Le50enligneBIS

Valognes : vicomté et vicomtés ....


Valognes était, avant la Révolution, le siège d'un grand nombre de juridictions

 [1]

Administration civile

• Une « vicomté ». Avant l’organisation des généralités, le subordonné du Grand Bailli en matière purement administrative était le vicomte, sorte de sous-préfet. Comme il va être dit, il avait aussi un tribunal judiciaire à côté du bailliage. Vicomté et bailliage venaient d’être réunis lors de la Révolution.

  • Anciens vicomtes de Valognes dont les noms nous sont parvenus :

Robert d’Aubergenville, 1269.
Pierre de Bailleus, 1283.
Robert Blondel, 1390 et 1403.
Jehan Morel, 1405.
Pierres de la Roque, 1414.
Guillaume Girot, 1426 (il avait été nommé vicomte de Cherbourg le 8 mai 1419).
Jehan Letessier, 1453.
Guillaume Osber, 1446 (mort en 1455).
Pierre Osber, v. 1470.
Michel Corbin, 1491.
Thomas Laguette, 1559 (vicomte et capitaine de Valognes).
Michel Corbin, 1566.
Noble homme Guillaume Vaultier porté, en 1583, sur le registre de la Confrérie du Saint-Sépulcre comme ayant été en son vivant vicomte de Valognes.
Pierre Basan, 1601, 1621 et 1627 ; duc de Beauvillers, comte de Saint-Aignan et vicomte de Valognes, octobre 1627
Guillaume Basan, 1641 et 1644.
Pierre Mangon du Houguet, 1662 (mort en 1705, ayant cessé de remplir ses fonctions de vicomte depuis plusieurs années).
Jacques Lamache, se dit vicomte de Valognes dans un acte de son ministère, en 1694.
Le feu sieur Guercy de Venoix, propriétaire à Quettehou, est qualifié d’ancien vicomte de Valognes dans un acte de 1765.

• Une « élection », circonscription d’abord purement fiscale, adoptée comme administration à la création des généralités. A titre administratif elle comportait un subdélégué de l’intendant qui, pendant de longues années, fut, au XVIIIe siècle, Gisles René Le Fèvre, écuyer, sieur Deslondes, seigneur et patron de Virandeville et Baudretot. Cette organisation, parallèle à la vicomté, finit par l’absorber. Sous le nom de département de Valognes, elle fut, en 1787, comme les autres élections, dotée d’une commission administrative : un conseil d’arrondissement. L’élection de Valognes, relevant de la Généralité de Caen, s’étendait sur cent soixante-seize paroisses. Comme rouage fiscal, elle était chargée de la répartition de l’impôt et du jugement des contestations qui s’y rattachaient. Elle comprenait un président, un lieutenant et des conseillers ; un receveur des tailles (impôts directs) et un receveur des aides (impôts indirects) étaient établis auprès de l’élection.

• Un « tribunal des traites », dont la compétence s’étendait sur les difficultés en matière de douanes et où siégeaient un juge et un procureur du Roi.

• Une « maîtrise des eaux et forêts » pour l’administration et la répression des délits, composée d’un maître particulier, d’un lieutenant, d’un procureur du Roi et d’un garde-marteau.

• Une « verderie » ou gruerie pour les délits forestiers moins graves, comprenant un bailli, verdier ou gruyer, un lieutenant, un avocat et un procureur fiscal. D’après un mémoire de 1666 (Archives de l’évêché de Coutances, liasse 110), cette verderie comprenait huit gardes ou cantons : la haye de Valognes, les bois de Montebourg, de Montbavent, de Hetememboscq, de Digoville, de Blanqueville, de Boutron et du Rabet.

• Il y avait en outre à Valognes les magistrats d’un bailliage et d’une vicomté s’étendant sur dix-huit paroisses dépendantes du duché d’Alençon, qui se trouvaient enclavées dans le Cotentin.

Administration judiciaire

• Un « bailliage » ou tribunal de la justice royale, qui était à peu près l’équivalent de notre tribunal de 1re instance, et s’étendait sur cent trente et une paroisses, pour les personnes, les terres nobles et les cas roturiers en appel. Le bailliage de Valognes comptait environ douze magistrats.

• Une « vicomté », autre juridiction royale, pour les personnes et les terres de roture. Nous la trouvons mentionnée dès l’année 1287 (T. des ch., reg. 74, n° 342). Peu de temps avant la Révolution, bailliage et vicomté se trouvèrent fusionnés sous le titre de bailliage-vicomté.

• Une « sénéchaussée » (noble homme Hervieu Poisson était sénéchal en 1633).

• Une « sergenterie », mentionnée en 1320 (ibid., reg. 59, n° 476).

• Des « juges des traites ».

• Une « vicairie », si dans le Dotalitium Judithoe, il faut lire : Vicaria quoe vocatur Valgenas, comme l’a conjecturé M. Stapleton (Rot. scac., I, LXXXI). « Cette multitude de tribunaux, dit Hesseln, entretenait à Vallogne un grand nombre d’avocats, de procureurs et de jeunes praticiens qui se formaient pour le Barreau ». La justice royale se reconnaissait au gibet qui devait se trouver au « carrefour des Pendus », près de la « lande du Gibet » actuelle, et au pilori dressé au milieu de la ville, près de l’église. Valognes était aussi la résidence d’une brigade de la « maréchaussée », commandée par un exempt. Il y avait également un lieutenant des maréchaux de France pour les villes de Valognes, Carentan et Saint-Sauveur-le-Vicomte.

Administration religieuse

Le doyenné de Valognes faisait partie de l’« Archidiaconé de Coutantin ». Il comprenait trente-huit paroisses. Le Livre noir (XIIIe siècle), et le Livre blanc (XIVe siècle) de l’évêché de Coutances nous font connaître les droits respectifs du Roi, patron de l’église de Valognes, de l’évêque de Coutances et du curé de Valognes, qui possédait un manoir presbytéral, un pré voisin du séminaire, le « Clos au Curé » près du Haut-Gallion, une « terre d’aumône » située à Alleaume, triage de la Croix Varin et un enclos important occupant tout l’espace compris entre la rue actuelle du Tribunal et l’ancienne voie conduisant du marché de Thurin (place dite le Pestil) à la place du Château, la place du Château et la rue de l’Officialité. Valognes était le siège d’une officialité, un des trois tribunaux ecclésiastiques du diocèse de Coutances, composé d’un juge nommé par l’évêque, d’un promoteur, sorte de ministère public, et d’un greffier. Le curé percevait seulement les oblations dans la chapelle du manoir de l’Official, qui devait être située à l’angle de la rue de Saint-Sauveur et de l’Officialité, n° 55.

Erection des Vicomtés nouvelles

 [2]

L’érection des vicomtés nouvelles a véritablement multiplié les juridictions royales ; & en ce sens on peut dire que les héritages sont situés en différentes Vicomtés, parce qu’ils sont soumis à la Juridiction de plusieurs Vicomtes......
.....Mais on ne peut pas dire qu’il y ait disparité entre les deux cas. L’ancien Vicomte n’est pas plus Juge de ressort à l’égard des Hauts-Justiciers, qu’à l’égard des Vicomtes de nouvelle création ; ainsi il n’est pas nécessaire que l’ancien Vicomte ait partie des héritages sous sa Jurisdiction, comme il a été jugé pour les Hautes-Justices, par l’Arrêt de 1709 que nous avons cité : il suffit que la totalité des héritages soient dans les anciennes limites de la Vicomté, n’importe qu’il y en ait ou non partie dans sa Jurisdiction, & que les Sièges de nouvelles Vicomtés ressortissent au Bailliage, parce que c’est le territoire & non le degré de Juridiction qui sert de règle.

Si donc l’ancien Vicomte est le seul Juge compétent du décret d’héritages situés en différentes Hautes-Justices de son district ; s’il est aussi le seul Juge compétent du décret d’héritages situés en différentes Vicomtés nouvelles démembrées de la sienne ; c’est aussi à lui à faire le décret d’héritages dont une partie est située dans une Haute-Justice de son district, & l’autre partie dans une Vicomté démembrée de la sienne. Ce qui a été jugé par un Arrêt du 31 Janvier 1744 dont voici l’espèce :

Un « exemple » à Valognes

L’ancienne Vicomté de Valognes a été divisée en quatre, par l’érection de trois nouvelles Vicomtés qui en ont été démembrées ; celle de Tollevast, à Cherbourg ; celle de Barfleur,& celle de Beaumont, à St Sauveur-le-Vicomte.

Tout le bien d’un débiteur étoit situé dans la Vicomté de Tollevast à Cherbourg, & dans la Haute-Justice de Briquebec : le créancier obtint des lettres de mixtion qui furent adressées au Vicomte de Valognes, parce que la Vicomté de Tollevast est un démembrement de celle de Valognes, & que la Haute-Justice de Briquebec est aussi située dans les enclaves de la Vicomté de Valognes. Il n’y avoit pas une vergée de terre de la Juridiction de l’ancien Vicomte de Valognes. Le créancier étoit déja fort avancé, lorsque le débiteur décrété s’avisa de relever des lettres en la Chancellerie, pour être reçu appellant de la saisie réelle & de tout ce qui avoit été fait en conséquence, & cet appel fut porté au Bailliage de Valognes, où il prétendit que les lettres de mixtion auroient dû être adressées, attendu que la Vicomté de Tollevast & la Haute-Justice de Briquebec y étoient ressortissantes.

Le créancier se défendit sur les prérogatives que le Vicomte de Valognes avoit, comme ancien Vicomte & comme Juge Royal ; que comme ancien Vicomte, il avoit droit de décréter les héritages situés dans la Vicomté de Tollevast, le Vicomte de Tollevast n’étant pas en état de le faire ; que comme Juge Royal, il étoit pareillement en droit de décréter les héritages situés dans l’étendue de sa Vicomté, quoique dépendants de la Haute-Justice de Briquebec, lorsque le Haut-Justicier n’étoit pas apte à en faire le décret ; & qu’ainsi il n’avoit pas été nécessaire d’adresser les lettres de mixtion au Bailli, Juge supérieur, par interversion de l’ordre judiciaire de cette Province, & par obmission d’un degré de Juridiction ; que le terme ressort employé dans l’article 8 du Règlement de 1666, devoit s’entendre du territoire, & non du droit de Juridiction.

Le Bailli de Valognes, quoique le plus intéressé dans cette compétence, dit qu’il avoit été bien procédé aux diligences dudit décret, pour la continuation & perfection duquel il renvoya les Parties au Siège dont étoit appel ; le débiteur condamné aux dépens, comme suites du décret. Sur l’appel, l’appellation fut mise au néant.


Voir aussi : Les Mémoires de Pierre Mangon, Vte de Valognes, par M. Léopold Delisle