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Les fiefs de Gréville


La paroisse de Gréville-Hague comprenait sous l’Ancien régime au moins 5 fiefs principaux :

  • Le fief de Gruchy
  • Le fief du Val Ferrand
  • Le fief de la Haulle
  • Le fief de Gréville (ou fiefferme)
  • Le fief de Saint-Nazaire

Les propriétaires de ces fiefs dont les noms nous sont connus sont les suivants : [1]

Le Fief de GRUCHY Il était jusqu’à la guerre de Cent ans l’apanage d’une famille de GRUCHY (ou GROUCHY).

Le 3 mai 1423 Colin Du Bosc, esc., marié à Jeanne de Gruchy, s’intitulait sr de Gruchy dans un acte de fieffe d’héritage passé au profit de Germain CANOVILLE par 40 sols 6 pains et 2 guelines de rente foncière. Le même faisait en 1452 donation aux prêtres de Gréville du montant de la rente foncière due par Robert MOSQUERON auquel avait été fieffée une pièce de terre.

En 1505, Robert de MANNEVILLE vendit le fief noble, terre et seigneurie de Gruchy à Rauld LE BOURGEOIS, esc., ainsi qu’il ressort de l’inventaire après décès de Joachim LE BOURGEOIS, esc., sr de Gruchy en 1730. Ce dernier n’ayant que des filles à lui succéder, le fief passa dans la famille du SAUSSAY par suite du mariage le 22 janvier 1743 de Michelle-Bonne-Jacqueline LE BOURGEOIS avec loxel du SAUSSY. Leur fils Floxel-Henry du SAUSSAY de GREVILLE marié le 3 messidor an II à Julie-Françoise-Eulalie FOLLIOT d’Urville sera plus tard maire de Gréville.

A noter que le 29 avril 1707 les nombreux descendants de Germain CANOVILLE amortissaient entre les mains de Joachim Le Bourgeois la rente provenant de la fieffe de 1423.

D’autre part en 1664 Jean DUBOSC, esc., sr de la Croutte (fils de feu Richard) et ses fils, Richard et Nicolas, reconnaissaient la donation faite en 1452 par leurs lointains ancêtres et la confirmaient. En 1668, Richard Dubosc faisait donation de la totalité de ses biens immobiliers à Louis ANDRE tout en gardant l’usufruit. Après quoi les Dubosc disparaissent de Gréville.

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Sur le plan de la géographie il est remarquable de constater que la ferme dite fief de Gruchy est située à la lisière Sud de la commune tandis que le hameau de Gruchy surplombe la falaise au Nord. Ce hameau relevait sous l’Ancien régime soit du fief de Saint-Nazaire soit du fief de Gréville. Tandis que le fief de Gruchy s’étendait de la Quiesce au hameau Sanson et le moulin seigneurial est connu sous le nom de moulin Esterlingot.

Le fief du VAL FERRAND

Relevant de la Baronnie d’Orglandes il semble avoir été de toujours l’apanage de la famille HEUZEY. A ce propos le comte de Blangy, dans son ouvrage consacré à la Généalogie du sire de Gouberville, raconte comment d’après une légende, Robert le Diable battu en tournoi par Hubert HEUZEY, lui aurait " fait don de son cheval ledit Hubert envoya en son manoir en Cotentin ; par ce , fut nommé le Val ferrand dont il prit le nom, et , encore à présent, est possédé en titre de fief noble par ceux du nom de HEUZEY ".

Dans son journal Gilles de Gouberville relate la visite qu’il fit au " Vaufferant " pour voir le bâtiment que Monsieur l’official de Valognes Guillaume HEUZEY y faisait construire. " Nous y trouvâmes missire Guillaume BIRON venu et maître LOYS et un manouvrier qui besognait sur la porte, auquel je donnai II sols ". Une chapelle dédiée à Saint Pierre y fut aussi aménagée et un chapelain doté. [2]

A une date non connue la seigneurie du Val Ferrand passa entre les mains des Grimouville, puis vers 1682 dans celles de Bon-Thomas CASTEL marquis de Saint-Pierre-Eglise qui en fit vente le 3 mai 1699 à Robert TROISEMAINES agissant pour le compte de Jean-Baptiste GUEROULT esc., sr de Ricquemer, marié depuis peu de temps à mademoiselle Charlotte de SURTAINVILLE, et qui cherchait un fief noble pour s’y installer avec sa jeune épouse.

En 1704 Jean-Baptiste GUEROULT amortissait des rentes foncières dues à la suite d’un contrat de fieffe consentie par Jean LEDUC, le capital d’amortissement étant versé par Guillaume LEDUC.

Par succession le fief revint aux HERVIEU, sr de Villars, qui en étaient toujours propriétaires à la révolution.

A ce fief était attaché un moulin seigneurial qui, reconstruit sous la Restauration par les Paris, nouveaux propriétaires, est devenu ma propre demeure.

Le fief s’étendait en remontant la vallée de la Sabine vers le Sud.

Le fief de la HAULLE

Selon le Comte de BLANGY ce fief aurait été aussi l’apanage de la famille HEUZEY. C’était une noble tenure à cour et usage, avec manoir et domaine et il se relevait de la baronnie d’Orglandes par un quart de fief de haubert.

En 1616, épousant Marie de MATHAN, Robert LE BOURGEOIS, esc., s’intitulait seigneur d’Héauville, Siouville, Helleville, Biville et de la Haulle à Gréville.

En 1650, Jacques DES MOUSTIERS, esc., nommé trésorier de la paroisse de Gréville est dit seigneur de la Haulle. Il exerce en outre les fonctions de tuteur de son neveu Jacques DES MOUSTIERS, esc., seigneur et patron de Neufmesnil.

Ce fief continua d’appartenir à la famille DES MOUSTIERS jusqu’au 10 septembre 1734, date à laquelle ayant épousé Marguerite DES MOUSTIERS, fille et seule héritière de feu Jean DES MOUSTIERS, esc., seigneur et patron de Neufmesnil et de la Haulle, Jacques-Robert LE SENS, aussi seigneur et patron de Bretteville-sur-Ay, fit vente à Jean FEUARDENT, esc., seigneur et patron d’Eculleville, du fief noble, terre et seigneurie de la Haulle relevant de la seigneurie de Magneville et ne comprenant plus comme domaine non fieffé que le " pré du Sujet " de 2 vergées. Par contre le domaine fieffé était constitué de nombreuses rentes foncières, tant en nature qu’en argent. Le tout pour un prix total de 3 559 livres 12 sols 6 deniers.

Après avoir clamé ce contrat au nom de son fils mineur, et récupéré le fief, Jacques-Robert LE SENS en fit à nouveau la vente à noble dame Marie de HANNES, veuve de Guyon de LORIMIER, le 14 septembre 1738, pour 5 364 livres, quittement et franchement venant au sieur de Neufmesnil.

Cette action en clameur ayant été jugée frauduleuse au bailliage et haute justice de Bricquebec, le dit fief revint définitivement en la possession du seigneur d’Eculleville le 30 juin 1740.

Au contrat de mariage passé le 18 novembre 1783 entre Jean-Marin FEUARDENT, esc, officier des vaisseaux du Roy, et noble damoiselle Guillemine de CIGAULT de belfonds, la sour du futur époux Jeanne-Rose FEUARDENT signait avec conviction DE LA HAULLE FEUARDENT (belle signature d’homme commente Monsieur Durand de St-Front en publiant le texte de ce contrat de mariage).

De ce fief noble relevaient notamment les ruines du manoir de la Haulle et le tènement des Basses-Portes que Jacques-François LE SENS avait vendu à Guillaume LE DUC le 6 septembre 1720 au prix de 10 000 livres. Les hameaux NEEL étaient aussi rattachés à ce fief.

Le fief de GREVILLE

Il semble que ce fief (ou fiefferme selon les contrats) fut aussi l’apanage de la famille HEUZEY, car c’est en 1653 que le marquis de la MAILLERAIE en devenait propriétaire à la suite de la vente qui lui en fut faite par noble damoiselle Barbe HEUZEY, veuve FAFFIN ;

En juillet 1687 les créanciers du feu marquis de LA MAILLERAIE le vendirent à Bon-Thomas CASTEL marquis de Saint-Pierre-Eglise qui le 17 octobre 1700 en faisait échange au profit de Jean-Baptiste LESDOS chevalier seigneur de la Rivière.

Le 29 décembre 1733 Thomas-Aimable-Nicolas de LESDOS, son fils et unique héritier, vendait à Noble dame Marie de HANNES, veuve de Guy de LORIMIER, le fief noble, terre et seigneurie de Gréville. Le domaine non fieffé se consistait en l’emplacement d’un moulin en ruine dit moulin de la Sabine ou moulin de Gréville, et du jardin potager l’entourant, servant de glèbe, et en rentes diverses. Etaient aussi vendus par le même contrat l’ensemble de la ferme du lieu de Gréville louée à Guillaume DUVAL ainsi que des rentes foncières à recevoir de la dame de Gruchy.

Les définitions précises des glèbes respectives des fiefs de Gréville et de la Haulle furent fixées en 1753 à la suite d’un long procès entre les FEUARDENT d’Eculleville et les LORIMIER.

LE 21 OCTOBRE 1764 Guy de LORIMER cédait à Noble dame Jeanne-Jacqueline de BORAN, veuve de Jean-Hervé MANGON, les rentes foncières dues par la dame de GRUCHY pour 2000 livres, et, le 29 mai 1768, il vendait la ferme du lieu de Gréville à Marin DUVAL par 670 livres de rente et 11 000 livres comptant.

Puis le 6 août 1770 il cédait à Jacques-François FEUARDENT seigneur et patron d’Eculleville ledit fief noble de Gréville.

Mais le 24 octobre 1771 le seigneur d’Eculleville dut remettre ce fief à Guy-Maurice-Parfait de LORIMIER, fils du dit vendeur, qui avait clamé cette vente à droit lignager le 3 avril précédent. A la veille de la Révolution la famille de LORIMIER possédait toujours ce fief.

Le fief de SAINT-NAZAIRE

Tout porte à croire que ce fief appartînt à une famille de Saint-Nazaire jusqu’à la fin du XIVe siècle, car le 16 septembre 1395 Jehan de Saint-Nazaire en rendait aveu à Jehan du HOMMET, sr de la Varengère.

Mais en 1460 c’est Pierre d’Ozouville qui en faisait l’aveu à Richard de TOLLEVAST alors sr de la Varengère. Il ne devait pas le garder longtemps car trois ans plus tard il en faisait vente à Colin DU MONCEL pour pouvoir lever une compagnie de lances au service du Roy lors des guerres que Charles VII menait contre les Anglais. Cette vente est datée du 6 décembre 1463.

Jacques DU MONCEL beau-frère de Gilles de Gouberville, en était propriétaire au 16e siècle, et le fief resta dans la descendance de cette famille jusqu’à la Révolution. Son titulaire en était alors André de HENNOT, esc., qui habitait Octeville-l’Avenel.

Passée par mariage dans la famille de BLANGY, la ferme de Saint-Nazaire fut achetée dans le courant du 19e siècle par un membre de la famille PARIS d’Urville ; elle est restée dans cette famille depuis lors.

Non loin, dans un clos, s’élève la chapelle Saint-Nazaire fondée dans les premières années du XIIIe siècle et qui fut restaurée à la fin du même siècle par Jehan d’Ozouville et son frère Thomas, prêtre, auquel la garde fut confiée.

Si l’on en croit Jean FLEURY, elle aurait été le cadre, au siècle dernier, d’une de ces messes de revenants si fréquentes dans les légendes, où elles expriment une promesse qui n’a pas été tenue, une messe qui n’a pas été dite.

Elle sert maintenant de grange

C’est un petit édifice roman à paroi, très épaisses, surmonté d’un campanile. Il n’y a pas de contreforts mais au quatre coins les pierres des deux murs s’entrecroisent en dehors de l’angle, comme les troncs d’arbre dont se composent les isbas russes. Sur l’écusson qui surplombe la porte romane figurent les armes des d’Ozouville (de gueules au pal fiché d’argent accompagné de 6 losanges de même).

Le Lieu Bailly

Au 16e siècle s’élevait à cet emplacement un manoir dont il reste une belle et majestueuse tour carrée, accotée au Nord par une grange et un four de boulangerie. Y habitaient alors Jacques HEUZEY, esc., sr du Vieil manoir, et son épouse Perrette LE BRETON dont la pierre tombale de très belle facture peut être admirée à l’entrée du chour de l’église de Gréville. Elle fut gravée à la demande de leur fils Nicolas HEUZEY, esc., qui occupait les fonctions de bailli à Bricquebec et dut quitter Gréville pour ce chef-lieu. Le manoir devint une ferme louée à des fermiers et son emplacement fut appelé le lieu au Bailly. Les propriétaires en étant toujours les descendants de Nicolas HEUZEY.

En 1705 la ferme du Lieu Bailly fit l’objet d’un partage entre ses trois petites filles et dernières héritières :

Françoise HEUZEY épouse de Henri GIRET, Eléonore HEUZEY, Marie HEUZEY épouse de Robert JACQUEMIN, sr de la Dune

Dans le courant de l’année 1710 ces trois filles HEUZEY, indépendamment les unes des autres, fieffèrent leur part à Martin DUVAL marié à Etiennette LE DUC qui de ce fait devinrent propriétaires du lot entier, " et il était bien entendu que les preneurs se prévaudraient des droits et prérogatives appartenant à la dite damoiselle Marie Heuzey à la chapelle des Apôtres de l’église de Gréville et conséquemment contribueront à l’entretien d’icelle suivant qu’elle peut y être par son dit partage, sans toutefois préjudicier à ses droits de séance et sépulture pour elle et héritiers sortis d’elle.. "

Un nouveau partage eut lieu le 18 juin 1722 entre leurs 3 fils. Guillaume, Claude et Jean DUVAL.Outre la terre du Lieu Bailly,la famille DUVAL possédait alors une ferme sise à la Rue de Gréville acquise en 1666 ainsi que des terres à la fosse Yvon qui lui avaient été fiefées en 1616 par l’Abbaye Notre-Dame de Vou de Cherbourg.

Aussi le Lieu Bailly fut-il seulement partagé en 2 lots :

A Guillaume DUVAL l’aîné revint " une maison nommée la Boulangerie ", le cabinet et la volière de dessous et de dessus, la montée de la première partie avec la liberté de faire couvrir et réparer la dite volière par-dessus la couverture des mesnages du premier lot aux moindres frais que faire se pourra. Item l’office ou dépanse d’avec la salle, dont la porte qui vient de dedans la première partie sera bouchée et maçonnée à commun frais, avec aussi le petit appartement dans lequel est le four.Item un autre tènement de maisons nommé la chambre du manoir qui se consiste en une grange et une étable au bout.etc.. "

A Jean DUVAL dit les Fontaines revenait l’autre lot du Lieu Bailly tandis que Claude DUVAL prenait la ferme de la Rue de Gréville.

Cette séparation de Lieu Bailly en deux parties, définie par ce partage en 1722, est toujours valable.

Le lot de Jean DUVAL, restauré au cours du 19e siècle et agrandi par Pierre DUVAL, été acquis par la famille LE COSTEY.

L’autre lot, celui de Guillaume DUVAL, passa à son fils Marin DUVAL du Milly, père de 10 enfants, qui dut agrandir son lot de manière appréciable (l’un de ses fils Jean-François DUVAL fut député de Cherbourg à l’Assemblée législative et j’en ai écrit la vie).

Ce lot échut à sa petite-fille Bernardine DUVAL, fille de Bon-Marin, puis par le jeu des successions à ma mère, qui en fit la vente en 1911 à Monsieur et Madame Louis LEROUX déjà propriétaires, de la ferme Saint-Nazaire, dont ils avaient hérité. Madame LEROUX était née à Paris.

Plus tard leur fils, célibataire, en fit vente aux HAMELIN qui en étaient les fermiers et qui en sont toujours propriétaires.

A voir au Lieu Bailly : la Fontaine de l’entrée et une forte belle cheminée Renaissance dans la salle du lot LE COSTEY-FLEURY.

Autres lieux-dits de GREVILLE

Le hameau de GRUCHY où naquit et passa sa jeunesse le peintre Jean-François MILLET.

A l’extrême opposé se trouve le FIEF de GRUCHY ancienne demeure des LE BOURGEOIS. Jean FLEURY en fait la demeure d’une célèbre demoiselle qui était magicienne et connaissait le moyen de se changer en toutes sortes d’animaux à ce qu’en dit la légende.

Le HAMEAU LE DUC. En venant du hameau de Gruchy on y accède par une route d’où la vue vers Omonville est superbe. Autrefois appelé hameau de Turgis, on y retrouve deux belles et anciennes fermes et un manoir du 19e siècle.

Le HAMEAU NEEL (autrefois de la Fontaine). Du nom d’une famille NEEL qui en était propriétaire au 17e siècle.

Le LIEU BIENVENU qui relevait du fief de Gruchy et fut vendu le 9 novembre 1712 par Joachim LE BOURGEOIS à Pierre HENRY, Jacques FLEURY et Thomas COUSIN au prix de 7500 livres.

Le HAMEAU aux FEVRES complètement détruit lors d’un bombardement des Anglais en 1944. Très joliment reconstruit.

La QUIESCE et le HAMEAU COUSIN où l’on trouve de jolies demeures dont certaines du 18e siècle.

La RUE de GREVILLE où subsiste toujours la ferme acquise en 1666 par les DUVAL.

Enfin dans le cimetière de l’Eglise l’épitaphe gravée sur la tombe de Jean FLEURY mérite la lecture.

Par A. de LACROIX de LAVALETTE pour la société d’architecture de la Manche

Notes

[1] Les indications proviennent des tabellionnages de Vauville, le Hague-Dick, et Beaumont. Peut-être y avait-il une petite extension de la seigneurie d’Eculleville sur Gréville du côté de St-Nazaire.

[2] Des pierres éparses provenant de cette chapelle se trouvent encore au Val Ferrand.