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La Révolution à Sauxemesnil

Emmanuel MONCUIT


La Révolution à Sauxemesnil

La Révolution à Sauxemesnil

Emmanuel Moncuit

 

 

L’étude de la Révolution française n’est pas une sinécure, non par faute d’archives, mais tant par ses complexités à tous niveaux, qui ont bouleversé les mentalités d’un pays bercé par le système monarchique pendant près de 10 siècles, 10 siècles de soumission et d’obéissance pour les plus démunis. Il aura fallu tout ce temps à nos ancêtres pour que la colère et la haine les poussent à dénoncer les injustices et les inégalités du Royaume.

En cette fin du XVIIIè siècle, la France est touchée par des problèmes financiers, les caisses du Royaume sont vides, et les idées philosophiques sur la liberté qui émanent de nos " lumières " plongent l’Etat dans une grave crise économique et politique. Louis XVI, ne sachant pas faire face à la situation avec sa Cour, démontre là toute son impuissance, mais aussi celle d’un régime; ce qui le mène à la convocation des Etats Généraux (voir doc 1).

Nous nous sommes efforcés, pour cette étude fastidieuse, de retrouver des archives et des documents relatifs à la Révolution à Sauxemesnil. Nous ne prétendons pas faire ni un procés ni une éloge à la Révolution mais nous espérons tout simplement, que cette étude, loin d’être complète, vous permettra de vous imaginer la vie d’une petite paroisse du Cotentin sous le fer révolutionnaire.

 

De l’ancien régime aux Etats Généraux.

La France apparaît avec ses 26 millions d’habitants, comme l’Etat le plus peuplé et le plus puissant d’Europe, malgré la grave crise qu’elle connaît en cette fin de siècle. En août 1788, le roi se résout à convoquer les Etats Généraux. Les derniers avaient eu lieu en 1614, soit 175 ans auparavant.

Tous les habitants du royaume sont invités à rédiger les fameux " cahiers de doléances " pour exprimer leurs revendications et leurs désirs. 450 cahiers environ, seront rédigés par les paroisses qui forment actuellement le département de la Manche. Environ 50 000, pour la France, seront présentés au roi.

Tous les cahiers de doléances dénoncent, sur un ton courtois, tous sans exception, les inégalités devant l’impôt. Celui de Sauxemesnil n’est pas unique en son genre et relève bien du climat de l’époque.

 

La vie sociale de la paroisse

 

D’après le dénombrement de 1793, on compte dans la commune de Sauxemesnil, nouvellement créée, 1294 habitants.

Sous l’ancien régime, le peuple se divise en trois catégories sociales, que l’on appelle les trois ordres : la Noblesse, le Clergé et le Tiers-Etat; les deux premiers, ne vivant pour l’essentiel qu’avec les droits qu’ils imposent au Tiers, sont considérés comme les privilégiés.

Le seigneur de Sauxemesnil, en 1789, est Pierre-François-Christophe Poisson, écuyer, fils de François et Jeanne Gigault né dans la paroisse en 1740. Les Poisson ont hérité de la seigneurie de Sauxemesnil de Jean-François Hervieu. Ce dernier décéda le 29 janvier 1736, ne laissant aucun descendant, et fut inhumé dans l’église paroissiale. Le château de Sauxemesnil est depuis resté propriété des descendants de Pierre-François-Christophe Poisson, en passant par mariages successifs à Etienne d’Aigremont, à Jean-Baptiste d’Espinose, à Maurice de Beausse et enfin aux Rouault de Coligny, actuels occupants.

Une autre branche des Hervieu possède, juste avant la Révolution, un autre fief dans la paroisse : celui de Clérette.

A la cure de Sauxemesnil, est nommé depuis 1787 en remplacement de l’abbé Pouret, monsieur Hervé Lepoittevin de Duranville. Très apprécié des paroissiens, il est issu d’une famille noble de Tamerville, dont une propriété en a conservé le nom "  Terre de Duranville ". Au début de la Révolution, beaucoup de prêtres résident à Sauxemesnil. A la fin de l’ancien régime, les cinq suivants figurent inscrits sur les cahiers paroissiaux, comme vicaires : les abbés Lepraël, Mouchel dit l’Abis, Valognes dit Deslongschamps, Lefèvre et Jeannet.

Les laboureurs, les journaliers, les fermiers, les potiers (voir article " Dynastie de potiers " dans le journal n°1), les bûcherons, etc, qui représentent le Tiers-Etat, vivent misérablement et sont accablés par les impôts. La paroisse compte, tout de même, 345 exploitants propiétaires pour seulement 14 fermiers.

 

Document 1 : Les préludes de la Révolution de 1789

 

1774 - Mort de Louis XV.

1775 - Les prix flambent. Guerre des farines.

1776 - Turgot remplace la " corvée " par une taxe additionnelle que les privilégiés doivent aussi acquiter. Turgot est alors disgrâcié. Clugny rétablit la corvée mais est remplacé par Necker.

1777 - Necker, contrôleur général des finances lance un emprunt de 600 millions de livres.

1778 - Mémoire secret de Necker au roi. Il conseille à Louis XVI de créer des assemblées régionales élues pour limiter les pouvoirs des parlementaires.

1780 - Le royaume compte 1 milliard de livres de dette.

1781 - Le Comte de Provence (frère de Louis XVI) communique ce mémoire aux parlementaires. Necker est renvoyé.

1783 - Calonne nommé au ministère des finances.

1783/84 - Hiver exceptionnellement rude (les semences sont gelées).

1785/86 - Scandale du " Collier de la Reine " estimé à 1.600.000 livres.

1786 - Sous l’impulsion de Calonne, une assemblée de notables remplace les parlementaires.

1787 - L’assemblée des notables réclame l’enregistrement des réformes de Calonne. Ce dernier est disgrâcié et le Parlement rejette la " subvention territoriale " qui impose les privilégiés et nobles. Emeutes à Paris, retour de Calonne. Louis XVI impose un nouvel emprunt de 420 millions de livres.

1788 - Création du parti des Nationaux, contre la distinction des 3 ordres (Talleyrand, Montesquieu, La Fayette, Dupont de Nemours). Le Parlement réclame le partage du pouvoir entre le Roi, le Parlement et les Etats Généraux. Devant la réaction de Louis XVI, on note de nombreuses émeutes dans diverses régions. Louis XVI annonce une réunion des Etats Généraux sans donner de date précise. Retour de Necker. Banqueroute de l’Etat.

1789 - Faible participation aux élections des représentants aux Etats Généraux.

Ouverture des Etats Généraux le 5 mai. 1139 députés élus (pour 615 bailliages et sénéchaussées) dont 291 pour le clergé (206 curés), 270 pour la noblesse et 578 pour le Tiers Etat (200 avocats).

17 juin : le Tiers Etat se proclame Assemblée Nationale.

20 juin : Serment du jeu de Paume.

9 juillet : l’Assemblée Nationale, rejointe par tous les députés, se proclame Assemblée Nationale Constituante.

Le Roi concentre sa troupe autour de Paris. Renvoi de Necker.

14 juillet : Prise de la Bastille (symbole de l’ancien régime et du pouvoir absolu).

Nombreuses émeutes dans les campagnes, beaucoup de châteaux sont pillés.

4 août : Abolition des privilèges.

 

Le cahier de doléances

 

Nous publions ci-dessous le cahier de doléances de Sauxemesnil, qui malheureusement a été détruit par les bombardements de 1944 aux archives départementales de St-Lô. Mais grâce au formidable travail d’Emile Bridrey, docteur en droit, les cahiers de doléances de la Manche, tous brûlés sauf un (celui de la paroisse de la Beslière, canton de La Haye Pesnel), avaient été imprimés en 1905. Grâce à lui, nous pouvons aujourd’hui vous présenter celui de Sauxemesnil.

Voici les revendications du Tiers-Etat de la paroisse de Sauxemesnil :

 

 

Procès-verbal d’assemblée et cahier de doléances réunis.

Date de l’assemblée : 8 mars (1789). Comparants (12) : Jean-Robert Tourainne, Jean-André Mouchel, Jean Valognes, Jean-Pierre Le Praëlle, François Jannet, Jean-Baptiste Mouchel, Jean Martin, Guillaume Touraine, Pierre Mouchel, Jean Le Busnetot, Martin Bertaux, Augustin Le Conte. Nombre de feux : 349. Publication : le 1er mars, par Duranville-Lepoittevin, curé. Députés : Jean-Robert Tourainne, Jean-André Mouchel, Jean-Pierre Lepraël, Jean-Baptiste Mouchel.

Suit le cahier, ainsi introduit :

 

... Tous lesquels habitants se sont d’abord occupés de la rédaction de leur cahier de doléances, plaintes et remontrances; et en effet y ayant vaqué, ils ont clos et arrêté le dit cahier, qui a été signé par ceux des habitants qui savent signer, lequel a été voté par première et dernière page, et paraphé au bas d’icelle.

 

A Messieurs les député du Tiers Etat aux Etats Généraux,

 

Supplient les habitants de la paroisse de Sauxemesnil, que leurs demandes suivantes soient adressées à sa Majesté :

 

1° Qu’ils ne refusent point de contribuer autant qu’il leur sera possible, au payement des dettes de l’Etat, mais qu’ils prient que tout le monde, ecclésiastiques, nobles ou autres, ne soient exempts du payement des impositions, et qu’ils ne soient plus la victime d’un nombre de privilèges qui leur faisaient à eux seuls supporter presque toutes les charges de l’Etat;

 

2° Que les contrôleurs et receveurs des aides et gabelles, la foule d’employés et commis aux aides et aux cuirs soient supprimés, étant trop dispendieux à l’Etat et beaucoup d’entre eux faisant ou favorisant la fraude plus qu’ils ne l’empêchent;

 

3° Qu’on examine la manière la plus simple, et celle qui coûterait le moins, pour percevoir les deniers du roi. C’est pourquoi on croit qu’il serait juste de supprimer plusieurs charges de receveurs, une seule tout au plus suffisant par élection, et dont on fixerait le payement;

 

4° Que les seigneurs ou autres particuliers qui ont des lapins dans les bois ou garennes, soient obligés de les détruire s’ils n’en vérifient un droit incontestable;

5° Que ceux qui ont des colombiers ou volières soient forcés de les détruire ou justifier de leurs droits, ces deux derniers articles faisant un tort considérable aux cultivateurs;

 

6° Que les seigneurs soient obligés de diminuer les deniers royaux à ceux qui leur doivent des rentes foncières ou seigneuriales;

 

7° Que nulle place n’anoblisse; que les belles actions seules donnent la noblesse, afin que le malheureux roturier ne se trouve plus humilié par tant de supérieurs, dont la plupart ne seraient que ses égaux s’ils n’avaient pas eu des pères riches, et pour qui ils ne peuvent avoir le respect qu’ils sentent devoir aux représentants du brave homme qui a versé son sang pour éloigner l’ennemi de l’Etat, ou qui s’est sacrifié de toute autre manière pour faire le bien de sa nation;

8° Qu’on demande la suppression des déports, aux fins que les paroissiens ne soient point privés pendant un long temps de leur curé, et qu’ils ne soient point privés des secours spirituels et temporels qu’ils ont droit d’attendre de lui : que les réparations et constructions des presbytères soient à la charge des curés.

 

9° Qu’il soit ordonné aux évêques, abbés, chapitres, moines, prieurs qui ont la plus grande partie des dîmes de la paroisse, de remettre aux curés une somme ou du grain pour secourir les malheureux qui leur paient dîme at auxquels ils ne donnent rien.

 

10° Que le raccommodage des chemins publics sera aux frais de la communauté, qu’on s’adressera aux syndics, cela évitera les vexations de la chambre des comptes;

 

11° Que les contrôleurs des actes aient dans leur bureau de contrôle un tarif de ce qu’ils doivent percevoir sur chaque somme;

 

12° On prie de représenter combien les milices paraissent contraires à la liberté que tout citoyen doit avoir de servir ou de pas servir. On trouve assez de soldats de bonne volonté sans venir enlever de force un jeune homme qui laboure son champ, ou par tout autre travail fournit du pain à un père ou un mère vieux et incapables de travailler. La crainte de la milice fait qu’un jeune homme qui se donnerait à la culture de la terre, néglige ce grand talent si utile à l’Etat, quitte son champ, et va chercher chez un maître riche une exemption que sa petite fortune ne lui donne point, et offre parfois ses sueurs aux conditions seulement d’être exempt. On accorde à un seigneur dix, à vingt laquais, qui ne travaillent à rien d’utile, et on refuse un ou deux domestiques à un laboureur qui ne peut s’en passer; on lui refuse même souvent son enfant. D’ailleurs, dans le temps du tirage, l’affliction, la crainte fait qu’on ne travaille point; une paroisse perd plusieurs jours pour faire la liste et pour se rendre à l’endroit de celui qui fait tirer; on dépense beaucoup, on peut même, sans trop dire, fixer cette dépense à trois livres l’un dans l’autre. Il s’y trouve au moins deux cents personnes de chaque paroisse, le père, la mère, les frères, les soeurs accompagnent les uns leurs frères, les autres leurs malheureux enfants, pour savoir plutôt leur sort;

 

13° On prie aussi qu’il soit demandé d’ordonner aux médecins et chirurgiens de se transporter dans les paroisses où il y a des maladies et d’y traiter gratisse les pauvres et les personnes peu riches. Combien de malheureux périssent parce qu’il faut payer trop cher un chirurgien ou médecin d’en choisir un parmi eux, dans la ville où ils demeurent ou dans leur élection, pour donner chaque année aussi grastis un cours public d’accouchement. N’est-il pas triste que, dans la compagne surtout, des mille de malheureuses mères soient contraintes, n’ayant pas le moyen d’appeler un médecin ou chirurgien, de confier leur vie et celle de leurs enfants à des personnes ignorantes ?

 

14° Enfin on supplie qu’il soit demandé que les droits et privilèges de la province de Normandie soient renouvelés et maintenus, que le roi veuille bien consentir que les anciens Etats particuliers soient maintenus, aux fins de régler les impôts et tout ce qui peut concerner le bonheur de province.

 

Et de suite lesdits habitants, après avoir mûrement délibéré sur le choix des députés, etc.

 

Fait at arrêté en double, en l’assemblée générale de la communauté de Sauxemesnil, ce qui a été signé par ceux desdits habitants qui savent signer, et par lesdits députés auxquel un des doubles de la présente a été remis pour constater leurs pouvoirs et l’autre double déposé aux archives de ladite communauté, lesdits jour et an que dessus.

 

 

Jean-André Mouchel, M. Bertault, Jean-Pierre Le Praëlle, P. Hamon, J.-B. Mouchel, J. Bourdon, F. Mouchel, Jean Bazire, Jean Bazire, J. Fichet, J. Le Busnetot, Jean Bertaut, Pierre Lecher, J. Mouchel, Guillaume Touraine, P. Lepoittevin, Charles Valognes, Jacques Le Blond, F.-J. Jannet, Thomas Mouchel, J. Potaire, M. Hamon, J. Dufour, R. Mouchel, P. Leconte, P. Mouchel, Jacques Hamon, J.-F. Lesage, greffier, J. Valognes, Jean Martin, Michel Chadel, Jacques Duval, J-R. Touraine, syndic municipal.

 

Analyse du cahier de doléances

 

1er paragraphe

La première préoccupation de nos paroissiens est de dénoncer les privilèges de la Noblesse et du Clergé. Ils réclament l’égalité pour tous devant l’impôt (voir document 2). Le revenu paroissial imposable est de 14 777 livres. Celui-ci représente en fait, à quelque chose près, le revenu total du Tiers Etat de Sauxemesnil puisque le Tiers est pratiquement le seul à payer des impôts. Environ la moitié du revenu de la paroisse est prélevée, puisque le montant des impôts s’élève à 7 961 livres 17 sols et 10 décimes, dont 3 250 livres pour la taille, pour la seule année de 1789.

On trouve dans la paroisse comme privilégiés qui se partagent le fruit des réquisitions : le curé, l’abbé Lepoittevin de Duranville, bien évidemment, qui perçoit 30 livres imposables, le prieur de l’If, Don Louis Valincourt, qui ne réside pas dans la paroisse, Jeanne Gigault, veuve de François Poisson, seigneur de Sauxemesnil, son fils Pierre-François-Christophe Poisson, seigneur alors de Sauxemesnil, qui reçoit la somme de 1 880 livres, le sieur Grey, écuyer, seigneur de Savigny, qui ne réside pas dans la paroisse, qui touche quant à lui 360 livres, et enfin les héritiers du sieur Hervieu de Clérette, qui ne possèdent plus le fief, et qui perçoivent autant que le sieur Grey. Le reste des impôts sert, en principe, à diminuer le déficit des caisses de l’Etat.

 

2è, 3è et 11è paragraphes

Nos paroissiens dénoncent, également, la mauvaise gestion des impôts par les contrôleurs et les receveurs. Ces derniers trop nombreux, favorisent la fraude et ce sont toujours les mêmes qui en subissent les conséquences, c’est à dire les plus pauvres. Le Tiers réclame une meilleure organisation pour la collecte des impôts.

 

4è et 5è paragraphes

Les seigneurs et autres privilégiés bénéficiaient de droits de garenne et de colombier. Le nombre de gibiers indiquait en général l’importance ou non de la seigneurie.

 

 

 

 

 

 

 Le Château de Sauxemesnil 

 

 

Plus un pigeonnier avait de niches pour accueillir les volatiles, plus le domaine seigneurial était imposant. Dans la commune, il ne reste plus, aujourd’hui, que les vestiges de l’ancien pigeonnier du prieuré de l’If.

Bien entendu, les seigneurs qui s’adonnaient à leurs parties de chasses, négligeaient complètement les cultures de nos pauvres paroissiens, qui étaient dévastées par les lapins et les pigeons; ce qui occasionnait parfois de mauvaises récoltes et inévitablement la famine.

Le Tiers demande donc au roi, la suppression de ces droits.

 

6è paragraphe

Certains paroissiens, en plus des deniers royaux, devaient des rentes foncières et seigneuriales aux privilégiés. Il était dû au domaine de Sauxemesnil : 12 boisseaux et 3 pots de froment, mesure de 18 pots, 38 boisseaux d’avoine, 111 livres 10 sols et 2 décimes en argent, et 5 livres 10 sols et 8 décimes de menues rentes; et au prieur de l’If : 28 boisseaux de froment, par un seul tenancier. Leur revendication, bien fondée, demande que les taxes soient équitables pour chacun.

7è paragraphe

Ils demandent aussi, que l’anoblissement soit une récompense à une action héroïque et non plus un héritage. Ils réclament l’égalité à la naissance pour tous sans exception, et veulent que les privilèges soient donnés aux plus méritants.

 

 

Document 2 :Les impôts sous l’ancien régime

 

Les impôts directs

la capitation

d’origine féodale, impôt par tête fondé sur la richesse. Il est donc payé par les privilégiés mais frappe surtout les classes laborieuses à partir de Louis XIV.

la taille

cet impôt n’était levé que sur les roturiers.

le vingtième

institué en 1749 et aboli en 1786, frappait d’une taxe de 5% tous les revenus déclarés. Il faisait figure d’impôt indirect de ce fait.

Les impôts indirects

les aides

vise les boissons et le tabac (moyen-âge et ancien régime)

la gabelle

elle s’applique au commerce du sel, denrée indispensable pour la conservation des aliments. Suivant les régions, la gabelle varie selon certains privilèges royaux.

pays rédimés : par un versement forfaitaire

provinces franches : pas de gabelle

provinces de grande gabelle : taxe maximum

pays de petite gabelle : pas de quantité imposée

pays de quart-bouillon : droit de faire bouillir l’eau de mer (ex : en Normandie)

pays de salines : achart direct aux salines

les traites ou douanes intérieures

la perception de cet impôt gênait les échanges de denrées d’une province à l’autre. Une taxe semblable qui fut abolie en 1948 s’appelait l’octroi.

Autres impôts

la dîme

en théorie, elle représente 1/10 des produits des récoltes ou de l’élevage. Versée au clergé, elle est supprimée en 1789.

la décime

impôt perçu par le roi de France sur le clergé (1/10 des revenus)

les droits féodaux

le champart : dans certains fiefs, droit sur les récoltes

les banalités : utilisation payante des fours, des moulins, péages routiers ou des ponts

droits de chasse et de colombier

les paysans n’avaient pas le droit d’abattre le gibier du seigneur, qui dévastait les cultures.

droit de quitage

un serf qui mariait sa fille en dehors du domaine seigneurial devait payer 3 sous au seigneur. Voltaire et Beaumarchais en firent le droit de " cuissage ".

 

 

 

8è paragraphe

Le Tiers dénonce, après la Noblesse, les privilèges du Clergé. Ils souhaitent que les réparations et constructions des presbytères soient à la charge des curés. Ceci fait allusion à une histoire qui s’est passée il y a quelque années, et que les paroissiens n’ont pas oubliée. En effet, il faut remonter à la date du 29 mai 1764 : un acte porte sur l’autorisation aux habitants de Sauxemesnil de s’imposer d’une somme de 4 800 livres pour la construction d’une maison presbytèrale. Une autre dépense du même ordre est mentionnée sur un autre acte daté du 12 juillet 1767.

 

9è paragraphe

Les paroissiens s’attaquent maintenant aux revenus du Clergé. Ils dénoncent le haut Clergé de s’emparer de la plus grande partie des dîmes (revenus du Clergé imposés au Tiers Etat) en ne laissant rien aux curés qui ne peuvent subvenir aux malheureux. On peut remettre en cause la religion qui à l’origine se prétend vivre dans la privation.

Les dîmes de la paroisse de Sauxemesnil appartenaient pour un tiers à l’abbaye de Montebourg, dont le titulaire en 1789 était l’évêque de Coutances, et pour un autre tiers au chapître de Coutances; le curé n’avait que le tiers restant et les menues. Le prieur de l’Hôtel Dieu de Rouen, ancienne confrérie qui était présente dans la paroisse depuis au moins le XIIIè siècle, connue également sous le nom de Madelaine de Rouen, ceci expliquant sans doute la présence, aujourd’hui, du hameau de la Madelaine dans la commune, possédait un petit trait, ainsi que le prieur de Barnavast qui avait un tiers de " défriches " de la forêt.

Les dîmes se répartissaient ainsi : la part du chapître de Coutances s’élèvait au total, avec pot-de-vin et entretien, à 711 livres et 5 sols, les " défriches " de Barnavast étaient louées 250 livres, quant à la part de l’Hôtel Dieu, dit lieu de santé, elle était de 110 livres.

Le prieuré de l’If, qui appartenait toujours à l’abbaye de Lessay, était affermé, par bail général de 1787, aux sieurs Dupont de Brix " terre, rentes et marais " pour le prix de 520 livres et comprenait : une maison, 25 vergées de terre en herbe et 35 en labour, située sur Sauxemesnil et Anneville en Saire. En effet le prieuré avait été donné par un d’Anneville, seigneur de Chiffrevast à Tamerville, qui possédait bien évidemment des terres dans le Val de Saire.

L’ensemble des revenus ecclésiastiques de la paroisse était estimé en 1787, à 3 705 livres.

10è paragraphe

L’entretien des chemins publics est un problème qui a toujours existé depuis que l’homme a commencé à voyager.

12è paragraphe

Il faut savoir qu’à cette époque, les garçons de chaque paroisse devaient aller tirer au sort s’ils étaient exemptés ou non d’armée. En 1788, la paroisse de Sauxemesnil avait tiré devant le commissaire des guerres à Valognes, pour la milice de terre. Elle tirait seule, étant donné l’importance de sa population. Elle se présentait au tirage avec 80 garçons inscrits; sur ce nombre 1 était fuyard, 22 exempts, 18 furent déclarés infirmes, 7 trop petits; il resta 32 garçons pour tirer 3 miliciens.

13è paragraphe

Ce paragraphe traite d’un sujet qui revient dans beaucoup de cahiers de doléances. Enfanter reste un problème majeur dans nos campagnes au XVIIIè siècle. Le nombre de sage-femmes dans le Cotentin est manifestement insuffisant. En 1786, il y en a seulement 12 pour l’élection de Valognes (à savoir, une seule pour la subdélégation de Cherbourg et 11 pour celle de Valognes). Le Cotentin en compte seulement 145 pour ses 6 élections. Mais on déplore que pratiquement toutes celles-ci n’ont pas suivi d’études et n’ont pas de connaissances pratiques.

14è paragraphe

Ce dernier paragraphe fait allusion aux droits et privilèges des Normands. En effet la province de Normandie possédait un statut particulier depuis son rattachement à la France. Par exemple, le droit coutumier normand de 1315 admettait la perception de la dîme par le Clergé mais avec cet impôt, il devait subvenir aux trois grands actes de la vie : le baptême, le mariage et le décès. Il prévoyait également que les pauvres recevraient l’aumône prise sur la dîme, mais celà n’était pas toujours respecté comme nous l’avons vu dans le 9è paragraphe.

En ce début d’année 1789, les paroissiens de Sauxemesnil attendent beaucoup de l’assemblée des Etats-Généraux prévue le 5 mai 1789 à Versailles, comme en témoigne leurs souhaits, forts bien fondés, rédigés sur leur cahier de doléances. Toutes les attentes de nos ancêtres seront réalisées mais à quel prix ?

 Emmanuel Moncuit