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Les compagnons de Guillaume le Conquérant de la Bretagne


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i l’on recherche les causes de l’animosité violente qui mit si souvent aux prises, dans le courant du XIe siècle, les Bretons et les Normands, on est en droit, nous semble- t-il, d’en faire remonter l’origine à une alliance contractée, vers 1028, par le duc Alain III de la maison de Chartres et de Blois. On sait que, pendant une expédition dans le Maine et l’Anjou, Alain, fils de Geffroy Ier, s’éprit soudainement et passionnément d’une jeune princesse Berthe, fille du comte de Blois. L’amoureux, évincé par le père, réussit à faire enlever par Alain Canhiat, comte de Cornouailles, la dame de ses pensées et, comme celle-ci répondait à l’amour du galant et valeureux duc, le mariage fut célébré à Rennes, d’une façon joyeuse et solennelle. (Cf. Chronic. Kemperleg. dans Baluze : Miscel, t. I, p. 521.)
Cet évènement commencé par une idylle, dramatisé par un coup de force et consacré par une superbe cérémonie, indisposa contre la Bretagne le duc de Normandie, appelé quelquefois Robert le Diable, non pas qu’il fut question d’une mesquine jalousie, mais parce que cette union avait pour conséquence politique d’accroître la puissance du duché de Bretagne en alliant à celui-ci une maison hostile, d’habitude, aux ducs de Normandie. Robert Ier s’appuyant sur les fables extraordinaires de Dudon de St-Quentin réclama l’hommage d’Allain III et, sur le refus très légitime de ce dernier, ravagea avec une forte armée le pays de Dol. Il construisit même entre les deux duchés une forteresse importante, celle de Charruel. (La Borderie, Histoire de Bretagne, t. II, p. 496. Freeman : History of the Norman Conquest of England, t. I, p. 235. Dadonis : De moribus et actis primor. Normann. ducum, édition Lair. Dom Lobineau et Dom Morice, passim.)
Le château de Charruel s’élevait dans la paroisse de Sacey. Sa position stratégique était bien choisie. Il était situé sur le versant méridional d’un coteau élevé, à environ un kilomètre de Sacey et quatre de Pontorson. Défendu vers la Bretagne par une pente rapide et par la rivière du Dierge qui coule au pied de la colline et est tributaire du Couesnon, il dominait toutes les terres environnantes par son élévation naturelle et factice. Des fossés, paraissant avoir été profondément creusés, l’entouraient de toutes parts et l’on découvre encore assez facilement les puissants reliefs de son enceinte carrée. Elle avait soixante-dix mètres sur chaque côté.

La première mention que nous ayons de Charruel se trouve dans Guillaume de Jumièges : « Alanus, Britannorum cornes, a Roberti ducis servicio se surripere pertinaciter est agressus. Dux igitur adversus eum innuberabilem exercitum movit et non longe a fluvio Coisnon castrum quod vocatur Charruel, seu Carrucas ad munimen scilicet Normannici limitis et domandam tumidi arrogantiam praesumptoris. » (G. de J. VI, p. 261.)

Dès que ce château fut édifié, le duc Robert en confia la garde à Auvray le Géant. Ce fut ce dernier qui, aidé par le capitaine de Pontorson, tailla en pièces les bretons envahisseurs. L’engagement eut lieu à un kilomètre environ du bourg de la Croix Avranchin (canton de Saint-James, arrondissement d’Avranches), dans une petite plaine, nommée aujourd’hui encore les Tombettes : « M. Tuffin, de Villiers, auquel elle appartenait, l’ayant fait diviser dans le dernier siècle, ses ouvriers, en creusant le sol pour y établir des haies, y trouvèrent une grande tombe, dont le pourtour était parementé en pierres ordinaires : elle était recouverte de terre et remplie de débris de corps humains. On y découvrit aussi les deux pierres sépulcrales qui sont aujourd’hui près de là, sur la route de Pontorson, et qu’un ancien manuscrit désigne pour avoir recouvert le corps de deux chevaliers tués dans cette bataille. Les deux monuments n’ont aucune inscription. Leur longueur est de cinq pieds sur vingt pouces de large à un bout et quatorze à l’autre. » (Guitton de la Villeberge : Mémoire sur le Château de Charruel ; Société d’Archéologie d’Avranches, t. I, p. 198).

La lutte avait été très vive. Le nom de Charruel a été très souvent altéré ; de là sont venues quelques confusions. L’auteur de la Chronique de Normandie ne différencie pas Charruel de Pontorson. L’erreur a duré longtemps et M. de la Borderie s’est trompé également dans l’appellation de la forteresse de Sacey ; il dit qu’elle se trouve près de Pontorson à Cherrueix. Or, il n’y a pas de Cherrueix dans le voisinage de cette petite ville. Cherrueix est une commune du canton de Dol, à environ quatre lieues de Saint-Malo.

L’attaque de la Normandie par les Bretons faillit se transformer pour ceux-ci en un véritable désastre. Une flotte normande menaça les côtes bretonnes. Il fallut l’intervention de l’archevêque de Rouen, oncle des deux ducs, pour les réconcilier. La paix, plus ou moins sincère, se fit dans l’enceinte même du Mont St-Michel, en 1030. « Alain, dit avec raison M. de la Borderie, prêta le serment le couteau sous la gorge, car un hommage, ainsi extorqué, ne peut nullement passer pour une reconnaissance de droit prétendu par les Normands. » (De la Borderie : Histoire de Bretagne, t. III, p. 9. Sur la Guerre des deux Ducs, consulter Guillaume de Jumièges, livre IV, chapitre 8 et 11.)

A la mort de la duchesse Havoise, (3 février 1034), ses deux fils qui, jusque là, exerçaient pour ainsi dire en commun l’autorité ducale, bien que depuis sa majorité Alain seul eut droit au titre, ses deux fils, disons-nous, se brouillèrent. Eudon ne fut pas satisfait de l’apanage considérable (diocèse de Dol, d’Aleth, de St-Malo et de Tréguier) que lui octroyait son frère. Une révolte éclata bientôt entre les seigneurs bretons qui se partagèrent en deux camps. Finalement, l’armée d’Eudon fut mise en déroute près de Dinan.

Cependant, la réconciliation entre Alain III et le duc de Normandie paraissait sincère et durable, si bien que Robert le Diable, partant pour un pèlerinage en Orient, confia son unique héritier, un fils naturel, Guillaume le Bâtard, à son cousin Alain III. Robert mourut au cours de son voyage.

A cette nouvelle, un parti important refusa de reconnaître comme duc le jeune bâtard. C’est alors qu’Alain III intervint, battit Montgommery et l’exila ; mais les partisans de ce dernier empoisonnèrent le duc de Bretagne qui, ainsi, paya de sa vie la sollicitude dont il avait entouré Guillaume le Bâtard et le zèle qu’il avait déployé afin d’assurer sur sa tête la couronne de Normandie.

Alain laissait deux enfants, une fille nommée Havoise et un fils appelé Conan qui lui succéda sous le nom de Conan II. La jeunesse de ce prince fut malheureuse ; son oncle Eudon, duc de Penthièvre, l’obligea à s’exiler. Enfin, vers 1055, Conan ressaisit le pouvoir et conclut, en 1062, une paix avantageuse avec Eudon qui retourna dans son apanage. Ce fut vers cette époque que des démêlés surgirent entre Conan et l’ancien protégé de son père. En 1064, Rivallon, sire de Combourg, ayant réuni un groupe de seigneurs du comté de Rennes, se révolta contre l’autorité ducale. Apprenant que Conan se dirigeait vers Combourg, dont le château ne possédait pas des moyens suffisants de défense, Rivallon s’enferma dans la tour de Dol et sollicita des secours de Guillaume le Bâtard. Celui-ci était justement en train d’élever à la frontière bretonne, à St-James- de-Beuvron, un château-fort considérable. Fort de cet appui, Guillaume envahit la Bretagne. Cette expédition à laquelle fait seulement allusion Ordéric Vital et que rapporte, sauf le siège de Dinan, Guillaume de Poitiers, est figurée tout au long sur la curieuse Broderie de Bayeux, appelée le plus souvent Tapisserie de la reine Mathilde. On voit sur la broderie Guillaume et Harold, celui-là même avec lequel il devait se mesurer deux ans plus tard à Hastings, franchissant le Couesnon, auprès du Mont St-Michel. Le Mont est figuré, très grossièrement, par un château sur un monticule. Les guerriers sont revêtus de cuirasses formées soit de lames, soit d’écailles d’acier, ou d’anneaux réunis en chaînons, ou cotte de mailles.

Arrivée à la hauteur du Mont, c’est-à-dire dans l’estuaire d’Avranches, l’armée de Guillaume s’engagea dans les sables que la mer venait d’abandonner. Plusieurs soldats qui s’éloignaient des gués s’enlisèrent dans la tangue et Harold leur tendit une main secourable. L’inscription porte ces mots : « Et hic transierunt flumen Cosnonis et hic Haroldus trahebat eos de arena. »

Enfin, l’armée arriva sous les murs de Dol. Cette ville est figurée par une tour ; on voit, sur la broderie, un homme qui descend des remparts au moyen d’une corde. C’est très probablement un messager de Rivallon, dépêché vers Guillaume pour lui apprendre le départ de Conan, que l’on voit fuir au galop dans la direction de Rennes. « La scène suivante, dit M. Smart Le Thieullier, (Léchaudé d’Anisy : Description de la Tapisserie de Bayeux, traduite de Smart Le Thieullier), est sans contredit la plus remarquable de toute cette ancienne broderie. Elle représente un fait passé presque sous silence par tous les historiens anciens et normands. Cependant, on ne peut douter de la réalité de ce fait, en voyant le dessin, ainsi que l’inscription suivante : « Hic milites Willelmi ducis pugnant contre Dinantes et Cunan claves porrexit. » Cette partie de la tapisserie représente la ville de Dinan, assiégée par les troupes de Guillaume, qui mettent avec des torches le feu aux palissades. Les assiégés paraissent défendre vivement leurs murailles. D’un autre côté, on voit un homme, armé de toutes pièces, sans doute Conan, présentant les clés de cette ville au bout de la lance de sa bannière et un autre homme à cheval, également cuirassé, probablement Guillaume, qui reçoit ces clés au bout de sa lance, décorée d’une petite bannière. L’inscription et la tapisserie ne nous donnent pas plus de développement sur ce fait et les historiens gardant à cet égard un silence absolu, on ignore quels furent et la conclusion et le résultat de cette guerre. » (Léchaudé d’Anisy : Description de la Tapisserie de Bayeux, traduite de Smart Le Thieullier. Caen, Mancel, 1824).

Conan, débarrassé de Guillaume, réussit assez facilement à pacifier la Bretagne ; mais il subsistait toujours dans son esprit des idées de vengeance contre le duc de Normandie. Il attribuait au parti du bâtard l’empoisonnement de son frère Alain III et il lui gardait rancune de son intervention en faveur des seigneurs révoltés. Il cherchait une occasion de prendre une revanche. Il la trouva, quand il apprit que Guillaume se disposait à envahir l’Angleterre : « J’entends dire, lui écrivit-il, que tu vas passer la mer pour conquérir l’Angleterre ; j’en suis ravi, mais rends moi d’abord, je te prie, la Normandie. Robert de Normandie, que tu prétends être ton père, laissa, quand il partit pour Jérusalem, aux mains de mon père Alain, tout son héritage. Toi et tes complices, vous avez empoisonné mon père à Vimoutiers et, comme j’étais alors tout enfant, incapable de tenir la terre de mon père, tu t’en es emparé et tu la tiens contre tout droit, puisque tu n’es qu’un bâtard. Mais il faut maintenant me la rendre cette Normandie qui m’est due, sinon, je vais, de ce pas, te faire la guerre avec toutes mes forces ! » Ordéric Vital, Hist. Eccl. Livre IV, pp. 259-260, édition Leprevost, complète le récit de Guillaume de Jumièges : « Conanum, strenuissimum consulem veneno infecit, quem mortuum Britannia tota pro urgente probitate ineffabili fletu deflevit. »

On dit qu’un chambellan du duc de Bretagne, ami de Guillaume, empoisonna à l’instigation du duc de Normandie les gants, les rênes et le cor de guerre de l’infortuné Conan, qui mourut quelques jours après à Château-Gontier. C’est ainsi que, selon toute vraisemblance, Guillaume se débarrassa de son ennemi. La mort de Conan II eut pour conséquence de faire passer la dignité ducale dans la maison de Cornouailles. Elle devait donner trois ducs à la Bretagne :
1° Hoël de Cornouailles, qui régna de 1036 à 1084.
2° Alain Fergent, son fils, qui prit le pouvoir en 1084 et mourut en 1119.
3° Conan III, fils du précédent, qui régna de 1112 à 1148.

L’avènement de Hoël eut certainement été l’occasion de compétitions et de luttes violentes entre le duc légitime, le comte de Léon et le duc de Penthièvre, Odon, si, à cette époque, « tous les jeunes gens, les bouillants, les batailleurs, tous les aventuriers et ambitieux de Bretagne n’avaient pas été occupés ailleurs. Tous avaient suivi Guillaume le Bâtard de l’autre côté de la Manche et étaient à cette heure même occupés à conquérir avec lui l’Angleterre. » On comptait parmi eux, au dire de Bertrand d’Argentré, « le Vicomte de Léon, Robert, sire de Vitré, Raoul, fils de Méen, sire de Fougères et père de Henri de Fougères, vicomte de Dinan, le sire de Châteaugiron, Raoul, sire de Gaël, le sire de Lohéac et un grand nombre d’autres gens de guerre et de sang illustre sous la conduite d’Alain, surnommé Fergent. » (Consulter : Dom Morice, Preuves, I, 427 et Le Baud : Histoire de Bretagne, inédite : Bibl. Nat. ms. fr. 8266, f° 146, cité par de La Borderie : Histoire de Bretagne, III, p. 25, en note.) Les documents au sujet de la coopération bretonne à l’expédition de 1066 font à peu près complètement défaut.

Les recherches faites dans les archives départementales et particulières ne nous ont donné aucun résultat appréciable. Seul, le Domesday-Book a pu nous fournir quelques indications. Elles nous ont permis de déterminer la participation de plusieurs seigneurs bretons à la conquête de Guillaume et d’ajouter un assez grand nombre de noms à l’énumération très succincte de d’Argentré, de Dom Lobineau et de Dom Morice ; mais le manque de précision en ce qui concerne les lieux d’origine ne nous a pas permis de dresser une liste purement topographique ; par endroits elle est nominale.

Quelle était la force numérique du contingent breton ? Tous les textes sont muets à cet égard. Un auteur, (Delaporte : Recherches sur la Bretagne. Rennes 1819. Tome I, p. 109) sans indiquer la source de son information, l’évalue à 5. 000 hommes. Ce chiffre peut à la rigueur, être admis. On sait, en effet, que les troupes de Guillaume formaient à Hastings trois corps d’armée. Le premier, sous les ordres de Roger de Montgommeri et de Guillaume Fitz Osbern, sénéchal du duc, se composait de Boulonnais, de Picards et de mercenaires ; le second, commandé par Alain Fergent et Aimery, vicomte de Thouars, était formé de Poitevins, de Bretons et de Manceaux ; les Normands composaient le troisième (Wace : Roman de Rou, II, p. 190). Mais la Bretagne ne semble pas avoir armé de navires. Aussi, il nous paraît certain que les troupes bretonnes vinrent seulement se mettre à la disposition de Guillaume au point d’embarquement.

Ce contingent, à part les seigneurs qui le commandaient en chef ou en sous ordre, était surtout formé de mercenaires. A l’époque de la conquête les vilains de Bretagne ne prenaient pas part aux expéditions lointaines et le seigneur n’avait pas le droit de les entraîner loin de leurs foyers : « Les actes de ce temps, dit M. Henri Sée, (Henri Sée : Etudes sur les classes rurales de Bretagne au Moyen-âge) stipulent souvent que les vilains sont convoqués non pour l’offensive, mais pour la défensive. Ainsi en 1094, Gautier Hai, seigneur de la Guerche et de Pouancé, reconnaît que les hommes du prieuré de Marmoutiers sont astreints au service militaire, seulement en cas d’invasion de la seigneurie par l’ennemi. Dom Morice, (Dom Morice : Histoire de Bretagne. Preuves I, 731) rapporte un autre exemple ; aux termes d’un accord entre Ollivier, sire de Dinan et l’abbaye de Saint-Florent-de-Saumur, les hommes du prieuré de la Madeleine devaient suivre le sire de Dinan et lui faire le service militaire pour concourir à la défense de la seigneurie, mais non pas pour envahir ou piller une seigneurie étrangère.

D’après Augustin Thierry, (Augustin Thierry : Hist. de la Conq. de l’Angl. I, p. 180, Edition Furne 1851) « Brian et Allain vinrent au rendez-vous des troupes normandes, accompagnés d’un corps de Chevaliers de leur pays, appelés Mactierns ou fils de chef. » Ces Mactierns n’étaient autres que des vice-seigneurs. Ils avaient au-dessus d’eux un chef, dont ils dépendaient et qui était le comte. Ils n’étaient, eux, que chefs de plou ; le plou de Bretagne était au Xe et au XIe siècles beaucoup moins une institution religieuse qu’une institution civile. C’était une sorte de tribu gouvernée par un chef descendant du fondateur de cette tribu et dont tous les membres étaient tenus de reconnaître l’autorité héréditaire.

Les hommes du plou devaient-ils au machtiern le service militaire ? « Le fait est peu probable dit M. de la Borderie (De la Borderie : Hist de Bret. II, p, 161) ; nulle part, au IXe siècle, on ne voit le machtiern investi du droit de guerre privée, nulle part il n’a l’aspect d’un chef de guerre. Le chef de guerre c’est le comte, l’héritier des petits princes de l’époque mérovingienne, maintenant soumis au chef de la Bretagne. Quand le roi publie le ban de guerre, chacun des comtes somme ses machtierns de lui envoyer leurs contingents et chaque machtiern doit lui amener les guerriers de son plou. Mais ce service militaire n’est point rendu à la nation et il a un caractère public. Toutefois, menacé d’un péril ou d’une agression quelconque, le machtiern avait évidemment le droit de réclamer l’assistance des hommes du plou et ils la lui devaient aussi en cas de besoin dans l’exercice légitime de son autorité, surtout pour assurer l’exécution des jugements de son tribunal. Or l’appel, de Guillaume n’avait point pour les Bretons ce caractère obligatoire : l’expédition n’avait pas non plus pour eux, quoi qu’on dise, un caractère politique national ou religieux. On a prétendu que cette guerre contre les odieux Saozons avait été populaire parmi les descendants des anciens émigrés de la Grande Ile. Il faut en rabattre. La Bretagne assez pauvre, d’une population clairsemée, était, dès le milieu du XIe siècle, lasse de ses guerres intérieures qu’entretenaient entre eux les plus petits seigneurs. Elle ne se souciait pas de se lancer dans une pareille aventure, pour la seule gloire des armes et par haine des Saxons. La vérité est que le breton s’enrôla assez facilement sous la bannière de celui qui lui promettait monts et merveilles et surtout solde et butin. L’appât du gain seul détermina les Bretons, comme d’ailleurs, les neuf dixièmes de l’armée de Guillaume, à franchir la mer et à s’expatrier.

Qu’on n’objecte point que cette expédition a laissé des traces dans la littérature bretonne ! Augustin Thierry rapporte, en effet, dans ses pièces justificatives, un chant composé en Basse-Bretagne sur le départ d’un jeune breton, auxiliaire des Normands et publié par M. de la Villemarqué, dont voici les deux premières stances.

DISTROZ EUZ E VRO ZAOZ

(Barzas Breiz : Chants populaires de la Bretagne, publiés par M. Théodore de La Villemarqué, 3e édition, T. I, p. 233, dans Augustin Thierry : Histoire de la Conquête, pages 423-425. Edition précitée.)

Etré parrez Pouldrégat lia parrez Plouaré,
Ez euz tudjentil iaouank o sével eunn arme
Evit monet d’ar brezel dindan ma b ann Dukés
Deuz dastumet kalz a dud euz a beb korn a Vreiz.
Evit monet d’ar brezel dreist ar mor, de Vro-zoz,
Me meuz ma mab Silvestik ez int ous hé c’hortoz.
Me meuz ma mab Silvestik hané meuz né met-hem,
A ia da heul arstrollad, he gand ar varc’ héien.

Traduction : Le Retour d’Angleterre « Entre la paroisse de Pouldrégat et la paroisse de Plouaré, il y a de jeunes gentilshommes qui lèvent une armée pour aller à la guerre sous les ordres des fils de la duchesse, qui a rassemblé beaucoup de gens de tous les coins de Bretagne pour aller à la guerre par de là la mer au pays des Saxons. J’ai mon fils Silvestik qu’ils attendent ; j’ai mon fils Silvestik, mon unique enfant, qui part avec l’armée à la suite des chevaliers. »

Cette poésie est fort belle ; elle établit que jusqu’aux confins de la Bretagne, (Pouldrégat et Plouaret sont deux communes du Finistère) les machtierns, émus par le ban de guerre, excitent contre les odieux Saozons les plus jeunes bretons. Mais, hélas, Augustin Thierry a été mystifié par son collègue de l’Institut. Sans pitié, non pas, peut-être, sans malice, De La Villemarqué fabriqua de toutes pièces le Retour d’Angleterre, s’inspirant très heureusement d’ailleurs d’un autre morceau de ce genre, rapporté par Luzel, (Guerziou : Tome I : Svlvestrick), et qui date, tout au plus, du XVIIe siècle.

Il est donc bien certain que la littérature bretonne, savante ou populaire, n’a aucun point de commun avec l’histoire de l’expédition. Guillaume n’a inspiré aucun barde armoricain. Ni dans les sones, ni même dans le folklore breton, on ne saurait découvrir le moindre renseignement sur la Conquête Normande. Est-ce à dire que le rôle des Bretons fut effacé, au cours de cette prodigieuse aventure ? Non, certes. La conduite des trois Alain et de plusieurs seigneurs, entre autre le sire de Gaël, fut vaillante et d’ailleurs magnifiquement récompensée. Mercenaire ou non, le breton est courageux, entreprenant et tenace. Il le fut à Hastings et en beaucoup d’autres circonstances graves. Wace lui a consacré plusieurs vers élogieux dans son récit de la fameuse bataille. C’était justice.

Mais, la Conquête finie, la domination de Guillaume assurée ... ou presque, le puissant seigneur breton, tout comme l’humble vilain soumis aux machtierns, s’ennuya au pays des Saxons, devenu le royaume des Normands. « Quand ils (les soldats de Guillaume) considéraient les domaines qu’ils avaient arrachés aux Anglo-Saxons, quand ils les voyaient dévastés, ruinés, habités par une population hostile et accablée par la misère et par les maux dont ils étaient les auteurs, ils se laissaient aller à regretter les riches pâturages, les belles terres de la Normandie, de la Bretagne et du Maine. » Beaucoup revinrent vers la terre de granit recouverte de chênes, qu’ils avaient abandonnée, mais non sans espoir de retour.

Patronymes et Communes

Alexander. — Alexander, filius Asinar figure au Liber Wintoniae (IIe Part, pp. 551-562). Sa dénomination laisserait supposer qu’il descendait de la famille de l’Asne (Voir Asinus Hugo).

Alexandrus. — Alexandrus, filius Gollan, est inscrit au LiberWintoniae, p. 546, IIe Part. Cet Alexandre est très probablement le fils de Gollan. (Voir ce mot).

Alselin. (Voir Dinan).

Alwin (Ret). — Alewin est inscrit comme sous-tenant : (Hants, folio 50). Il paraît être d’origine bretonne. (Voir Retz).

Anetz. — Commune du canton et de l’arrondissement d’Ancenis (Loire-Inférieure). Elle possède le château de Vair, appartenant à la famille de Cornulier. Vair, Vaer ou Ver, alias le Plessix de Vair, était une terre seigneuriale comprenant cinq hautes justices et d’où relevaient seize juridictions. (Cf. Cornulier, Dictionnaire des terres et seigneuries comprises dans l’ancien Nantais). Auberi de Ver figure sur une liste des barons du duc Conan II, inscrite au pied d’une charte de ce prince en faveur de l’abbaye de Marmoutier (D. Morice, Preuves I, col. 409). Cette liste fut dressée en 1065. Albericus de Ver se trouve deux fois au Domesday Book ; 1° comme tenant en chef et par baronnie dix hydes de terre, dans le Middlesex, dix seigneuries dans le comté de Cambridge, plusieurs domaines dans le comté de Huntingdon. Hedingham, (au Domesday Haingheham) parait avoir été le chef de la baronnie ; 2° comme sous tenant dans les mêmes comtés. (Cf. Middlesex fol. 130 b ; Cambridgeshire folio 199 b ; Essex, folios 76, 101, 107 ; Suffolk fol. 418 etc.) Albericus de Ver était-il le seigneur d’Anetz ? Le rapprochement de la date de charte de Conan de Bretagne, avec celle de l’expédition, la similitude du nom pourraient le faire raisonnablement supposer. Léchaudey d’Anisy (Rech. sur le Domesday, pp. 85-88) ne fait aucune allusion à la seigneurie de Ver, près Ancenis en Bretagne. Pour cet auteur, deux paroisses du nom de Ver peuvent revendiquer l’honneur d’avoir été le berceau de l’ancienne maison des comtes d’Oxford : Ver près Bayeux (Calvados) et Ver près Coutances (Manche). M. de Gerville tire, en faveur de cette dernière paroisse un argument très sérieux de ce fait qu’Albéric de Ver figure au Domesday, comme sous-tenant de Geffroy, évêque de Coutances, dans les cinq comtés où ce même Albéric figure comme tenant en chef du roi. En faveur de l’origine normande, qu’on la place près de Bayeux ou de Coutances, il est à remarquer que la famille de Ver figure comme bienfaitrice dans un grand nombre de chartes ayant trait aux abbayes de Sainte-Trinité de Caen, de Fontenay, d’Aunay et qu’en 1209, Albéric de Ver, comte d’Oxord, abandonna à l’abbaye de Sainte-Trinité de Caen tous les droits qu’il avait sur les manoirs de Felshed et de Holsted en Angleterre, à condition que deux jeunes filles seraient admises comme religieuses dans ce monastère et qu elles seraient présentées par lui ou par les comtes, ses successeurs en Normandie. Le manoir de Kensington qu’Albéric de Ver sous-tenait de l’évêque de Coutances, demeura dans la famille de Ver jusqu’à la mort de Jean XII, comte de Ver, survenue en 1461.

Telles sont les raisons très fortes qui nous font rejeter en faveur de la Normandie et surtout au profit de Ver, près Coutances, l’hypothèse d’une origine bretonne pour Albericus de Ver. Il ne faut y voir, croyons-nous, qu’une similitude de nom et une coïncidence de dates. On trouvera dans l’article de Léchaudé d’Anisy, verbo : « Albericus de Ver, » de curieux renseignements sur l’origine extraordinaire donnée à cette famille par Leland et Collins. Le même savant y redresse également plusieurs erreurs commises par Kelham et les Peerages.

Ellis (Intr. to Domesday II, p. 399 en note), ne doute pas de l’origine normande d’Albéric de Ver ; il dit : « Although the entry in Middlesex, here refered to, ranges Alberic de Ver, and even numbers him as a tenant in Capite, he appears really to have held in that county under the bishop of Coutances. Kensington the manor entered, was afterwards the absolute property of the Vere family, as parcel of their barony, by virtue of their office of high Chamberlain. It continued in the family till John, twelfth earl was beheaded in 1461. »

Anschitillus (Anquetil). — Ce nom est porté au Domesday Book par de très nombreux conquérants. Celui qui nous occupe sous-tenait du comte Alain de Bretagne, trois hydes à Bercheham et un fief dans le Yorshire. Dans le comté de Norfolk, il sous-tenait du même Alain une terre à Herling. Pour cette raison, nous estimons qu’il était breton ; mais il est impossible de préciser davantage le lieu de son origine.

Artur. — Il est impossible d’assigner un lieu d’origine à ce conquérant. Il est cependant très probable qu’il était d’origine bretonne et qu’il suivit la bannière d’Eudon. Il soutenait, en effet dans la baronnie d’Eudo, à Buechesterdam, centenie de Laxendene une hyde et une charruée de terre, deux acres de pré et un droit de panage pour 43 porcs.

Asc ou Ask. — Famille bretonne, inscrite comme S. T. dans la baronnie de Sevain d’Essex. (Essex folios 45, 45 bis) Voir Léon.

Adestanus. — Deux sous-tenants de ce nom sont inscrits au Domesday-Book. L’un dans le Lincolnshire (fol. 348 b), l’autre dans le Cambridgeshire (folio 195). C’est peut-être le même individu. Il était, très probablement d’origine bretonne. Il sous-tenait, en effet, d’Alain, comte de Bretagne, une hyde de terre à Saham, centenie de Stane et, du même comté. Il est impossible de préciser davantage le point de départ d’Adestan.

Alain. — Trois Alain, seigneurs de Bretagne ont pris part à la Conquête, savoir : 1° Alain Fergant, 2° Alain le Roux et 3° Alain le Noir. Tous trois portaient le titre de comte, tous trois furent dotés par Guillaume soit immédiatement après l’invasion, soit après la répression des révoltes partielles des seigneurs anglais et anglo-saxons, (1068). Les généalogistes anglais Ellis, William Dugdale (Nicolas Harris, Sinopsis 1823), et après eux tous ceux qui se sont occupés de cette question ont commis, ainsi que la plupart des auteurs français, des erreurs ou des confusions qu’il faut de signaler ou rectifier.

Il importe tout d’abord de diviser les Alain en deux sections :

Première section :

Alain Fergant, comte de Bretagne, duc en 1084, moine à l’abbaye de Redon en 1112, mort le 13 octobre 1119. Il était fils de Houël V, duc de Bretagne et de Havoise de Bretagne, soeur et héritière du duc Conan II (Dugdale et Harris font mourir Alain Fergant en 1089) : ils le confondent avec Alain Ier dit Le Roux, mort en 1089. C’est à tort aussi que ce généalogiste donne à Alain Fergant le titre de comte de Richemont, qui appartient à Alain le Roux.

Deuxième section :

Elle est formée par Alain Le Roux et Alain Le Noir. Geoffroy Ier comte de Bretagne épousa Hadwige de Normandie, deuxième fille du duc Richard. De ce mariage naît Eudon ou Eudes, comte de Penthièvre et d’Avaujour. Du mariage d’Eudon avec Agnès, fille d’Alain Cagnard comte de Cornouailles, naissent, plusieurs enfants dont 1° Alain Ier dit Le Roux, mort en 1089 et 2° Alain II dit Le Noir, frère par conséquent du précédent, (et non pas frère d’Alain Fergant, comme le prétendent Dugdale et Nicolas Harris.) Alain Fergant n’eut qu’un frère, Mathias, comte de Nantes, et deux soeurs.

Cette division faite et ce groupement établi, il importe de préciser les donations qui furent faites à chacun des trois Alain, donations réunies par erreur dans les Inquisit. Eliensis fol. 116-122.

Donations à Alain Fergant, comte de Bretagne

Guillaume lui donna probablement avant son mariage avec sa fille Constance vers 1076 ou 1077, tous les domaines saisis sur le rebelle Morkard, qu’il tenait en chef, en baronnie, savoir : 1° Hertforshire, 3 maisons à Herford ; il tenait in capite les manoirs de Watone et de Mundene et 10 seign. dans les centenies d’Odesey, d’Edwin-Strew et de Hertford. — 2° Cambridgeshire, 5 burgenses à Cambridge ; il tenait en chef dans le même comté Fuleberne, Hintone, Tevresham, 67 seigneuries dans les centenies de Cildeford, Wittelesford, Norestow, Chavelay, Stanie et Radefelle. — 3° Northamptonshire, il T. E. C. la seigneurie de Warafeld. — 4° Derbyshire, il T. E. C. la seigneurie d’Elnod. — 5° Nottinghamshire, il T. E. C. 5 seigneuries. — 6° Lincolnshire, il T. E. C. plus de 80 seigneuries qui appartenaient presque entièrement à Morckard et dans lesquelles il avait le droit de Soca. — Enfin il réclamait les domaines et le droit de Soca, à Treding, des terres de l’évêque de Durham, de Robert le Dépensier, (Clamores in North Reding Lincolniae (fol. 376) etc. etc.) Il obtint aussi du Conquérant les titres et les droits de comte palatin (Yorshire folios 298 et 313). Enfin il sous-tenait dans les comtés d’Hertf. (137), d’Essex et de Norfolk.

Alain Fergent est appelé Alain Felgan, Alain et Alains Ferganz et Fergant par Wace qui le cite quatre fois dans le Roman de Rou.

Donations à Alain Le Roux, dit aussi le Rebré, deuxième fils d’Eudon de Penthièvre, comte en Bretagne

Il tenait en chef en baronnie le domaine d’Edwin, fils d’Olgar, que celui-ci possédait dans le comté d’York et dont Guillaume s’empara après la prise de cette ville. Alain Le Roux jouissait dans cette ville de 3 car. ter. Il tenait en chef le domaine de Ghellinges, d’où relevait Berewithe et 8 seign. dont se composait surtout la baronnie du comte Edwin et dont se forma ensuite le comté de Richemond. On y ajouta Apleby, seize autres localités de ses dépendances et au moins 160 seigneuries dont 6 dans le West-Reding et une dans l’Est-Reding. 199 manoirs dépendaient de sa châtellenie, mais 108 étaient dévastés. Mr. Gough, parle de la tour carrée du château principal de cette châtellenie (castelry) comme étant l’œuvre du Conan, comte de Richemont, au XIIe siècle.

Donations à Alain Le Noir, troisième fils d’Eudon de Penthièvre, comte en Bretagne

Il tenait en chef et en baronnie : 1° au comté de Hants, Croftone, Fanteley et un autre manoir dans la centenie de Ticefelle. 2° au comté de Dorset, le manoir de Derenis, pour 15 hydes de terre, que Brictric tenait T. R. E. 3° au comté de Norfolk 51 seign. 5° au comté de Suffolk 41 seign.

Nous avons dit que William Dugdale et après lui les généalogistes anglais avaient répété que Guillaume avait récompensé Alain Fergent, son gendre, qui commandait l’arrière-garde de l’armée à Hastings, en lui attribuant 442 manoirs, dont 199 situés dans le North-Riding de l’Yorshire avaient appartenu au comte Edwin et formèrent plus tard le comté de Richemond.

Léchaudé d’Anisy a signalé cette erreur. (Rech. sur le Domesday-Book, I, p. 75). « En étudiant, dit cet auteur, l’acte suivant par lequel le Conquérant donne à Alain de Bretagne, son neveu, les terres du comtes Edwin, nous avons pu nous convaincre qu’il n’avait pas fait cette dernière concession à Alain Fergent, son gendre, mais bien à Alain le Roux. Ce ms. contient un dessin représentant le conquérant délivrant cette charte à Alain. Il est évident que le mot "nepos" ne peut s’appliquer à Alain Fergent, gendre de Guillaume, mais le roi duc pouvait très bien appeler Alain le Roux, son neveu "nepos".

Alain le Roux, étant petit-fils d’Havoise, laquelle était fille de Richard Ier. Guillaume avait sur Alain le Roux le droit d’issu de germain et par conséquent il devait l’appeler son neveu, à la mode de Bretagne.

Asinus Hugo. — Il tenait en chef dans le Wiltshire (f. 73), dans le Worcestershire (f. 177 b.), dans le Herefordshire (180-180 b.) et sous-tenait dans ce dernier comté. Dans le premier comté, il est dit à son nom : « Ecclesia Sanctae Mariae Winton tenet de Hugone (l’Asne) Chenete pro filio ejus. » Dans le Worcestershire il tenait en chef et par baronnie trois hydes de terre à Tichenapletrew, ainsi que deux charruées et le sel à Wich. Dans le Herefordshire, il tenait directement, à Letflede, cinq hydes de terre qui dépendaient de Leofminster T. R. E. Enfin, dans le même comté de Nigel-le-Médecin, plusieurs terres dans la centeme de Tornelans. Voir la remarque d’Ellis : Intr. to Domesday, I, p. 443.) « Il est vraiment extraordinaire, dit M. Léchaudé d’Anisy, (I, p. 225), qu’un aussi puissant tenancier qui avait évidemment accompagné le duc Guillaume en Angleterre n’ait laissé aucune trace de sa famille dans ce royaume. Les auteurs des Peerages Eteints n’en parlent même pas et ne font même pas connaître dans quelles mains passèrent les domaines que Guillaume avait donné à cet Hugues l’Asne. »

L’origine de Asinus Hugo, en France est très incertaine. Etait-il venu du pays d’Evreux ? Il figure comme témoin dans un acte de donation de l’église de Guernauville à l’abbaye de Saint-Evroult. (Ordéric Vital, V, p. 575). Etait-ce un Avranchinais ou un Coutançais ? Dans un manuscrit de l’abbaye du Mont Saint-Michel, mentionnant l’état des vavassories qu’elle possédait à St-Germain sur Ay, figure le nom de Thomas l’Asne. Aux environs de Caen, au livre des Cens de la baronnie de Bretteville, figure souvent Ranulphe Lasnier ou Ranulf l’Asnier. En désespoir de cause, M. Léchaudé d’Anisy émettait l’hypothèse d’une origine bretonne : « Peut-être, dit cet auteur, faudrait-il chercher Hugo Asinus dans la Bretagne, arrondissement de Vannes, où il existe un hameau, appelé encore aujourd’hui l’Asne, dont un sieur l’Asne de la Batardière avait pris sans doute les armes, d’or à un aigle à deux têtes de sable, perché sur trois branches du même ? » Un arrêt de réformation de la noblesse de Bretagne, rendu le 3 Décembre 1668, déclara usurpateur l’Asne de la Batardière. A notre connaissance, il n’existe en Bretagne aucune famille se réclamant d’Hugo Asinus. « Saint-Marcel, paroisse de l’évêché de Vannes, renferme une terre noble, Lanée : en Saint-Martin sur Oust existe aussi une autre terre noble, Lannée. Au XVe siècle, il y avait en Ploerdut une famille bourgeoise, Le Lanier. (Communication de M. le Comte de Laigue).

Auray. — Chef-lieu de canton de l’arrondissement de Lorient (Morbihan). Cette paroisse est le lieu d’origine ou le berceau de la seigneurie de Willelmus d’Alré. Ce conquérant n’est pas inscrit dans le Domesday-Book, ni sur les Listes. Il figure cependant sur celle de l’Abbé De La Rue. Guillaume d’Auray est mentionné ainsi dans les Add. Exon Domesday, folio 61 : « Pro una virgata quam tenet Willelmus de Aire in Devon, in Sulferton hundred, rex non habet geldum. » D’après Léchaudé d’Anisy, (Recherches sur le Domesday-Book, p. 116), les chartes de l’abbaye d’Abendone nous montrent un Radulfus de Alra, tenant un fief de chevalier, dépendant de la baronnie que cette abbaye possédait dans le Berskire. Un Guillaume d’Auré figure comme témoin dans une charte de Robert Malherbe, par laquelle il donnait à son fils sa terre de Cheddoc. (Collect. cartrar, Bib. Harl, n° 616.) Un Herbert d’Auré fut témoin dans la Charte d’Emma d’Auvers, en faveur de l’abbaye de Thama, comté d’Oxford. (Cari. Ex. cod. cart. by Sanderson.)

Vers la fin du XIVe siècle, la famille d’Auray (branche bretonne) s’établit de Normandie dans l’arrondissement de Mortain, par le mariage de Jean d’Auray avec Jeanne de Meulan, dame de la baronnie de Saint-Pair le Servain, (voir Saint-Pois). Les d’Auray se subdivisèrent en plusieurs branches, notamment dans l’Avranchin, à la Chaise- Beaudoin, à Cuves et aux Cresnays.

Baderon. — Il se rattache à l’histoire de l’abbaye de la Vieuville (Ille-et-Vilaine). (Cf. D. Morice : Preuves à l’Histoire de Bretagne, T. 1, col. 666.)

Brito Aluredus. — Le Domesday renferme plusieurs exemples de la désignation d’une famille par son nom de province d’origine. X, Angevinus, X, Lothariensis, X, Ispaniensis, X, Brito. On trouve aussi Bret et même Bretun. Nous avons trouvé six Brito au Domesday-Book. Un seul présente quelque intérêt, Aluredus Brito ; mais il est impossible de le rattacher à une partie déterminée de la Bretagne. Il tenait directement du roi en baronnie vingt-deux seigneuries dans le comté de Devon. (Domesday-Book, Devonshire, fol. 155 b. et 116). Il devait compter parmi les chevaliers bretons les plus considérables qui suivirent la bannière d’Alain, étant donné l’importance des terres qui lui furent concédées. Le nom de Brito, Le Breton, Le Breton reste assez commun en Angleterre ; on le trouve encore dans les chartes anglaises jusque sous le règne d’Edouard Ier.

BRITO, Gotzelius, ou Gozelinus. (Buckingham. 152. Gloucester. 162. 170. Bedf. 217.)
BRITO, Maigno, sen Maino, Bucks, 143-151 b. Leic. 236. Sir Ellis (Introd. to Domesday) fait cette remarque : « In this entry of III burgenses, he has called Manno Brito. »
BRITO, Ogerus. Il est ainsi écrit : « Ogerus Brito, tenet de rege II partes uni. Hidae, id est XII car, trae. » (Domesday-Book, Leic. 236 et Lincoln, 364 b.)
BRITO, Ranialdus, T. E. C. (Suffolk 445).
BRITTO, Tihellus sen Tehelus. (Ess. 81b. Norfolk, 261 b.)

Bruc. — Commune du canton de Pipriac, arrondissement de Redon (Ille-et-Vilaine). Quelques auteurs veulent que cette paroisse soit le lieu d’origine de Brus, Brius, Bruis, dit aussi Robertus de Bruis, porté au Domesday-Book, (Yorshire, 332 b. et 333.) Nous avons établi d’une façon indiscutable que le Brius ou Brus, compagnon de Guillaume en 1066, était originaire de Brix, arrondissement de Valognes, (voir Brix). De même, l’opinion de M. Guillotin de Corson, (Les Grandes Seigneuries de Haute-Bretagne, t. III, p. 144), ne doit aussi être rapportée qu’à titre documentaire : « Dans la paroisse de Guémené Penfao, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Saint-Nazaire, le manoir seigneurial de Bruc a donné son nom à l’une des plus anciennes familles de la chevalerie bretonne. Cette famille, connue depuis le XIe siècle, possède encore Bruc de nos jours. Un des principaux seigneurs du lieu prit part à la bataille d’Hastings. » Le Brus ou le Brius de la Conquête était indiscutablement d’origine normande. En sens contraire, mais sans preuve, MAZAS ; Vie des Grands Capitaines, tome VII, p. 60.

Campenéac. — Commune du canton et de l’arrondissement de Ploërmel. Cette paroisse faisait partie de l’ancien diocèse de Saint-Malo. Elle est le berceau de la famille Larcher, l’Archer ou Larchier ; (terre de l’Abbaye). Nous trouvons au Domesday-Book Arcuarius Willelmus, comme tenant en chef et en baronnie les domaines de Beneclie et de Centune, centenie de Sunburne (Hants, folio 48 b.) Barlow (Peerage, p. 339) prétend que la famille des lords Archers descendait de Fulbert l’Archer, père de Robert l’Archer, qui tous deux suivirent Guillaume. Mais Robert n’était ni le frère de Guillaume l’Archier, ni le fils de Fulbert ; ni les Listes, ni le Domesday ne parlent de Fulbert. Peut-être, après tout, était-il mort avant 1086, date de l’achèvement du Domesday-Book. Mais Robert y est mentionné : Nous trouvons, en effet, au registre, Robertus filius Willelmi, comme T. E. C. dans le Derbyshire (f. 278) et dans le Nottinghamshire (f. 292). Ce Robert, fils présume de Fulbert, que La faveur de Guillaume appela comme éducateur de son jeune fils Henri, fut un personnage considérable. Il est probable que, conformément à l’usage, il ne prit le nom de l’Archer qu’après la mort de son père. Henri Ier, reconnaissant envers son précepteur, lui donna de grands biens dans le comté de Berks. Henri II ajouta à ces possessions la seigneurie d’Umberslade, à Tamworth, (Warwickshire), qui devint le siège principal de la maison d’Archer, dont les armes étaient d’azur à trois traits d’argent. Sa baronnie s’éteignit avec André Larcher (1778).
Il y a bien eu en Normandie plusieurs familles Larcher. On trouve un Julien l’Archer, Julianus Arcuarius, comme réclamant des droits sur la forêt de Lyons, en 1205. Le cartulaire anglais de l’abbaye de Sainte-Trinité de Caen mentionne des Allain, des Richard et des Jean l’Archer. Mais il nous paraît certain que cette famille est d’origine bretonne. En 1171, Pierre l’Archer, capitaine de 100 hommes d’armes, est tué au siège de Fougères, alors que Conan IV était duc de Bretagne. Cette famille a possédé les terres et seigneuries de l’Abbaye en Campenéac du Quilly, en Loyat, de Barenton, si célèbre par sa Fontaine Enchantée, en Concoret, et plusieurs autres terres en Augan, c’est-à-dire dans un pays très voisin de Gaël. Les Larcher avaient certainement suivi Raoul de Gaël. Les armoiries des Larcher de Bretagne sont de gueules à trois flèches tombantes d’argent. Que l’on veuille bien les rapprocher des armoiries des Larcher d’Angleterre et la question sera définitivement tranchée.

Châteaugiron. — Chef lieu de canton de l’arrondissement de Rennes. Le comte de Rennes donna, dans la première moitié du XIe siècle, un domaine considérable à Anquetil, seigneur breton. Celui-ci construisit sur la rivière d’Yaine une forteresse qui porta d’abord le nom de Chatel-Anquetil. Giron, son fils, fit partie du contingent breton. D’après P. du Paz, « Geoffroy Giron fut un des chefs de l’armée que le duc Hoël envoya à Guillaume le Bastard, duc de Normandie, sous la conduite d’Alain Fergent, et eut le dit Giron pour récompense de son service plusieurs terres et seigneuries en Angleterre. » (P. du Paz, Histoire Générale des principales maisons de Bretagne, p. 242.) Il avait épousé une femme nommée Contesse. De ce mariage naquit Geoffroy Giron, qui, vers 1096, changea le nom de la demeure féodale de son père et devint le premier baron de Châteaugiron. (Cf. D. Lobineau, Preuves de l’Histoire de Bretagne et Cart. Sancti Georgii, 138).

Le château actuel de Châteaugiron parait remonter à la fin du XIIIe siècle. Ses murailles ont de dix à quinze pieds d’épaisseur ; elles sont en assez bon état de conservation, n’ayant perdu que leur couronne et leurs mâchicoulis ; il ne reste aucune trace du château primitif, qui s’élevait sur l’emplacement du château actuel. (Cf. P. de la Bigne-Villeneuve : Bretagne Contemporaine, Ille-et-Vilaine, 22).

Combourg. — Chef-lieu de canton de l’arrondissement de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). Voir Dol et ce qui a trait à Rualdus Adobed, dit aussi Ruallon, Rivallon, sire de Combourg et de Dol.

Cornillé. — Commune du canton et de l’arrondissement de Vitré (Ille et-Vilaine). De cette paroisse, située entre Vitré et la Guerche, les seigneurs de cette première ville semblent avoir été, de tout temps, les véritables maîtres ; toutefois, les de Cornillé y possédaient les principaux fiefs de leur recouvrance immédiate, de là leur surnom, par suite d’un usage généralement répandu dans le Vitrais, où l’on préférait le nom de la paroisse à celui du fief lui-même. Leur nom était Hamelin. Un Hamelin était passé avec ses fils, vers 1050, au service de Robert, baron de Vitré. C’était un prieuré de la maison des Biards, en Normandie. (Voir Biards, les). Il eut deux fils, Odon et Geffroy : « Odo, filius Hamelini et Gofredus, frater ejus. » (Charte passée au château de Vitré, vers 1060.) Ils étaient majeurs à cette époque. Hamelin, peut-être même ses fils, suivirent la bannière du baron de Vitré, en 1066. Le nom d’Hamelin figure dans beaucoup de Listes : Hamelinc (Leland), Hamelyn (André Duchesne). D’après D. MORICE, (I, col. 482 et 725), Hamelin aurait contribué puissamment au mariage du baron de Vitré avec Agnès, héritière de Mortain. Odon, l’aîné de ses fils, aurait eu pour parrain Odon, évêque de Bayeux, frère de Guillaume. (Voir aussi Généalogie Historique de la maison de Cornulier, autrefois de Cornillé en Bretagne. Orléans : Herluison, 1889.) Hamelin est enregistré au Domesday-Book, Yorshire, 298, sous le nom de Hamelinus.
Nous croyons que Hamelin tira son nom de la paroisse de Hamelin, (canton de Saint-James, arrondissement d’Avranches, Manche), voisine des Biards. Le nom d’Hamelin figure assez souvent dans les manuscrits de l’abbaye du Mont Saint-Michel. D’un acte d’aumône, transcrit au Cartulaire, (ms. 210 de la Bibliothèque d’Avranches), nous extrayons ce passage : « Eg Hildranda, uxor Escirardi cujusdam militis, Do et Concedo S. Michaeli ecclesiam S. Martini de Capello Hameline ; ...Do duodecim acras terre et reliquas in Racineio ad spinam de Vileirs medietatem videlicet patris mei Hamelini. » Cette donation de 1114, faite par une femme mariée et qui mentionne le nom de son père, établit l’existence des Hamelin, tout au moins au XIe siècle.
Hamelin figure comme s. T. dans le Devonshire (105), le Cornw. (120,123 et passim), le Yorksh. (306). Y a-t-il identité entre Hamelin du Devonshire et Hamelin du comté de Cornouailles ? Dans ce dernier comté, Hamelin tenait 22 manoirs du comte de Mortain. Ellis suppose qu’il fut l’ancêtre de la famille Trelawny, dont la résidence était Trelaen. Le rapprochement d’Hamelin, (originaire des Biards, près de Mortain) avec le comte de Mortain démontre bien l’origine normande de ce sous-tenant.

Dinan. — Chef-lieu d’arrondissement du département des Côtes-du-Nord. Bertrand de Dinan, fils d’Hamon, petit-fils d’Hamon, était à la Conquête : Bertrand, qui vivait du temps du duc Conan II, du nom, fils du dict Alain III, accompagna Alain Fergent avec les autres barons et seigneurs bretons allant ayder à Guillaume le Bâtard, duc de Normandie, à conquérir le royaume d’Angleterre, l’an 1066. Et eut plusieurs chasteaux, manoirs, terres et seigneuries que lui donna le dit Guillaume, devenu roi, pour le récompenser. (De Paz, verbo : Histoire Généalogique des Vicomtes de Dinan, pp. 116-117). Wace dit : Li sire y vint de Dinan. (Roman de Rou, vers 8, 392).
Dinan parait aussi être le lieu d’origine de Alselin, Goisfrid Alselin ou Ascelin, lequel tenait directement du roi, tant en chef qu’en baronnie, quarante manoirs, vingt-quatre maisons et une église dans les Northamptonshire, (219-227), Leicestershire (235 b.), Derbyshire (276 b.), Nottinghamshire (280-289), Yorshire (326) et Lincolnshire (336-369 b.) (Voir aussi Clamores Ebor, 373 b. 374). Selon Léchaudé d’Anisy, (Recherches sur le Domesday-Book, p. 120), la plus grande partie des Domaines qui furent concédés après la Conquête à Ascelin appartenaient T. R. E. au saxon Tochi, et ce fut à raison de la possession de ce dernier qu’il réclamait encore, dans le Yorshire, quelques terres tenues par Roger de Busly, parce qu’elles faisaient partie des domaines du saxon. Mais il fut débouté de sa demande par les jurés, qui dirent ignorer à quel titre et de quel droit il pouvait réclamer. Kelham (Illustr. p. 105) dit de lui : « His estates after two générations went by a daughter to the Bardolphs. »
Près d’un siècle avant la Conquête, il y avait en Normandie et en Bretagne de nombreuses familles portant le nom d’Asselin ou Ascelin. Une charte relative au Mont Saint-Michel porte : « Ego Rolbertus Pincerna, filius Ascelini, Do et Concedo Deo, sanctoque Michaeli Archangelo, in monte videlicet Tumba, pro salute patris mei et matris meae filiique mei Gosceleni, fratrisque mei Galteri, pro remedio animae meae, omnem meam consuetudinem quam jure haereditario tenebam in castello de Dinam ; videlicet patellam et omnia quae propriis usibus monachorum empta fuerunt. » Léchaudé d’Anisy (Recherches sur le Domesday-Book, I, p. 121) déclare, d’après cette charte, qu’il est présumable qu’Ascelin, qui fut le père commun de Goisfrid Alselin ou Asselin, ainsi que de Robert et de Gautier, aurait été un cadet ou un bâtard de la famille bretonne de Dinan, qui aurait eu en apanage quelques droits coutumiers sur le château de cette ville. Il aurait transmis ces droits à son second fils Robert, car il n’est pas probable qu’il soit ici question du château de Dinan, situé dans le pays de Galles, qui ne fut, d’ailleurs, concédé à Foulques, l’un des compagnons du duc Guillaume, que par le roi Henri Ier ; d’où ce chevalier prit ensuite le nom de Foulques de Dinan.
Les généalogistes anglais ont défiguré le nom d’Alselin, en convertissant Al en Han, pour y trouver l’origine de Hanselyn. (Voir sur cette altération et ses conséquences : Léchaudé d’Anisy : Recherches sur le Domesday-Book.)
Le Domesday mentionne aussi : 1° Radulfus nepos Gosifridi Alselin (Lincoln. 336) : « He held the hall or mansion in the city of Lincoln, which had belonged to Tochi, the son of Outi. » (Ellis, Intr. to Domesday, I, p. 472, en note.) ; 2° Drogo homo Radulfi nepotis Goisfridi Alselin. Il sous-tenait dans le comté de Lincoln (Lincolns. 369 b.) Deux hommes de Godefroy Alselin (Hommes II et Goisfridi Alselin) sous-tenaient aussi dans le Lincolnshire (363 b. 370).

Dol ou Dol-de-Bretagne. — Chef-lieu de canton de l’arrondissement de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). On trouve au Domesday-Book Rualdus Adobed. Il tenait en baronnie, dans le comté de Devon, Lamberton Bridge et vingt-sept manoirs : il possédait une maison à Exeter. (Devonshire, folios 114 b. 115 et Exon. Domesday Add. 382-387-494). Dans Rualdus Adobed, il faut voir Ruallon ou Rivallon, sire de Combourg, appelé aussi Rivallon de Dol, frère de l’archevêque Junguené. En 1064, Rivallon s’était révolté contre Conan II, duc de Bretagne : Conan II, dit M. de la Borderie, (Histoire de Bretagne, III, p. 16), s’étant mis en campagne pour réprimer cette révolte, Rivallon ne l’attendit point dans son château de Combourg dont la force, en cas de siège, ne le rassurait pas suffisamment : il s’enferma dans la Tour de Dol, puissante forteresse, élevée par lui en cette ville, à l’ombre de la cathédrale. Le duc de Bretagne vint l’y assiéger. Comme il pressait le siège et poussait vivement les autres rebelles, ceux-ci demandèrent secours au duc de Normandie, Guillaume le Bâtard, qui accueillit fort bien leur requête et fit même, en leur faveur, une démonstration des plus menaçantes, en élevant contre la frontière bretonne, pour les soutenir au besoin, une grosse forteresse, le château de Saint-James-de-Beuvron. Quelques temps après, Guillaume, accompagné d’Harold, envahissait la Bretagne. La Broderie de Bayeux représente l’armée de Guillaume sous les murs de Dol, que les troupes de Conan abandonnent précipitamment. On peut supposer que Rivallon, ayant fait cause commune avec le Bâtard, fut armé chevalier par le duc de Normandie, d’où son nom "Adobed, miles adobatus", terme assez fréquent dans le Roman de la Chevalerie. (Roman de Girard de Vienne et Roman de Garin.)
Il convient de signaler ici un poème de Baudry, archevêque de Dol, sur la Conquête de l’Angleterre. Ce poème ne fait pas partie de la Collection Historiae Francorum Scriptores L43 5 de la Bibliothèque Nationale. Il a pour titre : « Baldrici Burguliensis abbatis versus de Conquestu Angliae per Guillelmum, Normannorum ducem, ex majore poemete ad Adelam comitissam. » Il contient 370 vers, copie du XVIIe siècle, très probablement de la main de Duchesne : mauvaise écriture. Il commence par un long discours de Guillaume à ses vassaux, à la manière antique ; il se continue par une description de la bataille d’Hastings. Il ne renferme aucun détail historique et est muet sur la participation des Bretons à la Conquête. — Collection Duchesne, XIX, Vol. XLIX, p. 537. (Renseignement fourni par M. Paul Le Brethon, archiviste-paléographe, attaché à la Bibliothèque Nationale.)
Ruald possédait à Exeter une maison qui payait au roi le droit coutumier.
Nous extrayons de l’Exchequer Domesday la description plus complète des domaines de Lanbretona et de Sigeforda. Lanbretona : "Ruald has a manor called Lanbretona bodie Lamecton which Ardulph held T. R. E. and it paid geld for a hide and a half. This 17 ploughs can till. There R(ualdus) has 1/2 hide and 5 ploughs in demesne, and the velleins one hide and tevelve ploughs. There R(ualdus) has 34 villeims, 16 serfs, 5 swincherds, 4 beasts, 20 twine, 75 sheep, 3 mills paying 9 shellings a year, wood (land) seven furlongs long, 3 broad, 40 acres of meadow pasture 1 1/3 leagues long by 1 broad, worth 12 pounds ; when Ruald received it, it was worth 9 pounds. (Fol. 411)."
Sigeforda, hodie Sigeford. Rualdus habet i mansionem quae vocatur Sigeforda quam tenuit Bristritius ea dia qua rex Edwardus fuit vivus et mortuus et reddidit geldum pro i virga. Hanc potest arare (una) carruca et dimidia. Modo tenet hanc Salomon de Rualdo. In ea habet Salomon iiii boves et V oves et X capras et i vaccam et VI agros nemoris et viii agros pasecuae et valet per annum V solidos et quando Rualdus accepit velebat iii solidos (Fol. 414 bj.)"

Fougères. — Chef-lieu d’arrondissement du département d’Ille-et-Vilaine. Les princes bretons formèrent la baronnie de Fougères en faveur d’un seigneur de leur race. Le premier baron de Fougères s’appelait Main : il vivait au commencement du XIe siècle. Son fils et successeur Onffroy construisit vers 1024, à Fougères dans la vallée du Nançon, un château dont il ne subsiste plus aucune trace. Vers 1048, Main II lui succéda ; il eut pour fils Raoul Ier qui fut un des plus illustres barons de Fougères. Il prit part à l’expédition de Guillaume, combattit à Tinchebray, fonda l’abbaye de Savigny, qui devint le lieu ordinaire de la sépulture des barons de Fougères, et mourut sous l’habit monacal en 1122. (Cf. G de Corson : Les Grandes Seigneuries de Bretagne, IIe p. 188.)
Wace : Roman de Rou, (Edition allemande de Hugo Andresen) dit :

Grant pries i out cil de Felgières
Qui de Bretaigne ont genz mult fières

Il figure au Domesday-Book sous le nom de Radulphus de Felgeres. Il tenait en chef dans les comtés de Surrey (36 b), de Devon (113 b), de Buckingham (151 b), de Norfolk (263 b), de Suffolk (432). Dans plusieurs comtés, ses terres avaient appartenu à la comtesse Goda. Rad. de Felgeres et encore Rad. de Felgeris sous-tenait aussi dans le comté de Berks et dans celui de Norfolk. On trouve dans le Yorshire (331 b. et Clam. Ebor. 374) un Landricus, comme T. E. C. Ce Landry est très probablement la même personne que Landricus, carpentarius, mentionné dans le même comté (fol. 298). Peut-être était-il originaire du pays de Fougères où le nom de Landry est très répandu.
On trouve aussi un Guillaume de Fougères, Willelmus de Felgeres, dans le comté de Buckingham (151).

Gaël. — Commune du canton de Saint-Méen, arrondissement de Montfort, (Ille-et-Vilaine). Le seigneur de Gaël, Raoul de Gaël-Montfort, était à la Conquête : Radulphus Cornes, mentionne le Domesday-Book (Suffolk 284 b.)

Et Raoul y vint de Gaël
Et maint Breton de maint chastel.

Les hommes amenés par Raoul de Gaël se distinguèrent à Hastings :

Ioste la compaigne Néel
Chevalcha Raol de Gael,
Bret estoit et Bretons menoit

Il reçut des biens considérables en Angleterre : « Radulphus de Waher (ou Wader, Guader, Guadel) erat per donum regis cornes Northfolki et Suthfolki. Rex dédit Radulfo comitatum in Northfolc et Suthfolc. » (Chron. Sax. Ed. Gilson p. 182). Ce territoire formait un état de l’Heptarchie anglo-saxonne, l’Estanglie. Il comprenait les villes de Newmarket, de Norwich et d’Ipswich et toute la côte, baignée par la mer du Nord depuis l’embouchure de la Stoure, jusqu’au golfe de Boston. On sait que Raoul de Gaël s’étant attaqué à Guillaume le Conquérant succomba dans la lutte, repassa sur le continent et revint dans sa baronnie de Gaël. Cette baronnie comprenait toute la forêt de Paimpont et les territoires qui formèrent plus tard les baronnies de Gaël, de Montfort et de Montauban. (Cf. A. de la Borderie : Essai sur la Géographie féodale de la Bretagne, pp. 119-120). « Ralph. Guader married Emma the daughter of William Fitz Osbern, Earl of Hereford. William the Conqueror outlawed him. He then went to the duchy of Britany, where he possessed the two castles of Guader (lisez Gaël) and Montefort (lisez Montfort-sur-Meu). His daughter Amicia, who had been contracted to the natural son of Henri the First, married Roger de Bellemont, earl of Leicester. » (Ellis. Int, to D. B. I, p. 471).
On voit encore, sur les bords du Meu, dans la commune de Gaël, l’emplacement de l’ancien château. La tradition le faisait remonter aux origines mêmes de la monarchie bretonne : Juthaël ou Judicaël, son fils, roi de Domnonée y aurait habité, dit-on, au commencement du VIIe siècle ; mais son histoire, vraiment authentique ne date que de Raoul Ier sire de Gaël, conquérant. (Cf. G. de Corson : Les Grandes Seigneuries de Haute-Bretagne, 2e série p. 200 et abbé Orevée : Histoire de Montfort, 17.)

Gollan. — Il est inscrit au Liber Wintoniae. Il sous tenait dans la baronnie d’Alain de Bretagne à Grantexte, centenie de Wederlay, comté de Cambridge. Son nom et la dépendance de ses biens permettent de supposer que Gollan était venu de Bretagne. Son fils Alexandrus (Voir ce mot), est également inscrit au Liber Wintoniae.

Guerche (La). — Chef-lieu de canton de l’arrondissement de Vitré. Le seigneur de la Guerche (Goisfridus de Wira, au Domesday-Book) suivit Guillaume. Il reçut des biens importants dans les comtés de Leicester, de Northampton et de Warwick. (Northampt. 219, 227 b. Warw. 238, 243 b, Nottingh. 291. Lincoln 369.) Kelham (Illust. p. 105) dit qu’il venait de la Petite-Bretagne « He was of Little Brittany in France. » Il figure dans le Domesday-Book, (Yorshire 326 b) sous le nom de Lawirce. « Goisfridus de Werce tenat in Leicestershire VII h. 7 un, car. terrae, 7 una bovata. In unaq. hida. st. XIIII car. t. 7 dim. » (Dom. I, 1.235.) Il sous-tenait aussi dans le Warwickshire (239 b.) Ellis le mentionne comme « custos of the land of Earl Aubery. »
La Guerche est appelée dans les anciens titres Wuirchia, Guercha. Elle avait des seigneurs particuliers. En 1062, Conan II avait assiégé le château de la Guerche. Son château a subi plusieurs sièges. Il fut détruit au cours des guerres du XVe siècle. Il n’en reste rien : la motte subsiste.
Dans le Warwickshire, il obtint douze manoirs, desquels dépendaient environ 9000 acres. Il favorisa les moines de Saint-Nicolas d’Angers en leur concédant rentes et terres à Kirby dans le Warwickshire. "Goisfridus de Wira tenet de rege Chircheberre ; in hoc manerio habent monachi S. Nicolai II car. et XXII villanos et VI bord, cum car. Totum valuit C. sol et port XL sol. modo X lib. Lenninus tenuit. (Domesday-Book, Warwick. I, p. 243, r°).

Léon. — Au XIe siècle, le comté de Léon avait la même configuration que l’évêché de ce nom. Il occupait la partie nord du département du Finistère (arrondissement de Morlaix et de Brest.) Il était limité au nord et à l’ouest par la mer, à l’est, il était séparé du comté de Goëlo par la rivière le Douron et, au sud, du comté de Poher par la rade de Brest, (Bresta oppidum) et la chaîne des montagnes d’Arès. Vers 1035, on y rattacha un assez vaste territoire, (châtellenie de Morlaix et de Lanmeur), compris entre le Douron et la rivière de Tréguier. Le Léon renfermait quatre châtellenies : Lesneven, Saint-Renan, Daoudour et Landerneau. Elles ne constituaient pas des fiefs, mais seulement des subdivisions du comté de Léon. Le seul fief important à signaler dans ce comté, au moment de la Conquête, était le Regaire ou Seigneurie temporelle de l’Evêque, comprenant la ville épiscopale de Saint-Pol ou Castel-Pol, dix paroisses et les îles de Batz et d’Ouessant, (Insula Betho — Insula Ossa).
En 937, ce pays fut délivré des Normands par Even le Grand, que l’on peut considérer comme le premier comte du Léonnais. Son successeur, Guiomarch Ier, eut seulement le titre de Vicomte (DOM MORICE : Histoire de Bretagne, I, pp. 362, 366, 367), que prirent aussi ses descendants. Ses seigneurs suivirent presque toujours le parti des ducs de Bretagne contre les grands féodaux. A l’époque de la Conquête, le Vicomte de Léon était Morvan, celui-là même qui avait assiégé le château de Combourg, d’où Rivallon de Dol (Ruellonus Capra Canuta) avait longtemps bravé l’autorité de Conan II. D’après d’Argentré et la plupart des historiens de Bretagne, y compris M. de la Borderie, le Vicomte de Léon était à la Conquête. Ce pays dut fournir à l’expédition un contingent assez appréciable. Nous trouvons au Domesday-Book une famille d’Asc ou Ask, originaire du pays de Léon. (Essex, folios 45, 45 b 63 b. 74 b.) Il sous-tenait dans la baronnie de Swain une hyde et demie de terre, 82 acres, 111 hommes libres, le panage de 70 porcs et la pâture de 23 brebis. Il sous-tenait également dans la baronnie de Robert de Germon.

« La famille d’Asc, dit Léchaudé d’Anisy, (Recherches sur le Domesday-Book, I, p. 221), était alliée à la maison de Bretagne et ses descendants ou ceux de Walter, son frère, s’établirent en Angleterre. Nous voyons, en effet, dans le cartulaire du prieuré de Marrig, situé dans le North Reding de l’Yorshire, que Roger d’Asc fonda ce monastère, en 1165, pour sa fille, qui s’y fit religieuse, du consentement de Warner, fils de Guiomare de Léon, son suzerain, et de celui de Conan, duc de Bretagne et de Richemond. Il donna aussi à ce monastère le tiers du domaine qu’il possédait à Marrig. »
Une charte de Conan le Petit, duc de Bretagne et comte de Richemont, (1165-1171), porte qu’il donna à Conan de l’Ask, son parent, (consanguineo meo), toutes les terres qu’il tenait de son aïeul. Une endenture de 1380 mentionne également un Conan d’Ask. Après cette date, toute mention de ce nom disparaît en Angleterre ; en France, l’extinction dût se produire plutôt encore.

Lohéac. — Commune du canton de Pépriac, arrondissement de Redon (Ille-et-Vilaine). Les seigneurs de Lohéac apparaissent dès le Xe siècle. Le plus ancien semble avoir été Hervé de Lohéac, qui vivait vers 992. Il eut pour fils Judicaël qui épousa Gasceline. Judicaël prit part à la Conquête. (Cf. Dom Morice : Preuves à l’Histoire de Bretagne, I, p. 434.) D’Argentré le cite ; il figure dans la Liste de Léopold Delisle.
Peu de temps après l’expédition, il donna à l’abbaye de Redon la terre de Govez, en Guipry, vers 1070. (Cartulaire de Redon.) Le château primitif était construit sur l’emplacement d’un oppidum gallo-romain, au sommet de la plus importante des quatre buttes ou mottes artificielles, voisines du bourg de Lohéac. Le château était déjà disparu à la fin du XVe siècle. On lit, en effet, dans un Aveu : « Les vieilles mottes, anciennes esquelles autrefois, y avoit un chasteau et forteresse, sises au lac de Lohéac. » Une déclaration, passée en 1695, porte : « L’ancien emplacement du chasteau de Lohéac, situé proche de la ville du dict lieu, où il y avait encore de vieilles mottes et terrasses eslevées, où était le dict chasteau et forteresse, avec les fossés autour, sur une desquelles il y avait une chapelle fondée de Saint-Sauveur. »

Mousteru. — Chef-lieu de canton de l’arrondissement de Guingamp (Côtes-du-Nord). Cette paroisse renferme les ruines d’un château qui domine le cours du Dourdan. L’ancienne chapelle seigneuriale est blasonnée des armes de Lisle. Raoul de Lisle figure parmi les gentilshommes bretons ayant pris part à la Conquête de l’Angleterre. Il est inscrit dans le Domesday-Book et les chartes anglaises qui ont servi à dresser la liste des compagnons de Guillaume. (Bibliothèque Nationale, L. K. 2. 1872). Les de Lisle figurent deux fois dans cette liste. Raoul de Lisle est le 9e enregistré sur ce nom de baptême et Honfroy de Lisle, le 6e. Le Domesday-Book mentionne Hunfridus de Insula, (Wilts 64 b. 70 b.), comme tenant en chef una masura in burgo Malmesberie et Radulphus de Insula. (Bedf. 217). On trouve aussi comme sous-tenant dans le Nothinghamshire (282 b.) Rubertus de Moslers, homo comitis Alani.
La branche des de Lisle, fixée en Angleterre depuis la Conquête, est inscrite au Wapenbaeck de Geldre (1334-1370, p. 60) : « Jehan de Lisle, fils de Robert, seigneur et baron de Lisle. » (Cf. La Noblesse de Bretagne, par M. le Marquis R. de l’Estourbillon. Consulter aussi Gauttier du Mottay : Répertoire archéologique des Côtes-du-Nord, p. 140, et Archives départementales des Côtes-du-Nord, Série E, 28 X, 1701). Dans la monographie qu’il a consacrée à la famille de Lisle, M. de l’Estourbeillon s’exprime ainsi : « D’origine chevaleresque, cette famille apparaît dès le VIIe siècle à la Seigneurie de Lisle, château-fort, dont le nom est venu de sa position sur une île de la Rance, à 300 mètres au sud de Saint-Jouan, et qui a donné le nom de Lisle à cette paroisse. » (D’après le Dictionnaire d’Ogée, t. II, p. 771). L’erreur est évidente ; la paroisse de Saint-Jouan, baignée par la Rance, fleuve d’où émerge, en effet, quelques îlots, s’appelle Saint-Jouan-des-Guérets et dépend du canton de Saint-Servan. Saint-Jouan-de-Lisle est une commune du canton de Dinan, séparée de la première par plusieurs lieues.

Paimpont. — Commune du canton de Plélan-le-Grand, arrondissement de Montfort (Ille-et-Vilaine). Paimpont se trouve à peu près au centre de la forêt du même nom, appelée au moyen-âge Brocéliande, Brecheliant, Brécilien, et célébrée dans de nombreux romans de chevalerie.
Wace dit qu’il vint à la Conquête des gens qui habitaient le voisinage de cette forêt :

E maint Breton de maint chastel
Et cil decers Brecheliant
Dont Breton vont souvent fablant.

Comme le trouvère cite expressément Raoul de Gaël, dont la seigneurie comprenait une grande partie de la forêt de Paimpont, beaucoup plus étendue au XIe siècle qu’elle ne l’est aujourd’hui, il nous parait certain que d’autres bretons du voisinage se joignirent à Raoul. Ils durent recevoir des terres, soit comme tenants, soit comme sous-tenants dans les comtés de Norfolk et de Suffolk, à la tête desquels Raoul fut placé par le Conquérant. Nos recherches à ce sujet ont été infructueuses.

Plessé. — Commune du canton de Saint-Nicolas du Pélem, arrondissement de Saint-Nazaire (Loire-Inférieure). P. du Paz : Histoire Généalogique des principales Maisons de Bretagne, s’exprime ainsi : « Et furent les Bretons au corps de la deuxième bataille, donnée le quatorzième jour d’octobre, au dit au comte Harold ; à cette expédition de guerre furent quatre frères de la maison d’Espinay, que l’histoire ne nomme point par leurs propres noms, ce qui est à plaindre ; deux desquels furent tués en cette bataille et moururent au lict d’honneur, combattant valeureusement. L’un des deux qui restèrent fut seigneur d’Espinay et l’autre se maria en Flandre et de lui sont venus les seigneurs et princes d’Espinay. » (Voir aussi DE COURCY : Nobiliaire et Armorial de Bretagne, 2e éd. I, p. 288). Wace mentionne bien un d’Espiné, mais c’est un seigneur normand : Cil d’Espiné (i) et cil de Port. (Roman de Rou, vers 8. 504.)
Cette famille tire son nom d’un domaine seigneurial situé dans la commune de Plessé. L’identité du nom patronymique et de la désignation de la terre permet de supposer que ses auteurs habitaient la même localité dès les premiers temps de la féodalité. (Cf. Généalogie de la Maison de Lespinay, originaire de Bretagne, par Léon Maître. Nantes, Grimaud, 1897). Bizeul, dans une étude sur les Voies Romaines, (Annuaire du Morbihan, 1841, p. 176) décrit ainsi le château : « C’était une petite place-forte, dont l’enceinte, de forme pentagonale, contenait environ vingt-cinq ares. Elle était défendue par une muraille et par un fossé d’une vingtaine de pieds de largeur, alimenté par le ruisseau sortant de l’étang de Plessé et sur lequel était jeté un pont-levis. »

Plouasne. — Commune du canton d’Evran, arrondissement de Dinan (Côtes-du-Nord). Cette paroisse était habitée, vers la fin du XIIIe siècle, par Robert de Courson, descendant d’Hubert de Courson qui avait quitté la Normandie, vers 1225, pour venir s’établir en Bretagne, dans l’évêché de Saint-Malo. (Cf. La Noblesse de Bretagne, par M. le Marquis de l’Estourbeillon, II, p. 128 et surtout R. Courson de la Villeneuve : Histoire d’une Maison bretonne et de ses origines anglo-normandes.) Le ou les Courson de la Conquête, qui accompagnèrent Guillaume, (voir les Listes et le Monast. Ang. t. III, IV, V), seront étudiés au mot Courson (Calvados). La famille de Courson, devenue très puissante en Angleterre, a été l’objet d’une remarque de la part de M. Usher dans son History of Croxhall.

Pont-l’Abbé. — Chef-lieu de canton de l’arrondissement de Quimper (Finistère). D’après Léchaudé d’Anisy, (Recherches sur le Domesday-Book, I, p. 261), Guillaume de Pont, signalé comme devant une redevance dans le Liber Wintonice ou Rôle de Winchester, (1re partie, p. 541), serait originaire de cette paroisse, d’où est sortie une ancienne famille bretonne. Signalons, toutefois, que l’on trouve deux autres paroisses de Pont l’Abbé dans deux autres pays qui ont fourni un contingent à Guillaume : Pont l’Abbé (Manche) et Pont-Labbé (Charente-Inférieure).

Pordic. — Chef-lieu de canton de l’arrondissement de Saint-Brieuc. D’après du Paz, (Histoire Généalogique de plusieurs maisons illustres de Bretagne, édition de 1619), Brient, fils d’Eudo, comte de Penthièvre et d’Ouquen de Cornouailles, partagea la succession de ses père et mère avec ses frères et eut la terre et la seigneurie de Pordic pour lui et ses hoirs.

Porhoët. — Le Pontrocoët, dont les formes s’adoucirent successivement en Portrcoët, Podcroët, Podrhoët et Porhoët, était formé, au IXe et au Xe siècle, par la grande forêt centrale de Brécelien (aujourd’hui Paimpont). Il était limité au nord par une partie des montagnes d’Arez et les montagnes de Menez, à l’est par la Vilaine jusqu’à Redon, au sud par l’Artz et les landes de Lanvaux (Lanvas Saltus), enfin, à l’ouest, par une ligne fictive remontant des sources du Scorf à la forêt de Carnoët. Il renfermait les abbayes de Wadel (Gaël). (voir ce mot), de Mauron, de Ballon, de Loc Menech, de Redon, etc. Les principales seigneuries étaient celles de Gaël, de Lohéac, de Malestroit. Le seigneur de Gaël, Raoul, aida Guillaume à conquérir l’Angleterre ; (voir Gaël et sur son histoire et celle de son fils, Dom Morice, Preuves, I, 466, 489, 570, etc. et Ordéric Vital, t. V, p. 421, éd. Le Prévost). Sur l’étendue du comté de Porhoët, voir Annuaire Historique et Archéologique de la Bretagne, par A. de la Borderie, 1861, p. 154. Le sire de Lohéac était aussi à l’expédition. « Un descendant de Robert de Courson, de 1066, tenait un de ses fiefs sous Alain de la Souche, vicomte de Porhoët. De nos jours, c’est Robert de Courson qui porte le nom et le titre de la Souche, qu’il tient de sa grand’mère, dernière héritière de la maison de Porhoët. » (Courson de la Villeneuve : Histoire d’une maison bretonne, 1, p. 143).

Rennes. — Chef-lieu du département d’Ille-et-Vilaine. Cette ville est considérée comme la capitale de la Bretagne. A la mort de Conan II, en 1066, Hoël de Cornouaille devint comte de Rennes et duc de Bretagne. Il envoya son fils Alain, dit Alain Fergant ou Fergent, à la Conquête de l’Angleterre. Cet Alain ne fut duc de Bretagne qu’après la mort de son père, le 10 avril 1084. Alain, au moment de l’expédition, était vraiment comte de Bretagne, tandis que deux de ses compagnons, Alain Le Roux et Alain Le Noir, fils du duc de Penthièvre, n’étaient que comtes en Bretagne. Les généalogistes anglais n’ont pas fait cette distinction très importante. Au sujet d’Alain Fergant, voir au mot Alain, (les). La liste de Léopold Delisle porte Hughes de Rennes.

Retz. — Le territoire de Retz (pagus retiacensis ou ratensis) situé entre la Loire, la mer et la frontière poitevine formait une importante baronnie dite de Retz ou de Rais, comprenant plus de quarante paroisses, avec de nombreux châteaux : Machecoul, Collet, Prigni, Princé et Pornic, qui existaient dès le commencement du XIe siècle (Cf. René Blanchard : Introd. au Cart. des sires de Rais - Archives historiques du Poitou.) Ce pays a certainement fourni un contingent à Guillaume, compris qu’il était entre le Poitou et la Bretagne, à laquelle il était incorporé.
On trouve dans le Domesday, comme S. T. (Hants, folio 50) Alwin Ret. Ne figurant pas parmi les tenanciers T. R. E., il est à peu près certain que Alwin n’était pas un indigène. On peut donc conclure à cause de la similitude du nom de Ret avec celui de Rets ou Retz que ce sous tenant était originaire de cette partie de la Basse-Bretagne et qu’il a été inscrit dans le Domesday sous le nom de sa province. Toutefois Ellis (Intr. to Domesday, p. 372) mentionne cet Alwin (Hants, 50 ; Oxf. 161) comme tenant T. R. E.

Saint-Brieuc. — Chef-lieu du département des Côtes-du-Nord. Cette ville peut être considérée comme la capitale du pays connu, au Moyen-Age sous le nom de Pentever ou Penthièvre. M. de la Borderie (Hist. de Bret. II, p. 414) le décrit ainsi : « Entre la limite ouest du diocèse d’Aleth et du comté de Rennes et la limite est du comté et de l’évêché de Léon s’étendaient les deux diocèses de Saint-Brieuc et de Tréguier, répondant aux deux grands pays ou pagi, signalés vers le VIe siècle sous le nom de Goëlo et de Pentevre et qui devaient aux IXe et Xe siècles former deux comtés. » Au moment de l’expédition de Guillaume, Eudon ou Eudes était comte de Penthièvre ; deux de ses fils Alain le Roux et Alain le Noir passèrent en Angleterre. (Voir sur les deux Alain, fils du comte de Penthièvre, verbo Alain (les)).

Saint-Malo. — Chef-lieu d’un des arrondissements de l’Ille-et-Vilaine. On trouve dans la liste de Bromton Saint-Malou. Rien ne permet de supposer qu’il s’agisse de Saint-Malo de Bretagne, mais nous croyons que le pays malouin a donné un guerrier à la conquête.

Wace, dans une énumération partielle et restreinte des Bretons qui combattirent à Hastings, dit au Roman de Rou : "De Peeleit le filz Bertran." (vers 6391)

M. le Dr. Hugo Andresen dans le commentaire de son édition du Roman de Rou (Maistre Wace’s Roman de Rou et des Ducs de Normandie, II, p. 705, en note) dit que Peleit ou Peeleit dans un autre ms. signifie Porrehoit ou Porrohoit. C’est une erreur. Il y avait en Bretagne, au moment de la conquête, deux pays parfaitement distincts, le Pontrocoët nom dont les formes s’adoucirent successivement en Portcoët, Podcroët, Porhaët et Porhoët (Voir ce dernier mot) et le Poulet ou Clos-Poulet. Le Clos-Poulet était formé de l’ancien Pagus Alethensis ; il comprenait une partie du canton de Cancale, celui de Châteauneuf et de Saint-Servan, (anciennement Aleth). Nous ne voyons pas dans Poulet le mot breton Plou, synonyme de clan, mais bien Pool, marais, à cause des terres basses, humides et presque submergées qui s’étendaient entre la baie du Mont St-Michel et la Rance et dont la mare de Saint Coulban est encore un vestige très important. Au point de vue étymologique Peeleit et Peleit sont plus près de Poulet que Porrohët, qui, d’ailleurs, dans ses transformations successives n’a jamais perdu son R. Il faut remarquer aussi que le fils Bertran de Peeleit est cité tout auprès du sire de Dinan, pays limitrophe du Clos-Poulet.
Quel était ce fils Bertran ?
Dans le Domesday-Book nous ne trouvons comme T. E. C. (Hants 47) que Willelmus de Bertram. D’après Dudgale (Bar. I, p. 543) et Kelham (p. 42), ce Guillaume serait le fondateur du prieuré de Brinkburn dans le Northumberland et l’ancêtre des Mitfords. Dans la liste des s. T. nous trouvons Bertran (Som. 93 b. 94) et Bertrannus (Kent. 13). Aucune mention aux Filius, Fitz, etc. ne peut être relevée.
Si Wace, dont la liste est assez limitée, cite ce breton, c’est qu’il était un personnage important. Sa participation à la conquête a été certainement récompensée par Guillaume autrement que par des attributions de sous-tenant. Il y a donc lieu de croire, mais nous n’avons pas la certitude, que le fils Bertran, originaire du Clos-Poulet, devint T. E. C. dans le Hampshire.

Vitré. — Chef-lieu d’arrondissement du département d’Ille-et-Vilaine. Wace et Leland mentionnent le sire de Vitré. De la Borderie l’enregistre sous le nom de Robert, baron de Vitré (Cf. De la Borderie : Vitré et ses premiers barons : Revue de Bretagne et de Vendée XVIII, 436.) Geoffroi Ier, duc de Bretagne, ayant donné à Rivallon, un de ses chevaliers, un fief limitrophe du Maine et de l’Anjou, Rivallon construisit deux châteaux, l’un à Vitré, l’autre à Marcillé Robert. Le premier baron de Vitré se maria à Gwent Angan : de cette union naquit Tristan, qui devint baron de Vitré, à la mort de son père en 1030. Tristan épousa Inoguen de Fougères ; ils eurent pour fils Robert de Vitré, le véritable fondateur de Vitré qui prit part à la conquête de l’Angleterre. Il était alors âgé de 21 ans. Il fit le pèlerinage de Jérusalem et mourut vers 1090. Il avait épousé Berthe de Craon, dont il eut un fils André qui lui succéda, comme baron de Vitré et qui mourut en 1135. « Les barons de Vitré, dit M. de la Borderie (La ville de Vitré et ses premiers barons, p. 437) furent une race, rude et batailleuse bien digne de son auteur Riwallon et qui défendit intrépidement, pendant plus de deux cents ans les frontières bretonnes, guerroyant presque sans relâche, tantôt contre les seigneurs de Laval et de Mayenne, tantôt contre les comtes d’Anjou, les ducs de Normandie, les rois d’Angleterre, même parfois, quand la guerre du dehors chômait, contre les ducs de Bretagne et ses propres vassaux.
Le superbe château actuel de Vitré s’élève sur l’emplacement du château construit par Robert, quelque temps avant la conquête. Il n’en reste aucune trace. Le château primitif que transporta Robert se trouvait à l’emplacement même de l’église et du cimetière de Sainte Croix.

Waldinus-Brito. — Il tenait en chef dans le Lincolnshire : 365. Il figure aussi dans les Clam, in Chetst. 377. Il est impossible de lui assigner une origine précise en Bretagne. On trouve aussi Waldin, Waldinus, comme sous-tenant dans le Devonshire. Il est peu probable qu’il y ait identité entre ces deux hommes. Le Waldinus, mentionné dans le Lincolnshire (353 b.) était d’origine normande : il avait suivi Guillaume de Perci.

Winemarus. — Ce Winemarus, intendant du comte de Bretagne est inscrit comme T. E. C. douze maisons dans le comté de Northampton. Northampt. (219-226 b.) : « In Northantom, Winemarus XII domus de III sold. ex his quatuor sunt vastae. » Ellis le mentionne comme Chief steward to the earl of Britany. Il ne semble pas avoir de rapport avec Anslepe ou Hanslepe (Winemarus qui soustenait dans le Devonshire). Son lieu de naissance en Bretagne est impossible à préciser.

Sous-Tenants d’origine bretonne

COLEGRIM : Homo comitis Alani. Lincolnshire : 346 bis et 348 b.
CONAN : Oxford, 155.
DROGO : Drogo homo Radulfi nepotis Goisfridi Alselin (Lincoln. 369 b.)
EUDO : Homo comitis Alani. Lincolnshire : 347 b. 348 b. ter.
GODRINUS : Homo comitis Alani. Lincolnshire : 348 b.
GODUINIS : Homo Waldini Britonis. Lincolnshire 365.
HOMINES DUO : Deux hommes de Godfroy Alselin (Voir Dinan) soustenaient dans le Lincolnshire (369 b. 370).
LANDRICUS : Homo Alani comitis. Yorshire : 310 b. 310 b. bis. Lincolnshire : 347. Landicus, Landry, nom très répandu dans le pays de Fougères.
ODO Homo : Alani comitis. Yorshire 310 b. et passim.
PICOT Homo : Alain comitis. Yorshire : 310 b. Lincolnshire : 347 ter.
ROBERTUS : Homo Goisfridi de Wirce (Geffroy de la Guerche). Lincolnshire : 369.
ROBERTUS : Homo comitis Alani. Yorshire : 312 b. 313 347.
STEPHANUS : Homo comitis Alani. Lincolnshire 348.
TORNAI : Goisfridus Tornai, homo comitis Alani. Lincolnshire 348 b.
WALTERUS : Walterus, homo Goisfridi Alselin (Voir Dinan) Nottinghamshire 289.
WAZELINUS : Wazelinus, homo Goisfridi de Wirce ; Lincolnshire 369.
WIHOMARE : (Guiomar) homo comitis Alani ; Yorshire 310 b. bis et 311 bis.
WIHOMARE : (Guiomar) Cornwall.
WIHUMARC : (Guiomar) Cornwall. Ces deux derniers sous-tenants ne sont pas autrement désignés. Leurs noms attestent qu’ils étaient d’origine bretonne.
WIMUNDUS : Homo comitis Alani. Lincolnshire 347 bis, 347 b.


acrticle de Daniel Chaumont et JCD