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Le Château de Couterne


Photos Yolande CHAUMONT


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Le château de Couterne est une construction des XVIe-XVIIe siècles située sur le territoire de la commune éponyme du sud du département de l’Orne. Il fait l’objet d’une inscription au titre des monuments historiques depuis avril 1931. Une salle d’exposition de souvenirs à proximité du parking retrace, à travers plus de 200 objets historiques ou d’usage courant, l’histoire de la demeure et de la région.

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D’authentiques robes et costumes conservés depuis 250 ans donnent une idée du raffinement au XVIII siècle. Ce château a été le témoin, dans cette partie de l’Orne, des conflits religieux entre catholiques et protestants, de la Révolution, de la Chouannerie, etc…

XVI siècle

Septembre 1542 : Jehan de FROTTÉ [1] vient acheter les restes d’un château fort ayant appartenu à la famille éteinte des seigneurs de Couterne. Il veut y édifier un « hébergement » après avoir bien servi la Reine. La Reine ? C’est Marguerite de Navarre, sœur de François Ier, ex-duchesse d’Alençon remariée au Roi de Navarre. Elle deviendra la grand-mère de Henri IV. Jehan de Frotté dont la famille est d’origine bourbonnaise tient le Registre de ses Finances tout en s’adonnant à la poésie. Marguerite, facilement généreuse et dépensière a des ennuis d’argent. Elle écrit à Frotté « Le Roi a fait fondre force artillerie pour défendre sa ville de Navarins qui lui est de si grande dépense qu’il n’y peut fournir et a dû "engaiger" ses terres que je voudrais bien lui faire "dégaiger" mais lui ni moi n’avons point d’argent ! ». Pas facile d’être poète et financier d’une Reine accablée par les soucis de la défense.

Alors Jehan se retire dans son « hébergement » composé de la partie centrale de l’actuel château surmonté à partir du 1er étage d’un toit Renaissance à forte pente. Il accole une tourelle de guetteur aujourd’hui disparue et les deux tours aux toits en forme de cloches avec des fenêtres décentrées et orientées vers la coulée de l’étang pour mieux voir l’arrivée. À leur base il fait percer des meurtrières pour la défense. L’actuelle cour d’honneur est fermée par des dépendances. Le matériau est simple : en creusant on trouve le granit roux. En cuisant de l’argile on le recouvre de briques plus lumineuses. Ainsi Couterne à la différence de beaucoup d’autres demeures n’impose pas ses lignes à la nature environnante mais s’y incruste harmonieusement.
Après la mort de Marguerite de Navarre nombreux furent ceux qui adoptèrent la Réforme et devinrent des Huguenots. Parmi eux les fils de Jehan de Frotté. Les guerres de religion ensanglanteront la France et c’est de justesse que René de Frotté échappera à la Saint Barthélemy.

XVIII siècle

A la Révocation de l’Édit de Nantes, les Frotté refuseront de s’expatrier. Le règne de Louis XVI les trouve, suivant la formule « exclus des bontés du monarque » mais aussi du risque de devenir des courtisans. Ils en profitent pour agrandir leur demeure, surélevant la partie centrale, ajoutant les pavillons accolés aux tours, construisant de nouvelles dépendances, détruisant les anciennes, plantant l’avenue, aérant l’ensemble pour donner au petit « hébergement » originel son visage actuel. Mais si l’extérieur a pris des allures de château, l’intérieur est plutôt celui d’un manoir : pas d’enfilades de salons ni de portes à double battant pour recevoir. Nous sommes toujours dans une atmosphère « huguenote » de vie familiale en vase clos.

C’est de l’une des fenêtres du château de Couterne, que Charles-Gabriel de Frotté déjà âgé, verra surgir, fin juillet 1789, 700 paysans conduits par un riche maître de forges. La Bastille est prise et surtout le prix du pain s’est envolé faisant craindre la famine. Alors on pille les châteaux, on détruit les vestiges de la féodalité. À Couterne on brûle le « chartrier » en y joignant des lettres de François 1er. À défaut d’abattre le maître des lieux on tire sur un sanglier qui symbolise les nuisibles, destructeurs de récoltes et pour finir tout le monde se retrouve à la cave...
Charles-Gabriel supporta mal la mésaventure. Il contracta au dire d’un médecin de l’époque "une grande agitation dans le sang" et mourut peu après, laissant un fils de cinq ans.

Mais comme si l’opposition persécutée était pour elle une seconde nature, voici la famille à l’avènement de la République devenue ardente royaliste. Il faut dire qu’un jeune cousin s’était jeté à corps perdu dans la chouannerie. Louis de Frotté avait toujours rêvé d’exploits au service du Roi de France. Il s’en était entretenu avec son oncle de Couterne qui l’avait choisi comme héritier avant d’avoir un fils d’un second mariage. La Révolution le hérisse, émigré dans l’Armée des Princes, le joug autrichien ne lui plaît pas davantage. Il trouve enfin sa voie en venant à l’intérieur même du pays soulever la Normandie pour appuyer le mouvement vendéen. Selon des techniques déjà élaborées d’une guerre de partisans, il tiendra la région en haleine de 1795 à 1800.

XIX siècle

Mais le coup de tonnerre du 18 brumaire va changer le destin de Louis de Frotté, qui est considéré par Bonaparte comme le plus dangereux de ses adversaires. Arrêté le 15 février 1800, Louis de Frotté et son état-major sont fusillés trois plus tard à Verneuil, dans l’Eure.
La branche de Louis de Frotté s’éteint avec lui et ses souvenirs sont transférés au château de Couterne. Tout au long du XIX siècle, ils sont traités comme des reliques et le spectre du chouan influencera plusieurs générations. On dit encore aujourd’hui que le fantôme du général chouan hante toujours les lieux.
D’attentes déçues en deuils familiaux, il ne reste à la fin du XIXe siècle qu’un orphelin marqué par les souvenirs. Comme pour s’en dégager Robert de Frotté part visiter le monde. Il en reviendra l’esprit tourné vers la culture, l’ouverture aux civilisations, à leurs beautés, à leur histoire. Il remodèlera la cour, les jardins, l’environnement du château.

XX siècle

Mais la guerre à nouveau marquera la demeure. Contre l’occupant ce sera une fois encore de l’intérieur du pays que sera mené le combat. Vichy n’ayant pas répondu à l’attente, la Résistance emportera deux fils de Robert vers la déportation et vers la mort.
Au terme de 450 ans qui virent dans une maison se succéder 14 générations, force est de reconnaître qu’en dépit des combats, des deuils, des oppositions aux pouvoirs, la vie demeure la plus forte, à l’image de cette Renaissance qui conduisit Jehan de Frotté à bâtir ici son « hébergement ».


Portfolio

Le château avant sa restauration au XVIIIe siècle carte postale château Photo du château

Notes

[1] SOSA 128 de Louis de Frotté
Chancelier de la reine Marguerite de Navarre
Né en 1500
Décédé en 1576 À l’âge de 76 ans
Marié en 1536 avec Jeanne Le Coutellier +1545/