un article de Stéphane MARTIN
L’EGLISE DE CANVILLE-LA-ROQUE
(Ces pages sur Canville sont empruntées à la monographie réalisée par Monsieur l'Abbé Jean-Baptiste Lechat, Conservateur Délégué des Antiquités et Objets d'Art de la Manche et Membre de la Commission Supérieure des Monuments Historiques. Je le remercie très vivement de sa bienveillante et fraternelle autorisation à puiser dans ce précieux document) R.Y.
L'Eglise de Canville-Ia-Rocque semble, pour le gros œuvre, dater du XVe siècle. Sa porte occidentale (XVe) d'une grande simplicité, est surmontée d'une fenêtre que l'archéologue Jean-Michel Renault, en 1859, qualifie de "subtrilobée".
Le porche méridional, construit en 1650 est surmonté d'une inscription qui semble pouvoir se lire de la façon suivante :
/ CE PORTAIL A ETE EDIFIE DU DON DE / PHILIPPE CANNOVILLE /...E DE [CANVILLE] : LE 1 AVRIL 1650. / ... [POU]R LUY PATER N[OSTE]R. M[ARIA].
Probablement s'agit-il d'un curé du lieu.
Pour agrandir le chœur, on avait prolongé le sanctuaire entre 1765 et 1789, sous le curé Jacques Boessel.
La chapelle méridionale est relativement récente. Elle a été construite en 1817 par le R.P. Siméon Le Griffon, Capucin de Caen. Il avait exercé clandestinement le ministère réfractaire à Canville depuis 1797 et était devenu curé concordataire en 1804.
Le maître-autel, retable, est du début du XVIIIe siècle. En son centre fut placé vers les années 1861 - 1866 un tableau du Sacré-Cœur (tout à fait dans le goût de l'époque) et qui se trouve maintenant dans la chapelle sud.
Ce retable a été entièrement démonté, restauré puis remis en place en 1992 par l'Entreprise Claude Guillouf de Sainte-Mère Eglise. La polychromie a été refaite par Monsieur Joël Marie, peintre-décorateur, originaire de Sainte-Marie-du-Mont. Les deux niches attendent le retour de statues en pierre, en cours de restauration : St Pierre (XVIe) et St Malo (XVe). Ce dernier est le titulaire de cette église.
En cette même année, le ciment qui recouvrait le sol a été remplacé par des carreaux de terre cuite, récupérés ça et là par des paroissiens volontaires en des "corvées d'honneur"… dans la bonne humeur.
Le même atelier Claude Guillouf a effectué la restauration des bancs du chœur et de la nef.
La perque et le crucifix datent également des années 1861 -1865.
Autres statues remarquables en pierre : Saint Jean-Baptiste, le précurseur, vêtu de sa traditionnelle tunique en peau de chameau; Marie-Madeleine (l'une et l'autre du XVIe siècle); et surtout le groupe dit : "L'Education de la Vierge" (XVe siècle) qui présente Marie tenant une bible dans laquelle Sainte Anne, sa mère, lui apprend à lire la volonté de Dieu,
Les fonds baptismaux, en forme de corolle, reposent sur un fût octogonal à base carrée, le tout en pierre calcaire. Un bon travail du XVIIe siècle.
Mais l'intérêt majeur de l'Eglise de Canville est dans les fresques, datées de 1520 - 1540, qui sont très visitées tout au long de l'année. Elles sont situées dans la chapelle nord éclairée par deux fenêtres, l'une au nord et l'autre à l'est.
Remarquer dans l'angle sud-est de cette chapelle l'ouverture pratiquée dans la construction pour permettre aux fidèles de voir (mal) le maître-autel.
Quatre colonnes à écu soutiennent une voûte dont la clé porte un cinquième écu. Cette chapelle peut dater de la fin du XVe ou début du XVIe siècle.
LES FRESQUES
(Elles forment trois séries distinctes)
LES QUATRE EVANGELISTES
Situés tout en haut de la voûte. Dans la section ouest (à droite) de la voûte : Saint Luc, représenté assis devant un chevalet, en train de peindre le portrait de la Vierge Marie. Dans la section nord de la voûte : Saint Matthieu, assis, écrit son Evangile sur le phylactère (banderolle) posé sur ses genoux. Dans la section est (à gauche) de la voûte : Saint Jean, écrit, lui aussi son Evangile sur un phylactère.
Enfin dans la section sud de la voûte : Saint Marc, qui caresse la tête de son lion à figure mi-humaine et mi-léonine.
LES ANGES ANNONÇANT LA RESURRECTION
Accompagnant les Evangélistes, on voit les anges musiciens, aux ailes déployées, qui annoncent la Bonne Nouvelle : le son prodigieux de la trompette céleste parviendra à toutes les sépultures et conduira tous les morts devant le trône du Christ. Le Christ, ici, se trouve sur la face sud, au-dessus de l'entrée. Il est entouré de deux anges.
LA CELEBRE LEGENDE DU PENDU DEPENDU
Voici le scénario : « Trois pèlerins, le père, la mère et leur fils, se rendent en pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle (en Espagne). En route ils s'arrêtent dans une auberge où une servante fait au jeune homme des propositions qu'il repousse. La servante décide alors de se venger et pour ce faire cache dans le sac du garçon la coupe d'argent de l'aubergiste.
Dès le départ des pèlerins, le lendemain rnatin, la servante alerte son maître. La police rejoint les pèlerins. Le garçon est arrêté, jugé, condamné à mort. Les parents ont dû assister, la mort dans l'âme, à la pendaison de leur fils "voleur". Ils décident néanmoins de poursuivre leur pèlerinage. Sur le chemin du retour ils s'arrêtent à nouveau dans la ville nommée Santo Domingo de la Calzada. C'est alors que les parents constatent que leur fils, toujours pendu, est vivant, miraculeusement sauvé par Saint Jacques, Quand les parents se présentent chez le juge pour demander la délivrance de leur fils, il s'apprêtait à se mettre à table. Il le prend de très haut et réplique, narquois, que le pendu est aussi vivant que le coq et la poule qui rôtissent dans son âtre. Aussitôt les deux volatiles retrouvent leurs plumes, sautent sur la table et le coq pousse un joyeux cocorico. Le juge se rend au gibet et ordonne de dépendre le jeune homme.
On découvre alors la supercherie de la servante qui est à son tour jugée et condamnée à être brûlée vive ».
4 : La servante - voir photo 5 d’un autre article