Débuts de la ligne ferroviaire PARIS-CHERBOURG

une contribution de Daniel et Yolande CHAUMONT

I - Débuts de la ligne ferroviaire PARIS-CHERBOURG

Le tracé par Evreux et Lisieux l'a emporté, en grande partie par crainte d'un débarquement anglais !

Plusieurs tracés étaient possibles

L'achèvement de la ligne Paris-Cherbourg est l'heureux aboutissement d'un projet évoqué dès 1842, mais longtemps resté au stade des études. Si, en effet, les points de départ (Paris) et d'ar­rivée (Cherbourg) s'avéraient faciles à déterminer, plusieurs tracés étaient possibles, qui allaient provoquer bien des discussions. Un premier suivait la route de Paris à Rennes jusque vers Mortagne, puis gagnait la vallée de la Vire, et de là Saint-Lô, Carentan et Cherbourg. Les autres projets passaient tous par Caen, mais atteignaient cette ville par Rouen, ou par Louviers, ou par Mantes et Lisieux. C'est ce dernier tracé qui devait l'emporter, en grande par­tie grâce au poids politique de Guizot, élu de Lisieux. En juin 1846, une loi est promulguée, qui décide le prolongement de la ligne jusqu'à Caen : « Le chemin de fer s'embranchera sur celui de Paris à Rouen, en amont du souterrain de Rolleboise ; il se dirigera sur Evreux, pas­sera par ou près Conches, Serquigny, Bernay, Lisieux et Mézidon, et arrivera à Caen... » Pourtant, en 1851, rien n'a encore commencé sur le terrain, et certains se résignent déjà à une solution moins coûteuse : se raccrocher à la ligne Paris-Rennes à partir de La Loupe (Eure-et-Loir), par Sées, Argentan, Falaise et Caen ! Paradoxalement, et malgré l'Entente cordiale, c'est la crainte de l'Angleterre qui va décider du parcours ! Thiers, en 1851, n'a pas de peine à montrer que la défense des côtes du Calvados nécessite que la voie ne s'en éloigne pas et le Prince-Président en convient. Les travaux démarrent en 1852 et sont désormais rondement menés : en 1856, le train arrive à Caen. Mais voilà Saint-Lô qui se réveille, un peu tard, et réclame la ligne. Tant pis pour elle : elle devra se contenter d'une bretelle, qui ne sera ouverte qu'en 1860. Cette liaison donnera son importance à la gare de Lison. Est-ce en l'honneur de ce nœud ferroviaire que la locomotive de la Bête humaine portera ce nom ? Dès 1860, on signale le danger fréquemment occasionné par l'« intrusion d'animaux sur la voie ferrée », preuve que les vaches normandes se sont vite habituées à regarder passer les trains !

II - Inauguration de la ligne par Napoléon III

C'est un voyage quasi triomphal que celui qu'accomplit le chemin de fer de Paris à Cherbourg en ce 4 août 1858. Il est vrai qu'à partir de Caen, c'est le voyage inaugural de la ligne et que, pour l'occasion, Leurs Majestés l'empereur Napoléon III et l'impératrice Eugénie sont à bord. Depuis Bayeux, « les populations rurales se tiennent de distance en distance sur le passage du train », et se livrent, autorités civiles en tête, « à des manifestations énergiques de joie et de dévouement ». Le journal l'Illustration en devient lyrique : « Les champs voisins, les prairies d'alentour, les abords de la gare (de Valognes) étaient couverts de peuple », et Leurs Majestés ont pu « apprécier l'amour et la vénération dont elles sont l'objet en Normandie ». Jusqu'à Cherbourg, le convoi est escorté par les maires avec leurs conseils, les écoles avec leurs maîtres, « les religieux avec leurs élèves », tous saluant dans un grand concert de tambours et de cris. Quant à l'arrivée à Cherbourg, elle se fait en présence de milliers de specta­teurs, et l'enthousiasme est tel que le maire parvient à peine à pronon­cer son discours de bienvenue. Le couple impérial va y séjourner plu­sieurs jours. Il y inaugure un nouveau bassin, y renforce l'Entente cordiale en y recevant la reine Victoria et le prince Albert, puis, mais seulement après le départ des souverains anglais, il y inaugure la statue équestre de Napoléon I^er par Le Véel !

- Désormais, il faudra 10 heures pour aller de Cherbourg à Paris et le prix du voyage en troisième classe sera de 22,85 F (41,55 F en première classe).