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Armoiries


ARMOIRIES. L'usage, chez les guerriers, d'orner leurs boucliers et leurs casques d'emblèmes personnels, remonte à une haute Antiquité. Il était nécessaire de se reconnaître dans la mêlée ou dans la retraite.

À Rome, deux des chapiteaux des colonnes antiques qui décorent l’entrée du chœur de l’église de Saint-Laurent représentent des trophées gaulois : casques ronds à visière plate, à larges jugulaires, surmontés de grandes cornes de bélier ; beaux carnix (grandes trompettes à tête de dragon) ; boucliers dont la bosse (l’umbo) se relève entre deux croissants. Des enseignes au sanglier sont partout à Rome : sur le tombeau de Cecilia Metella ; sur les trophées improprement dits de Marius, etc. Au grand musée de Florence (vestibule des Uffizi), on voit sur des stèles de marbre blanc à trois faces, des casques gaulois à cornes, à crêtes ; les plus beaux se terminent en tête d’aigle. (Henri Martin).

Mais il est généralement reconnu aujourd’hui que l’origine des Armoiries proprement dites ne peut être antérieure au xie siècle. « Les uns, dit M. de Foncemagne, en rapportent l’institution aux tournois, où ceux qui se présentaient pour entrer en lice prouvaient leur extraction par l’écu de leurs Armes ; les autres prétendent qu’elles furent introduites à l’occasion des croisades, où la différence des bannières servit à distinguer les chevaliers et à faciliter le ralliement de leurs vassaux. Ces deux sentiments ne diffèrent que par rapport à la circonstance qui donna lieu à l’établissement dont je parle, et s’accordent à peu de chose près quant au temps qui les vit naître, puisqu’il résulte de l’un et de l’autre qu’on ne doit pas en chercher le commencement avant le xie siècle, dans le cours duquel on trouva celui des tournois et celui des croisades. Je sais que les écrivains qui attribuent à l’empereur Henri l’Oiseleur l’invention des tournois la placent vers le milieu du xe siècle ; mais André Favin a prouvé solidement par les témoignages mêmes des historiens étrangers qu’elle appartient à notre nation et que l’Allemagne l’a reçue de nous. Soit donc que, prenant à la lettre un passage de la Chronique de Tours, on regarde Geoffroy, seigneur de Preuilly, mort en 1066, comme l’inventeur des tournois, Gaufridus de Pruliaco torneamenta invenit (1) ; soit qu’expliquant ces termes avec M. du Cange par des autorités du même temps, on fasse seulement honneur à Geoffroy d’avoir le premier dressé les lois de ces sortes de combats, établis quelques années avant lui, il sera également certain qu’ils ne sont point connus dans l’histoire avant le xie siècle. Pour les croisades personne n’en ignore la date : la première fut publiée au concile de Clermont en 1095. Quoique le choix entre les deux opinions sur l’origine des Armoiries puisse paraître assez indifférent en soi, je proposerai en deux mots ce que je pense. Je crois qu’il faut admettre ensemble les deux opinions et que, séparées, elles ne peuvent nous donner complètement l’origine que nous cherchons. M. de Foncemagne pense donc que les premières Armoiries furent inventées à l’occasion des tournois, mais que depuis les croisades l’usage en devint plus général et la pratique plus invariable. »

« C’est par les croisades, ajoute-t-il, que sont entrées dans le blason plusieurs de ses principales pièces, entre autres les croix de tant de formes différentes, et les merlettes, sorte d’oiseaux qui passent les mers tous les ans, et qui sont représentées sans pied et sans bec en mémoire des blessures qu’avait reçues dans les guerres saintes le chevalier qui les portait. C’est donc aux croisades que le blason doit le nom de ses émaux Azur, Gueules, Sinople et Sable, s’il est vrai que les deux premiers soient tirés de l’arabe ou du persan, que le troisième soit emprunté de celui d’une ville de la Cappadoce, et le quatrième une altération de Sabellina pellis, martre zibeline, animal connu dans les pays que les croisés traversèrent. C’est probablement par les croisades que les fourrures d’hermine et de vair, qui servirent d’abord à doubler les habits, puis à garnir les écus, ont passé de là dans le blason. Le nom même de blason, dérivé de l’allemand blasen, sonner du cor, nous est peut-être venu par le commerce que les Français eurent avec les Allemands pendant les voyages d’outre-mer ».

Les Bénédictins, tout en admettant cette dernière étymologie, y trouvent au contraire la preuve que les Armoiries tirent immédiatement leur origine des tournois, parce que les champions sonnaient du cor pour avertir les hérauts de venir reconnaître leurs Armes. Ils rappellent d’ailleurs, à l’appui de cette opinion, que les chevrons, les pals, les jumelles faisaient partie de la barrière qui fermait le camp du tournoi. Ils expliquent aussi l’emploi des figures d’astres et d’animaux par l’habitude qu’avaient les combattants de se faire appeler chevalier du soleil, de l’étoile, du croissant, du lion, du dragon, de l’aigle, du cygne, etc. Enfin comme ils ne partagent pas l’opinion de M. de Foncemagne sur la date des premiers tournois qu’ils font remonter au moins jusqu’au règne d’Othon le Grand, ils ne sont pas éloignés de croire que les Saxons, les Danois et les Normands, voisins de l’Allemagne, ont pu apporter les Armoiries en Angleterre et de là en France.

On a cité plusieurs exemples pour prouver que les Armoiries étaient employées au commencement du xie siècle, ou même dans la fin du siècle précédent. Le fait le plus décisif est cité par les Bénédictins, d’un sceau de Raymond de Saint-Gilles pendant à un diplôme de l’an 1088, présentant la croix de Toulouse cléchée, vidée et pommetée. Si cette croix était d’une forme ordinaire, on pourrait n’y voir qu’un symbole de piété, mais les détails accessoires qui la modifient permettent de la considérer comme une véritable pièce de blason. Au reste tout en faisant remonter les Armoiries jusqu’à la fin du xe siècle, les auteurs du Nouveau Traité de Diplomatique reconnaissent qu’elles n’ont paru sur les sceaux avant le milieu du siècle suivant, et qu’elles ne devinrent ordinaires que dans le milieu du xiiie. Les plus anciennes Armoiries sont généralement fort simples. L’écu représenté sur le sceau qu’employait en 1102, Hugues, duc de Bourgogne, était bandé de six pièces et bordé ; celui d’Adam de Soligné était losangé ; celui d’Adam de Hereford, gironné. Le contre-sceau d’Eléonore, comtesse de Saint-Quentin et de Valois, représente un écu dont le champ est occupé par un lion. Les mêmes armes avaient paru en 1189 au plus tard sur le sceau de Mathieu, comte de Beaumont et seigneur de Valois ; ou les retrouve en 1195 sur celui de Simon de Montfort. Sur le sceau de Ricard de Vernon, on voit un sautoir évidé ; et sur celui de son fils, deux bâtons en sautoir, brochant sur un râteau, mis en chef. Ces deux sceaux sont suspendus à une charte de l’an 1195 ; les bâtons en sautoir substitués au sautoir évidé, et l’addition du râteau constituent une véritable brisure. À la fin du xiie siècle, et dans les premières années du siècle suivant, les Armoiries composées d’une même pièce répétée un certain nombre de fois commencent à devenir plus fréquentes. On voit deux léopards lionnés sur le contre-sceau de Guillaume, fils de Dauphin, comte de Clermont, en 1199 ; le sceau de Mathieu de Montmorency, une croix cantonnée de quatre alérions, en 1202 ; un franc-quartier sur un écu échiqueté d’Alix de Bretagne, dans son contre-sceau de 1214.

Selon les Bénédictins, les écus armoriés ne parurent pas sur les sceaux d’Allemagne avant le xiiie siècle. L’écu écartelé aux armes de Castille et de Léon parait sur le sceau de Ferdinand iii, roi de Castille, proclamé roi de Léon en 1230. Ces différents exemples confirment la règle posée par les Bénédictins, c’est-à‑dire que les Armoiries n’étaient pas ordinaires dans la première moitié du xiie siècle, quoique les premiers écus blasonnés paraissent sur les sceaux dès le siècle précédent. (Natalis de Wailly. — Éléments de paléographie, tome ii).

En Belgique, les Armoiries se voient de bonne heure sur les sceaux. Le sceau équestre de Thierry d’Alsace, comte de Flandre, dans un acte de 1160, montre un bouclier à umbo sans trace d’Armoiries ; celui de Philippe d’Alsace, son fils, porte aussi un bouclier à umbo sans Armoiries, en 1157, tandis qu’en 1170, on voit pour la première fois apparaître le lion, mais contourné, sur son sceau appendu au bas d’une charte par laquelle le comte de Flandre confirme la donation du bois de Martinval faite aux religieux de Vaucelles par Robert, avoué de Villers. Le sceau rond de 88 millimètres est un type équestre. Philippe d’Alsace, vêtu d’une tunique de mailles, coiffé d’un casque à timbre arrondi et muni d’un nasal, brandit une épée à gorge damasquinée ; son bouclier porte un lion contourné ; sous le cheval une plante d’ornement avec des oiseaux perchés. Légende : Sigillum. Philippi. Comitti. Flandrie. Contre-sceau : écu au lion ; dans le champ des rinceaux. (G. Demy. — Inventaire des sceaux de la Flandre, 1874).

En Angleterre, les écus armoriés surgissent sous le règne du roi Henri ii. Un manuscrit de la Bibliothèque Harléenne nous représente Geoffroy Plantagenêt armé d’un long bouclier triangulaire orné de six renards rampants posés 3, 2 et 1 (année 1172). La première fois qu’on rencontre les Armoiries royales d’Angleterre sur des sceaux, c’est sur le contre-scel de Richard ier, dit Cœur-de-Lion (1189-1199). Il y est représenté à cheval, tenant de la main droite une épée haute levée, et de la main gauche un bouclier chargé de trois léopards.

Cependant Hickes, auteur anglais, conjecture que le blason n’a été introduit en Angleterre que sous le règne de Henri ii (1154-1189). Mais on ne voit ni léopards, ni cimier sur le scel de ce monarque.

Le monument le plus ancien des Armoiries de l’Écosse est un contre-scel de Guillaume le Lion qui monta sur le trône de ce royaume en 1165. Il représente un lion couronné de fleurs de lis. (N. de Wailly).

Il existe au National Museum de Munich le plus ancien Ritter Schild offrant la représentation conventionnelle d’un animal suivant les formules héraldiques. C’est un bas-relief en forme d’écu provenant de Kloster Steingaden, ancienne fondation des Welfen dans le Bayerischen Oberlande. Cette sculpture est taillée en grès (Sandstein) et bien qu’elle date de l’année 1180, la polychromie est très apparente et l’état de conservation satisfaisant. À part la denture accusée du félin et l’archaïsme du modelé, le type est conforme aux prescriptions les plus sévères des rois d’armes. Le blason de Kloster Steingaden offre sur champ d’or, un lion d’azur, la queue doublement nouée et fourchue, armé et lampassé de gueules.

Le plus vénérable des documents de la paléographie héraldique est, à notre connaissance, le Züricher Wappenrolle (1280-1325) contenant près de six cents blasons coloriés. En 1860, la Société des Antiquaires de Zurich en publia un fac-simile. L’examen de ce Wappenrolle nous permet de constater qu’au xiiie siècle, la science, le langage et la législation héraldiques reposaient sur des données certaines et des principes immuables. (Notice d’Auguste Schoy dans le Journal des Beaux-Arts et de la Littérature, du 31 août 1874).

Selon l’érudit Du Cange, les émaux que les hérauts ont appelés couleurs sont des pannes et fourrures, de même que l’hermine et le vair. Les noms mêmes donnés à ces couleurs n’ont d’autre origine que ceux des fourrures de diverses espèces employées pour les cottes d’armes.

Dans les assemblées publiques et dans les guerres, les seigneurs et les chevaliers étaient reconnus à leurs cottes d’armes. Lorsqu’on parlait d’eux ou lorsqu’on voulait les signaler par quelque marque extérieure, on disait : Tel seigneur porte la cotte d’or, d’argent, de gueules, de sinople, de sable, de gris, d’hermine, ou de vair. Plus tard, on dit tout simplement : Il porte d’or, d’argent, etc., en sous-entendant le mot de cotte d’armes.

De là est venu l’usage de blasonner les armes d’un gentilhomme en ces termes : Il porte d’or, d’argent, etc., à une telle pièce.

Mais comme plus tard ces signes extérieurs ne suffirent pour se reconnaître dans les réunions solennelles ou sur les champs de bataille où tous les seigneurs étaient revêtus de cottes semblables, on songea à diversifier ces dernières, en découpant ces draps d’or et d’argent et les fourrures, couvrant les habits ou les armes, de différentes manières, en observant de ne jamais mettre ni peau sur peau, ni le drap d’or sur le drap d’argent ou le drap d’argent sur le drap d’or. Lorsqu’on faisait exception à cette règle, on devait s’enquérir des motifs de ce contresens et des raisons qui avaient dicté ce changement. De là l’origine des armes à enquerre, comme celles de Jérusalem.

Avec ces découpures, on forma des bandes, des fasces, des chefs, des lambels et d’autres pièces que les hérauts nomment chargeantes. Il advint ensuite que les chevaliers transportèrent sur leurs écus non seulement la couleur des draps d’or et d’argent et des riches fourrures ou pannes qu’ils portaient en cottes d’armes, mais aussi la figure de ces découpures, dont ils formèrent des bandes, des jumelles, des fasces, des sautoirs, des chefs et d’autres pièces dites honorables. Quelquefois ils ont parsemé leurs cottes d’armes de figures d’animaux terrestres, d’oiseaux ou d’autres objets de la création et les ont reproduit sur leurs boucliers ; ou bien ils ont emprunté à ces derniers leurs représentations pour en couvrir leurs cottes d’armes. Telle est la pensée du savant Marc Velser.

Dans quelques cas spéciaux, nous voyons des preux charger leurs cottes d’armes d’aucune pièce et conserver un bouclier semblable. C’est pour ce motif que les ducs de Bretagne portent l’hermine plein, les d’Albret le gueules plein, les Meneses d’Espagne l’or plein et les seigneurs de Saint-Chaumont le gris ou l’azur plein, parce que leurs cottes d’armes étaient respectivement des pannes de gueules et de gris et le drap d’or.

Nous voyons dans les comptes d’Étienne de la Fontaine, argentier du roi de France en 1350, que l’on avait coutume de broder les cottes d’armes et de les enrichir de perles. Ces broderies avaient pour but de donner du relief aux Armoiries qui se répétaient sur les écus.

L’usage de la cotte d’armes armoriée n’était réserve primitivement qu’à la plus haute noblesse, mais plus tard les écuyers commencèrent à la porter sans inconvénient. Au moins c’est ce qui résulte des dires de George Châtellain, en son Histoire de Jacques de Lalaing, chevalier de la Toison d’Or.

Les auteurs enseignent, et des témoignages nombreux le confirment, que chaque fois qu’un seigneur changeait de domaine et de dignité, il changeait aussi ses armes et son sceau. (Natalis de Wailly. — Éléments de paléographie, t. ii, p. 21).

L’aîné seul de la famille, comme héritier présomptif, portait parfois conjointement avec le chef en titre de la seigneurie, les armes pleines de celle-ci. Le plus souvent cependant tous les enfants adoptaient une brisure dont la forme était réglée selon l’ordre hiérarchique des successions. Ce signe disparaissait du blason de celui des fils qui était mis en possession de la seigneurie. « Suivant la loi des Armoiries, ajoute Duchesne, dans son livre de l’Histoire de la maison de Béthune, quand les lignes des aînés viennent à prendre fin, celles des cadets relèvent les armes pleines de leurs maisons et en quittent les brisures… »

Armoiries renversées. — Punition des traîtres. — Par une charte signée à Rennes, le 26 février 1388, Messire Alain de Montbourcher, chevalier, et Simon de Montbourcher, son frère, s’obligent envers Jehan, duc de Bretagne, comte de Montfort et de Richemont, par foi et serment, de défendre le chastel et forteresse de Saint-Brieuc, sous peine de leurs armes estre mises et assises à revers, sans que icelles par eux ne par aultres puissent estre mises ne assises en aultre maniere (Dom Lobineau. — Histoire de Bretagne).

Les Armoiries et les marques municipales. — La législation héraldique, presque toujours et partout, a été variable et peu précise ; en cette matière, on s’appuie encore trop aujourd’hui sur l’école historique du xviie siècle, que feu le chevalier de Saiily appelait spirituellement l’École des Droits du Roi. Aussi bien, depuis cette époque, a-t-on trop constamment cherché à faire tout émaner de la puissance souveraine, à classifier, à son profit ce qui auparavant était libre, indécis et non rangé de force dans une catégorie déterminée : la hiérarchie des grades nobiliaires et des ornements accessoires des Armoiries a été bel et bien organisée par Napoléon ier, puis, non pas corrigée, mais revue et considérablement augmentée par Louis xviii. Sans doute, ce qui est défini, proprement catalogué, facile à comprendre et à retenir, plait à la masse ; elle s’imagine que tout cela est fort ancien, et qu’il en a toujours été ainsi ; mais l’historien, s’il étudie sérieusement le passé, reconnaît rapidement que les choses ne sont pas aussi simples.

Les Armoiries sont évidemment nées des emblèmes militaires et des figures qu’offraient les écus ou boucliers ; de même que les fiefs, ces Armoiries devinrent héréditaires ; cependant leurs possesseurs pouvaient les changer et les modifier de toute manière, sans que le pouvoir souverain intervint autrement qu’à titre tout à fait exceptionnel.

Après les chevaliers et à leur imitation, les corporations et les communautés urbaines eurent leurs Armoiries ; les concessions royales, si nombreuses qu’elles soient, ne nous paraissent pas porter atteinte au principe de la liberté : elles étaient accordées par faveur et non de droit rigoureux. La prétention à la noblesse est indiquée, non par le port de l’écu, mais par certains ornements extérieurs ; nous ne connaissons pas de lois anciennes qui interdisent aux roturiers de faire usage de l’écu armorié ; Louis xiv admit même les roturiers à faire enregistrer leurs armes, moyennant 20 livres ; la concession héraldique de Charles VII aux bourgeois de Paris est remarquable, non parce qu’il leur permet de porter des Armoiries, mais parce qu’il les autorise à timbrer l’écu.

Nous ne voyons pas que le droit de toute communauté de bourgeois — et, pour ce qui est de l’époque actuelle, de toute commune ou municipalité — à porter des Armoiries et à les faire composer à son gré, ait jamais été contesté (nous mettons de côté, naturellement, les temps révolutionnaires). Rien, à part les cas exceptionnels, ne prouve que les Armoiries des villes françaises émanent du pouvoir royal ; bon nombre forment des jeux de mots, comme le lion de Lyon, les rats d’Arras, les rinceaux de Reims, etc. ; dans le duché de Lorraine, nous ne voyons guère que les communautés de Nancy, de Saint-Nicolas et peut-être de Laveline, qui aient fait usage d’Armoiries antérieurement au xviie siècle ; mais les nombreuses communautés qui furent invitées aux pompeuses funérailles du duc Charles iii (1608), donnèrent à leurs députés un écu héraldique pour être porté à la cérémonie ; il ne semble pas que l’autorité souveraine se soit occupée de la composition de tous ces blasons, puisque quelques-uns ont été plus tard modifiés.

Nous croyons donc que toute commune ou municipalité a le droit de faire usage d’un écu héraldique et de le composer à son choix. Il est évident, d’ailleurs, qu’on devra toujours préférer les Armoiries les plus anciennes et, à défaut d’un vieil écu communal, celui des plus anciens seigneurs qui ont porté le nom du lieu. Au cas d’absence d’Armoiries anciennes, il est nécessaire de consulter les historiens compétents, ainsi que la Société savante du département ou de la province. Nous rejetons en principe les ornements extérieurs, sauf existence d’une concession souveraine ou d’un usage antérieur à la Révolution ; nous sommes surtout sans pitié pour les couronnes murales, fâcheuse invention de Napoléon ier, qui n’est pas légitime dans son principe, car une communauté de bourgeois n’a point conquis la ville, et qui donne lieu à toute sorte d’abus.

Telles sont nos idées personnelles, résumé de recherches qui pourraient former la matière d’un fort volume ; nous les soumettons à l’examen et à la contradiction des collaborateurs compétents. (Vandémont. — L’Intermédiaire des chercheurs et des curieux, année 1886).

Il y avait autrefois dix-huit espèces particulières d’Armoiries :

Armoiries de sang ou de nom. — Celles qui provenaient des aïeux paternels en ligne directe légitime.

Armoiries d’alliance. — Celles où l’on voyait un ou plusieurs quartiers provenant des aïeux maternels.

Armoiries de succession. — Celles dont on use par droit de succession, à défaut d’héritiers du sang.

Armoiries substituées. — Celles d’une famille éteinte dont on est chargé de prendre le nom et les armes.

Armoiries de concession. — Celles qui ont été octroyées par un souverain.

Armoiries d’assomption. — Celles que l’on a ajoutées à un quartier pour perpétuer le souvenir d’une action honorable.

Armoiries de domaine ou de possession. — Celles où l’on fait entrer divers quartiers qui chacun renferme les armes d’un pays ou d’un domaine que l’on possède.

Armoiries pleines ou primogènes. — Celles qui appartiennent exclusivement aux chefs de la branche aînée.

Armoiries brisées, pour les cadets, et diffamées pour les enfants naturels.

Armoiries de communauté. — Celles qui appartiennent aux femmes mariées, et qui doivent s’accoler du côté gauche à celles de leur mari, sous la même couronne, avec les mêmes tenants ou supports.

Armoiries bénéficiales. — Celles qui sont affectées à la possession d’un fief ecclésiastique.

Armoiries de congrégation. — Celles qui appartiennent à un ordre de chevalerie, à un ordre monacal, etc.

Armoiries de corporation. — Celles qui appartiennent à un corps, comme les académies, les universités, les gildes, etc.

Armoiries expectatives. — Celles des domaines dont les possesseurs, dans l’ancien empire d’Allemagne, s’étaient engagés solennellement à laisser leur succession au survivant d’entre eux, dans le cas de décès sans enfants, ni successibles.

Armoiries de prétention. — Celles que portent concurremment deux hommes qui prétendent à la propriété ou à la possession du même domaine.

Armoiries à l’enquerre. — Celle où il y a une infraction aux règles du blason, par exemple, métal sur métal ou couleur sur couleur. On doit s’enquérir du motif historique de cette dérogation.

Armoiries fausses. — Celles qui sont composées contre toutes les règles de l’art héraldique.


définition tirée du Dictionnaire archéologique et explicatif de la science du blason - Comte Alphonse O’Kelly de Galway, 1901