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République de Korça (protectorat français)


La République de Korça, de Koritsa, ou de Kortcha est une région autonome mise en place par la France dans le district de l’actuelle Korçë, dans le sud de l’Albanie, durant la Première Guerre mondiale.

L’arrivée des Français et la naissance de la république

En juin 1916, la France, en froid avec le royaume de Grèce et désireuse de saper l’influence de l’Autriche-Hongrie en Albanie, fait occuper la région nord épirote de Koritsa. Paris établit ainsi une liaison entre Valona, alors occupée par l’Italie, et le Camp de Salonique, où est stationnée l’Armée d’Orient. Le 2 octobre, le 1er régiment de chasseurs d’Afrique, commandé par le colonel de Fortou, prend officiellement possession de la ville. Il expulse alors le 46e régiment d’infanterie grec (qui occupait la région depuis octobre 1914) et fait emprisonner les fonctionnaires royalistes grecs à Thessalonique.

Le 15 novembre 1916, le colonel Descoins, ancien chef d’État-major de l’expédition des Dardanelles, est envoyé dans la région pour l’administrer au nom de la France et remplacer le représentant des Grecs vénizélistes, Périclès Argyropoulos. Le 10 décembre, la région de Koritsa, séparée du reste de l’Albanie par la guerre, se déclare autonome. Un protocole est alors signé, entre les autorités militaires françaises, le chef de bande chrétien Themistokli Gërmënji et les notables de la région pour y organiser la collaboration entre les pouvoirs locaux et les forces d’occupation.

En fait, seul le patriote musulman Salih Budka, qui continue à voir dans les agents de Paris un appui du panhellénisme, poursuit sa lutte contre les Français et soutient activement les armées austro-hongroises.

La limitation progressive de l’autonomie

Mais la signature de ce Protocole contrevient au Pacte de Londres, conclu avec l’Italie le 26 avril 1915, qui prévoit la mise sous-tutelle du Sud de l’Albanie par Rome. Il déplaît également au chef du gouvernement provisoire grec Elefthérios Venizélos et au dictateur albanais Essad Pacha, qui convoitent tous deux la région. Face à ses alliés, la France doit donc changer de politique et, malgré le soutien du général Maurice Sarrail, le colonel Descoins est démis de ses fonctions dans la région le 11 mai 1917. L’autonomie de la région est réduite peu de temps après avant d’être totalement supprimée le 16 février 1918.

La France abandonne par ailleurs en partie sa politique de collaboration avec les habitants du territoire. Longtemps nommé préfet de police, l’ancien chef de bande Themistokli Gërmënji est ainsi arrêté et envoyé à Salonique, où il est exécuté par un tribunal militaire.

À l’inverse, dans les mêmes moments, l’Autriche-Hongrie proclame l’autonomie de l’Albanie sous son égide (janvier 1917) tandis que l’Italie déclare l’indépendance complète du territoire sous sa propre protection (juin 1917).

Entre départ des Français et héritage culturel

Une fois la Première Guerre mondiale terminée, la France et l’Italie continuent à occuper et administrer l’Épire du Nord, et cela jusqu’à ce que la Conférence de la paix de Paris règle la question des frontières de l’Albanie. Après avoir un moment cherché à faire de la région une zone d’influence française, Paris quitte finalement la région le 1er mars 1920.

Malgré tout, la présence française dans la république de Koritsa n’est pas sans laisser des traces. Créé en 1917 par le conseil des notables de la république autonome, le lycée français de Korçë joue, durant tout l’Entre-deux-guerres et jusqu’en 1942, un rôle de premier plan dans la diffusion de la culture française, mais aussi albanaise. Pendant longtemps, le lycée est en effet perçu comme un établissement d’élites et 80 % de ses élèves entrent dans la haute ou la moyenne administration après la fin de leur cursus. Il faut dire que le lycée est le premier établissement secondaire où l’enseignement est donné en albanais et qu’il est ouvert à toutes les confessions. Pourtant, Paris interdit tout d’abord la création de l’établissement, par crainte de mécontenter Venizélos et ses partisans, qui convoitent la ville et sa région. C’est donc grâce au soutien des militaires français que l’école a finalement pu voir le jour.

Portfolio

Republique-de-Korca en 1920