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Crollon - Notes historiques et archéologiques


NDLR : texte de 1845, voir source en bas de page.


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rollon est une petite commune traversée par l’antique route d’Avranches à Rennes. Elle consiste principalement en un massif à peu près circulaire dont le plateau s’appelle la Lande-de-Crollon et qui est dessiné en grande partie par la rivière de l’Heume qui passe sous l’église, coupe la route de Rennes au bas de la Lande, et va se jeter dans le Beuvron. Le nord est limité par un sous-affluent de la Guintre ; l’est et l’ouest sont déterminés par une ligne idéale. La Lande-de-Crollon, qui naguère était un commun, offrait avant sa division les traces d’un ancien retranchement. Une vieille croix se voit sur la Lande, au bord de la route de Rennes.

Cette route indique la direction de la voie romaine d’Avranches à Rennes. A ses deux extrémités dans l’arrondissement, à Avranches et à Montanel, on a fait des découvertes importantes. Partant de Legedia, dont les débris se retrouvent avec évidence dans les bancs d’huîtres, les couches de ciment, les monnaies, les tuiles et des mosaïques trouvées à son point de départ, elle suivait la rue Saint-Gervais ; [1] elle franchissait le gué où s’est élevé, dans un véritable médailler, [2] le pont de Pontaubault, passait à Précey, près de Vaugris, où l’on a trouvé récemment des monnaies, [3] et entrait dans la Bretagne à Montanel où ont été trouvées ces belles monnaies gauloises d’électrum, décrites par M. Lambert. [4] La distance de Legedia [5] à Condate ou Rennes est marquée sur la carte de Peutinger à 48 lieues : ces 48 lieues gauloises représentent généralement la distance qui sépare les deux cités.

Dans le Xe siècle, le fils du duc Rollon, Richard, concéda aux religieux du Mont Saint-Michel le village qui portait le nom de son père, et qu’il tenait de son héritage. [6] Il n’est pas difficile de reconnaître dans ce nom communal celui de Rollon, surtout quand on l’aspire, comme il l’était dans l’origine, car les manuscrits originaux écrivent Hrolf. Ce nom aussi semble avoir une grande valeur dans l’étymologie générale des noms topographiques normands, qui représentent la plupart les noms mêmes des chefs auxquels Rollon distribua le sol en le divisant au cordeau, [7] distribution que Robert Wace a minutieusement décrite : [8]

A plusors dona viles (villages) [9] è chastels è citez,
Donna champs, donna rentes, donna molinz è prez
Donna broils (bois taillis), [10] donna terres, donna granz éritez
Solonc lor genz servises, è solonc lor bontez,
Solonc lor gentilesce, è solonc lor aez (âge).
A toz en Normandie retenuz è fieufez,
Mult les a paiez toz a lor volentez,
Mult les a esauciez (élevés), è mult les a amez.
E bien les a paiez tretoz lor volentez
Por ço ke de lor terre les aveit amenez.

La partie la plus ancienne de l’église de Crollon est son portail, qui offre la combinaison rare et précieuse de deux styles, le gothique et le roman, et semble dès-lors appartenir à la fin du XIIe siècle, s’il n’est pas une ogive associée à un cintre. L’ogive est obtuse, écrasée, rudimentaire, encore timide, dans une arcature romane. Les chapiteaux sont sculptés de crosses végétales. L’archivolte extérieure est un cintre surbaissé et le tympan est rempli. Viennent ensuite les contreforts gothiques dont un offre jusqu’à six retraits. [11] La nef a des fenêtres en styles divers : deux sont trilobées et appartiennent au XVe ou XVIe siècle. La fenêtre orientale est assez simple : c’est une ogive divisée en deux lances par un meneau bifurqué. Sur la face méridionale entre le chœur et la nef, car l’église n’a pas de transepts, est empreinte la trace d’un porche. L’arc de séparation est de 1717 ; un des murs du chœur date de 1671. On remarque dans l’intérieur deux confessionnaux du XVIIIe siècle, ouvrés à jour. Sur la base des fonts sont une croix et une coquille sculptée, souvenir sans doute de la coquille de Saint-Jean et symbole du salut baptismal. Dans la nef de cette église se retrouve un élément qui a presque disparu partout, et qui cependant était traité avec soin et avec art, même dans les églises rustiques, c’est le dallage de la nef et du chœur. [12] A Crollon les dalles taillées en écusson sont disposées en croix. La croix du cimetière est de 1786. Le tourillon en bois repose sur des madriers intérieurs.

L’église de Sainte-Marie de Crollon était à la présentation de l’évêque d’Avranches. Dans l’Impôt royal de 1522, elle paya 4 liv. 10 s. [13] En 1648, elle rendait 200 liv. En 1698, la cure valait 400 liv. ; il y avait un vicaire ; la taille était de 332 liv. et il y avait 88 taillables. [14] En 1764 Crollon, partie de la sergenterie de Saint-James, renfermait 70 feux. [15]

Il n’y a pas de nom topographique intéressant, si ce n’est celui d’un Mes ou Mesnil, le Mesnier. Le manoir de Crollon appartint aux moines du Mont Saint-Michel, et ensuite aux de Magny.

Source :

Notes

[1] C’est sur cette rue, assez loin du centre des débris, qu’on a trouvé des mosaïques et des monnaies. Nous possédons un Antonin trouvé à l’extrémité méridionale de cette rue.

[2] On y a trouvé d’une fois plusieurs centaines de monnaies

[3] C’étaient des monnaies françaises en or.

[4] Voyez son excellent Traité de Numismatique gauloise, dans le deuxième volume in-4° des Mémoires des Antiq. de Normandie.

[5] NDLR : Avranches.

[6] Nous affirmons ce fait d’après l’autorité de M. Desroches, quoique cependant il ne paraisse pas s’appuyer sur autre chose que sur le nom de Scallei, écrit dans la précieuse charte du duc Richard, et dans lequel il trouverait Crollon. Cette interprétation nous parait très-hasardée ; mais notre raison étymologique n’en subsiste pas moins. Voici le passage de cette antique et illustre charte, artistement historiée dans le Cartulaire : « Macei, Scallei, Peleton, dimidium Cromeret, Verguneci. »

[7] Funiculo suis fidelibus terram divisit. Dud. de St Quentino.

[8] Voir Roman de Rou, v. 1,936, édit. Pluquet.

[9] C’est la villa, le Tot, le Hou, l’habitation seigneuriale.

[10] Il y a plusieurs Breuils dans l’Avranchin. Ce mot est resté dans les noms topographiques et les noms d’hommes. Il vit encore dans le verbe brouiller. Les Italiens l’ont encore, Broglio, d’où imbroglio.

[11] Dans une église voisine, celle de Précey, les contreforts sont aussi remarquables par leurs retraits multipliés. Voir l’art, de Précey.

[12] Tanis, Saint-Jean-de-la-Haize conservent des fragmens d’un pavé symétrique.

[13] Mss. de l’Assiette.

[14] Mém. sur la Généralité de Caen.

[15] Expilly, Dict. des Gaules.