, contribuant ainsi, efficacement, à la lutte entreprise contre l’occupant.

Leur fils, Félix-Adrien, né le 22 avril 1926 à Saint-Planchers, participe lui aussi à la Résistance. Dès le début de 1942, il aide son père à distribuer des publications patriotiques et à transporter du matériel destiné aux FTPF, chez Alexandre Avoyne de Trelly. En outre, il détériore du ciment destiné à la construction de blockhaus. Il est arrêté au mois de janvier 1943, après déraillement d’un train de troupes allemandes entre Folligny et Vire (Calvados).

En septembre 1944, il s’engage pour une durée de trois ans dans l’armée française.

[6] voir Alexandre Avoyne

[7] Fernand Charpentier, né à Meslay-du-Maine (Mayenne) le 6 décembre 1913, fusillé à Saint-Lô le 1er octobre 1942, est un résistant de la Manche.

Ouvrier SNCF à Coutances, il est engagé au début de l’année 1942 par Félix Bouffay qui constitue un groupe Front National à Coutances.

Il est nommé à la tête d’un groupe comptant deux résistants. Ce cloisonnement à trois résistants ne se connaissant qu’entre eux, évite ainsi le risque de rafles massives. Ses deux autres compatriotes sont Louis Barbey et Joseph Scelles. En leur compagnie, il distribue des tracts.

Le 25 juin 1942, avec son collègue Pierre Tirel, il incendie des baraquements allemands à Coutances.

Au mois de juillet 1942, une terrible rafle s’abat sur le Front national. Tous les résistants du groupe de Coutances sont arrêtés. Fernand Charpentier est appréhendé par la police française le 8 juillet 1942 et remis aux Allemands. Traduit avec ses camarades devant le tribunal militaire de la Feldkommandantur de Saint-Lô entre le 15 et le 18 septembre 1942, il est condamné à mort avec douze autres résistants. Il est fusillé à Saint-Lô le 1er octobre 1942 en compagnie d’Alexandre Avoyne, de Maurice-Joseph Lemaire, de Félix Bouffay, d’Yves Dubosq, de Raymond Potier et de Léon Theil.

[8] Raymond Potier, né le 17 août 1914, fusillé à Saint-Lô le 1er octobre 1942, est un résistant de la Manche.

Raymond Potier habite Équeurdreville, militant du Parti communiste, il adhère en 1941 au mouvement de Résistance Front national. Il assiste aux réunions clandestines, qui se tiennent souvent au domicile de Pierre Vastel ou chez Marie Lesage, recrute des partisans et assure la diffusion de tracts, journaux et toutes autres publications patriotiques. Désireux de se battre d’une façon plus complète, Raymond Potier intègre le groupe des Francs-tireurs et partisans français, « Valmy », de Cherbourg, qui mène diverses actions de sabotage sur des entrepôts allemands.

Il est arrêté le 8 juillet 1942 lors d’une vaste opération de police, organisée, entre autres, par le policier français pro-allemand Laniez. Condamné à mort par le tribunal militaire allemand de Saint-Lô, il est fusillé le 1er octobre 1942.

[9] Gustave Jurczyszyn, né à Gatteville le 15 janvier 1918 et fusillé à Saint-Lô le 24 novembre 1942, est un résistant de la Manche.

Fils d’un émigré polonais naturalisé en 1925, il habite Cherbourg ; il est marié et père d’un enfant âgé de quelques mois.

« L’Affaire Jurczyszyn » est un terrible exemple, et pas le seul dans la Manche, de la collaboration des autorités de Vichy avec l’occupant nazi dans la répression de la Résistance.

Gustave Jurczyszyn exerce des responsabilités dans un groupe du Front National (Résistance) qui a notamment à son actif des incendies d’entrepôts de matériel allemand à Cherbourg et à Coutances. Déjà fiché aux Renseignements généraux pour avoir appartenu aux Jeunesses communistes il est soupçonné de propagande anti-allemande. Peu aguerri et sous-estimant la dangerosité de la police française, il est arrêté le 3 juillet 1942 par des policiers de Cherbourg, à la suite de la découverte dans un garage d’un dépôt d’explosifs. Après vingt heures d’interrogatoires et de sévices menés par le commissaire Ponceau et ses hommes au commissariat du 1er arrondissement de Cherbourg (place Divette), Gustave Jurczyszyn finit par craquer, et donne des renseignements qui aboutissent à une vaste rafle contre le groupe (constitué principalement d’ouvriers et de cheminots de la région de Cherbourg et de Coutances).

Les nombreuses arrestations, effectuées au début par les policiers français, les commissaires Ponceau, Dargent, Laniez et son chef Decarreaux (de la Brigade spéciale de Rouen), se poursuivent en collaboration avec les Allemands, jusqu’en novembre 1942. Livrés à la Gestapo, ces résistants sont jugés par la cour martiale allemande de Saint-Lô ; beaucoup sont condamnés à mort et fusillés : Gustave Jurczyszyn, Maurice Lemaire (père), Maurice Lemaire (fils), Alexandre Avoyne, Félix Bouffay, Fernand Charpentier, Léon Theil, Raymond Potier, Pierre Vastel, Lucien Delacour, Roger Anne, Maurice Truffaut, Victor Lévêque. D’autres mourront dans divers camps de concentration : Louis Barbey, Stéphane Contesse, Philibert Daireaux, Albert Delacour, Jean Houyvet, René Lorence, François Nicollet, Jean Michel, Pierre Tirel...

Le journal de la collaboration Cherbourg-Éclair du 11 novembre 1942, relatant ces événements, voit des « crimes » dans les actions de ces « terroristes communistes » qui « espéraient entraîner des Français dans une activité ouverte contre les troupes allemandes d’occupation et, en particulier, soutenir les Anglais en cas de débarquement ».

Dans sa dernière lettre adressée à sa femme, le 24 novembre 1942, Gustave Jurczyszyn avant d’être fusillé, écrit : « […] Les seuls mauvais traitements que j’ai subis sont venus de la police française, ce qui prouve que nous avons de tristes compatriotes. »

À la libération de la Normandie en juillet 1944, le triste commissaire Ponceau se mettra dans le camp des vainqueurs, à la disposition du général Legentilhomme, commandant alors la 3e région militaire. Promu commissaire divisionnaire de la DST à Rouen, Ponceau deviendra à ce titre, responsable de l’épuration, y compris de celle de la police, dans toute la Normandie ; c’est dire que ses anciens comparses seront peu inquiétés, comme Laniez, emprisonné un temps à Saint-Lô, mais vite amnistié. D’autres s’en tireront en prétendant qu’ils avaient aidé la Résistance. Les commissaires Dargent et Decarreaux et tous les policiers mis en cause après la Libération par les familles des victimes, en particulier par la famille Bouffay seront acquittés.

La famille de Gustave Jurczyszyn : Geneviève, son épouse, condamnée à cinq mois d’emprisonnement par la Feldkommandantur de Saint-Lô. Ses frères : Lucien, né en 1917, engagé volontaire, mécanicien d’aviation FFL ; Jean, né en 1919, prisonnier de guerre ; Pierre, élève-instituteur à l’École normale de Saint-Lô, maquisard en Côte d’Or, fusillé au Mont-Valérien ; sa soeur, âgée de onze ans à l’époque, qui confiera plus tard : « Cette époque ne m’a laissé que tristesse et amertume ».

[10] Roger Anne, né à Équeurdreville en 1924 et fusillé à Saint-Lô le 31 décembre 1942, est un résistant de la Manche, homologué FFI au titre des FTPF.

Né à Équeurdreville où ses parents tenaient un café, Roger Anne travaille comme apprenti-menuisier aux usines Amiot de Cherbourg.

Il milite au sein des Jeunesses communistes où il n’exerce, peut-être, aucune responsabilité particulière mais dont il a participé activement à la reconstitution clandestine, dès septembre 1940, aidé d’autres jeunes patriotes comme Jean Houyvet ou encore Jean Michel. En mai 1941, à la formation du Front national, il poursuit le combat sous l’égide de ce mouvement de Résistance ; puis, en décembre 1941, il entre dans les rangs des Francs-tireurs et partisans français. Il est arrêté le 15 octobre 1942 par la Gestapo soupçonné, à juste titre, d’avoir participé aux coups de main des FTPF du groupe « Valmy » de Cherbourg contre des matériels allemands et de mener d’autres activités clandestines liées à la Résistance (recrutement et formation de groupes de jeunes patriotes, diffusion d’écrits patriotiques)[2].

Condamné par le Tribunal militaire allemand de Saint-Lô pour « activité communiste, détention d’armes, d’engins explosifs, d’engins incendiaires et actes de sabotage », il est exécuté sans avoir avoué où se cachent les « inters » (agents de liaison du PCF) dont il connaît pourtant les lieux de repli.

La veille de son exécution, il adresse à sa mère une lettre très émouvante dans laquelle on pouvait notamment lire : « il ne faut pas pleurer. Chacun doit payer son tribut à la guerre et, puisque c’est la destinée, chacun doit attendre son heure avec courage et résignation. C’est la loi de la vie ».

Une rue de Cherbourg perpétue son souvenir.

[11] voir Victor Lévêque (1923-1943)