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Pays de Caux


LE PAYS DE CAUX (76)


article de Daniel et Yolande CHAUMONT


Superficie approximative : 3 000 km²
Villes principales : Le Havre, Dieppe, Bolbec, Fécamp, Yvetot
Plateau de craie du Crétacé
Productions : polyculture, lin, élevage bovin
Régions naturelles voisines : Pays de Bray, Vexin


Géographie

Le Pays de Caux se distingue du reste de la Normandie par ses caractéristiques géographiques et géologiques. Ces paysages, uniques en France, ont été façonnés par l’eau et les activités humaines. Le Pays de Caux forme grossièrement un triangle à l’ouest du département de la Seine-Maritime, en Haute-Normandie. Il est bordé au nord et à l’ouest par la Manche. Mais à l’est, les limites sont plus floues et dépendent des auteurs. On admet généralement que le Pays de Caux se termine à l’ouest de la forêt d’Eawy et de la forêt Verte ou sur l’interfluve entre la Varenne et la Scie1. La boutonnière du Pays de Bray, par ses altitudes plus élevées et par la nature de ses terrains se différencie nettement du Pays de Caux. On désigne par l’expression « Petit Caux », la région littorale située entre Dieppe et le Tréport.

La ville la plus au nord est Dieppe ( 49°92′22″N 1°07′86″E ) ; l’extrémité sud-ouest est occupée par l’agglomération havraise ( 49°49′0″N 0°10′00″E ). Ces deux cités sont des sous-préfectures. Enfin, la vallée de la Seine marque la limite méridionale du Pays de Caux.

Les hautes falaises de craie, qui constituent l’essentiel du littoral, et la Seine ont, par le passé, représenté des obstacles naturels aux transports et aux communications, si bien que le territoire cauchois est longtemps resté relativement enclavé (voir le paragraphe sur les transports).

Le pays de Caux est un vaste plateau sédimentaire à la surface légèrement ondulée. Il s’élève doucement vers l’est, passant de 100 à 180 mètres d’altitude. Il se termine par le plus bel ensemble de hautes falaises en France, qui atteignent les 110 mètres de hauteur au Cap Fagnet, à Fécamp.


Des milieux et des paysages fragiles

Les paysages sont d’aspect tabulaire et marqués par l’openfield (champs ouverts) nécessité par la mécanisation agricole. La spécificité du Pays de Caux est le clos-masure qui est un espace entouré de haies vives servant de rideau brise-vent. Les arbres sont plantés sur un talus (appelé de façon paradoxale « fossé » par les Cauchois21) d’environ un mètre de hauteur. On utilise des hêtres, des chênes ou, de nos jours, le peuplier en raison de sa croissance rapide. Il existe parfois deux rangées d’arbres sur le même talus.

Abritée par cette haie qui crée un microclimat se trouve une cour complantée de pommiers pour la production du cidre ou de poiriers (présence d’un pressoir). La haie protège en outre le jeune bétail et la basse-cour. On trouve aussi une mare et des bâtiments d’exploitation et d’habitation (ferme). L’accès à la cour se fait par deux ou quatre portails qui correspondent le plus souvent aux points cardinaux21. L’évolution des modes de vie conduit à un arrachage ou un manque d’entretien des haies, ce qui accélère l’érosion des sols. Ayant un rôle de brise-vent, les talus plantés également freinent en effet l’écoulement des eaux de pluie. Avec la croissance démographique du XVIIIe siècle, les clos-masures ont fini par former des hameaux, eux-mêmes entourés de haies. Le paysage du pays de Caux ne doit pas être confondu avec le bocage de Basse-Normandie.

Le littoral est constitué de falaises de craie plus ou moins hautes dont les plus célèbres sont celles d’Étretat. Leur couleur blanche explique la désignation « Côte d’Albâtre » pour cette partie de la Normandie. Cette falaise recule plus ou moins rapidement en fonction de l’érosion marine, ainsi le littoral de la Seine-Maritime recule de vingt centimètres par an en moyenne23. Les plages sont tapissées de galets, détachés de la falaise et polis par la mer. Ces galets ont néanmoins tendance à migrer et le sable peut affleurer à certains endroits.


Milieu naturel

Le milieu naturel du pays de Caux est composé principalement de prairies humides, de tourbières, de roselières, de mares, de rivières, de coteaux crayeux et de forêts. Le développement naturel du Pays de Caux s’est principalement installé dans ces milieux, créant une nature riche et abondante.


Le Parc naturel régional des Boucles de la Seine normande a été créé le 17 mai 1974 pour entretenir la coupure verte entre les deux espaces urbains et industriels de Rouen et du Havre. Il s’étend sur les régions du Pays de Caux, du Val de Seine, du Roumois, du Marais Vernier et de la basse vallée de la Risle, le long de 180 kilomètres de Seine. Le parc dispose de neuf grandes missions en matière d’agriculture, d’architecture, de culture, d’eau, d’économie, d’éducation, d’environnement, de paysage et de tourisme. À l’intérieur du parc, il existe quatre sites remarquables, à savoir la Réserve naturelle du Vallon du Vivier, la Réserve naturelle des Mannevilles, les Marais de Saint-Sulpice, la Réserve naturelle des Courtils à Bouquelon.


La faune

Le relief rocheux allié à la présence importante d’algues favorise la diversité animale du Pays de Caux. Ces deux facteurs sont observés principalement dans le secteur Antifer-Senneville et profitent pour de nombreuses espèces sessiles et vagiles.

Les autres secteurs profitent aussi de leur caractéristique pour le développement de certaines espèces de mollusques bivalves et de vers endogés qui apprécient particulièrement la roche tendre des estrans de Veulettes ou de Veules-les-Roses.

Parmi les espèces caractéristiques du Pays de Caux, on peut citer de nombreuses espèces parmi lesquelles les spongiaires, cnidaires, planaires, annélides, crustacés, pycnogonides, insectes, mollusques, bryozoaires, échinodermes, urochordés, poissons30.

La déforestation et la pollution ont mis en péril certains animaux notamment : l’anguille, la chouette chevêche, la cigogne, le damier de la succise et le triton crêté31.

L’animal caractéristique du Pays de Caux est la vache normande.


La flore

La flore du pays de Caux se compose en grande partie de thallophytes ; la zone de balancement des marées du littoral du Pays de Caux est particulièrement diversifiée du fait de la nature rocheuse de l’estran.

Cependant certains secteurs possèdent une flore plus ou moins diversifiée en raison de l’influence des nombreux facteurs auxquels les algues sont soumises (exposition au vent et à la houle, qualité de l’eau, degré d’ensoleillement, hétérogénéité du platier, degré d’ensablement…)

La zone biologiquement la plus riche débute au nord du port pétrolier d’Antifer et va jusqu’à Senneville-sur-Fécamp.

Le Parc naturel régional des Boucles de la Seine normande, qui couvre 80 000 hectares36, possède environ 70 espèces d’arbres37 et contribue à la préservation d’espèces végétales comme la rossolis à feuilles rondes, l’osmonde royale, l’ache rampante et l’orchis singe. On compte aussi un certain nombre de forêts dans le pays de Caux : forêt de Brotonne (qui est rattachée au Parc des boucles de Seine) et forêt d’Eu.38

Le chêne d’Allouville, situé au sud du pays de Caux, est considéré comme le plus vieux chêne de France, on estime qu’il aurait entre 800 et 1 200 ans.


Histoire

L’histoire du pays de Caux a été marquée par le peuple des Calètes dans l’Antiquité et par la colonisation viking et anglo-scandinave au Moyen Âge. Elle s’inscrit dans l’histoire de la Normandie tout en gardant une certaine originalité, liée à son ouverture maritime et à ses caractéristiques géologiques.


Préhistoire

Les premiers habitants du pays de Caux ont pu habiter dans les nombreuses grottes des vallées et de la côte, sans qu’on puisse évaluer leur nombre de façon certaine40. Les sites les plus anciens datent du Paléolithique inférieur et ont révélé des outils taillés en pierre de types clactonien et acheuléen ( Havre, Sassetot-le-Mauconduit40 par exemple).

Pendant le Mésolithique, les cultures préhistoriques qui occupent le pays de Caux se rattachent à celles du bassin parisien avec des influences belges. La population se sédentarise au cours du Néolithique et fabrique des outils en bronze et des céramiques. Gaule indépendante


Le territoire des Calètes

Dans l’Antiquité, le Pays de Caux est peuplé par les Calètes ou Caleti, une tribu celtique Belge qui s’est installée en Normandie à partir du IVe siècle av. J.-C.41. Le nom « Calète » vient sans doute du gaulois « calet- » signifiant « dur ». Ils vivent groupés dans les oppida (Étretat, Camp de Canada à Fécamp43) ou des villages agraires à enclos. Malgré une lutte acharnée contre les troupes de Jules César, les Calètes sont vaincus par les Romains au milieu du Ier siècle av. J.-C.


La paix romaine

En 27 av. J.-C., l’empereur Auguste réorganise le territoire gaulois. Il crée la civitas caletorum (« cité des Calètes ») qui est incorporée à la province de Gaule lyonnaise. Avec la paix romaine, les populations délaissent les oppida pour habiter dans les vallées. On accentue le défrichement dans les campagnes qui gagnent sur la forêt, les cultures et l’élevage continuent de se développer et l’artisanat fournit les exportations vers la Bretagne. De nombreuses villas gallo-romaines sont construites, comme celle de Sainte-Marguerite-sur-Mer. Elles utilisent les matériaux locaux : silex, craie, calcaire, brique, torchis. La technique du colombage évolue à cette époque à partir de traditions indigènes (les longs poteaux des « huttes » celtiques) et de savoir-faire issus du monde romain (l’ opus craticium). La romanisation du Pays de Caux, comme ailleurs en Occident, passe par l’urbanisation et la construction de routes : Juliobona (l’actuelle Lillebonne) et Caracotinum (Harfleur) sont alors les principales villes de la civitas caletorum.

Les premières incursions germaniques surviennent au IIIe siècle : la côte d’Albâtre subit les incursions saxonnes et l’Empereur romain ordonne la construction du litus saxonicus pour défendre le plateau. Les invasions s’intensifient au Ve siècle et provoquent le déclin des villes, la crise des campagnes et le retour de la forêt.


Moyen Âge

À la fin du Ve siècle, le Pays de Caux passe sous domination franque et fait partie de la Neustrie mérovingienne. Il est divisé en deux pagi46, le Caux et le Talou45, dirigés chacun par un comte qui représente l’autorité royale. De nombreux toponymes en « -court » et « -ville » datent de cette époque franque. Au VIIe siècle, le comte de Caux, Waning, fonde le premier monastère de Fécamp. Les rois mérovingiens favorisent la christianisation des campagnes et la fondation d’abbayes : Fontenelle, Jumièges, Pavilly et Montivilliers sont créées au VIIe siècle. Elles adoptent rapidement la règle de saint Benoît et constituent de grands domaines fonciers.

En 751, le royaume mérovingien passe aux mains de la dynastie carolingienne et le centre politique s’éloigne vers les rives du Rhin. Les raids vikings sur la côte normande commencent au IXe siècle. En 841, les Scandinaves remontent la Seine sur leurs drakkars, pillent et dévastent les monastères et les villes de la région. Les habitants et les moines, livrés à eux-mêmes, ne trouvent de salut que dans la fuite. En 911, le roi Charles le Simple décide de donner la Basse-Seine au chef viking Rollon : le Traité de Saint-Clair-sur-Epte marque la fondation du comté de Rouen, futur duché de Normandie. Le pays de Caux connaît un peuplement anglo-scandinave dense48, comme le montre la toponymie : parmi les appellatifs les plus fréquents, citons « –bec » du scandinave « bekkr » cours d’eau (Caudebec-en-Caux, Bolbec), « –dalle » du scandinave « dalr » vallée (Dieppedalle, Oudalle), « –fleu(r) » encore du scandinave « floi ou floth » embouchure, cours d’eau (Harfleur, Vittefleur) et « –tot » toujours du scandinave « topt » emplacement, ferme (Yvetot, Criquetot-l’Esneval), etc.. Les anglo-danois laissent également une empreinte durable dans les coutumes, l’architecture, le dialecte et le type ethnique cauchois.

Au Xe siècle, les premiers ducs de Normandie résident souvent dans leurs palais de Fécamp et de Lillebonne, jusqu’à l’invasion de l’Angleterre en 1066 par Guillaume le Conquérant, qui devient roi d’Angleterre. Plus tard, Henri II met en place le bailliage du Pays de Caux, qui est repris par le roi de France au XIIIe siècle. Après les invasions vikings, les ducs s’emploient à rétablir la vie monastique en Normandie : vers 960, le réformateur Gérard de Brogne ressuscite Saint-Wandrille. Richard Ier fait reconstruire l’église abbatiale à Fécamp. Richard II fait venir Guillaume de Volpiano pour ranimer la vie de l’abbaye, selon la règle bénédictine.

La condition des paysans cauchois est alors relativement meilleure qu’ailleurs en France49 : les esclaves exploitent la réserve seigneuriale et les communautés rurales sont influentes. Les innovations agricoles (collier d’épaule, assolement triennal) arrivent très tôt en Normandie et entraînent une augmentation des récoltes. L’industrie textile se développe en liaison avec la culture des plantes tinctoriales ainsi qu’avec l’élevage ovin. La population du plateau de Caux augmente et les bourgs se développent, grâce à la draperie. Les habitants de Montivilliers, Harfleur et Fécamp achètent à Jean Sans Terre leur charte communale en 1202 et les bourgeois acquièrent des privilèges. Les échanges commerciaux se développent avec les régions voisines et avec l’Angleterre. Les marchands pêcheurs de Fécamp organisent une ghilde qui les protège et réglemente leurs activités. Les foires régionales se multiplient, celle d’Harfleur est alors l’une des plus réputées du pays de Caux.

En 1204, la Normandie est intégrée au domaine royal français. Le XIIIe siècle est une période de prospérité pour le pays de Caux. Le Grand Coutumier de Normandie est rédigé au milieu du XIIIe siècle. La Charte aux Normands est octroyée le 19 mars 1315, par le roi de France Louis le Hutin, qui fait écho à la Grande Charte des Anglais. Cette charte, ainsi que la seconde de 1339, est considérée jusqu’en 1789 comme le symbole du particularisme normand.

Au début du XIVe siècle, le Pays de Caux est touché, comme le reste de l’Occident, par des vagues de famines et d’épidémies. La peste, qui fait son apparition en 1348, tue jusqu’aux ¾ des habitants dans certains villages50. Puis la région est dévastée par les chevauchées, les pillages et les batailles de la guerre de Cent Ans. La démographie s’effondre et de nombreux villages sont abandonnés. Le commerce est ralenti et l’activité économique perturbée.

Au début du XVe siècle, les Anglais razzient les campagnes du Pays de Caux. En 1415, le roi d’Angleterre Henri V débarque au Chef-de-Caux (l’actuelle Sainte-Adresse)52, puis assiège la ville d’Harfleur qui finit par tomber au bout d’un mois. La Normandie est occupée par les Anglais jusqu’en 1450.


L’essor et les guerres du XVIe siècle

En dépit des incursions de Charles le Téméraire en 1472, les campagnes cauchoises retrouvent un climat de paix pendant environ un siècle. La construction ou les transformations de nombreux édifices religieux témoignent du retour de la prospérité : les églises d’Harfleur, de Caudebec-en-Caux, Saint-Jacques de Dieppe sont bâties en style gothique flamboyant. De nombreux manoirs et châteaux sont influencés par l’architecture de la Renaissance à la fin du XVe siècle : manoir de Jean Ango, château d’Angerville-Bailleul, d’Ételan, etc. Le commerce reprend et les ports se développent : sous le règne de François Ier, l’armateur dieppois Jehan Ango envoie ses navires vers l’Amérique. Dieppe est aussi le siège d’une école de cartographie et d’hydrographie. Les pêcheurs de la côte d’Albâtre vont jusqu’à Terre-Neuve, d’où ils ramènent la morue. Le port du Havre est fondé en 1517 à la pointe du pays de Caux, à la suite de l’ensablement du port d’Harfleur. Cependant, Rouen reste la métropole économique de la région.

C’est aussi au XVIe siècle qu’est rédigée la Coutume générale de Normandie : le Pays de Caux garde cependant sa propre coutume, qui fixe notamment les conditions de l’héritage : le fils aîné reçoit la majeure partie de l’héritage, ce qui a contribué au maintien de la grande propriété dans la région. La charte aux Normands est confirmée en 1587.

Le XVIe siècle est également marqué par le succès du protestantisme (Dieppe, Luneray, Le Havre, Bolbec, etc.) et les guerres de religion. Ces dernières ravagent le Pays de Caux et de nombreuses abbayes et églises sont mutilées. La révocation de l’édit de Nantes en 1685 provoque l’exil de centaines de huguenots cauchois vers les pays protestants d’Europe et l’Amérique du Nord ; ces exilés étaient souvent des entrepreneurs et des négociants et leur départ représente une perte pour l’économie de la région.


XVIIe et XVIIIe siècles : vers une économie moderne

L’agriculture progresse aux XVIIe et XVIIIe siècles : la culture du blé est le fait de grandes exploitations sur lesquelles est pratiqué l’assolement triennal. La jachère est remplacée progressivement par le trèfle, ce qui améliore la productivité. Le pays de Caux occupe alors, avec le Vexin, la première place en Normandie pour la céréaliculture53. Sur les côtes se développe la culture du lin. Au nord, on commence à cultiver du colza. Les récoltes servent surtout à approvisionner la ville de Rouen. Les paysans cauchois sont propriétaires d’une part importante du territoire.

L’artisanat est dominé par la production textile dans les foyers paysans et les villes. À la fin du XVIIIe siècle, 20 % de la population active cauchoise travaille dans le tissage55 et la filature du coton commence son essor. Le marché de Gonneville-la-Mallet est créé en 1633. On y vend des draps, du blé et des fils pour la dentelle. L’économie de Bolbec repose sur l’industrie du drap de laine. Les principaux centres de production de la dentelle sont Le Havre, Dieppe, Montivilliers, Saint-Valery-en-Caux, Fécamp et Caudebec-en-Caux. La petite activité manufacturière se diffuse dans tout le pays de Caux : travail de l’ivoire à Dieppe, chantiers navals du Havre, de Saint-Vaast-Dieppedalle et de Villequier, etc. Le niveau de vie des Cauchois les plus aisés augmente avec l’achat de meubles et d’habits nouveaux.

Cependant, à la veille de la Révolution française, les mécontentements se sont accumulés chez les Cauchois : les mauvaises récoltes, les conséquences du traité de commerce signé avec l’Angleterre et le chômage frappent la population. En 1789, quatre districts sont créés sur le Pays de Caux : Cany, Caudebec-en-Caux, Dieppe et Montivilliers. Le plateau n’est pas affecté par la Grande Peur. Dans la nuit du 4 août 1789, les privilèges sont abolis : c’est la fin du droit seigneurial de pigeonnier et du droit d’aînesse. Les guerres révolutionnaires affectent l’activité économique qui subit le contrecoup du blocus maritime et des disettes. Pendant la Terreur, la guillotine fonctionne à Dieppe60. Sous le Premier Empire, le pays de Caux connaît quelques révoltes à cause de la mauvaise situation économique. XIXe siècle : révolution industrielle et développement du tourisme

Dès la Restauration, l’introduction du machinisme dans l’industrie textile provoque de violentes réactions des ouvriers. La modernisation de l’agriculture favorise l’exode rural. Le chemin de fer arrive au Havre et à Dieppe au milieu du XIXe siècle. Sous le Second Empire, Dieppe devient un lieu de villégiature. D’autres stations balnéaires connaissent un relatif succès : Étretat, Veules-les-Roses, Sainte-Adresse se couvrent de villas. On y aménage des casinos et des établissements de bain. La spéculation foncière va bon train sur le littoral mais aussi dans la campagne cauchoise, qui reçoit des investissements rouennais et parisiens. Les impressionnistes séjournent sur le littoral et peignent les plages de la côte d’Albâtre. En 1870, le pays de Caux est envahi par les Prussiens : Bolbec et Dieppe sont occupées.


XXe siècle

Pendant la Première Guerre mondiale, le Pays de Caux sert de base arrière pour le front situé plus au nord. Le gouvernement belge s’installe à Sainte-Adresse. En 1918, la part des soldats cauchois morts au combat est plus importante que la moyenne nationale62 : les villes et les bourgs érigent des monuments aux morts. Dans l’Entre-Deux-Guerres, le développement industriel de la Basse-Seine accentue l’exode rural.

Avec l’occupation allemande en 1940, la population est réquisitionnée pour construire le mur de l’Atlantique dont il reste de nombreux vestiges sur la côte (stations de Sainte-Adresse, de Fécamp et de Dieppe). Le pays de Caux est soumis aux bombardements aériens alliés et à une forte répression nazie.

Les Trente Glorieuses sont marquées par des mutations économiques et sociales : dans l’agriculture, la mécanisation progresse et l’élevage se renforce63, ce qui introduit des mutations dans les paysages ruraux. L’arrivée des textiles artificiels achève le déclin des filatures traditionnelles. La concurrence étrangère affecte la construction navale.


Patrimoine culturel et traditions

Architecture

Briques et silex, deux matériaux utilisés dans les campagnes cauchoises.

Les constructions utilisent les matériaux régionaux, principalement le bois de chêne et/ou de hêtre pour les poutres qui servent également à réaliser les meubles, le chaume qui sert à couvrir les toits mais qui devient de plus en plus rare, et l’argile qui sert à la fabrication des briques et des tuiles.

Le grès était une des principales pierres de construction avec le calcaire, qui était l’un des matériaux de construction des édifices religieux dans le canton de Fécamp. On trouve aussi le silex et le galet qui entrent dans la construction des maisons, des églises mais aussi des épis, des digues et d’autres aménagements littoraux. Les gisements de galets ont été surexploités entre 1885 et 1985, date de l’arrêt officiel du ramassage. Les galets étaient également utilisés dans les machines à broyer.

La construction traditionnelle du pays de Caux qui illustre le mieux l’utilisation de matériaux régionaux est le clos-masure. Il s’agit d’une habitation, le plus souvent une ferme, entourée d’une ou de deux allées d’arbres plantés sur un talus (ces plantations ont pour but de protéger des vents importants qui soufflent dans la région).

Le pays de Caux compte un nombre important de manoirs. Un manoir est la demeure d’un seigneur, en principe non fortifiée. Après la guerre de Cent Ans, les maisons seigneuriales n’ont plus besoin de remparts et de tours. Les progrès de l’artillerie rendent caducs les ouvrages de fortification. La paix et la prospérité retrouvées après 1450 donnent la possibilité de reconstruire des manoirs qui utilisent les matériaux locaux (silex, calcaire) et se laissent influencer par la Renaissance. Les propriétés sont en général entourées par un talus (sur le modèle du clos-masure) ou par un mur. L’accès se fait par une entrée encadrée par deux piliers polychromes et ouvragés, ou encore par des piliers de barrière.

La plupart des manoirs normands disposent dans leur cour d’un colombier. D’après l’analyse des historiens locaux, on recense 635 colombiers dans les arrondissements de Dieppe, du Havre et de Rouen. La majorité sont circulaires et en dur. Les plus rares sont polygonaux et à colombages. Les pigeons étaient élevés pour leur chair et pour la colombine qui servait d’engrais. Cet édifice était surtout un attribut de la noblesse : les armoiries du seigneur pouvaient ainsi orner la porte du colombier. Le droit de pigeonnier est aboli dans la nuit du 4 août 1789.

On trouve aussi un nombre important de maisons de maître. Bâties au XIXe siècle en briques dans le bourg ou le chef-lieu de canton, ces dernières prennent la forme d’un pavillon à la façade symétrique. Le toit à forte pente est en ardoise, qui arrive en même temps que le chemin de fer, dans la deuxième moitié du XIXe siècle. La porte d’entrée, vitrée et protégée par une grille ouvragée, est surmontée d’une marquise.

Les autres habitations sont des maisons modestes pouvant être réparties en trois catégories :

  • Les longères sont des maisons de plan longitudinal dont la chaumière est l’exemple le plus connu. Elles comportent souvent un escalier extérieur, possèdent un toit à forte pente, traditionnellement en chaume et chaque pièce s’ouvre directement sur l’extérieur par une porte.
  • Les maisons de pêcheurs tournent le dos à la mer ou sont perpendiculaires à la route. Les murs sont en silex taillé, en galet ou en brique, la cour possède un puits à marée. Dotées d’un toit de chaume puis d’ardoises, les maisons de pêcheurs mitoyennes peuvent former de véritables corons maritimes, comme à Fécamp.
  • Les villas balnéaires : construites au XIXe siècle et au début du XXe siècle, elles font face au rivage et suivent la mode de l’éclectisme.

Architecture religieuse

Le pays de Caux est une région de grande religiosité, cette particularité ayant peut-être pour origine la présence de nombreuses abbayes qui possédaient jusqu’à la Révolution française la majorité des terres de la contrée. Mais la tradition catholique a persisté, sauvegardée par les habitants des campagnes et les marins qui sont restés très pratiquants. De cette tradition, il subsiste de nombreux édifices religieux particuliers à la région comme des églises paroissiales, des chapelles, des croix, des léproseries et des sanctuaires70.


Structures et bâtiments publics

Le village cauchois est situé au carrefour de plusieurs routes ou le long d’une voie (il s’agit alors d’un village-rue comme Yport, Saint-Aubin-Routot, Bec-de-Mortagne, etc). Le centre du village est occupé par une place appelée « carreau », en raison de sa forme carrée ou rectangulaire. C’est en ce lieu que se sont implantés la halle aux grains, le café, que se déroulent le marché hebdomadaire et les foires (Gonneville-la-Mallet par exemple). La mairie, qui faisait également office d’école communale, peut se trouver sur une autre place, de même que l’église.


Bâtiments économiques

Le style d’architecture cauchois a été adapté au bâtiment de travail que l’on peut trouver aussi dans les autres régions tel que les fours à pain, les charreteries, les écuries, les étables, les bergeries, les porcheries, les celliers, les courtils et les granges à battière70.


Traditions, folklore et événements

Dans le cadre du folklore local, sont organisées de nombreuses fêtes de la mer, mettant en valeur l’histoire du Pays de Caux fortement lié au grand large et particulièrement à Terre-neuve, où les grand morutiers ont fait la richesse de certaines villes comme Fécamp. Pour ces fêtes on trouve alors beaucoup de dégustation et d’explication des techniques de fumage. On peut également trouver aussi des processions durant lesquelles se déroulent des bénédictions de la mer comme au 15 août à Yport73. Les corsos fleuris sont aussi très importants dans les villages à forte tradition horticole, notamment à Doudeville74, Gonneville-la-Mallet ou au Havre. La fête de la Saint-Jean est célébrée par les Cauchois qui érigent des bûchers dans grand nombre de villages le 24 juin.

La grande tradition agricole de l’intérieur des terres a vu s’organiser de plus en plus de fêtes des moissons durant lesquelles sont exposées des vieilles machines alors que des passionnés font revivre des métiers disparus. Tous les deux ans, une manifestation internationale de cerfs-volants est organisée à Dieppe. Durant cette dernière, des ateliers de confection de cerfs-volants sont accessibles aux adultes et aux enfants qui ont l’occasion de pouvoir assister à des combats de cerfs-volants ainsi qu’à des matchs pour le championnat de France de la spécialité.


Spécialités culinaires

Les spécialités culinaires cauchoises concernent principalement la pomme et la poire mais également le fromage et la viande de porc. Les plus célèbres de ces spécialités sont le douillon, le boudin de Saint-Romain, le cidre, le calvados, la bénédictine et le poiré. Une partie de ces spécialités est commune à toute la Normandie mais les variantes locales sont nombreuses.


Le cauchois

Le Pays de Caux est l’un des derniers bastions de la langue normande, sous la forme du cauchois, en dehors du Cotentin. Le nombre de locuteurs est statistiquement très variable : entre 0,3 %78 et 19,1 %79 des habitants de la Seine-Maritime interrogés s’identifient eux-mêmes comme parlant le cauchois. Parmi les traits distinctifs du cauchois on trouve :

  • l’absence d’aspiration du h
  • la perte de l’intervocalique / r /
  • une plus forte tendance à la métathèse que dans les dialectes occidentaux, par exemple, Ej au lieu de jé, eud au lieu de dé, euq au lieu de qué, eul au lieu de lé.

Il existe des auteurs écrivant en cauchois tels que Gabriel Benoist (auteur de Les Histouères de Thanase Péqueu), Ernest Morel, Gaston Demongé, Maurice Le Sieutre et Marceau Rieul. Jehan Le Povremoyne (pseudonyme d’Ernest Coquin) a écrit des histoires du genre mixte de dialogue, comme l’a fait Raymond Mensire.


Le pays de Caux dans les arts

Littérature

Guy de Maupassant décrit admirablement l’ambiance rurale du Pays de Caux dans ses romans.

Un exemple : extrait de Miss Harriet. Texte publié dans Le Gaulois du 9 juillet 1883, sous le titre Miss Hastings, puis publié dans le recueil Miss Harriet ; Maupassant décrit un voyage en diligence entre Étretat et Tancarville :

« C'était l'automne. Des deux côtés du chemin les champs dénudés s'étendaient, jaunis par le pied court des avoines et des blés fauchés qui couvraient le sol comme une barbe mal rasée. La terre embrumée semblait fumer. Des alouettes chantaient en l'air, d'autres oiseaux pépiaient dans les buissons. Le soleil enfin se leva devant nous, tout rouge au bord de l'horizon … »

Le Pays de Caux est le cadre de nombreuses œuvres littéraires notamment dans les nouvelles de Maupassant dont l’action se déroule au Havre (Pierre et Jean) ou dans la région de Fécamp (Le petit fût). Maupassant donne une image froide et dure des Cauchois considérés comme des pingres et, ainsi, rendus particulièrement antipathiques. Maurice Leblanc fait lui aussi du pays de Caux le cadre d’un de ses romans, L’Aiguille creuse, dont l’action se déroule à Étretat. C’est d’ailleurs dans sa maison d’Étretat qu’il a écrit la majorité de ces livres. Annie Ernaux raconte, quant à elle, son enfance dans le livre La Place, dont l’histoire se situe à Yvetot. Gustave Flaubert, grand ami de Maupassant, à lui aussi, utilisé le pays de Caux dans ces romans109, ainsi que Jehan Le Povremoyne dans Les Noces diaboliques110. En 1990, Bernard Alexandre, abbé de Vattetot-sous-Beaumont, décrit dans son livre, le Horsain Vivre ou survivre en Pays de Caux, la vie dans un pays de Caux en plein bouleversement dû au déclin de l’Église et des traditions. Il explique la particularité de la personnalité des Cauchois et de leur tradition ainsi que les tentatives de préservation de celle-ci.


Peinture

Avec le début des séjours balnéaires, le Pays de Caux devient au XIXe siècle un des espaces où vont apparaître de grands courants de l’histoire de l’art113. La région est située entre Paris et l’Angleterre, faisant d’elle un territoire facile d’accès et possédant beaucoup d’atouts : une géologie littorale particulière, des cieux changeants, des rives de Seine convoitées par les artistes, ces paysages naturels étant en contraste avec l’art urbain qui sera lui aussi un objet d’études de la part des plus grands peintres de l’époque. Les impressionnistes, dont Claude Monet à Giverny ou Eugène Boudin dans les campagnes sont les plus prestigieux exemples de cette période, et sont nombreux à fréquenter la région et à en peindre les paysages.

Les paysagistes et les villégiaturistes anglais lancent très tôt en Normandie la mode du désir du rivage, suscitent le goût du pittoresque et du patrimoine ; certains des passagers des « trains de plaisir », écrivains et musiciens, viennent y trouver les motifs de leur inspiration : Charles Baudelaire dialogue avec Eugène Boudin à Honfleur, Maupassant avec Monet à Étretat. Le Pays de Caux figure désormais sur l’itinéraire des grands maîtres avec Barbizon, l’Estaque et Collioure.


Cinéma

La proximité du Pays de Caux de Paris en fait un lieu privilégié pour les tournages en campagne. Serge Pénard y réalise en 1981, Le Chêne d’Allouville116, un film racontant le combat des habitants d’Allouville-Bellefosse contre la construction d’une autoroute qui entraînerait l’abattage du chêne du village considéré comme le plus vieux de France. La personnalité des Cauchois a été aussi exploitée par la réalisatrice Ariane Doublet qui réalise en 1999, Les Terriens117 puis Les Sucriers de Colleville118 en 2004. Le premier montre comment l’éclipse solaire du 11 août 1999 a modifié la vie des paysans cauchois, le second montre, quant à lui, une usine sucrière sur le point de fermer et la vie des ouvriers sans possibilité de retrouver un emploi. Le cadre de la campagne cauchoise est également utilisé dans l’adaptation à la télévision des Nouvelles de Maupassant119, le succès de ces adaptations en 2007 a conduit au tournage d’une deuxième saison en 2008. Avec près de 70 films, Le Havre est l’une des villes de province les plus représentées au cinéma120. Plusieurs réalisateurs ont choisi les installations portuaires pour cadre de leur film : L’Atalante de Jean Vigo (1934), Quai des Brumes de Marcel Carné (1938) ou encore Ce qu’ils imaginent d’Anne Théron (2004). Un homme marche dans la ville de Marcello Pagliero se déroule dans le port et le quartier Saint-François de l’après Seconde Guerre mondiale120. La cité a également accueilli le tournage de plusieurs comédies comme Le Cerveau de Gérard Oury (1968), La Beuze de François Desagnat et de Thomas Sorriaux (2002) ou encore de Disco de Fabien Onteniente (2008). Le film de Sophie Marceau, La Disparue de Deauville sorti en 2007, comporte plusieurs scènes tournées sur le port du Havre, au centre commercial René Coty et dans les rues du centre-ville.


Personnalités cauchoises

  • Jean de Béthencourt, explorateur et conquérant des îles Canaries, né en 1360 à Grainville-la-Teinturière et mort dans ce village en 1425 ;
  • Jean Ango, né et mort à Dieppe (1480-1551), armateur sous le règne de François Ier ;
  • Adrien Victor Auger, peintre né à Saint-Valery-en-Caux en octobre 1787 ; Louis-Hyacinthe Bouilhet, écrivain né à Cany le 27 mai 1822 et mort à Rouen le 18 juillet 1868 ;
  • Dominique Noguez, écrivain né le 12 septembre 1942 à Bolbec, prix Femina 1997 ;
  • Fabien Canu, judoka.


    Bibliographie  :
  • Pierre Auger, Gérard Granier, Le guide du Pays de Caux, éditions La Manufacture, Lyon, 4e édition, 1993, (ISBN 2737702801)
  • Michel Lécureur, Manoirs du pays de Caux, éditions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, 1992, (ISBN 2854803574)
  • Albert Hennetier et Michel Lécureur (préface de Michel Saudreau), Chapelles et églises rurales en pays de Caux, Bertout, 1997, 224 p. (ISBN 2867432995)
  • Jacques Ragot, Monique Ragot, Guide de la nature en pays de Caux, éditions des falaises, Fécamp, 2005, (ISBN 284811035X)
  • Patrick Lebourgeois, Pays de Caux. Vie et patrimoine, éd. des Falaises, 2003
  • Alain Leménorel (dir.), Nouvelle histoire de la Normandie, Entre terre et mer, Privat, Toulouse, 2004, (ISBN 2708947788)
  • Michel Barberousse, La Normandie, ses traditions, sa cuisine, son art de vivre, Hachette, Paris, 1974, (ISBN 2010010957)
  • L’État des régions françaises 2004, La Découverte, Paris, 2004.

source wiki et autres

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