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Vire : quelques notes historiques et "archéologiques"


Texte de 1857 ; voir source en bas de page. [1] [2]


Vire, Viria, Castrum Viriae.

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’est au XIIe siècle que Vire et son château acquirent quelqu ’importance. « Dominant, dit M. d’Isigny, l’immense fourré auquel son territoire a dû le nom de Bocage, Vire, point central du Sud-Ouest de la province, offrit à ses possesseurs une position forte et d’autant plus importante qu’elle liait ou coupait au besoin le réseau presque circulaire des forteresses voisines. Son rapprochement à peu près égal des deux mers et de la frontière du Midi, le rendait en outre, sous la domination anglaise, une place de sûreté contre les entreprises des Bretons et des Anglais en même temps. Aussi Vire fut-il toujours regardé comme un point essentiel pour la conservation comme pour la conquête de la Basse-Normandie. »

On entre à Vire, en arrivant de Caen, par une belle rue régulièrement alignée (la rue du Calvados). On pénètre ensuite dans la ville, après avoir passé sous la porte du beffroi, dont une partie date de l’an 1480.

Anciennement trois autres portes principales donnaient accès à la ville ; elles étaient munies d’un appareil imposant de herses et de ponts-levis. D’épaisses murailles, dont il reste encore quelques vestiges, défendues aux angles par de grosses tours à mâchicoulis, formaient, derrière de larges et profonds fossés, une enceinte continue sur un développement de près de 700 mètres.

Des porches garnissaient encore plusieurs maisons il y a vingt ans ; il n’en reste plus aujourd’hui que deux ou trois.

L’église paroissiale de Notre-Dame fut d’abord une simple chapelle ; bâtie au commencement du XIIe siècle, sous le règne de Henri Ier, elle ne devint paroissiale qu’au XIIIe siècle (1272). Elle est assez vaste et de plusieurs époques.

Dans son ensemble, la nef présente tous les caractères du XIIIe siècle ; on remarque seulement sous l’orgue des parties qui peuvent dater du XIIe. Les bas-côtés de la nef paraissent aussi du XIIIe. Les chapelles attenantes sont du XVe.

Il convient d’assigner la même date au chœur, à l’abside et à une partie des bas-côtés qui l’entourent. Le transept méridional, avec le portail qui en fait partie, doit être du XIVe siècle ou de la fin du XIIIe.

On lit cette inscription sur une table de marbre au fond de la chaire :


CET OUVRAGE A ESTE FAICT
PAS LES SOINS
DE MAISTRE GUILLAUME
BOEVIN PRESTRE ANGEVINE
DE IEAN DE BANVILLE
ESCUYER SEIGNEUR DE LA LONDE
PATRON DE BRETEVILLE
MAISTRE DES REQUESTES
DE MONS. LE DUC DORLEANS
ONCLE DU ROY LIEUTENANT
GENERAL DU BAILLI DE CAEN
AU BALLIAGE DE VIRE, MAIRE
ET IUGE DUD. LIEU
ET DE IEAN BAPTISTE BROUARD
SIEUR DE LA MOTTE
TRÉSORIER EN LEGLISE
DE NOSTRE DAME DE VIRE

Henry Ier, roi d’Angleterre et duc de Normandie, donna, conjointement avec Richard, comte de Chester, l’église Notre-Dame de Vire aux moines de Troarn, avec une chapelle nouvellement construite hors les murs du château.

Ce fut en 1272 que l’église Notre-Dame fut dédiée, et c’est à des temps voisins de cette date qu’il faut attribuer les parties de l’église qui appartiennent au XIIIe. siècle.

Le chœur est moins ancien dans beaucoup de ses parties ; on y a travaillé de 1511 à 1533.

Un autel du XVe siècle, ou de la première moitié du XVIe, existe encore dans la chapelle de la Vierge.

La table est portée sur un massif triangulaire et s’appuie en avant sur deux colonnes, disposition dont nous avons trouvé, dès le XIIIe siècle, un exemple dans l’église de Norrey (voir la Statistique, T. 1er, p. 269).

L’église St.Thomas, qui n’était plus, avant la Révolution, qu’une annexe de Notre-Dame, était, à cette époque, regardée comme la plus ancienne de la ville, d’après divers manuscrits que j’ai en ma possession ; elle appartient, en effet, au style roman, et M. Bouet y a dessiné un chapiteau qui parait du XIIe siècle. Le chœur, en style ogival, avait autrefois des bas-côtés. Cette chapelle contenait quelques fragments de boiseries de la renaissance, avec lesquels on a reconstruit une chaire.

On y voit les tombeaux suivants :

Tombeau de Catherine Goisdier, fondatrice des écoles de Vire, décédée le 3 janvier 1748, agée de 80 ... R.I.P

...... Dumont fondateur de la messe dite après le prône, décédé le 10 novembre 1710

Tombeau de Quentin Joimel, bourgeois de Vire, décéda de la contagion le 20 sept. ....

Tombeau de Damoiselle Catherine Clouet, épouse de M. Jean Monlien, Sr de la Basinière ..., décédée le 18 avril 1699

Au bas de la nef se trouve le tombeau d’un architecte.

On voyait encore, il y a peu de temps, auprès de cette église un tombeau cruciforme qui porte l’inscription suivante :

Damoiselle Anne Halbovt, [3] femme du sieur de la Bassetiere, décédée de la peste le 28 septembre 1629

Cette inscription était accompagnée de deux écussons : l’un au chevron accompagné de 3 os ; l’autre, parti au premier du précédent, au deuxième d’un chevron accompagné de 3 molettes.

Ce tombeau vient d’être transporté à la chapelle St-Roch, reconstruite en 1843 un peu plus près de la ville que n’était l’ancienne.

L’église Sainte-Anne, dans la partie basse de la ville, est moderne, sauf quelques traces du XVIe ou du XVIIe siècle ; elle n’a pas d’intérêt architectonique. Sur une table de marbre noir, on lit :

A la mémoire de l’abbé R.F. Bazin, premier curé de cette paroisse, chanoine hon. de Bayeux, né le 15 mai 1765, décédé le 1er mai 1846. Dieu nous avait donné en lui un pasteur selon son cœur.

On ne trouve pas l’église Ste Anne mentionnée dans le pouillé du diocèse de Bayeux, parce qu’elle dépendait du doyenné du Val de Vire qui, lui-même, faisait partie du diocèse de Coutances.

Il y avait autrefois, à Vire, trois couvents de femmes et deux d’hommes, savoir : les Cordeliers, établis en 1481 ; les Capucins, qui dataient de 1625 ; les Ursulines de 1631 ; les Bénédictines, de 1646.

Les bâtiments du couvent des Cordeliers furent achevés en 1491, et l’église fut consacrée, sous le titre de saint Michel, le 20 mai 1500, par Guillaume, évêque de Porphyre. Il est sorti de ce couvent plusieurs religieux distingués par leur érudition. En 1568, les Calvinistes firent mourir cinq religieux de cette maison et y firent de grands dommages. On lisait ce qui suit sur une poutre sculptée de l’église aujourd’hui démolie :


L’an mil cinq cent soixante-huit
Ce temple fut destruit ;
L’an suivant, que l’on dit,
Langevin me restaurit.

L’hôpital général, auquel on accède par la rue tendant à Vassy et à Condé-sur-Noireau, fut établi l’an 1683.

L’hôtel-Dieu, qui avait été fondé vers le milieu du XIIe siècle, fut occupé, en 1661, par des religieuses hospitalières.

Château

La jolie place située près de l’église Notre-Dame occupe l’étendue de l’ancien château.

Ce château, reconstruit au XIIe siècle par Henri 1er et situé sur une presqu’île rocheuse, comme ceux de Falaise et de Domfront, était inaccessible de tous côtés, excepté de celui qui regarde la Tille et par où le cap s’attache aux plateaux voisins. Mais un fossé profond et d’épaisses murailles, fortifiées par des tours, en défendaient l’approche. Deux de ces tours, qui flanquaient la porte d’entrée, avaient plus de 60 pieds de hauteur. On entrait d’abord dans une première enceinte où se trouvaient des logements et des écuries ; plus loin était un second fossé avec un pont-levis, pour entrer dans la seconde enceinte, qui était garnie de bons murs avec trois tours. Il y avait entre les deux autres tours une chapelle dédiée à saint Blaise. À l’extrémité opposée et sur la pointe du rocher se trouvait le donjon, dans lequel on entrait par plusieurs degrés.

La plupart des fortifications ont été démolies en 1630, par les ordres de Richelieu.

Ce fut à la même époque que le donjon fut démantelé ; il était divisé en quatre étages. Au rez-de-chaussée se trouvait un escalier maintenant complètement détruit, qui accédait au premier étage et à une galerie pratiquée dans l’épaisseur du mur, d’où partaient sans doute des escaliers tournants, donnant accès aux deux étages supérieurs. On remarque dans la partie des murailles qui répond au premier étage une vaste cheminée, près de laquelle était une fenêtre qui a été élargie long-temps après la fondation de la tour.

Au troisième étage sont deux fenêtres ; le quatrième étage n’offre que des ouvertures étroites.

Les murs de ce dernier étage étaient beaucoup moins épais que les autres, de sorte qu’on avait pu ménager à l’extérieur de la tour et à un niveau correspondant au plancher, un trottoir. Ce trottoir est encore garni de consoles ou de longs modillons saillants, qui ont probablement supporté un mur en encorbellement, de manière qu’il restait entre chacun d’eux une ouverture pour laisser tomber des pierres ou autres corps pesants sur ceux qui auraient tenté d’assaillir la tour. On trouve dans l’atlas de mon Cours d’antiquités monumentales une vue des ruines du donjon telles qu’elles existent aujourd’hui.

M. d’Isigny a, dans un mémoire remarquable sur le château de Vire, indiqué les principaux faits de l’histoire militaire de cette ville, depuis le XIIe siècle. Durant les guerres de religion, la ville fut exposée aux ravages des Calvinistes. Elle fut prise et reprise plusieurs fois. Montgommery s’en empara dès le commencement des troubles, en 1562 ; il pilla et enleva le trésor de l’église. Le duc d’Estampes la reprit sur Montgommery, et Montgommery s’en empara une seconde fois en 1563. La ville fut encore prise et pillée, pour la troisième fois, par Montgommery, en 1568.

Vire prit part aux troubles de 1639, qui agitèrent presque toutes les villes de Normandie, au sujet des va-nu-pieds.

Elle était menacée du pillage par l’armée du roi, sous les ordres de Gassion, qui venait pour punir ses habitants ; mais elle en fut préservée par la prudence et la sage conduite de Philibert-le-Hardi, avocat du roi.

En 1759, un incendie réduisit en cendres une partie des faubourgs de Vire.

Nous avions beaucoup de notes sur Vire, mais nous passons rapidement sur l’histoire des villes, qui nous entraînerait trop loin et hors des bornes que nous impose notre titre : Statistique monumentale.

D’ailleurs M. Le Marchand, M. le docteur Mury et plusieurs honorables habitants de Vire, ont réuni de nombreux documents sur l’histoire de leur ville natale, et nous espérons qu’ils publieront le résultat de leurs recherches.

Notes

[1] Source : Statistique monumentale du Calvados, 1857, par Arcisse Caumont (pages 94 à 104)

[2] Quelques passages de la source n’ont pas été reproduits dans cet article

[3] NDLR : Halbout ?