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Emile DAMECOUR


DAMECOUR (EMILE, JACQUES. PIERRE), né le 15 octobre 1846 à Tribehou (Manche), mort le 27 juillet 1940 à Coutances (Manche).

Sénateur de la Manche de 1920 à 1940.

Issu d’une famille de cultivateurs normands dont on retrouve la trace, dans les archives communales, jusqu’au XVe siècle, le jeune Emile Damecour, une fois terminées ses études secondaires au lycée de Caen, parut s’affranchir des traditions familiales. Il se munit de la licence en droit puis entre dans l’étude de son oncle, notaire à Saint-Sylvain (Calvados) et lui succède en 1872. En 1876, il s’établit à Coutances où il exerce sa charge jusqu’en 1886. Ayant quitté le notariat pour raison de santé, il revient à l’agriculture qu’il n’a jamais cessé de chérir. Il s’installe dans sa propriété de Belval et, pendant trente-quatre ans, il consacrera ses soins attentifs et journaliers à l’exploitation de ses terres et à l’élevage du cheval anglo-normand dont il est l’admirateur passionné.

Mais il connaît les vertus de l’action en commun et se fera l’apôtre des associations professionnelles agricoles. En 1886, il fonde avec M. Garnot le Syndicat des agriculteurs de la Manche qu’il présidera à partir de 1900 et qui groupera plus de 25.000 membres. Le Syndicat crée des sociétés annexes : coopérative d’achats, caisse de crédits, société d’assurances mutuelles contre la mortalité du bétail, l’incendie et les accidents. La réussite complète de cette œuvre, les services qu’elle rend aux agriculteurs sont à l’origine de la confiance et de l’estime que ses concitoyens ont toujours montrées à Emile Damecour.

Elu conseiller municipal de Belval dès 1886, il sera porté au Sénat en 1920 par la très grosse majorité des électeurs du département de la Manche (740 voix sur 1.144 votants au second tour des élections du 11 janvier 1920). Dans sa lettre aux délégués sénatoriaux, qui constitue sa profession de foi, il met en lumière la conquête par l’agriculture de sa liberté et de son indépendance et demande des moyens accrus : viabilité des chemins ruraux, augmentation des moyens de transport, rétablissement de la liberté commerciale, droit de distillation à domicile ; enseignement agricole et ménager. Ainsi l’agriculture pourra remplir sa mission qui est de « nourrir la France ». Le commerce et l’industrie devront s’unir à elle pour lutter contre la spéculation, la vie chère et les monopoles d’Etat. Au point de vue politique, Emile Damecour s’affirme partisan de toutes les libertés : liberté individuelle, liberté du travail, liberté de l’enseignement, liberté de conscience et déclare vouloir travailler à l’union de toutes les forces nationales. Au Sénat, il s’inscrira au groupe de l’Union républicaine.

Membre de la Commission de l’agriculture depuis 1921 et, temporairement, de diverses Commissions (douanes, Algérie, travaux publics), il interviendra à la tribune chaque fois que la discussion touche de près ou de loin aux intérêts et à la condition des ruraux et plus généralement dans toutes les discussions budgétaires. C’est ainsi qu’il parle, en 1920, dans la discussion des projets de loi sur l’alimentation nationale en pain et sur les accidents du travail. En 1921, on l’entend à l’occasion des projets de loi relatifs aux reproducteurs bovins, aux bénéfices agricoles, au nouveau régime des chemins de fer, à la fréquentation scolaire, dans une interpellation sur la mévente du bétail. Il intervint, en 1922, dans la discussion du projet de loi relatif au régime des loyers et à nouveau sur la fréquentation scolaire ; en 1923, sur deux propositions de loi, l’une tendant à assurer le repos hebdomadaire aux clercs des études et l’autre relative à la hausse illicite des loyers ; sur divers projets de loi réformant le régime des pensions, modifiant les articles 826 et 832 du Code civil relatifs au partage, et sur les Chambres d’agriculture.

Aux élections sénatoriales du 6 janvier 1924. Emile Damecour est brillamment réélu avec 775 voix sur 1.148 votants. Cette même année, il dépose au nom de la Commission de l’agriculture, un avis sur le projet de loi portant modification de la loi du 16 avril 1897 concernant la répression de la fraude dans le commerce du beurre et la fabrication de la margarine. La première délibération sur ce projet de loi a lieu en décembre 1925. Elle est l’occasion pour Emile Damecourt, de développer à la tribune du Sénat des arguments qui lui tiennent à cœur, pour la défense du beurre et contre la concurrence de la margarine. En 1926, il est l’auteur de divers amendements à la loi de finances et intervient dans la discussion de la proposition de loi modifiant la loi du 1er avril 1926 sur les locaux d’habitation. En 1927, il parle dans la discussion de l’interpellation de M. Japy sur la situation économique et douanière ; il dépose avec un certain nombre de collègues une proposition de résolution, dont il sera le rapporteur, tendant à inviter le Gouvernement à suspendre d’urgence les droits de sortie ad valorem sur les dérivés du lait, beurres, crème et fromages de toute nature ;il dépose un avis de la Commission de l’agriculture sur la proposition de résolution de M. Joseph Faure concernant le rétablissement de la liberté d’exportation des produits agricoles ; il parle dans la discussion : du projet de loi sur le tarif douanier entre la France et l’Allemagne, de l’interpellation sur la politique du blé. En 1928, il intervient dans la discussion des projets de loi concernant diverses conventions commerciales et droits de douane, modifiant les droits de douane et approuvant un accord franco-belgo-luxembourgeois, les habitations à bon marché. En 1929, on l’entend dans la discussion de l’interpellation de M. Valadier (assurances sociales à l’agriculture), du projet de loi sur la tuberculose des bovidés et sur la salubrité des viandes, du projet de loi relatif au commerce des blés, du projet de loi sur les vins. En 1930, il intervient dans la discussion du projet de loi sur les assurances sociales et dépose une proposition de résolution en faveur du rétablissement du régime de liberté pour les bouilleurs de cru. Cette proposition de résolution, qu’il rapportera pour avis, sera adoptée en 1931. Cette même année, il parle dans la discussion du projet de loi relatif à l’outillage national. En 1932, il préside la séance de rentrée en qualité de vice-doyen d’âge. On l’entend dans la discussion du projet de loi sur le régime fiscal des spiritueux ; il dépose divers amendements à l’occasion de la discussion budgétaire (Offices agricoles régionaux, indemnités pour abattage d’animaux, surveillance des étalons) ; il défend le régime de liberté des bouilleurs de cru à l’occasion d’un contre-projet ; il dépose un rapport sur le projet de loi relatif à la protection des produits laitiers ; il intervient dans la discussion des propositions de loi relatives aux droits sur les chevaux importés, à la révision des baux à ferme de longue durée.

Au renouvellement du 16 octobre 1932, Emile Damecour est réélu avec 910 voix sur 1.154 votants. Lors de la lecture du rapport d’élection, le 11 janvier 1933, M. Damecour est vivement applaudi et le Président de séance, vice-doyen d’âge, M. Bienvenu-Martin adresse « à notre vénéré doyen d’âge nos affectueuses félicitations et nos voeux ». A partir de 1933, chaque année en effet, Emile Damecour ouvrira les sessions ordinaires en cette qualité et ses collègues se plaisent à rendre hommage à la vigueur de ses allocutions au cours desquelles, bousculant parfois le protocole, il prenait à partie les membres du Gouvernement. Et c’est ainsi qu’on entendit un jour M. Chautemps, représentant du Gouvernement, répondre de son banc à une critique acerbe : « C’est la jeune imprudence d’un doyen d’âge ».

L’activité d’Emile Damecour ne faillit pas. En 1933, il intervient dans la discussion du projet de loi relatif à la défense du marché du blé et dépose deux Amendements ; du projet de loi portant ouverture de crédits provisoires pour mars 1933 ; de la proposition de loi relative à la taxation du pain et de la viande ; du projet de loi sur la viticulture et le commerce des vins ; du projet de loi, dont il est rapporteur, relatif à la protection des produits laitiers ; du projet de loi, dont il est également rapporteur, relatif à l’indemnité pour plus-value au fermier sortant. En 1934, les mêmes sujets (produits laitiers, marché du blé) le retiennent à la tribune. Il intervient également en faveur du personnel des haras et à propos de l’achat de chevaux pour l’armée (budget de l’exercice 1935). En 1935, il parle sur la crise de l’élevage, la réduction du prix des baux à ferme, le lait et les produits résineux. En 1936, il vote en faveur du congé annuel payé et intervient sur la réforme fiscale et les conflits collectifs du travail, mais il se montrera toujours hostile à l’expérience socialiste qu’il critiquera violemment dans ses discours d’ouverture des 2 janvier 1937, 11 janvier 1938 et 10 janvier 1939, s’en prenant particulièrement à la « dangereuse loi de 40 heures » qui a accru l’exode rural, à la semaine des deux dimanches, à la politique de lutte des classes, des loisirs et de prodigalité. En 1937, il vote les pleins pouvoirs douaniers et intervient dans la discussion du projet de loi sur les conventions collectives et l’arbitrage des conflits collectifs du travail, du projet de loi relatif aux conventions collectives des professions agricoles. En 1938, on l’entend sur les conventions collectives dans l’agriculture, sur la médecine vétérinaire, sur l’office du blé et, en 1939, sur le projet de loi réglementant l’ouverture des boulangeries. Parlant de ses interventions les plus en vue, Emile Damecour a cité celles qui ont trait à c la suppression des inquisitions d’après-guerre, la défense du beurre contre la concurrence de la margarine, le relèvement des prix d’achat des chevaux de remonte, la suppression des droits mettant obstacle aux exportations de l’agriculture ».

Pour la dernière fois, Emile Damecour ouvre la session ordinaire le 9 janvier 1940 et constate que l’union qu’il souhaitait s’est faite devant le péril commun : « Cette union... il faudra la maintenir également lorsque la paix sera revenue ». Le doyen d’âge du Sénat n’assistera ni à la séance du Sénat du 9 juillet ni à celle de l’Assemblée Nationale du 10 juillet 1940, à Vichy.

Emile Damecour mourût à Coutances, le 27 juillet 1940, âgé de 94 ans. Il était membre du Conseil supérieur de l’agriculture, membre du Conseil de surveillance de la Caisse des Dépôts et Consignation, Président du Syndicat des agriculteurs de la Manche, Président de la Société départementale d’agriculture de la Manche, membre du Conseil supérieur des haras.

En dehors de sa collaboration très active au Bulletin des Agriculteurs de la Manche, organe syndical, Emile Damecour est l’auteur de diverses brochures. En 1918, à l’occasion de son admission en qualité de membre de l’Académie de Caen, il fait une communication sur les syndicats agricoles, imprimée sous le titre « Etude sur les origines, l’action et les œuvres des Syndicats agricoles ». Sous sa direction ont été publiés plusieurs opuscules : « Le Syndicat des agriculteurs de la Manche et ses divers services. Ce qu’il a fait. Ce qu’il voudrait faire » (1919). « Rapport sur la création en Normandie des Caisses d’assurances mutuelles agricoles contre l’incendie » (1919). « La Basse-Normandie et le cheval de selle » (sans date). « Bulletin de propagande de la Société départementale d’agriculture de la Manche » (publication annuelle). En 1933, avait paru, sous la signature d’Emile Damecour, une brochure de propagande intitulée « Le beurre frais, source de santé et de longue vie ». Son auteur n’en fut-il pas la plus magnifique illustration ?

Extrait du « Dictionnaire des Parlementaires français », Jean Jolly (1960/1977)


1889-1940 (Extrait du « Jean Jolly » )
1940-1958 (extrait du Dictionnaire des parlementaires français)


DAMECOUR (Emile)

Né le 15 octobre 1846 à Tribehou (Manche)

Décédé le 27 juillet 1940 à Coutances (Manche)

Sénateur de la Manche de 1920 à 1940

Voir première partie de la biographie dans le dictionnaire des parlementaires français 1889-1940, Tome IV, p. 1221 à 1223.

Doyen d’âge du Sénat, Emile Damecour n’assiste pas aux débats des 9 et 10 juillet 1940. Il meurt à Coutances le 27 juillet 1940, à 94 ans.


Anciens sénateurs IIIe République

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