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Carrouges


Pays de bocage, dans la campagne d’Alençon. La commune se situe dans le parc naturel régional Normandie-Maine.

Histoire

  • Au Moyen Âge, la paroisse de Carrouges fait partie du doyenné d’Asnebec.
  • En 1490, sous le Roi Charles VIII, Jean de Blosset, seigneur de Carrouges et grand maréchal de Normandie, fonde sur ses terres, auprès de son château, une collégiale (dédiée à Notre-Dame du Bon Confort) composée de six chanoines prébendés « à la nomination du seigneur qui était aussi le collateur des bénéfices ». Ces prébendes sont estimées en 1698 à 200 livres, dans le Mémoire de la Généralité d’Alençon établi par l’intendant M. de Pommereuil.

Il est également précisé en 1698 qu’une juridiction appelée « grenier d’impôt » (en rapport avec la gabelle payée sur le sel) est située à Carrouges.

  • Au XVIIIe siècle, dans la description de la généralité d’Alençon (subdivision : Élection de Falaise) il est noté : « les forges de Carrouges, de Rânes, du Champ-de-la-Pierre et de Cossé occupent une bonne partie des habitants des paroisses voisines ».
  • Au moment de la Révolution française de 1789, la commune s’appelle « Carrouges-la-Montagne ».
  • Au mois d’août 1944, occupée par les forces allemandes, la ville est délivrée par les troupes de la 3e division blindée américaine, suite au courage du maire M. Geslain qui, après s’être libéré des soldats allemands qui l’avaient arrêté, indiqua les positions des Allemands aux Américains.

Lieux et monuments

Le château de Carrouges

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Château fondé au XIVe par Jean de Carrouges, reconstruit après la guerre de Cent Ans par Jean Blosset puis agrandi et embelli par la famille Le Veneur jusqu’au XVIIe siècle.

L’ancienne chamoinerie du château, le "Chapître", abrite désormais la Maison du Parc, siège du parc naturel régional Normandie-Maine. Une exposition portant sur les particularités du parc peut y être visitée et des expositions temporaires sont régulièrement organisées.

Il fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques [1] depuis décembre 1927.

La légende de la Fée de Carrouges

Le Château de Carrouges est une forte belle demeure dont certaines parties remontent au XIVe siècle, et sont le fait du chevalier Jehan IV de Carrouges. Après la Guerre de Cent Ans, le grand Sénéchal de Normandie, Seigneur du lieu, Jehan Blosset, époux de l’héritière de Jehan IV, y reçut le Roi Louis XI qui l’avait fait chef de sa garde rapprochée.

Cent ans plus tard, Le Comte Tanneguy Le Veneur, héritier de Marie Blosset, y accueillit la reine Catherine de Médicis et ses jeunes enfants François II, Charles IX et Henri III, en chemin vers le Mont-Saint-Michel. Cette noble famille Le Veneur occupera, aussi bien sous la Monarchie, l’Empire que sous les Républiques, de très hautes fonctions et charges même épiscopales.

Cependant c’est bien avant cette époque que se déroula cette triste affaire qui ensanglanta le blason des seigneurs du lieu.

Cette histoire donna lieu à moult dits, odes ou déclamations de ménestrels et devint, du fait, cette légende de la Fée de Carrouges qu’aimaient à raconter au cours des banquets et des tournois, les Seigneurs du Comté, tels Jean II d’Alençon (Valois) « Le gentil Duc de Jeanne d’Arc » dont l’historiographe était le mari d’une Dame de Carrouges.

Le Comte Ralph, Seigneur de Carrouges, était un beau et valeureux chevalier chargé de défendre le Duché de Normandie contre les invasions éventuelles des Angevins ou des Seigneurs du Maine, ses voisins, via le poste frontalier qu’était son château fort. Il avait épousé la fille d’un seigneur voisin, la comtesse Louise de la Motte-Fouquet, fort jolie du reste et parée de toutes les qualités du cœur et de l’esprit. Et après huit ans de mariage, une seule chose ternissait leur bonheur : « Elle ne lui avait point encore donné d’enfant ».

Aussi, quelle ne fut pas la joie de Ralph à l’annonce de la grossesse de son épouse ! Il décida sur-le-champ de convier tous les seigneurs voisins et ses amis chevaliers à venir festoyer quelques jours au château pour marquer l’évènement.

Au programme, chasses sur ses terres, détentes et ripailles, jeux, jongleries et ménestrandie. Le dernier jour, le Comte décida d’une grande chasse au gros gibier qui durerait jusqu’au soir. Dès l’aube, les veneurs, cors en bandoulière, avaient découplé les chiens. Ceux-ci flairèrent rapidement une piste et levèrent un dix-cors rusé et agile ; le genre de cerf qui met à l’épreuve la résistance et l’habileté des chasseurs. Au bout du jour, ces derniers, épuisés, abandonnèrent les uns après les autres la poursuite afin de ne pas rater l’ultime banquet.

Seul, le comte Ralph, obstiné et fier, ne s’avouait pas vaincu et poursuivait le dix-cors qui l’emmena aux confins de la forêt de la Motte. Il finit par se retrouver au fond d’une vallée sauvage et fraîche où coulait une petite rivière que le comte suivit et qui l’amena bientôt au milieu d’une clairière plantée de grands arbres en quinconce autour d’une petite chapelle.

Il faisait se désaltérer son destrier à l’eau de la fontaine qui murmurait juste derrière l’édifice quand il perçut des bruits sous les feuillages. Promptement il enfourcha sa monture : « Il le ramènerait coûte que coûte, son dix-cors, en l’honneur de son futur héritier ! Il était déjà venu à bout d’ennemis bien plus redoutables ! pensa-t-il. Le cerf semblait remonter le cours du ruisseau et s’enfoncer aux creux de gorges dont les berges devenaient difficilement praticables. Des blocs éboulés venant des escarpements rocheux où semblaient se lover des grottes, rendaient le terrain trop pénible aux sabots de son cheval. Ralph mit pied à terre tout en s’extasiant sur la splendeur sauvage de ce coin de forêt que son épouse avait négligé de lui faire découvrir. Il songeait à lui en faire la remarque quand un murmure cristallin attira son attention. Il remarqua des nuées légères s’élevant au milieu d’un bassin de fortune et distingua une ravissante créature qui s’y baignait en chantant et dansant joliment dans les vapeurs chaudes. C’était un enchantement de la voir ainsi onduler avec souplesse et grâce et le comte fut aussitôt charmé. Aussi, quand la déesse des eaux l’aperçut et l’invita à venir la rejoindre, sans hésitation, Ralph se laissa entraîner, ravi, dans le tourbillon des eaux.

Quand Ralph revint au château, une frange dorée à l’Orient annonçait le lever du soleil. Il expliqua à son épouse en pleurs, qu’il avait dû passer la nuit dans la chaumière d’un bûcheron après s’être égaré en suivant son cerf. Seulement, le soir venu, il courait déjà rejoindre en secret l’enchanteresse. Pendant un temps il put s’échapper sans que nul n’en sache rien, mais une nuit, Louise fut prise de douleurs et pria ses servantes d’aller quérir son mari et l’on découvrit sa couche vide. Intriguée et inquiète, le soir suivant, la comtesse fit le guet et constata les escapades nocturnes de son époux. Elle résolut de le suivre et découvrit son infortune.

La jalousie l’envahit aussitôt mais elle attendit que la nymphe se retrouve seule pour jaillir et la poignarder en plein cœur. Sa rivale émit un long gémissement tout en la maudissant et s’écroula dans la fontaine avant de disparaître dans les nuées blafardes.

Satisfaite, la châtelaine regagna promptement sa demeure pour y découvrir avec stupeur que son époux venait d’être retrouvé sans vie dans sa chambre, une fine blessure dans la poitrine. Louise fut au désespoir. Des fièvres ardentes au cours desquelles elle prétendait qu’une tache rouge l’aveuglait, troublèrent son sommeil et au matin elle accoucha d’un fils, beau comme son père, mais avec une tache rouge au milieu du front. C’était la marque de la malédiction. Celle-ci frappa les héritiers de Ralph et de Louise jusqu’à la septième génération. La naissance d’une fille à qui la tache fut épargnée, mit fin à la malédiction.

On dit que le nom de Carrouges viendrait de : car rouge « chaire rouge », en souvenir de ces événements. Mais la véritable étymologie du nom "Carrouges" serait plutôt « quadrivium », qui signifie carrefour.

La famille de la Comtesse de la Motte-Fouquet, convertie à la religion réformée, émigra en Allemagne pour fuir les exactions de la Sainte Ligue pendant les guerres de religion. Friedrich de la Motte-Fouquet, auteur romantique allemand du XVIIIe siècle est un descendant de la famille de la comtesse à laquelle il dédia son ode « Ondine » dit-on.

Personnalités liées à la commune

  • Jean Le Veneur de Tillières (fils de Philippe Le Veneur, baron de Tillières et de Marie Blosset, Dame de Carrouges, décédé en 1543) : évêque-comte de Lisieux en 1505 - Lieutenant général au gouvernement de Normandie - Grand aumônier du roi François Ier en 1526 - Cardinal en 1533.
  • Le père Isidore Métayer (Carrouges, 1827 —- Lien-Chan, Chine, 1881). Missionnaire apostolique en Mandchourie, il consacra sa vie à la protection et à l’éducation des enfants orphelins.
  • Michel Le Royer : comédien et metteur en scène né à Carrouges le 31 août 1933. Ancien pensionnaire de la Comédie-Française, devenu célèbre grâce au feuilleton télévisé Le Chevalier de Maison-Rouge diffusé en 1963, il dirige aujourd’hui le cours de théâtre La Récréation à Lyon (6e). Il met aussi son talent au service de doublages de films de télévision ou de cinéma. Il est entre autres la voix de David McCallum dans la série américaine NCIS : enquêtes spéciales et celle de Terry O’Quinn dans la série Lost, les disparus.
  • Pierre-Jean Launay (1900 à Carrouges - 1982), écrivain, lauréat du prix Renaudot en 1938.

Notes

[1] Notice no PA00110758, sur la base Mérimée, ministère de la Culture