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POULO-CONDORE


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article

Poulo-Condore

Voici encore un petit éden français, ignoré de bien des gens, qui s’avance comme une sentinelle perdue, à une centaine de milles au sud de la Cochinchine, sur la route maritime qui joint Singapour à Saïgon.

Cette route est parcourue actuellement deux fois par mois, dans chaque sens, par les grands courriers des Messageries Maritimes, mais ceux-ci ne touchent pas à Poulo-Condore, et, pour s’y rendre, il faut prendre l’annexe de la même Compagnie, qui dessert régulièrement cette minuscule mais intéressante colonie.

Une courte étude sur cet archipel retiendra peut-être l’attention du lecteur.

Histoire (Extrait en majeure partie de l’ouvrage : La Cochinchine et ses habitants, par le docteur Baurac.)
Côn Son, la plus grande île du groupe des Poulo-Condore, dont le contour ressemble quelque peu au squelette d’un animal antédiluvien, comme on peut en juger d’après la carte, servait autrefois de lieu de déportation aux Annamites.

Les Anglais y tentèrent un établissement en 1702 et y construisirent un fort dont on voit encore les traces sur une petite éminence de la baie du sud-est. Mais, en 1708, ils furent presque tous massacrés dans la nuit, par les soldats de Macassar qui étaient à leur service. Ils abandonnèrent alors tout essai d’établissement et jusqu’à la conquête française, ces îles restèrent la paisible possession de l’empire d’Annam, à cette époque indépendant.

En 1863, l’aviso français l’Echo vint prendre possession de Poulo-Condore. La prise de possession eut lieu sans coup férir ; les soldats annamites qui tenaient garnison, passèrent comme « matas » à la solde de la France, et les déportés annamites, au nombre d’une trentaine, se dispersèrent tranquillement dans les îles, puis regagnèrent la terre ferme ou les îles des Pirates, sans que personne songeât à les inquiéter.

L’Administration pensa immédiatement, à établir à Poulo-Condore un pénitencier où seraient maintenus tous les Annamites et Asiatiques, condamnés en Cochinchine, pour délits de droit commun.

Un bagne fut établi dans la baie du sud-est et une compagnie d’infanterie de marine vint tenir garnison dans des paillotes élevées à la hâte. Le commandant de l’île logeait à bord du Vigilant, navire attaché à la station.

Peu à peu, s’élevèrent des bâtiments en maçonnerie, des casernes furent construites, des maisons confortables furent édifiées pour loger les fonctionnaires et le poste prit tournure.

Description
Situé à environ 97 milles au sud-ouest du cap Saint Jacques et à 45 milles des Bouches du Mékong, l’archipel, composé de douze îles, tire son nom de Poulo-Condore de la principale d’entre elles.

Groupées par 140° 12 de longitude est et 8° 40 latitude nord, ces îles occupent près de 10.000 hectares.

L’île sur laquelle est établi le pénitencier, Poulo-Condore ou Côn-Lôn, dont le nom signifie « terre des Serpents », est formée par une chaîne de montagnes qui s’étend du nord-est au sud-ouest et dont le sommet sud, le plus élevé, se dresse à 596 mètres au-dessus du niveau de la mer.

Elle mesure environ 12 kilomètres de longueur, sur une largeur variable de 2 à 5 kilomètres. Très découpée, elle offre un grand nombre de baies ; c’est dans la plus vaste baie du sud-est, que, sur la plage, à environ 200 mètres de la mer, sont construits tous les établissements composant le poste de Poulo-Condore.

Ce poste se trouve circonscrit du côté des terres par une suite d’élévations décrivant un véritable fer à cheval, et d’une hauteur moyenne de 330 mètres. Le sol de ce fer à cheval était, encore naguère, tout couvert de brouse et d’arbustes sauvages, et le pénitencier était ainsi enveloppé d’un fourré impénétrable, semé çà et là de vastes terrains marécageux.

Mais de nombreux défrichements ont eu lieu ; la plupart des marais ont été canalisés et transformés en rizières ; de nombreux essais de culture, presque toujours suivis de réussite, ont complètement changé l’aspect général du poste et ont amené une sérieuse amélioration dans l’état sanitaire du pays, notamment dans la situation particulière du bagne annamite, ainsi transformé en colonie agricole.

Les forêts commencent à la base même des montagnes et couvrent à peu près le reste de la surface du pays. Riches en bois de construction, ces forêts offrent tout l’aspect de forêts vierges : des mousses, des fougères couvrent le tronc des arbres et de nombreuses lianes y forment un lacis inextricable, mais fort pittoresque.

Les singes, les serpents et quelques rares oiseaux en sont les habitants.

Les îles voisines du pénitencier : Petite-Condore, Baikan, ne sont point habitées ; élevées au-dessus de la mer à une hauteur moyenne de 250 à 300 mètres, très escarpées, elles sont recouvertes de bois. Sur quelques-unes de leurs plages, les tortues viennent déposer leurs œufs.

Les vents qui règnent à Poulo-Condore sont réguliers. Ce sont les moussons des mers de Chine : celle du nord-est, qui commence en octobre pour finir en avril, et celle du sud-ouest qui commence en mai pour finir en septembre.

Les températures extrêmes sont de 24° en janvier et de 31° en mai. On voit donc que, si le thermomètre ne s’abaisse pas autant qu’à Saïgon, il n’arrive pas non plus à une hauteur aussi considérable.

Situation actuelle
Comme je l’ai dit au début, les établissements de Poulo-Condore constituent aujourd’hui un petit éden grâce à la baguette magique du directeur actuel, officier d’infanterie coloniale. Pour ne point blesser sa modestie, je tairai son nom, mais il me sera permis de vanter son œuvre.

Grâce à son intelligente activité et à un emploi judicieux du système D., qui est, en l’espèce, une bonne utilisation de la main-d’œuvre que fournit la colonie pénitentiaire (environ 2.000 indigènes), ce fonctionnaire est en train de transformer complètement son petit royaume.

Des routes commencent à sillonner la Grande-Condore, reliant la baie de l’est à la baie du sud-ouest et au poste de T.S.F., situé au nord-est.

Des plantations de paddy, de beaux vignobles, présentent leurs taches vertes aux yeux étonnés ; de grands jardins potagers produisent des légumes variés et succulents ; les fruits les plus divers se voient sur les tables.

Une industrie d’écailles de tortue dont on a pu voir les produits à l’Exposition Coloniale de Marseille, et qui n’est encore qu’à ses débuts, permettra sous peu de satisfaire la coquetterie des élégantes Saïgonnaises.

Une hôtellerie confortable, installée près du débarcadère, logera sans doute bientôt les colons cochinchinois, fatigués de la vie intense de Saïgon et désireux de venir humer le souffle de la mousson du large. Enfin, il est question d’avoir prochainement l’énergie électrique et tout le confort qu’elle apporte avec elle.

Bref, le touriste désabusé, avide de repos, de belle nature et d’air vivifiant, peut d’ores et déjà retenir son passage pour Poulo-Condore à condition d’être maître de son retour, ce qui est loin d’être le cas de tous les visiteurs de celle île charmante. Il en emportera le souvenir le plus agréable.

        Ct. de Courtois. (Revue du Tourisme Indochinois)

le bagne de Poulo Condor

Le bagne de Poulo Condor était un bagne installé sur l’île de Poulo Condor (aujourd’hui Côn Sơn), faisant partie de l’archipel de Côn Đảo, situé à 230 km au sud de Hô-Chi-Minh-Ville dans la mer de Chine méridionale. Son nom dérive du malais Pu Lao Kundur qui signifie «  l’île aux courges ».

Le bagne était un lieu de bannissement utilisé par le pouvoir annamite avant la colonisation française. Il fut réutilisé par les Français dès 1862, après le traité de Saïgon et est resté en activité jusqu’en 19752. Certains prisonniers y étaient enfermés dans des « cages à tigre », ce qui les a rendu paraplégiques, ayant perdu l’usage des membres inférieurs après des années en position accroupie, sans pouvoir se lever et utiliser leurs jambes3.

De nombreux opposant à la colonisation y sont emprisonnés, et notamment des membres du Việt Minh, comme Pham Van Dong, Le Duc Tho et l’épouse de Võ Nguyên Giáp qui rend le régime colonial responsable du décès de sa première épouse morte en prison en 1941 et du décès de sa belle-sœur guillotinée pour nationalisme à Saïgon par l’administration coloniale française.

Comme nombre de futurs dirigeants vietnamiens, Pham Van Dong connut les prisons coloniales françaises d’Indochine, où il passa sept ans de 1929 à 1936, avec l’arrivée du Front populaire en France. À sa libération, il reprit ses activités révolutionnaires. Ces prisons et ce bagne ont transformé des nationalistes en communistes.

Ce bagne est resté opérationnel pendant toute la durée de la guerre d’Indochine. En 1955, il est transformé en "centre de rééducation" par la République du Viêt Nam (1955-1975) pour enfermer les opposants du Front national de libération du Sud Viêt Nam (Viet Cong), pendant la guerre du Viêt Nam.

Aujourd’hui, il est prévu d’ouvrir un lieu à la mémoire de l’indépendance et de l’unité du Viêtnam dans les anciens bâtiments du bagne.

Notes

[1] NDLR ; drôle d’Eden qui était un bagne ! ! !