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1573. "mariage sur parole" ou sur promesse écrite ?

le billet de Geneviève de Brébisson


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n ne peut pas donner la même importance historique à un lot de cinquante femmes au seul motif qu’elles auraient toutes cédé aux galanteries du même roi : la plupart d’entre elles exerçaient tout simplement le ’’plus vieux métier féminin du monde" - certaines s’y trouvant contraintes par des mondains qui, en les "offrant" à leurs invités à la fin d’un dîner "entre hommes", se comportaient en proxénètes, l’un des plus vieux métiers masculins...

Ca se faisait dans l’Antiquité - ça se fait encore aujourd’hui - ce n’est donc pas "typiquement de style « Henri Iv ». Ce qui est intéressant, d’un point de vue historique, c’est de comprendre pourquoi deux de ces femmes, Gabrielle d’Estrées et Henriette d’Entragues, ont insisté pour que le roi leur signe au préalable une promesse écrite de mariage

Bon chien chasse de race - l’une descendait d’une maîtresse de François 1er, et l’autre de celle de Charles IX - tout Paris savait qu’elles pratiquaient, sans vergogne, la "promotion canapé", un procédé lui aussi vieux comme le monde, utilisé pour acculer au mariage des hommes riches, célèbres et généralement peu disposés à se laisser mettre la corde au cou et la fidélité sur la liste de leurs devoirs du soir.

Rien de nouveau, donc, sous le ciel (de lit) d’Henri IV : ce qui était insolite, c’était de croire qu’une promesse de mariage écrite était une protection - prosaïque, et peu élégant, le père d’Henriette avait réclamé en sus le versement immédiat de 100 000£...

C’est que ces dames avaient été très émues par l’échec de deux mariages dits "de parole" qui avaient défrayé la chronique du temps de leurs mères : celui de Françoise de Rohan avec Jacques de Nemours et celui de François de Montmorency, le fils aîné du connétable, avec Jeanne d’Halwinn, fille du sgr de Piennes

Autant la 1ère affaire fut publique, dramatisée et interminablement prolongée, autant la seconde fut discrètement menée et rapidement réglée grâce à la grande élégance morale de la femme concernée

I - Jacques de Nemours était très recherché comme danseur et comme amant (dans le sens donné à ce mot pendant la mode de l’amour courtois). Il avait vraiment voulu séduire Françoise de Rohan et s’assurer de sa fidélité pendant ses participations aux guerres d’Italie Elle a cru venu le moment de lui céder quand elle a vu qu’à la Cour, on repérait les doux regards que coulait déjà vers Nemours la belle Anne d’Este encore mariée, pourtant, avec François de Guise.

Devenue veuve, cette princesse s’empressa d’épouser Jacques de Nemours en demandant à Henri II, son cousin germain, de la débarrasser de Françoise de Rohan, bien qu’elle attende un enfant. Perdant l’appui du roi, qui l’avait d’ailleurs accordé avec réticence, Françoise de Rohan se lança dans une procédure judiciaire qui a duré 20 ans, 1579-1599, et qui ne lui a finalement apporté qu’une piètre compensation financière, tardive et concédée de mauvaise grâce.

II - François de Montmorency et Jeanne d’Halwinn n’étaient pas, eux, dans des rapports de séduction publics mais dans une relation secrète, sincère et réciproquement amoureuse. Lui aussi était souvent en guerre, mais leur correspondance atteste leur intention sereine et déterminée, de se marier.

L’obstacle résidait dans la crainte révérencielle de François pour son père, le sévère connétable, qu’il n’osait pas informer de son intention. Il fut donc pris de court quand celui-ci l’informa tout à trac que le roi l’avait choisi pour époux de sa fille naturelle Diane de France.

Le conseil des bons amis, face à un engagement écrit que l’Eglise prenait au sérieux, fut d’obliger Jeanne à rédiger et signer une renonciation à ce mariage - ce qu’elle refusa fermement - se refusant aussi à dire s’il y avait eu cette consommation qui aurait obligé l’Eglise (le Pape fut alerté) à reconnaître sa relation comme constituant un mariage indissoluble.

François a fini par reconnaître que c’est lui qui voulait rompre : il a donc écrit à Jeanne pour quémander la liberté d’en épouser une autre et Jeanne lui a répliqué par écrit qu’elle l’avait cru homme de bien et qu’elle avait été trompée [1] sur ce point important...Elle voulait que, pour une fois, le fils du connétable prenne ses responsabilités et lui épargne des investigations humiliantes.

La dignité de Jeanne d’Halwinn incita Florimond Robert, secrétaire d’Etat de Catherine de Médicis, à la demander en mariage, et Catherine de Médicis à lui rendre son poste de Dame d’honneur à la Cour. Ils n’ont eu qu’un seul enfant qui est mort en bas âge, mais ils se sont aimés tendrement

François de Montmorency et Diane de France, qui ne se sont jamais bien entendus, ont eux aussi perdu leurs deux enfants morts en bas âge.

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enri IV a réussi à récupérer et déchirer les promesses de mariage que lui avaient arrachées Gabrielle d’Estrées puis Henriette d’Entragues mais son ami Bassompierre, lui, a passé sa vie sous la menace d’une assignation judiciaire en exécution de la promesse que lui avait réclamée Charlotte d’Entragues, sœur d’Henriette. Celle-ci s’est d’ailleurs obstinée à porter le nom de Bassompierre dont elle eut un fils en 1610, n’apprenant qu’en 1632 que le Maréchal s’était depuis 1614 engagé dans un mariage secret.

Diane d’Estrées, sœur de Gabrielle a, fait, elle aussi, une utilisation usurpée du nom d’un amant qui s’est éloigné : elle avait eu en 1595 une fille née d’une brève liaison avec le duc d’Epernon. Il avait reconnu l’enfant et l’avait même prise sous sa garde, refusant non seulement d’épouser la mère mais aussi de lui confier l’enfant tant sa débauche était notoire.

Peu de temps après, février 1596, ils se sont mariés chacun de son côté. Elle a été rapidement veuve (1603) d’un époux si décrié [2] qu’elle a décidé de plutôt porter les nom et titre de duchesse d’Epernon : il en résulté que lorsqu’elle a été dénoncée, en 1611, comme associée aux complots des d’Entragues, l’enquête sur l’assassinat perpétré par Ravaillac a été étendue au duc d’Epernon bien qu’il n’ait plus aucune relation avec elle depuis 15 ans...

On voit l’importance primordiale des apparences pour ce genre de dames qui en venaient fatalement à cultiver les faux-semblants, le plus souvent assez piètres, mais parfois périlleux, pour faire mine, coûte que coûte, d’occuper dans la société les places dominantes qu’elles convoitaient - dans les deux cas ci-dessus, elles ont en tous cas très bien "casé" leurs enfants....

On comprend mieux, du coup, pourquoi, après avoir subi le joug de telles tigresses, Bassompierre et d’Epernon ont préféré garder leur mariage de quadragénaire amoureux complètement secret

De son côté, l’Eglise s’est aperçu que l’intransigeance s’imposait pour faire respecter la règle d’un échange de consentement au mariage public et prononcé devant un prêtre, dans un lieu ouvert.

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Notes

[1] plus habile, cette version permettait de dire, en cas de besoin, que le mariage, s’il y avait mariage, était nul pour vice de consentement

[2] Jean de Monluc fils bâtard de Jean, frère de Blaise et l’évêque de Valence.