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Terre-neuvas (Fécamp)


article de Daniel & Yolande CHAUMONT


Le « grand métier », c'était celui de la pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve

LES TERRES-NEUVAS – (FECAMP)


Lancée dès le milieu du XVIe siècle, la pêche à la morue, sur les bancs de Terre-Neuve connaîtra son apogée entre 1820 et 1840, avec plus de 10 000 pêcheurs français partant chaque année sur les bancs de Terre-Neuve.

Cette pêche entraînera la colonisation et le développement de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, situé à proximité immédiate des bancs, dont le port de Saint-Pierre servait de port de relâche et d'approvisionnement aux navires de pêche.


Six chalutiers-congélateurs quittent le port de Fécamp en septembre 1972 pour aller pêcher au large des côtes de Norvège. Quoi de plus banal en apparence ? Mais la veille, dans un bistrot du port, l'un des patrons des chalutiers, un vieux Terre-Neuva, a manifesté son amertume à la cantonade. Ils vont aller pêcher du « faux poisson » (en l'occurrence du colin noir mais, plus généralement, c'est ainsi que les Terre-Neuvas nomment tout ce qui n'est pas la morue). La morue, le « grand métier », c'est fini.

La Normandie a une longue tradition de pêche derrière elle, soutenant sur bien des points la comparaison avec sa célèbre voisine, la Bretagne. Dès avant la Révolution, les ports de pêche y sont nombreux et actifs : Granville, Cherbourg, Grandcamp, Courseulles, Honfleur, Le Havre, Fécamp, Dieppe, pour ne citer que les plus impor­tants. Dès le XVIe siècle, sans délaisser pour autant la pêche aux migrateurs (le hareng d'octobre à décembre et le maque­reau de mars à juin), Granville et Fécamp (ainsi que Houlgate et Dieppe, mais dans une moindre mesure) se sont spécialisés dans la pêche à la morue, sur les bancs de Terre-Neuve.

C'est alors un métier terrible qui méritera bien sa fière appel­lation de « grand métier ». Les hommes restent plusieurs mois en mer, ne dormant que quelques heures lorsque leur trois-mâts est sur les bancs de pêche. La mauvaise nourriture provoque scorbut et béribéri. Les accidents sont nombreux, parfois mortels. Souvent, le brouillard tombe sur les frêles doris qui se sont éloignés du navire pour pêcher. Il arrive que ces équipages de deux hommes ne reviennent jamais à leur bord. Tout cela, sans parler de l'exténuant travail du vidage et de l'étêtage, du salage et du séchage.


Plusieurs siècles plus tard, alors que Fécamp est devenu le premier port morutier français après le déclin de Granville à partir du XIXe siècle, la vie de ceux qu'on appelle (2), comme leurs navires, les « Terre-Neuvas » est à peine moins rude. Jean Récher, l'un des derniers patrons de morutier à Fécamp, a raconté dans le Grand Métier (1), ce que fut sa vie et ce qu'était le travail des Terre-Neuvas au milieu du XXe siècle. Né à Fécamp en 1924, cadet d'une famille nombreuse de 9 enfants, mousse à 14 ans, il signe son premier contrat pour Terre-Neuve à 15 ans. Ce sera désormais sa vie, une vie dure qui ne se borne pas à la seule pêche, même si, tant qu'il y a du poisson, 112 heures de travail harassant par semaine, dans un froid polaire, sont obliga­toires. Il faut aussi lutter

contre la glace dont le poids croissant menace l'équilibre du chalu­tier. Souvent, le temps est si mauvais qu'on doit se réfugier à l'abri de la banquise en courant le risque d'y rester emprisonné. Et puis, les pêches se faisant de plus en plus maigres au fur et à mesure que les bancs s'épuisent, les parts fondent en proportion.

Tant qu'à gagner des salaires de misère, les marins préfèrent rester à terre. Alors, conclut celui qui était devenu le capitaine Récher, il ne reste plus que « ceux qui n'aiment rien tant que de rentrer au port mais qui savent bien que pour rentrer, il faut partir ».


(1)Le « grand métier », c'était celui de la pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve.

C'est la mémoire d'une des professions les plus dures dans les mers les plus cruelles, celles de l'Arctique : Terre-Neuve, Groenland, île aux Ours, mer de Barents... Ce livre relate, dans le détail, la vie de cette unité de soixante volontaires que constitue l'équipage d'un chalutier, hommes d'autant plus rudes qu'ils sont normands et payés "à la part". Un livre traversé d'embruns, de glace et de courage, qui éclipse définitivement l'imagerie un peu désuète de "Pêcheur d'Islande".

Ce témoignage évoque également la crise de la pêche française jusqu'alors à la pointe de la pêche mondiale. Fécamp, jadis forêt de mâts et premier port morutier français, désarme ses navires.

Jean Recher, capitaine du dernier chalutier français, le "Vikings", est allé le conduire en Norvège pour y être vendu...


(2)Par extension, le nom de terre-neuvas est aussi donné aux pêcheurs qui ont pratiqué une pêche similaire sur les bancs d'Islande.


Sources :

*http://www.gallimardmontreal.com/books/view/65576

*Histoire de la Normandie : Roger Jouet et Claude Quétel

*http://fr.wikipedia.org/wiki/Terre-neuva

*http://www.ifremer.fr/docelec/image67.htm


Post-scriptum :

http://le50enlignebis.free.fr/spip.php?article2975

(Rechercher : terre-neuvier)

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