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Les questions sur la destruction du Havre en 1944

Jean-Baptiste Gastinne (historien et adjoint au maire du Havre)

source : le Figaro, 2014

voir aussi 1944 Le Havre sous les bombes alliees


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e 5 septembre 1944 débutait le bombardement allié de la ville normande, qui fit plus de 2000 morts civils, afin d’en chasser l’occupant nazi. Les historiens cherchent toujours à savoir pourquoi 80% de la ville furent rasés.

Pour la quasi-totalité des villes françaises, la Libération par les Alliés en 1944, après 4 longues années d’Occupation, est synonyme de joie. L’occasion de commémorer un heureux souvenir. Il est une ville, cependant, pour laquelle le souvenir des premiers jours de septembre rime avec destruction : Le Havre. Martyre de la lutte contre les nazis, la cité fut en grande partie détruite par les bombardements alliés. Pour une raison qui échappe toujours aux historiens.

« On sait pourquoi 1,5 million de poilus sont tombés pendant la Première Guerre mondiale, explique Jean-Baptiste Gastinne, historien et adjoint au maire du Havre. On ne sait pas si le sacrifice de la ville du Havre a eu une réelle utilité militaire. »

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n ce début septembre 1944, les Havrais attendent pourtant cette libération. Ils ont vu, ils ont entendu le débarquement, une centaine de jours plus tôt, non loin de là, sur d’autres plages normandes. Ils ont espéré durant des jours être délivrés. Alors que Paris se libère fin août, Le Havre est toujours sous le joug nazi.

Le 5 septembre a enfin lieu le début de l’offensive alliée. Un déluge de bombes s’abat sur le centre-ville. Même chose le lendemain. Des milliers de tonnes d’explosifs sont largués sur la ville, dont les redoutables bombes au phosphore. Le bombardement dure jusqu’au 10 septembre. Près de 10.000 maisons sont détruites, 2000 Havrais tués, 80.000 se retrouvent sans logement. L’aviation anglaise a ravagé la ville. Sans trop que l’on sache pourquoi.

Le Havre possédait bien un enjeu stratégique aux yeux des Alliés : le port. Cependant, celui-ci étant régulièrement bombardé depuis le début de la guerre, il était devenu inutilisable.

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a ville du Havre comptait une importante garnison allemande de 12.000 hommes qui entendait résister. Pourtant, ces derniers étaient situés sur les hauteurs. Quant à l’état-major, il était logé dans des villas cossues de « la côte ». Loin du centre-ville.

« Le bombardement des quartiers centraux pendant les deux premiers jours est incompréhensible, d’autant que les Alliés avaient toutes les informations à leur disposition, explique Jean-Baptiste Gastinne. Depuis le Débarquement, les politiques n’ont plus la main sur les opérations, les militaires ont tout pouvoir de décision. Sans doute les Britanniques ont voulu aller vite pour reprendre la ville. »

Le 12 septembre, les troupes anglo-canadiennes entrent au Havre. Rien à voir avec les scènes de liesse, immortalisées dans le reste de la France. L’accueil de la population est glacial. La presse les surnomme ces les «  libératueurs  ».

« L’absence de justification de la destruction de leur ville a toujours été difficile à comprendre pour les Havrais, explique l’adjoint au maire. Nous ne pouvions construire de mémoire collective sur ces évènements tragiques. Aujourd’hui, peut-être, cette blessure commence à passer. Le centre-ville, reconstruit par Auguste Perret, est de nouveau source de fierté pour les habitants depuis son classement au patrimoine mondial de l’humanité. »